LA LOGISTIQUE URBAINE À L'ÉPREUVE DU FACTEUR 4
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LA LOGISTIQUE URBAINE À L’ÉPREUVE DU FACTEUR 4 Gonzalez-Feliu Jesus jesus.gonzales-feliu@let.ish-lyon.cnrs.fr Ambrosini Christian christian.ambrosini@let.ish-lyon.cnrs.fr Henriot Frédéric frederic.henriot@let.ish-lyon.cnrs.fr Routhier Jean-Louis jean-louis.routhier@let.ish-lyon.cnrs.fr Laboratoire d’Économie des Transports, 14 Avenue Berthelot, 69007 Lyon (France) Résumé Nous proposons ici une méthodologie et les résultats d’une simulation de différents scénarios d’évolution de la ville, visant à réduire de 75 % l’impact des échanges de biens sur la production de gaz à effet de serre. Les scénarios sont construits sur la base d’un état de l’art associant des éléments relatifs à des travaux récents de prospective effectués sur le système des transports de la ville en France, et des résultats empiriques basés sur des enquêtes et des travaux de modélisation relatifs à la logistique urbaine. Il en ressort un ensemble de déterminants pertinents des changements potentiels dans la formation des flux de marchandises dans la ville. Partant du constat qu'en France, plus de la moitié des véhicules-km, équivalent voiture, générés par le transport de marchandises sont le fait des ménages réalisant leurs achats en voiture, les scénarios sont dessinés selon une approche systémique de la mobilité urbaine des biens et des personnes. Ils allient des aspects organisationnels (changements du système de transport des marchandises dans la ville) et des aspects d’aménagement et d’usage des sols, notamment en ce qui concerne les générateurs de flux (industries, entrepôts, commerces, ménages). Les calculs permettant une mesure des impacts de ces scénarios sur la production de gaz à effet de serre sont effectués à l’aide d’un modèle combinant d’une part les déplacements entre les activités économiques productrices et d'autre part les déplacements d’achats des ménages. Il en résulte que les modifications en termes d’organisation s’avèrent être un complément indispensable d'une politique de densification du tissu urbain. Mots clés : transports de marchandises en ville, gaz à effet de serre, développement durable, facteur 4. 1
LA LOGISTIQUE URBAINE À L’ÉPREUVE DU FACTEUR 4 1 INTRODUCTION La principale conclusion du comité intergouvernemental sur le changement climatique (IPCC, 2007) est que les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 de manière très substantielle. À l'heure actuelle, dans ces pays, on observe que si les émissions de gaz à effet de serre d'origine industrielle sont à peu près stabilisées, celles qui concernent le logement et les transports sont toujours en augmentation (Routhier et al., 2009). À cet égard, plusieurs pays européens se sont déjà fixé des objectifs à long terme pour inverser la tendance. Ainsi, Kawase et al. (2006) indiquent que le Royaume-Uni cherche à atteindre l'objectif d'une réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, pour 75 % en France et 80 % en Allemagne et aux Pays-Bas. Comme le précise Lopez-Ruiz (2009), l'objectif français prend le nom de "facteur 4". Bien qu'il existe déjà de nombreuses études relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports, celles-là concernent essentiellement les transports de personnes (intra et interurbains) et les transports interurbains de marchandises (Crozet et al., 2001 ; Banister et Hickman, 2005 ; Bristow et al., 2008 ; Crozet et al., 2008 ; Lopez-Ruiz et Crozet, 2010). La contribution des mouvements de fret urbain à la pollution ne fait pas l'objet de développements particuliers. Ce papier se propose donc de combler cette lacune, en soulignant la spécificité des mouvements de fret dans les agglomérations urbaines, ainsi que celle des mesures qui peuvent être apportées à la résolution des dysfonctionnements occasionnés par ces mouvements. Pour nous (cf. Ségalou et al., 2004), les transports de marchandises en ville (TMV) correspondent aux trois éléments suivants : les échanges de biens inter et intra-entreprises (inter-établissements), les déplacements pour achats des ménages effectués en véhicules particuliers, et les autres mouvements de marchandises (déménagements, chantiers de construction et sur voiries, collecte des déchets, etc.). Selon cette définition des TMV, la contribution des déplacements urbains de marchandises aux émissions de gaz à effet de serre s'élève à 25 % du total des émissions générées par l'ensemble du secteur des transports urbains (Routhier, 2002 ; Ségalou et al., 2004). Dans cette définition ne sont pris en compte ni les flux de transit (i.e. les flux de passage à travers l’aire urbaine sans effectuer d’opérations de livraison ou enlèvement) ni les flux longue distance (i.e. l’acheminement des marchandises en provenance de l’extérieur hors trajets réalisés à l’intérieur du périmètre d’étude). Les premiers sont généralement indépendants de la dynamique de la ville qu’ils traversent. En ce qui concernent les seconds, les derniers kilomètres de ces trajets sont considérés : tout flux ayant une origine ou une destinations dans le périmètre d’étude est pris en compte pour sa partie interne. Compte tenu des spécificités des livraisons urbaines (une grande diversité d’organisations, dans un territoire restreint, des fortes contraintes spatiales et temporaires et un grand nombre d’acteurs impliqués selon Routhier, 2002), la quasi-totalité de ces dernières est effectuée par la route. En effet, rares sont les agglomérations en Europe où l’on observe une utilisation non négligeable des modes ferroviaire et fluvial par rapport au transport routier. Dans le présent article nous proposons une méthodologie d'évaluation des mesures de politiques publiques à mettre en œuvre d'ici à 2050 dans le domaine des transports de marchandises en ville, en vue de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et notamment le CO2. A cet effet, nous nous référons à plusieurs études françaises et européennes qui abordent l'évaluation de l'impact des innovations sur la réduction des émissions et nous utilisons le modèle Freturb (Routhier et Toilier, 2010 ; Gonzalez-Feliu et 2
