Poesie Helene Marcotte University of Toronto Quarterly, Volume 74, Number 1, Winter 2004/2005, pp. 48-63 (Article) Published by University of ...
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Poesie Helene Marcotte University of Toronto Quarterly, Volume 74, Number 1, Winter 2004/2005, pp. 48-63 (Article) Published by University of Toronto Press DOI: https://doi.org/10.1353/utq.2005.0148 For additional information about this article https://muse.jhu.edu/article/180624 [ This content has been declared free to read by the pubisher during the COVID-19 pandemic. ]
48 lettres canadiennes 2003 Poésie HÉLÈNE MARCOTTE Ce survol de l’année 2003 en poésie s’est effectué à partir du principe suivant : « parlons peu, parlons bien ». J’ai donc moins cherché à établir un inventaire exhaustif de la production de l’année, écorchant au passage les recueils aux défauts plus ou moins accusés, qu’à rendre compte des textes qui viennent hanter, habiter le lecteur, bien après que le volume soit refermé. Ce faisant, j’ai aussi tenté d’esquisser les grandes préoccupations qui ont orienté l’écriture des auteurs retenus en insérant certains sous- titres, bien consciente toutefois qu’un même recueil aurait pu figurer dans deux ou trois des sous-divisions ici présentées. UNE VOIX D’OUTRE-TOMBE Difficile de résister à la tentation de commencer cette revue de l’année 2003 par le recueil posthume de Gaston Miron (1928–1996), Poèmes épars (l’Hexa- gone), publié par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu. Les amateurs de poésie se demandent depuis longtemps, pour reprendre les propos de l’excellente préface de Pierre Nepveu, « si L’homme rapaillé n’était pas la partie visible d’une «uvre largement immergée ou si, du moins, le poète ne gardait pas dans ses tiroirs quelques poèmes importants jugés encore imparfaits ». Malheureusement pour eux, ce n’est pas le cas. Le recueil regroupe une cinquantaine de pièces de vers, soit l’ensemble des poèmes écrits et publiés de façon éparse entre 1947 et 1995, en plus de quelques pièces inédites retrouvées en grande partie dans les archives personnelles du poète. Mise à part la suite poétique de douze poèmes, intitulée « Femme sans fin », qui constitue probablement la meilleure partie du recueil, Poèmes épars offre au lecteur de courts poèmes, à teneur intimiste pour la plupart, qui révèlent un être spontané, sensible, éminemment ouvert aux autres. Le recueil présente un intérêt indéniable tant pour les chercheurs que pour les irréductibles de Miron. Ils y trouveront non pas l’ampleur ni même la profondeur des textes de L’homme rapaillé, qui ont valu à l’auteur l’appella- tion « Miron le magnifique » (Jacques Brault), mais un complément appréciable à une «uvre exemplaire. L’AMOUR, LA POÉSIE Au Miron de l’amour qui hante les Poèmes épars, pourquoi ne pas faire succéder un recueil aux accents justement mironiens : Ailleurs les lunes de David Bergeron (Écrits des Forges). Le recueil rend compte d’un périple vers un lieu utopique où l’amour pourrait s’épanouir : university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 49 Je ne recule plus j’avance à tâtons dans ma vie venteuse où je te verrai bien un jour de nuages blancs de loin les tempêtes et les brouillards apeurants je les prendrai de court de force pour t’en détourner jusqu’à l’emportement du monde et je te recevrai comme une lettre que l’on n’attend plus tu diras mon nom celui que tu préfères et on déménagera ma vie dans la tienne à bout de bras on charriera des lames de neige pour nous donner du nord un point de repère si on se perd encore. Alors même que le voyageur n’est qu’espoirs angoissés et incertitudes (« Je t’écris de toutes mes forces / pour te dire que le mieux que je puisse faire / ne sera pas assez / qu’être homme ne vaut pas plus qu’un rêve / et tu sais ce que l’on fait aux rêves »), que le monde autour semble inhospitalier, l’aspiration à un ailleurs fabuleux demeure et transcende le présent. Le décor traversé n’est qu’un tremplin vers demain, lieu des retrouvailles et du retour désespérément souhaité de l’amoureuse, « ma tant attendue », « mon amourachée ». Le rythme de l’écriture est rapide et enlevant ; un souffle presque épique traverse cette poésie frénétique, marquée par l’oralité. La fougue de l’amoureux, qui convoque à la fois Nelligan et Shakespeare, s’amusant au passage à renouveler certaines expressions toutes faites, séduit littéralement. Avec L’inconscient du soleil (Les Herbes rouges), José Acquelin s’aban- donne à une méditation sur l’amour et la mort dans une écriture qui cède parfois