al., 2012), développé par le Laboratoire d'Economie des Transports (LET). A partir de là, nous présentons une méthode pour l'étude des transports urbains de marchandises à long terme sur la base d’un ensemble de scénarios qui représentent les actions à mettre en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un horizon de 40 ans. Pour illustrer cette méthode, une analyse de scénarios est appliquée à l’aire urbaine de Lyon (environ 3 300 km² et 1,9 millions d’habitants en 2006). Quatre scénarios (dont la référence) sont proposés et simulés. Suite à une analyse des résultats, des conclusions et discussions sont proposées, en vue d’une application de cette méthode à d’autres contextes urbains. 2 LE CONTEXTE : LA LOGISTIQUE URBAINE ET LE FACTEUR 4 Il est important, dès aujourd'hui, d'avoir une vision à long terme aussi claire et précise que possible de la situation, au regard des politiques qui doivent être mises en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En effet, les actions à entreprendre nécessitent un certain laps de temps avant qu'on puisse en appréhender concrètement tous les impacts positifs et négatifs. Des conséquences inattendues peuvent en effet apparaître et devront être évaluées. Par ailleurs, c'est souvent la combinaison de différents politiques qui fournira les solutions les plus efficientes, en générant des synergies efficaces. A contrario, certaines actions considérées comme utiles à court terme sont susceptibles d’engager la ville sur une voie moins vertueuses sur le long terme. Tous ces éléments doivent être analysés, pesés et évalués de manière approfondie, afin d'apporter une aide efficace aux décideurs publics, en leur donnant des clés de compréhension cohérentes et appropriées sur ces questions fondamentales de long terme. À cet effet, de manière générale, la littérature scientifique propose deux catégories principales de techniques empiriques de recherche : d'une part l'approche prévisionnelle (ou "forecasting"), basée sur l'utilisation de séries chronologiques et très utilisée dans les études à court et moyen termes (cette méthode estime les tendances futures à partir des données actuellement disponibles), d'autre part l'approche "backcasting", qui ne cherche pas à simuler un futur tel qu'il devrait probablement apparaître, mais analyse les conditions nécessaires pour qu'un futur désiré soit rendu possible : des situations hypothétiques sont envisagées et l’on recherche les mesures à prendre, ainsi que les actions à mettre en œuvre, pour rendre chaque scénario compatible avec la réalité. Cette seconde approche est privilégiée par un certain nombre d'études méthodologiques récentes en France, visant à satisfaire les objectifs que se sont fixés les gouvernements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre aux horizons 2020 ou 2050, dans l'optique d'un développement durable. Citons notamment ici les travaux français de Crozet et al. (2001), Criqui et Allaire (2007) ; Raux et Traisnel (2007) et Lopez-Ruiz (2009). En prolongement de ces analyses, Lopez-Ruiz et Crozet (2010, 2011) ont formulé des recommandations à destination des décideurs publics, en vue de la mise en œuvre de mesures permettant d'atteindre le facteur 4. Les analyses précédentes mettent l'accent sur des éléments incontournables à prendre en compte pour élaborer des scénarios de transports durables crédibles, dans le contexte des transports urbains de marchandises. Les paramètres les plus importants sont associés aux hypothèses relatives aux sources d'énergie, aux améliorations technologiques, aux aspects organisationnels, à l'aménagement urbain et aux comportements des usagers qui en découlent. Par ailleurs, des analyses ont été menées sur le transport interurbain de marchandises et sur le transport par rail (Geurs and van Wee, 2004, Banister et al., 2008, Crozet et Lopez- Ruiz, 2009). A noter qu'à notre connaissance, aucune étude française ou étrangère n'aborde le domaine des transports urbains de marchandises de manière spécifique en vue d'atteindre le facteur 4. Depuis le milieu des années 90, de nombreuses études ont traité de la question de la planification urbaine et des politiques menées en matière de logistique urbaine (voir par exemple la synthèse d'Ambrosini et Routhier, 2004). Ces études insistent notamment sur le rôle déterminant : 3
• de la localisation des activités économiques dans les agglomérations urbaines ; • des stratégies d'offre commerciale et des politiques publiques ; • de la logistique et des aspects organisationnels de l'offre urbaine ; • du rôle des nouvelles technologies. Par rapport au transport interurbain, le transport urbain de marchandises possède des éléments spécifiques : un très grand nombre d'opérateurs et une gestion particulière des chaînes logistiques (des véhicules de livraison très divers, des organisations en tournées et en traces directes) ; une large part de marché dévolue au compte propre ; un nombre important de sous-traitants. Ces divers éléments expliquent le caractère onéreux des mouvements associés au dernier kilomètre, encore augmenté par la congestion, par les contraintes qui pèsent de plus en plus sur le partage de la voirie entre tous les usagers et par les nouvelles orientations des réglementations et des nouvelles politiques mises en œuvre par les pouvoirs publics locaux. Globalement, l'ensemble des trois types de flux de marchandises (échanges inter- établissements, déplacements d’achat et flux pour la gestion urbaine) présentés en introduction représente environ 20 % (en véhicules-km-EVP) du trafic motorisé urbain total, ce qui correspond à peu près à 25 % des émissions de CO2 (Ségalou et al., 2004). Dans la suite, on considérera uniquement les deux premiers segments précédemment définis (soit environ 90 % du trafic total marchandises en véhicules-km EVP), sur lequel seront effectuées diverses simulations. Ces deux catégories comprennent les livraisons et enlèvements dans tous les établissements de l’aire urbaine, les déplacements d’achat motorisés des ménages et les nouvelles formes de distribution au consommateur final telles que les livraisons à domicile ou à proximité du lieu de consommation. Ségalou et al. (2004) ont constaté que les mouvements de marchandises en milieu urbain sont loin d'être tous réalisés par de gros camions. Ainsi en France, si l'on ne tient pas compte des déplacements des ménages pour achats en voiture particulière, environ 50 % des véhicules-kilomètres sont réalisés par des véhicules de plus de 3,5 t (Routhier, 2002). Par ailleurs, les services statistiques du ministère des transports français (SES, 1999) indiquent qu'un tiers des véhicules commerciaux légers (moins de 3,5 t de charge utile) sont affectés à un transport de marchandises régulier. Pour cette raison, il est essentiel d'identifier très précisément la contribution des flux urbains de marchandises à la génération du trafic, en utilisant des bases de données pertinentes et appropriées. La méthode présentée dans cet article est le prolongement d'une procédure d'acquisition et d’analyse de données mise en place en France depuis plusieurs années, en vue de réaliser un bilan environnemental complet des flux urbains de marchandises (Patier et Routhier, 2009). Il s'agit du modèle opérationnel Freturb (Routhier et Toilier, 2010) destiné à apporter une aide aux prises de décisions locales pour estimer la contribution de divers acteurs de la logistique urbaine, en matière de consommation d'énergie, de congestion et de préoccupations environnementales (pollution, gaz à effet de serre, bruit) À l'heure actuelle, dans les villes (Ambrosini et Routhier, 2004), le type d'activité est significativement relié au mode de gestion, au mode d'organisation et à la taille des véhicules. La chaîne de transport est en connexion directe avec le mode de gestion et le type d'activité. En nombre de livraisons/enlèvements, les parts du compte propre et du compte d'autrui sont similaires. Les trois quarts des livraisons/enlèvements sont effectués en tournées (un quart en traces directes, où le véhicule effectue un mouvement de A vers B, puis revient directement en A) ; dans le même temps, les trois-quarts des sorties de véhicules ne comportent qu'un seul trajet (traces directes). Environ 50 % des livraisons/enlèvements sont effectués par des véhicules de moins de 3,5 t. Par ailleurs, la distance moyenne parcourue dépend fortement du mode de gestion (compte propre expéditeur ou destinataire, compte d’autrui), ainsi que de la densité urbaine. En ce qui concerne les déplacements liés aux pratiques d’achats, ils ont été principalement étudiés du point de vue de la personne et non de la marchandise transportée. Il en ressort que ces déplacements représentent environ 15% du nombre de déplacements de personnes effectués en semaine et 25% le samedi (Dablanc et Pecheur, 2000). Par contre, c’est du point de vue de la marchandise qu’ils ont une importance encore majeur : les déplacements 4
d’achat motorisés représentent aussi 50% de l’occupation de la voirie du transport de marchandises en ville (Routhier et al., 2009). Ces déplacements sont liés, non seulement aux dynamiques de la vie personnelle (horaires et lieu de travail, activité, situation familiale, …) mais aussi à celles de la ville (urbanisme, accessibilité et attractivité commerciale) et des activités concernées (stratégie commerciale, services de livraison ou de retrait des produits achetés, pôles commerciaux et de loisirs, …) Différentes mesures peuvent être mises en œuvre pour tenter de modifier l'une ou l'autre des nombreuses organisations du transport urbain de fret, notamment l'organisation des tournées, dont l'efficacité peut encore être améliorée de manière appréciable. Il serait souhaitable de modifier les comportements des opérateurs en compte propre en vue de les orienter vers le compte d'autrui, mode de gestion plus efficient. À cet égard, un tel infléchissement devrait permettre une diminution du nombre de véhicules utilisés, ainsi qu'une baisse du nombre de kilomètres parcourus, induisant en cela une baisse des émissions polluantes. 3 MÉTHODOLOGIE PROPOSÉE ET APPLICATION AU CAS LYONNAIS Afin d'inclure les éléments spécifiques aux transports urbains de marchandises dans une analyse à long terme de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre, nous proposons ici un cadre méthodologique adapté à l'élaboration d'un certain nombre de scénarios contrastés. Ce cadre correspond à la première étape d'une analyse de type backcasting et, pour cela, prend en considération les actions judicieuses à entreprendre à court terme, compte tenu des enjeux et objectifs affichés, ainsi que des programmes à mettre en œuvre sur la période considérée. À cet effet, la figure 1 présente, dans les grandes lignes, le processus de décision, replacé dans le contexte général d'un aménagement logistique urbain à long terme. Tout d’abord, les décideurs identifient les principaux enjeux à long terme associés au transport de marchandises en ville, puis définissent des objectifs pertinents. Ces derniers vont guider les choix stratégiques qui justifieront les mesures prises, en termes de politiques publiques. Afin d’étudier l’impact de ces mesures, des scénarios sont établis, non seulement sur la base des éléments précédents mais aussi en prenant en compte des éléments exogènes sur lesquels les décideurs n’ont pas de prise directe (par exemple les fluctuations des prix des carburants), la forme urbaine (i.e. les différentes configurations de la ville) et la réaction des usagers aux mesures mises en œuvre. Les interactions et synergies entre tous ces éléments seront simulées afin d’estimer les impacts, par exemple en termes d’occupation de la voirie ou d’émissions des gaz à effet de serre. 5