l’initiative aux mots et se rapproche de l’automatisme. La distance prise par le sujet face à ses propos, que favorise le contexte d’énonciation (voyage au Mexique), prend la forme d’une ironie douce-amère. La hantise de la mort plane sur le quotidien de l’être qui, par la sexualité et l’écriture surtout, s’en éloigne à moins qu’il ne s’en rapproche et ne l’accepte tout simplement : « Plus je t’aime, moins j’ai peur de la mort ». À l’exception de la dernière partie qui présente de courts textes en prose, les poèmes sont presque exclusivement construits sur des quatrains de longueur variée. Cette monotonie de la forme montre bien que la poésie est ailleurs, dans cette pensée qui prône simplicité et détachement, dans cette sensibilité tout orientale : c’est une nuit comme toutes les vies dont aucune ne se ressemble [...] je suis souvent seul comme ça avec le monde pour m’habituer à aller nulle part university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
50 lettres canadiennes 2003 sauf vers le lit les bouches et l’inconscient du soleil C’est un homme libéré ou, à tout le moins, en voie de se libérer des contingences de la vie qui nous est présenté, l’amour même devenant « détachement ultime ». Une poésie très humaine qui nous invite à méditer sur le sens de l’existence. L’amour, qui est toujours à réinventer, trouve un chantre inspiré en Normand de Bellefeuille qui livre, avec Elle était belle comme une idée (Québec Amérique), un recueil d’une grande beauté. L’ouvrage, préfacé par Denise Désaultels, est sous-titré « poème», au singulier, ce qui marque d’emblée l’unité des textes. Trente poèmes en vers libres et trente lettres adressées, un peu ironiquement, à une « Chère amie » sont regroupés pour former une «uvre à la fois simple et profonde. Le lyrisme se fait ici souffrance, une rupture amoureuse laissant le sujet, « survivant sans visage», la mort dans la bouche : « car je ne sais plus trop désormais / si tu étais l’état de grâce / ou la salle d’urgence / le drame complet / ou le corps absenté du monde ». La douleur devient devoir-dire et reviennent, en leitmotiv, des formules marquant la nécessité de la parole telles : « Il faudra leur dire », « Tu devras leur dire », etc. Chant d’amour, de l’après-coup de l’amour, Elle était belle comme une idée est aussi le lieu de la mémoire, mais d’une mémoire qui retarde justement «l’après», qui se refuse au seul temps du passé : « Je suis vivant. Je suis mortel. Je t’attends ». Les fantômes sont donc loin d’être exorcisés tandis que la douleur reste peut-être la seule certitude du poète : « Ce livre, ce sera tout, sauf la vie en mieux. Tout sauf la rédemption ». POÈMES DE LA MÉMOIRE Ce regard jeté en arrière, autour duquel s’articule le recueil de Normand de Bellefeuille, est aussi la perspective d’écriture adoptée par plusieurs auteurs, dont Ollivier Dyens, Isabelle Forest et Tristan Malavoy-Racine. Ainsi, dans Les bêtes (Triptyque), Ollivier Dyens pose d’entrée de jeu que « nous sommes souvenirs qui errent ». Le poète ressuscite, d’une voix dépouillée, des moments passés qui renvoient qui réfèrent souvent à des compagnons de la gente animale, des souvenirs à « quand on était jeune / et que le jour à peine / se blessait en nous ». Le recueil est composé de poèmes narratifs, réflexifs, qui versent parfois dans le prosaïsme, mais qui sont aussi traversés çà et là d’images saisissantes. Sans cesse l’ombre de la mort se profile : ici c’est un cimetière avec un cercueil « tout petit / nu d’ombres et de mémoire », là « des cages à mort / à agonie / propres comme le sont les choses / qui ne veulent plus survivre » et partout university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 51 le silence de tout ce qui étouffe et se tait et se sait à peine tracé à peine souvenu dans les prières noires des hommes et des bêtes Cette présence insistante de la mort fait progressivement comprendre au sujet « que notre but unique / n’est pas de vivre / mais d’exister ». La poésie d’Ollivier Dyens est dure, d’aucuns diraient noire. Si le poète sait inventorier les merveilles qui forment l’univers, il ne manque pas de souligner que ces splendeurs « poussent et fleurissent / dans le fumier / dans la mort ». Des préoccupations existentielles se font jour au travers de cette poésie qui se veut intimiste. Ainsi, les quinze histoires présentées, qui sont autant d’instantanés de la vie, font une large part au spirituel, même si la quête de la transcendance aboutit souvent au désespoir et au néant : Je ne lève plus mes yeux vers la montagne je ne cherche plus le secours