Figure 1 : schéma de la méthodologie proposée Enjeux et objectifs Choix stratégiques Mesures et préconisations Eléments Forme Comportement exogènes urbaine des usagers SCENARIOS A LONG TERME Interactions et synergies SIMULATION Impacts environnementaux Les enjeux actuels sont à l'origine de la définition des principaux objectifs de l'analyse à long terme. Dans cette étude, nous fondons l'analyse sur la recherche du facteur 4, c'est-à-dire que pour satisfaire au protocole de Kyoto, la France s'est fixée comme objectif de réduire de 75 % les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050. La question posée ici est de mesurer l'importance des transports de marchandises en ville au regard des autres sources d'émissions de gaz à effet de serre du fait du transport urbain. Différentes orientations stratégiques sont possibles pour atteindre le but fixé. On peut distinguer : • les actions sur le tissu urbain (localisation des entrepôts, des plates-formes, des hypers et supermarchés, des diverses activités industrielles et commerciales) ; les effets des hautes densités ; la composition-même du paysage des activités présentes en ville ; • l'optimisation de la gestion des transports de marchandises (coopération et consolidation, empaquetage, camions complets, itinéraires, etc.), y compris les nouvelles localisations logistiques et l'utilisation des nouvelles technologies de l'information ; • les mesures prises par les pouvoirs publics locaux (mise en place d'un péage urbain, incitation à des comportements "doux" en matière de transport, diverses mesures réglementaires, telles que des interdictions ou des restrictions d'accès, entre autres) ; • le développement du e-commerce, des livraisons à domicile et en points relais ; • le développement des véhicules "propres". 6
Sur le schéma précédent, les éléments externes correspondent à ceux qui interagissent avec les mesures prises, mais dont les impacts ne peuvent être directement maîtrisés par les pouvoirs publics. Les plus importants d'entre eux se rapportent au contexte économique et social, à tous les niveaux (mondial, européen, national, régional, local, urbain et suburbain). On peut poser des hypothèses sur les tendances à long terme de ces éléments, mais il est difficile d’en donner des estimations correctes. En effet, dans le contexte économique actuel, les fluctuations des prix du pétrole (Tremeac et Raux, 2009), l'impact de la crise économique et les nouvelles orientations de l'économie risquent de changer la donne, en modifiant substantiellement des tendances à moyen et long termes calées sur les décennies précédentes. Il convient donc de prendre en compte ces éléments avec prudence, dans la construction du scénario tendanciel à l’horizon 2050. Le contexte social, et plus précisément les réactions des agents économiques (ménages, entreprises) aux infléchissements requis par les nouvelles politiques mises en œuvre, doivent également être analysés au cas par cas. Il en va en effet de la pertinence des scénarios, puisque ceux-ci sont élaborés en intégrant ces différents éléments de manière exogène. Dans le scénario tendanciel, les comportements des agents seront considérés comme conformes aux comportements considérés en 2006 et aux hypothèses d’évolution formulées dans des travaux récents. Les changements de comportement sont pris en compte dans les différents scénarios de politique considérés Dans cet article, nous en restons à une approche macroscopique. La forme urbaine correspond à la fois une configuration physique et à une configuration socio-économique de l'aire urbaine, considérée comme la résultante des choix et des trains de mesures envisagés. Elle comprend notamment les éléments suivants : • les sources d'énergie et les technologies de motorisation ; • les caractéristiques démographiques et socio-économiques de la population ; • les caractéristiques démographiques et socio-économiques des activités économiques ; • l'organisation et la gestion des agglomérations. À partir des éléments listés ci-dessus, nous pouvons élaborer différents scénarios, avant de les simuler. Il faut s'attendre à des interactions et des synergies entre les principaux éléments de la forme urbaine. Les résultats de la simulation peuvent être progressivement améliorés grâce à une procédure itérative mettant à profit divers effets en retour. Nous proposons une approche voisine de la démarche "backcasting" exposée précédemment. Nous posons un certain nombre d'hypothèses, de façon à élaborer quelques scénarios qui seront ensuite simulés en vue de faire émerger la meilleure configuration parmi celles qui auront été proposées. Enfin, nous analyserons les actions possibles susceptibles de conduire à cette situation dans les faits. Nous présentons brièvement ci-dessous les scénarios élémentaires, puis nous détaillons précisément l'ensemble des situations simulées, mettant en évidence les hypothèses posées et, le cas échéant, les combinaisons construites sur la base de plusieurs scénarios élémentaires. Scénarios et hypothèses élémentaires Les scénarios élémentaires que nous proposons ici sont les suivants : • S0 : scénario tendanciel ("fil de l'eau"), extrapolant les tendances actuelles (1999 et 2006) à l'horizon 2050 ; • S1 : scénario "recentrage de la population et densification des activités dans l'agglomération", qui combine une densification de la population dans les zones centrales de l’agglomération, et une évolution du tissu commercial qui accompagne cette densification, à partir de l’hypothèse suivante : les volumes fournis aux ménages par les hypermarchés, les supermarchés et les petits commerces de détail restent similaires (soit 40 % pour le petit commerce, et 30 % pour chaque type de surface commerciale de la grande distribution) ; 7
• S2 : scénario "gestion du transport dans l'organisation des échanges entre les établissements et généralisation des nouvelles formes de livraison à proximité". Nous posons l'hypothèse que la part du transport pour compte d'autrui passe de 45 % (aujourd'hui, en nombre de livraisons et enlèvements) à 75 % (en 2050). De plus, nous posons aussi comme hypothèse que la moitié des achats des ménages passe par le e-commerce et les livraisons à domicile. • S3 : scénario mixte, basé sur une combinaison des scénarios S1 et S2. Ce scénario résulte de la combinaison des hypothèses du scénario S2 avec celles du scénario S3. Présentation précise des situations simulées Nous présentons ci-dessous les différents scénarios dans le détail. Les hypothèses de transformation de l'espace urbain sont construites par “couronne”. Il convient donc à présent de préciser les espaces concernés par les termes suivants : • le “noyau central” regroupe les deux communes de Lyon (neuf arrondissements) et de Villeurbanne, correspondant à l'espace dense, avec contraintes foncières fortes (plus de 10 000 habitants au km² en 2006) ; • la “première couronne” regroupe 13 zones (enquête ménages déplacements de Lyon, 2006) qui sont en contact ou très proches de ce noyau central. Elle présente une densité moyenne de plus de 1 000 hab. au km², et regroupe de manière générale toutes les communes de l'agglomération urbaine (47 communes dans la première couronne) ; • la “seconde couronne” regroupe toutes les autres communes, faisant partie de l'aire urbaine de Lyon. Figurent donc dans cette couronne des pôles secondaires, et des communes rurales (densité globale de moins de 350 hab. par km²). 16 communes présentent des densités au-delà de 1 000 hab. au km², alors que 102 communes sont en dessous de 100 hab. au km². Scénario S0 : fil de l'eau à l'horizon 2050 Les éléments suivants sont considérés comme exogènes : démographie et grandes tendances concernant les ménages d'une part, énergie et technologie d'autre part. La population est estimée à partir des prévisions du Grand Lyon (2006), soit un accroissement annuel de la population de 0,5 % dans l'aire urbaine de Lyon pour la prochaine décennie (jusqu’en 2020). Ensuite, nous supposons que cet accroissement se fait plus faible si bien que la population totale de l'aire urbaine passerait de 2 M d'habitants en 2006 à 2,3 M en 2050, tandis que le nombre de ménages augmenterait de 0,85 M à 1 M, si l'on pose l'hypothèse que le nombre de personnes par ménage reste le même pour une zone donnée. En termes de localisation, la population poursuit son étalement, les zones centrales restent inchangées en densité, alors que les zones périphériques (première et seconde couronnes) progressent, respectivement de 3 ‰ et de 5 ‰ par an sur les 45 années de l'étude, soit respectivement une progression de 14 % et 25 % pour la première et seconde couronne. Le taux de motorisation des ménages est obtenu à partir de l’Enquête Ménages Déplacements 2006 de Lyon (Sytral, 2006). Le taux de motorisation moyen en 2006 était de 1,39 à l’échelle de l’aire urbaine, mais avec des différences par rapport à chaque zone (les ménages du noyau central présentent un taux de motorisation de 0,96 ; ceux de la première couronne de 1,46 et ceux de la deuxième couronne de 1,60). A partir des derniers résultats de l’Enquête Nationale Transports et Déplacements (Grimal, 2010), et en projetant les tendances d’évolution des taux de motorisation des ménages selon les tendances observées entre 1982 et 2008, nous pouvons en déduire une stabilisation de la croissance en 2025. En d’autres mots, le nombre de véhicules particuliers par ménage va encore augmenter de 5% (obtenu par prolongement de ces tendances) jusqu’en 2020, puis nous assumons une croissance zéro jusqu’en 2050). Cette tendance est supposée similaire pour les trois catégories d’espace urbain de l’aire urbaine. La prévision de l'évolution démographique des activités économiques provient des résultats de l'étude de Routhier et al. (2009) : le nombre de petits commerces reste similaire à celui de 2006 (mais le nombre de leurs employés croît proportionnellement à celui de la 8