parce qu’il n’y a pas de secours Le soleil frappe pendant le jour la lune frappe pendant la nuit personne ne veille ni ne garde Les poèmes soulignent la fragilité et la petitesse de l’homme, de tout être vivant périssable et périssant un peu plus chaque jour. L’attention portée aux menus détails nourrit une réflexion philosophique, l’anecdote s’ouvre sur une métaphysique, sur le tragique de l’existence. Les chambres orphelines d’Isabelle Forest (Écrits des Forges) a mérité à son auteure le prix Félix-Leclerc-de-poésie 2003. Le début du recueil est ex- cellent, Forest ressuscitant, avec bonheur, le temps de l’enfance passé à la campagne : « vous me surprenez / la mémoire fiévreuse / un devoir d’éco- lière chiffonné dans l’âme». L’auteure « vide l’enfant de son enfance » non sans une certaine violence, dont on ne sait trop si elle est pose ou fougue, montrant bien la solitude, les espoirs déçus, les joies soudaines mais éphémères de l’enfant. Le recueil n’échappe pas toujours aux défauts d’une jeune écriture ; quelques clichés apparaissent ici et là, tandis que des vers d’un goût douteux (« dans la splendide ordure de l’enfance», « hémorragie incoagulable du temps ») côtoient de très beaux passages (« Je nommais xxxxxxxx university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
52 lettres canadiennes 2003 tendresse / la terre portée à ma bouche ») qui, heureusement, l’emportent en nombre. Malgré ces défauts, Les chambres orphelines est un recueil qui vaut le détour. Une douceur imprègne les textes, et il y a là une innocence un peu naïve qui séduit, même si on se surprend à espérer un peu plus de substance. Dans Les chambres noires de Tristan Malavoy-Racine (Triptyque), c’est aussi le passé qui ressurgit, avec ses fantômes et ses angoisses. Le recueil s’ouvre, monstres gavés, « cris couchés », sur « une aube plus nue que ta peur ». Une tension s’installe et traverse les brefs poèmes en prose. Le rapprochement entre poésie et photographie permet d’heureuses analo- gies : chercher le sens à travers les mots, découvrir la lueur parmi les ténèbres : « Tu existes à tâtons, sans savoir si le jour délivrera tes muses ou t’en soufflera les cendres ». Si les chambres noires se présentent habituelle- ment comme des matrices et des lieux de découvertes, lorsque les lignes s’esquissent sur le papier et qu’une forme naît au regard, ici l’auteur retient plutôt de l’expression la référence à la mort : « L’image naissante montre déjà les crocs de ton amante noire. Mante endeuillée des milliards de fois, son amour ingéré à mort. Le jour frémit par touches pendant qu’un soleil blasé picore quelques os recrachés là. Les tiens ? » Toutefois, même si, tout au long du parcours, « [o]n ne s’éloigne pas beaucoup de sa chambre d’enfant» et qu’on « tremble nu quand geint le monstre sous le lit », à la fin du recueil, la main du poète « ne tremble pas ». L’épigraphe d’Ibrahim Diaz me revient alors en mémoire : « Dans certains pays, / on doit la beauté des fleurs / à la longueur des nuits ». DONNER À VOIR Dans les recueils de Louis-Jean Thibault et de Gilles Cyr, c’est moins le rapport au temps qui importe que celui à l’espace. Attentif au mouvement qui l’entoure et qui le sollicite, Louis-Jean Thibault offre, dans Géographie des lointains (Éditions du Noroît), une poésie qui fait une belle part au rêve, à l’aventure, à l’optimisme même. Ainsi, devant un paysage désolé, en proie à l’averse, le sujet s’écrie : Ne monte pas en hâte à la chambre, attends, le soleil naîtra du front lavé des chênes, de la boue, du ruissellement des plantes, de la moquerie des merles qui, pour l’instant, circulent dans cet amas d’étoiles. Un parcours nous est donné à voir, autant de l’intérieur que de l’extérieur, puisqu’un échange, presque une alchimie, s’opère entre le sujet qui regarde et le paysage regardé. Très près des éléments de la nature, qu’il saisit dans xxxxxxxx university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 53 leur dynamisme et leur mobilité, le poète renouvelle notre perception du cosmos. Il capte les signes d’un univers toujours changeant, creuse les apparences, déplace la perspective de notre regard : « écrire est une force indéfinie / à la fois oubli et nouvelle clarté ». Oscillant entre « le change- ment et le repos », le proche et le lointain, le sujet cherche un point d’équi- libre pour éviter l’engluement dans les objets familiers ou, à l’inverse, l’éclatement du moi ; il cherche en fait, pour reprendre l’expression d’Héraclite citée dans un des poèmes, « le plus bel ordre du monde ». Avec Erica je brise (l’Hexagone), Gilles Cyr poursuit le projet d’écriture amorcé dans ses recueils précédents tant par la forme (vers courts, écriture elliptique et dépouillée), que par les thématiques exploitées : la marche, l’espace, l’observation, l’expérimentation, la disponibilité de l’être prêt à se laisser surprendre par ce qui l’entoure. L’auteur nous convie à une promenade et s’érige en guide, attirant notre attention sur les divers élé- ments de la nature qui se succèdent : plantes, arbres, fleurs, etc. Par moments, le texte n’est d’ailleurs pas sans rappeler le célèbre poème « Arbres » de Paul-Marie Lapointe par l’énumération des différentes espèces d’arbres qui se déploient au fil des pages : l’épicéa, le noyer, le bouleau, le pin blanc, le pin rouge apparaissent tour à tour comme autant d’indices montrant le parcours à suivre. Mais les notations visuelles déstabilisent parfois le lecteur et les repères sont moins sûres qu’ils n’y paraissent. Les multiples intrusions du sujet dans le poème qui s’écrit, non exemptes d’humour, font du texte un lieu où se rejouent sans cesse les rapports du langage au réel : La mer était calme et la forêt, l’air les oiseaux chantaient le voyageur partait ah quittons l’imparfait ce temps moins estimé le ciel n’a plus son bleu les oiseaux crient autant qu’ils chantent ça fonctionne le voyageur s’en va emmenés par ses yeux les ravins multiplient L’univers visible nous donne accès à une dimension cachée de l’être et du cosmos, comme si le désir de décrire et d’ordonner le monde menait, par mimétisme, à la découverte de la nature humaine. Un recueil exigeant, d’une grande cohérence. university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
54 lettres canadiennes 2003 ÉCRIRE La lecture de la quatrième de couverture du recueil Professeur de poésie d’André Roy (Les Herbes rouges) suggère une ambition prométhéenne d’une suffisance douteuse. À preuve, la dernière phrase : « Entre passé et avenir, André Roy se dit donc prêt à prendre la place de Dieu pour te sauver, ô toi, lecteur ». Pourtant, ce sont des poèmes empreints de simplicité qui défilent au fil des pages de ce deuxième volet de « Vies » : « La douceur et la douleur, nues comme un corps, / Dormiront ensemble dans le lit du poète / Assez grand pour écrire, assez grand pour être simple ». Le poète cherche à atteindre la formule lapidaire mais aussi à éveiller l’émotion. Le lyrisme est toutefois bloqué dans son élan, en dépit de la présence constante du Je qui se pose comme centre du monde. Une certaine froideur traverse les textes même si sentiment amoureux et le désir qui tissent un lien charnel entre les amants. Lien fragile, que l’adresse à l’autre permet de mesurer : « Écriras-tu pour ma personne souveraine ? » Le questionnement incessant laisse poindre l’inquiétude et la vulnérabilité du sujet lyrique. L’appréhension de l’absence et la crainte de la solitude se laissent percevoir même si un sentiment de puissance traverse certains poèmes : « Tu es celui qui possède la science des âmes ». Cette posture impériale ne parvient pas à dissimuler l’angoisse de l’être devant le temps qui passe, le discours étant hanté par les corps déjà aimés. Entre la leçon de vie du professeur et la difficile intimité de l’être, c’est au poème qu’est dévolu le rôle d’inscrire une durée au sein de l’éphémère et, peut-être plus encore, d’accompagner « ceux qui se rendent à la fin de leur vie / Dans le but d’être sauvés ». C’est aussi de la parole et de l’écriture que Geneviève Lévesque attend l’origine de toutes choses dans Les aurores boréales naissent sous les pierres (Le Loup de Gouttière). La mer, la terre, un « lieu de recommencement» se pose comme décor dès la première page. C’est en cet espace qu’une gestation de « six jours et six nuits » a lieu. Vient le geste primordial, le verbe qui s’incarne : « j’ai jeté mon nom [...] / il me fallait m’écrire pour me donner vie ». Mais ce n’est pas encore assez : « un cratère s’ouvrait au fond des mots», « rien n’arrêterait la mort ». Le monde et l’être, toujours en proie au chaos, à la puissance des forces primordiales (l’eau, la terre, l’air et le feu), n’en finissent pas de naître. La répétition de certains termes, tout au long du recueil, n’est d’ailleurs pas sans évoquer le temps circulaire propre à la pensée mythique, l’éternel retour où sans cesse le chaos et l’origine se succèdent, l’un appelant l’autre en un recommencement incessant. Un changement de ton, peut-être trop abrupt, survient vers la fin du recueil. L’imparfait cède au présent, l’amour ordonne l’univers et la présence de l’autre ouvre