population totale, suivant une tendance déjà observée ces 15 dernières années), le nombre des autres magasins, ainsi que leurs taux d'emploi, s'accroît proportionnellement à l'ensemble de la population. Étant donné les contraintes d'espace qui pèsent sur les possibilités de nouvelles implantations de la grande distribution (moyennes surfaces et très grandes surfaces), nous posons l'hypothèse qu'il sera plus aisé à l'emploi de la grande distribution de progresser dans la première couronne, et a fortiori dans la seconde. Pour le fil de l'eau, l'emploi de la grande distribution progresse selon les taux figurant dans le tableau suivant : Tableau 2 : progression annuelle de l'emploi Moyennes surfaces Très grandes surfaces Noyau central 2‰ 1‰ Première couronne 3‰ 3‰ Seconde couronne 4‰ 4‰ Scénario S1 : recentrage de la population dans l'agglomération Nous faisons ici l'hypothèse que l'étalement urbain est limité à un rayon de 15 km autour du noyau de l'agglomération, le noyau central voyant même sa population augmenter de 12 % en quarante-quatre ans, alors qu'elle ne progresse que de 4,5 % pour S0. L'essentiel des transformations de l'espace urbain, dans ce cas, se produit donc dans la première couronne, regroupant essentiellement les communes déjà agglomérées au noyau central en 2006. La population de la première couronne progresse de 8,5 ‰ par an, soit une progression finale de 45 %, ce qui représente une forte densification de l'espace. La seconde couronne est quasiment figée entre 2006 et 2050, avec une progression de moins de 1 % de sa population en 45 ans. Tableau 3 : densités de population pour chaque catégorie d’espace urbain 2050 Scénario Scénario 2006 S0 S1 Noyau central 10 201 10 660 11 386 Première couronne 1 069 1 368 1 740 Seconde couronne 333 414 335 A partir de cette distribution de la population, nous pouvons estimer le nombre et la localisation des commerces de détail en utilisant des tables d'équivalence entre types de commerces (Henriot et Routhier, 2010) de telle façon que 40% de la demande de biens de consommation (en tonnes) soit affectée aux petits commerces inférieurs à 400 m², et 30% respectivement aux supermarchés de moyenne surface, et hypermarchés (surface de vente supérieure à 2 000 m²). En 2006, les supermarchés représentaient 14 % (en tonnage distribué) de l'offre totale aux ménages, les 86 % restants étant répartis à part égale entre les deux autres catégories. Selon les ratios de Henriot et Routhier (2010), nous avons appliqué des taux décroissants au nombre de petits commerces et d'hypermarchés, un taux croissant au nombre de supermarchés. On pose l'hypothèse que cette nouvelle configuration de l'offre commerciale répond à la demande des consommateurs sur l'ensemble de l'agglomération urbaine considérée. Il est également supposé que la demande de consommation des ménages (en poids des biens, et non en valeur) reste identique sur la période 2006-2050. Scénario S2 : gestion en compte d’autrui pour l’approvisionnement des établissements et généralisation des nouvelles formes de livraison à proximité Ce scénario agit sur l’organisation du transport dans les deux composantes (amont et aval du commerce de détail). Actuellement, les mouvements de marchandises en ville sont réalisés presque autant en compte d'autrui qu'en compte propre (transport réalisé par 9
l'expéditeur ou le destinataire au moyen de ses propres camions ou de camions de location). En appliquant le modèle de simulation Freturb (Routhier et Toilier, 2010) sur l'aire urbaine de Lyon, 45 % des livraisons et enlèvements seraient réalisés en compte d'autrui. Les études françaises portant sur les transports de marchandises en ville montrent clairement que le transport pour compte d'autrui est plus efficient : les tournées organisées selon ce mode de gestion comportent en moyenne 19 points de distribution, contre 13 pour le compte propre expéditeur et 5 seulement dans le cas du compte propre destinataire. De même, le nombre moyen de kilomètres parcourus entre deux points de livraison est plus important en compte propre qu'en compte d'autrui (Patier, 2002). Dans ce scénario, on pose l’hypothèse que la distance d'un déplacement, étant donné le type de véhicule, le mode de gestion et la zone desservie, reste à peu près la même entre 2006 et 2050. On pose par ailleurs l'hypothèse que la part du nombre de livraisons et enlèvements transport pour compte d'autrui passe de 45 % à 75 % en 2050, évolution possible sur une période de 45 ans. De plus, on suppose que le e-commerce et les services de livraison de proximité sont utilisés par 50 % de la population (motorisée ou non). Plusieurs expérimentations récentes ont été mises en œuvre à Nantes, en France (Durand et al., 2010). Elles montrent que 60 % des personnes qui utilisent ces types de service se font livrer à la maison et que 40 % d'entre elles utilisent des points relais ou le retrait en hypermarché. Dans ce scénario, nous donnons plus d’importance aux points relais, en supposant aussi que les petits commerces de détail peuvent remplir cette fonction. De plus, dans le but de réduire les trajets motorisés des ménages, le retrait en hypermarché n’est plus autorisé. Pour résumer, la répartition des déplacements d’achats envisagée est la suivante : 50 % des ménages continue de s’approvisionner de façon traditionnelle, 20 % utilisent les services de livraison à domicile et 30 % ont recours aux points relais. Dans ce scénario on utilise la distribution des activités proposées dans le scénario S1. Scénario S3 : scénario mixte Ce scénario résulte de la combinaison des deux précédents, c'est-à-dire qui tient en compte tant un recentrage des populations accompagné d’un changement du tissu commercial favorisant le commerce de proximité et les supermarchés en zone dense, et une organisation du transport plus rationnelle, notamment avec une augmentation du transport en compte d’autrui et la généralisation d’un système mixte de livraison à proximité des lieux de consommation combinant la livraison à domicile et un réseau étendu de points relais. Outils et démarche de simulation La méthode de simulation est basée sur la combinaison de deux modules, selon le cadre proposé par Gonzalez-Feliu et al. (2012) : un modèle de simulation des flux inter- établissements (Routhier et Toilier, 2010) et une procédure de simulation des flux relatifs aux consommateurs finaux (Gonzalez-Feliu et al., 2010). Ces deux modèles fournissent une estimation mésoscopique des kilométrages produits