l’horizon, espace nécessaire à l’épanouissement de la vie. Voici donc une poésie tout en nuances et en images, où sensibilité et puissance d’évocation se marient d’heureuse façon : « pour retrouver mon university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 55 corps jeté là quelque part / comme une coulée de lave érodant les rues / j’ai brisé mon cri aux arêtes des rochers // la nuit est venue avec le pardon du fleuve / effacer les mirages et brûler les épaves // les raisins mûris- saient sous la cendre ». Portraits de l’ascète en coureur de fond de Pierre Barrette (Éditions du Noroît) présente, à la troisième personne, une série d’autoportraits concis et denses, dans lesquels l’auteur assimile l’écrivain au coureur de fond : « Écrire, penser, courir peuvent bien habiter la chambre tels des masques réversibles». Ces deux figures analogiques se rejoignent par la nécessité de l’effort, la quête du rythme. En quatre étapes, qui épousent les quatre parties du recueil, le poète rencontre dans sa course, la nécessité du mouvement, « la passion de l’ordre », les « figures de la faim et de soif » et « l’extase à la fin ». Voici une poésie sobre, qui s’adresse plus à la raison qu’au c«ur, même si le poète tente de se libérer d’un espace géométrique contraignant en étendant « son périmètre aux régions couvertes par la blessure ». La réflexion débouche sur une expérience spirituelle qui n’est pas sans évoquer celle des mystiques : « La grâce le rattrape au milieu d’une phrase ou d’un bond ». Un souci de l’ordre, manifeste dans la présentation des textes, chacune des proses étant rendue en un carré presque parfait, n’exclut pas la mouvance de l’horizon, la liberté de l’homme, l’existence d’« [u]ne route droite par où se perdre définitivement ». L’ordre n’est peut- être, en fin de compte, qu’un moyen de contenir, voire de conjurer, la fureur, le chaos, la souffrance, le « réel en débâcle comme autant de signes que l’univers se sauve ». DU DÉSASTRE... Ce « réel en débâche», présent dans la poésie de Pierre Barrette, est au c«ur de certains recueils qui s’articulent autour d’images du désastre. L’illusion du mouvement de Carl Lacharité (Écrits des Forges) s’inscrit justement dans « l’ordre de la cassure ». L’être, « [...] toujours en territoire ennemi », avec « la guerre si proche / que les éclats s’écrivent à même les corps », entre en lutte contre les fausses croyances et l’ordre établi : d’instinct nous retournons les phrases contre elles-mêmes nous n’imaginons pas la mer trop semblable à la mer le monde dans la perspective du déchirement n’est plus le monde Comme dans ses recueils précédents, le lyrisme personnel du poète est grandement influencé par le surréalisme. On ne s’étonne donc guère de retrouver une poésie fortement incarnée, poésie du désir et de la parole en lutte contre « l’instinct de mort du mouvement ». L’univers sombre cède university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
56 lettres canadiennes 2003 progressivement la place au questionnement de l’être et au discours amoureux. L’auteur, qui possède de toute évidence un goût pour la formule, mise avec bonheur sur la puissance d’évocation de l’image poétique : « il faudra se souvenir des mots du désastre / et de l’héritage des cathédrales /[...] pour que l’île mendiée de nos corps / soit la naissance de nos poings ». Il signe, avec L’illusion du mouvement, un recueil qui témoigne d’une grande maîtrise de l’écriture. Choix d’apocalypses de Mario Brassard (Les Herbes rouges) « annonce ce qui n’a plus de nom », rend compte de l’effondrement du monde, de la déroute des êtres aux prises avec la mort, mais sans jamais tomber dans les lieux communs : Ici un brise-glace chargé de pluie Plus loin un soleil sur son lit de mort Encore plus loin une larme L’agonie habitée de la tête aux pieds Une première fosse où perdre la voix L’écho croasse et s’envole Là-bas des bûcherons essaient d’abattre la nuit. L’auteur exploite une poésie de l’impasse, parfois impressionniste, parfois violente, qui réunit les images et symboles de la mort : la nuit, le froid, l’abandon, les fatigues, les naufrages, les fantômes, le sang, un ciel vide sur sol gelé. Partout le désenchantement, le désarroi rendus par un pessimisme qui ne verse jamais dans l’abstraction. Le ton est incisif, la justesse de l’expression rend compte du regard lucide posé sur le réel. Les titres des poèmes se rélèvent fort originaux, souvent énigmatiques (« Cinq secondes avec ou sans mon âme», « Façon caverne », « Feindre à la presque », « Notes pour une tête de sable », etc.), et sont placés par ordre alphabétique. S’agirait-il du recensement d’un univers où se retrouvent « [b]ientôt les forêts au fond des mers » ? D’un inventaire des désastres ? D’un tour du monde jusqu’à l’apocalypse ? Contrepoids à la déperdition de l’humanité, la quête d’un dernier refuge n’est pas exclue et peut-être même qu’une cosmogonie pourrait succéder au chaos : La main tirée à la courte paille Un matin déroulé jusqu’à l’orange La pluie a été finement tranchée Le couteau lavé et rangé Les jardins peuvent maintenant s’avancer. Un premier recueil qui laisse déjà entendre une voix singulière que l’on souhaiterait réentendre à nouveau, « [q]ue la tête entre les mains fut ou non le seul chemin ». university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 57 ... DE LA SOLITUDE... Voici un autre recueil fort captivant que Parle seul de Jean-Simon Des- rochers (Les Herbes rouges), qui a valu à son auteur le prix Émile-Nelligan, et dont la première strophe donne le ton : D’abord, c’est une histoire pour filtrer le siècle déjà lu, une histoire, presque maison où le c«ur ne commence pas Le recueil est divisé en deux parties, respectivement intitulées « Pays dehors», « Pays dedans », qui rendent compte de l’oscillation existant entre la distance des choses et l’intimité de l’être. L’auteur adopte fréquemment l’impératif, position de démiurge qui témoigne du pouvoir de la volonté : « Se perdre commence entre nos mains ». Devant le désastre du monde, mais aussi devant un pays à fonder, le poète décide de parler seul afin de se situer dans le décor qui l’entoure. Un certain immobilisme, qui n’est toutefois pas piétinement ou stagnation, frappe le sujet qui transforme l’arrêt en attente : « ma pensée attend l’invite de nouvelles fenêtres ». La désespérance affleure, même si le « peintre à paroles » cherche à porter son regard loin devant (« Fais vite, / dessine ton trajet, / ta fuite »), et à changer l’ordre des choses : « Bien éloigné de l’exacte science / moi le garçon, moi le peintre déposé là, / je renverse naître sur le pays dedans ». Pays à mourir, à fuir, à naître, pays souvent liquide dans lequel tout peut se dissoudre hormis la peur. Les termes s’appellent, se répondent et revien- nent métamorphosés en un jeu d’échos singulier qui entraîne un brouillage des pistes. Un doute s’installe sur ce qui s’écrit d’une page à l’autre et le sens prend forme au c«ur de cette profonde mouvance. Parle seul se veut une méditation particulière sur le monde qui vient déranger les idées reçues. Un recueil exigeant à lire et à relire. La posture du mélancolique, adoptée par Martine Audet dans Les mélancolies (l’Hexagone), n’est pas sans évoquer les maux propres au XIXe siècle : vague des passions, mal du siècle, spleen, etc. Cette pose se rattache à une poésie de l’intimité et renvoie à la figure de l’écrivain solitaire aux prises avec une profonde tristesse. Ce sentiment s’accompagne fréquem- ment de rêveries plus ou moins morbides. L’univers onirique, dans le recueil d’Audet, est bien rendu par le recours au symbole et à la métaphore. Tout est suggéré plutôt que décrit, ce qui donne lieu parfois à une poésie quelque peu abstraite : de même qu’en la douleur les corps improbables university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
58 lettres canadiennes 2003 frappent l’os du temps et que fruits tordus de l’air ricochent nos regards lancée du haut du jour est-ce l’offrande des rêves qui va ainsi dénudée rejoindre les chiffres de la ville attachés à des poteaux d’ombres (longtemps chair et mélancolie) puis à personne À travers l’utilisation de certains mots fétiches (mains, oiseau, os, nuit, corps, c«ur, etc.), presque tous des monosyllabes qui non seulement assurent une unité au recueil mais lui confèrent un rythme syncopé, l’auteure cherche à atteindre un impossible équilibre : « ce qui vit va se défaisant ». La quête de soi, la soif de connaissance débouchent sur le doute, doute que trahissent les multiples interrogations qui parsèment les poèmes. La tentation du silence perdure tout au long des douze mélanco- lies, qui constituent en fait les douze parties du recueil : « Je renonce à parler [...] je sais à peine / qui je suis ». Recueil dense et touffu, recueil très tra- vaillé, d’une grande cohérence, d’une écriture sobre et puissante, Les mélancolies se démarque avantageusement de la production féminine actuelle. Dans Dépossessions (Écrits des Forges/Éditions PHI), Claude Beausoleil, à l’aide de différents registres formels, cherche à « dire ce qui résiste au creux du ventre », et c’est peu de choses. « [A]lors