par ces deux composantes fondamentales des déplacements de marchandises en milieu urbain. Seul le mode routier est pris en compte, avec une décomposition en véhicules particuliers (VP), véhicules utilitaires légers (VUL3,5T à 28T), ensembles articulés (de 28 à 44 T. de PTAC). Dans le calcul des trafics, le parc roulant est décomposé en quatre types de véhicules (VP, VUL, Porteurs, Articulés). La simulation est articulée comme suit. A partir d’une situation de référence, des scénarios sont constitués et représentés dans un zonage (qui illustre la ville et la situation à simuler) avec sa composition urbaine en termes de population, tissu commercial et organisation logistique. Ensuite, les flux inter-établissements (Routhier et Toilier, 2010) les déplacements d’achat des ménages (Gonzalez-Feliu et al., 2010) sont simulés. Afin de les intégrer et les faire interagir, des procédures de substitution des flux par des nouvelles formes de distribution (Gonzalez-Feliu et al., 2012) nous ont permis de simuler les effets de la vente à distance et des livraisons à proximité sur les deux catégories de flux. Ensuite, nous agrégeons les résultats pour obtenir le nombre total de km annuels parcourus par chaque type de véhicule. 10
Les résultats de ces simulations sont ensuite intégrés à une procédure qui permet d'estimer à la fois les impacts sur le trafic, en termes d’occupation de la voirie (nombre de kilomètres 1 EVP ) et les émissions de gaz à effet de serre (en tonnes, équivalent-CO2). Cette procédure affecte les coefficients correspondants des flux de trafic à chaque catégorie de véhicules, ainsi que les ratios d'émissions de gaz à effet de serre (CH4 et N2O en équivalents CO2). Pour cela, nous nous sommes appuyés sur la méthodologie proposée par l'ADEME (2003) et son logiciel IMPACT, pour l'appliquer à notre scénario de référence à l'horizon 2050 , La décomposition du parc roulant en chacune des classes de véhicules prises en compte dans le logiciel IMPACT (motorisation et le PTAC) a été calculée selon la répartition du parc national. Impact ADEME pose des hypothèses d’évolution du parc entre 2000 et 2025. Le parc a été tout d’abord projeté à 2006, date de référence pour la population et la mesure de la motorisation des ménages sur l’aire urbaine de Lyon. Pour compléter cette approche, nous avons utilisé les hypothèses de Crozet et al. (2008) qui portent jusqu’en 2050. Le tableau 4 ci-dessous précise les hypothèses de répartition des motorisations à cet l’horizon. Concernant les choix en matière technologique et de consommation d'énergie, nous avons adapté les hypothèses proposées par Crozet et al. (2008) dans son scénario d’évolutions technologiques à la simulation des mouvements urbains de marchandises pour tous les scénarios. Dans ce contexte, trois types de véhicules ont été considérés : • les voitures particulières, lorsqu'elles servent aux déplacements pour achats, dont on suppose qu'elles procèdent des mêmes ratios que dans Crozet et al. (2008), c'est-à-dire 56 % de voitures hybrides diesel-électrique, 24 % de voitures hybrides essence-électrique et 20 % de voitures électriques ; • les VUL (véhicules utilitaires légers), dont on suppose que le parc sera réparti en 20 % de véhicules hybrides diesel-électrique et 80 % de véhicules électriques ; • les poids-lourds, composés à 100 % de véhicules hybrides diesel-électrique. On pose l'hypothèse selon laquelle, pour chacune des catégories précédentes, les ratios sont atteints en 2050, après que les véhicules à moteur thermique auront été progressivement remplacés par des véhicules à moteurs hybrides. Le tableau 4 présente les hypothèses de répartition du parc de véhicules en 2050 selon la motorisation des véhicules (essence-électrique, diesel-électrique, électrique) et selon le type de véhicule (voiture particulière, VUL, poids-lourd). Les pourcentages sont tirés des travaux de Pinchon (2004), Morchoine (2005) et Crozet et al. (2008) : Tableau 4 : hypothèses sur la motorisation des véhicules et sur les économies de CO2 attendues en 2050 en France Diesel-électrique Essence-électrique Électrique Voitures particulières (VP) 56 % 24 % 20 % Véhicules utilitaires légers 20 % 0% 80 % Poids-lourds (PL) 100 % 0% 0% Économies attendues de CO2 à l'horizon 2050, par rapport à 2006 VP et VUL -44 % -44 % -66 % PL -30 % -66 % 1 * EVP : 1 VUL=1,5 VP ; 1 camion porteur=2 VP ; 1 camion articulé=2,5 VP 11
A défaut d’estimations plus précises, le calcul des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 a été obtenu par les quantités de GES émises en 2006 (calculées à l’aide du logiciel IMPACT) corrigées par les pourcentages de réduction produites dans le tableau 4. En autres mots, à partir du parc 2006, un parc 2050 est constitué. Les émissions des véhicules sont premièrement estimées en utilisant le prolongement du logiciel IMPACT en prenant le parc IMPAC ADEME 2006, puis, en utilisant les hypothèses de réduction de Crozet et al. (2008), résumés dans le tableau 4, nous estimons pour chaque type de véhicule (en termes de taille et de motorisation) les émissions de gaz à effet de serre. Une telle approche, bien que relativement grossière, a le mérite de calculer l’impact d’une évolution technologique du parc de véhicules spécifiquement consacré aux échanges de biens dans une aire urbaine sur les émissions de GES en respectant une cohérence avec les hypothèses de l’ADEME et les travaux de Criqui et Allaire (2007) et Crozet et al. (2008). 