que le noir vient de toute part», que le sujet ne « voi[t] plus que ce qui meurt » et que sa voix « est une musique noyée », il se fait metteur en scène et acteur, risquant ainsi « d’autres dépossessions ». Nous sommes donc sur la scène d’un théâtre, avec ses coulisses, ses décors, ses accessoires et ses drames. Déjà dépouillé de ses rêves et privé d’un ciel qui se dérobe quand il n’est pas obscurci par quelques orages , le sujet se dessaisit de son identité par la feinte, le mime, le jeu, la dérive dans un corps qui se fait hôte. Mais voilà la trahison des mots qui « bougent malgré nous », qui n’ont plus d’écho, grugés qu’ils sont par le silence et la perte. Tout semble fuir devant l’étreinte et la tentative du sujet de « prendre une autre vie / pour éviter le pire » paraît vouée à l’échec alors que la souffrance demeure, intacte. Le sujet, «passager solitaire / spectre sans voix / vidé amoureux », ne parvient pas à reprendre le contrôle de sa vie : « [l]a peur perdure / au ventre / noire ». Pierre Desruisseaux, avec Personne du plus grand nombre (l’Hexagone), propose une méditation sur le sens de l’existence et sur les pouvoirs de la parole. Il adopte le ton du constat pour dire le mal-être et, avec une douceur amère, presque de la tendresse, il traite de la douleur qui l’accom- pagne et nous accompagne tous : university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 59 la parole silencieusement disloquée cherche par les mots notre manque à tous ces sentiments qui s’effritent dans le noir. Le rythme, volontairement brisé par la coupe particulière des vers, mime la difficulté d’échapper à l’arrêt, à l’oubli, de trouver une façon de nommer les choses et de se rendre au bout de soi, de la mémoire de soi, lorsque « tout est loin de ce que tu aimes » et que « ta parole ne s’envole pas ». Prisonnier du présent, d’un réel en fuite, le sujet cherche secours dans le rêve, l’écriture, la mémoire. Mais, après avoir écrit six poèmes pour voler, il est obligé de constater que « [...] chaque matin nous reprenons / le personnage que nous incarnons / dans sa pesanteur». D’où les soubresauts de révolte, le désir de soulever les masques et aussi le besoin d’aller vers l’autre comme en témoigne, entre autres, le sous-titre du poème éponyme : « poème prolétarien ». Un recueil d’un poète qui fait preuve de maturité et de lucidité, et qui raconte l’histoire d’un homme « empêché d’écrire ». ... ET DE LA SOLIDARITÉ C’est à une poésie engagée que nous convie Danny Plourde dans son premier recueil, Vers quelque (sommes nombreux à être seul) (l’Hexagone). L’auteur adopte la position du « flâneur-humain-libre d’Amérique » qui observe les gens, les choses, les événements avec une fausse distanciation, présente surtout dans l’ironie ou le cynisme de certains propos. Mais cette mise à distance ne dure guère et le promeneur solitaire se retrouve rapidement avec « le poids de l’univers sur [s]es épaules ». Sis au c«ur de la ville, il traque la vérité des êtres qu’il dépeint tant dans leur beauté que dans leur laideur, tant dans leur simplicité que dans leur paradoxe. Pour mieux se fondre à cette communauté, le poète évince le pronom « je » de ses textes. Il y a ici une volonté nette de provoquer, de dénoncer, qui ne se révèle pas toujours heureuse, mais qui laisse percevoir une révolte sincère. La poésie de Danny Plourde se veut une poésie écrite pour tous, plus particulièrement pour « tous ceux qui ne savent pas bien lire mais qui ont tout de même l’«il ouvert et le tympan sensible ». Cette poésie s’ouvre aux autres, sur les autres et laisse une place à demain : me suis mis à croire à l’ivresse des consciences libres au mythe de l’encre celui des grandes Révolutions découragé d’être tranquille d’être l’enfant du peu qu’il reste university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
60 lettres canadiennes 2003 La poésie devient un pont entre soi, l’autre et le monde, ce « vers quelque » qui rend possible la continuité de la vie. Dans ce monde où nous « sommes nombreux à être seul / un peu nulle part en même temps / avec chacun un bout d’univers dans le regard », la solitude même devient un lien entre les hommes, un lieu de reconnaissance. « On a désespéré les hommes », constate Paul Chamberland dès les premières pages de son dernier recueil, Au seuil d’une autre terre (Éditions du Noroît). Ce sont ceux qui souffrent qui sont convoqués ici, avec leur peur, leur détresse, leur honte, leur humiliation, leur rage impuissante aussi : « vivre est un cri ». Bousculés, expulsés de leur lieu d’appartenance, « emportés