4 PRINCIPAUX RÉSULTATS Les scénarios décrits plus haut ont été simulés en vue d'estimer, pour chacun d'eux, la réduction apportée dans les émissions de gaz à effet de serre. Dans le tableau 5, nous avons reporté l'impact de chaque scénario relativement aux distances totales parcourues. Nous avons travaillé sur les kilomètres équivalent-voiture particulière (EVP), annuels (cf. données de l'année 2006). Le tableau indique, en pourcentages, les gains ou pertes par rapport à 2006. Tableau 5 : impacts sur les trafics à l’horizon 2050 (en millions de km EVP* annuels et en %) par rapport à 2006 Approvisionnement Mouvements inter- Km EVP des ménages Total établissements (derniers km) 2006 1 215 1 225 2 440 S0 +7,0 % +7,5 % +7,3 % S1 +10,2 % -20,6 % -5,3 % S2 -11,4 % -37,6 % -24,6 % S3 -16,1 % -54,7 % -34,8 % * EVP : 1 VUL=1,5 VP ; 1 camion porteur=2 VP ; 1 camion articulé=2,5 VP La part respective des mouvements entre les établissements et les déplacements motorisés des ménages pour motif achat en nombres de km-EVP est quasiment identique. Dans le cas du fil de l'eau (S0), on constate que le nombre total annuel de kilomètres EVP parcourus s'accroît d’environ 7 % et concerne, de manière similaire, les flux inter- établissements et les déplacements pour achats des ménages. Dans le cas du « scénario de recentrage de la population » (S1), on observe un léger gain (d’environ 5 %) sur le total des km-EVP. Deux phénomènes à effets contradictoires sont à l’œuvre : la diminution des distances parcourues et du nombre de déplacements d’achats motorisés d’une part et l’augmentation du nombre de mouvements et de déplacements d’achat d’autre part. Ainsi, la densification des activités économiques tertiaires et commerciales au centre entraîne une réduction des distances parcourues, dont l’effet est annulé par une augmentation d’environ 10% des mouvements inter-établissements (multiplication, à emploi constant, du nombre d’établissements plus petits que dans le fil de l’eau, entraînant une augmentation du nombre de mouvements). En ce qui concerne l’approvisionnement des ménages, le recentrage de la population se traduit par une augmentation du taux d’utilisation des petits commerces et des supermarchés en zone dense, avec un usage privilégiant la marche à pied et une diminution des distances parcourues en voiture. L’économie des km parcourus en véhicule particulier reste 12
significative, malgré une augmentation de près de 20 % du nombre de déplacements (du fait de l’augmentation du nombre de petits commerces multipliant le nombre de déplacements d’achats). Le scénario « gestion en compte d’autrui pour l’approvisionnement des établissements et généralisation des nouvelles formes de livraison à proximité» (S2) montre que la combinaison de ces deux actions est plus efficace que le seul recentrage des populations et des activités commerciales, avec un gain global d’environ 25%. Ces deux scénarios combinés donnent encore de meilleurs résultats, avec une diminution des distances parcourues (km-EVP) d'environ 35 %, soit une économie de 15% des km- EVP sur les mouvements inter-établissements et 55% sur les déplacements à destination du consommateur final. C’est donc un facteur d’impact sur les flux de 1,5 qui est obtenue par la mise en œuvre de l’ensemble de ces mesures. Dans le tableau 6 sont reportées les tendances relatives aux émissions de gaz à effet de serre, exprimées en tonnes annuelles d’équivalent-CO2 (TCO2-éq). Aux émissions de CO2 sont ajoutées les impacts des émissions de CH4 et N2O en équivalents CO2. Un facteur d’impact par rapport à la situation 2006 est calculé pour chaque scénario. Lorsque ce facteur est supérieur à 1, il y a diminution des émissions. On constate l'importance des changements technologiques : avec un facteur d‘impact de 1,48 dans le cas du fil de l'eau (S0), ils entraînent une réduction de 38 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2006. Ces changements sont plus importants pour les véhicules particuliers (-45%) que pour les mouvements entre les établissements (-34%). Les changements d’organisation à eux seuls, ont un facteur d’impact de 1,33, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 25% par rapport à 2006. Ces estimations permettent de comparer dans une aire urbaine, à l’horizon 2050, les impacts relatifs en termes de GES de deux scénarios complémentaires : des changements d’organisation plausibles, avec des changements technologiques non encore déployés. Tableau 6 : émissions annuelles de gaz à effet de serre (en milliers deTCO2-éq), à Lyon en 2006 et facteur d’impact des différents scénarios à l’horizon 2050 Sans changements ST : Avec changements technologiques en 2050 technologiques Mouvements Approvisionnement TCO2- Total inter- des ménages Total éq établissements (derniers km) 2006 606 379 227 606 S0 0,93 1,40 1,64 1,48 S1 1,06 1,36 2,06 1,56 S2 1,33 1,45 3,90 1,90 391 192 58 250 S3 1,55 1,98 3,90 2,42 In fine, la combinaison des changements technologiques et organisationnels a un facteur d’impact de 2,42. Nous sommes loin du facteur 4. Seuls les déplacements vers les consommateurs finaux approchent ce dernier avec un facteur de 3,90. Ce sont les poids lourds qui sont les moins économes en CO2-éq, avec un facteur de 1,65, alors que les véhicules utilitaires légers présentant un facteur de 3,22, essentiellement expliqué par le choix technologique de la motorisation totalement électrique. Cependant, les mouvements de marchandises en milieu urbain ne représentent à l'heure actuelle que 24 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre dans les agglomérations (Routhier et al., 2009). Aussi, un facteur 2,42 peut déjà être considéré comme un bon résultat, car il traduit une réduction d’environ 59%, ce qui rejoint pratiquement l’objectif britannique (d’après Kawase et al., 2006, une réduction de 60% environ), en vue d'atteindre un facteur 4 au niveau global, c'est-à-dire incluant le transport 13
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