bientôt / par la décharge universelle du sauve-qui-peut », ces êtres peuvent pourtant compter sur des ressources intérieures souvent méconnues : « Nous partons, / chassés d’ici pourtant la Terre / est en nous». La désespérance ouvre sur le spirituel et donne naissance au désir de transformer le monde. Le poète devient force de résistance et dépositaire de « l’immense clameur muette murée en chacun ». Il puise alors la foi et l’espérance dans l’amour. Éveilleur de consciences, il est en même temps celui qui porte la souffrance des hommes : « Je ne choisis pas de dire ce que je dis, / j’en supporte la charge ». Un recueil qui dit, en un langage dépouillé, l’horreur du présent, mais sans entrevoir l’avenir fermé. « Le dernier poème » n’est pas pour demain. CONCLUSION Comme on peut le constater par ce bref survol de la production poétique parue en 2003, dans lequel d’autres recueils auraient sûrement pu figurer avantageusement, les auteurs cultivent en ce début de millénaire une poésie pessimiste et sombre, bien rendue par cet extrait des Bêtes d’Ollivier Dyens : Il n’y a ni maison ni foyer ni patrie car la planète tourne et s’enfuit Dans l’ensemble, les poètes insistent sur la souffrance, la déroute et la perte angoissante de repères, tant en ce qui concerne l’être dans son intimité qu’en ce qui a trait aux différents aspects de la vie collective. L’idée d’un recommencement à venir, d’une réparation possible du monde ou, tout simplement, d’un nouveau jour à naître demeure faiblement esquissée : « Pourtant la vie dans ce grand jeu / perdure et risque l’état des charmes » (Claude Beausoleil, Dépossessions). university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
poésie 61 OUVRAGES REÇUS Acquelin, José, L’inconscient du soleil, Montréal, Les Herbes rouges, 90 p. Allard, Francine, Vocalises sur un sanglot, Laval, Éditions Trois, 79 p. Al-Masri Maram, Cerise rouge sur un carrelage blanc. Traduction de François-Michel Durazzo en collaboration avec l’auteur, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), Édi- tions PHI, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 128 p. Amyot, Geneviève, La mort était extravagante, suivi de Nous sommes beaucoup qui avons peur, Montréal, Éditions du Noroît, 103 p. Audet, Martine, Les mélancolies, Montréal, l’Hexagone, 145 p. Bancquart, Marie-Claire, Anamorphoses, Trois-Rivières, Écrits des Forges, Marseille (France), Éditions Autres Temps, 111 p. Barrette, Pierre, Portraits de l’ascète en coureur de fond, Montréal, Éditions du Noroît, 79 p. Beausoleil, Claude, Baroque du nord, Montréal, Les Herbes rouges, 109 p. , Dépossessions, Esch-sur-Alzette (Luxembourg), Éditions PHI, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 149 p. Bélanger, Gaëtane, L’enfant-nucléaire, Laval, Éditions Trois, 116 p. Bélanger, Paul, Les jours de l’éclipse, Montréal, Québec Amérique, 76 p. Bellefeuille, Normand de, Elle était belle comme une idée, Montréal, Québec Amérique, 113 p. Bergeron, David, Ailleurs les lunes, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 53 p. Boisvert, France, Le voyageur aux yeux d’onyx, Montréal, l’Hexagone, 114 p. Boucher, France, Sur l’échiquier en émoi, Trois-Rivières, Écrits des Forges, Pantin (France) Le Temps des Cerises, 69 p. Boulanger, Patrick et Mélanie Grenier, Poèmes du lendemain 12, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 52 p. Brassard, Mario, Choix d’apocalypses, Montréal, Les Herbes rouges, 58 p. Brossard, Nicole, Je m’en vais à Trieste, Trois-Rivières, Écrits des Forges, Limoge (France), Le bruit des autres, 172 p. Byunghwa, Cho, Un soleil infini, Trois-Rivières, Écrits des Forges, Marseille (France), Éditions Autres Temps, 106 p. Cardinal, Diane, Murs mouillés d’ombre, Montréal, Triptyque, 39 p. Chamberland, Paul, Au seuil d’une autre terre, Montréal, Éditions du Noroît, 109 p. Charbonneau, Frédéric, Le jardin clos, Laval, Éditions Trois, 64 p. Chassé, Henri, Secrets blanchis, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. Poésie, 54 p. Chiasson, Herménégilde, Répertoire, Trois-Rivières, Écrits des Forges, Chaillé-sous- les-Ormeaux (France), Le dé bleu, 134 p. Collectif, Poèmes d’amour et de révolte, Montréal, l’Hexagone, 123 p. Cook, Margaret Michèle, En un tour de main (portraits et paysages), Ottawa, Le Nordir, coll. Résonance, 71 p. Cyr, Gilles, Erica je brise, Montréal, l’Hexagone, 143 p. Dagtekin, Seyhmus, Couleurs démêlées du ciel, Trois-Rivières, Écrits des Forges, 84 p. university of toronto quarterly, volume 74, number 1, winter 2004/5
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