Prise en charge ambulatoire de la pneumonie communautaire de l'enfant : mise au point

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REVUE MÉDICALE SUISSE

                               Prise en charge ambulatoire
                             de la pneumonie communautaire
                                 de l’enfant : mise au point
                         Drs NOÉMIE WAGNERa, MARIO GEHRId, Pr ALAIN GERVAIXb, Dr STÉPHANE GUINANDc et Pr CONSTANCE BARAZZONE-ARGIROFFOc

                                                                                Rev Med Suisse 2016 ; 12 : 344-9

               Une pneumonie doit être suspectée chez tout enfant présentant un                    La pneumonie représente la première cause de mortalité in-
               état fébrile, associé à une tachypnée et / ou un tirage. L’étiologie                fantile (< 5 ans) dans le monde, au-delà de la période néona-
               est très majoritairement virale chez l’enfant de moins de 5 ans.                    tale. Ainsi, en 2013, plus de 930 000 enfants sont décédés des
               Streptococcus pneumoniae est retrouvé à tout âge et la prévalence                   suites d’une pneumonie, très majoritairement dans les pays
               de Mycoplasma pneumoniae (mycoplasme) augmente progres-                             en voie de développement (98 %).2 L’incidence annuelle dans
               sivement chez les enfants plus grands.                                              les pays industrialisés est estimée entre 36 et 40 / 1000 chez
               Une radiographie systématique n’est pas nécessaire mais doit être                   les enfants de moins de 5 ans et entre 11 et 16 / 1000 chez ceux
               demandée en cas d’hypoventilation ou d’absence de réponse au                        entre 6 et 15 ans.3 Son fardeau économique est non négli-
               traitement. L’indication au frottis mycoplasme dépend de l’âge et de                geable. Ainsi, le coût total moyen d’un épisode pris en charge
               la réponse au traitement initial. L’amoxicilline seule est recom-                   en pédiatrie à Genève a été évalué à CHF 11 258.–.4
               mandée comme traitement antibiotique de première ligne. Une
               antibiothérapie systématique n’est pas nécessaire chez l’enfant                     Durant les deux dernières décennies, son épidémiologie a été
               de moins de 5 ans, son indication devant être discutée en fonction                  successivement modifiée par l’introduction de la vaccination
               du tableau clinique et de la valeur de la protéine C-réactive.                      contre Haemophilus influenza type B puis contre Streptococcus
                                                                                                   pneumoniae (pneumocoque), 7 puis 13 valents. Parallèlement,
                                                                                                   les protocoles de prise en charge ont subi des modifications.
                       Community acquired pneumonia in children :                                  En les adaptant au mieux à l’épidémiologie suisse, nous ferons
                         an update for outpatients management                                      le point sur les recommandations actuelles, en particulier
               Pneumonia should be considered in febrile children with tachypnea                   celles de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) et de
               and / or chest recession. Virus are the most common cause of pneu-                  la British Thoracic Society (BTS), pour les approches diag­
               monia in children under 5 years old. Streptococcus pneumonia can                    nostiques et thérapeutiques de la pneumonie en ambulatoire
               be found at any age. Mycoplasma pneumonia is more frequent in older                 par le médecin de premier recours.5,6
               children. Systematic chest radiograph is not necessary but must be
               obtained in patients with hypoventilation and in those with failed                  Nous n’aborderons pas les pneumonies néonatales, celles de
               initial antibiotic therapy. Mycoplasma pneumonia should be tested                   l’enfant immunosupprimé, la tuberculose et la coqueluche.
               according to patient age and response to initial antibiotic. First line
               antibiotherapy is amoxicilline. Antibiotic treatment is frequently
               not necessary in children under 5 but should be considered depen-                   Quels sont les principaux agents
               ding on clinical presentation and C reactive protein value.
                                                                                                   étiologiques ?
                                                                                                   Malgré sa prévalence élevée, établir le diagnostic étiologique
               Introduction                                                                        de la pneumonie avec certitude reste souvent un défi. Les ex-
                                                                                                   pectorations sont difficiles à obtenir, les hémocultures sont
               La pneumonie aiguë se définit comme une inflammation des                            généralement négatives et, pour des raisons évidentes, les
               alvéoles et du tissu interstitiel pulmonaire impliquant des                         ­lavages broncho-alvéolaires ne sont que très rarement réalisés.
               signes et des symptômes respiratoires.1 On utilise le terme de                       De plus, la coexistence de plusieurs pathogènes, y compris la
               pneumonie acquise en communauté lorsqu’elle se développe                             combinaison de virus et de bactéries, retrouvée dans près de
               en dehors du contexte hospitalier. On parle de pneumonie                             30 % des cas, complique encore la détermination de l’agent
               compliquée, par opposition à une pneumonie simple, en pré-                           responsable.3,7 Chez les enfants de moins de 5 ans, une cause
               sence d’un épanchement pleural, de signe de nécrose ou d’abcès.                      virale (un ou plusieurs virus concomitants) peut être mise en
                                                                                                    évidence dans la très grande majorité des cas. Le pneumoco­
                                                                                                    que représente l’étiologie bactérienne principale. Mycoplasma
                                                                                                    pneumoniae (mycoplasme) est plus fréquemment retrouvé chez
               a Unité des maladies infectieuses pédiatriques, b Service d’accueil et d’urgences
                                                                                                    les enfants de plus de 4 ans que chez les plus jeunes.
               pédiatriques, c Unité de pneumologie pédiatrique, Département de l’enfant et de
               l’adolescent, HUG, 1211 Genève 14, d Département médico-chirurgical de
               pédiatrie, Hôpital de l’enfance, CHUV, 1011 Lausanne                                Une large étude pédiatrique américaine, incluant plus de
               noemie.wagner@hcuge.ch | mario.gehri@chuv.ch | alain.gervaix@hcuge.ch               2500 enfants, a récemment analysé les agents étiologiques des
               stephane.guinand@hcuge.ch | constance.barazzone@hcuge.ch                            pneumonies chez les enfants hospitalisés ; les résultats sont

                                                                                                   WWW.REVMED.CH
                                                                                     344             17 février 2016

16_21_39036.indd 344                                                                                                                                                  11.02.16 09:37
pédiatrie

               résumés dans le tableau 1.8 Soulignons que ces chiffres, bien                              fréquence respiratoire, l’auscultation pulmonaire, l’absence de
               qu’indicatifs, concernent uniquement les cas de pneumonie                                  sibilances, ou la persistance de la détresse respiratoire après
               remplissant des critères d’hospitalisation et ne peuvent être                              traitement bronchodilatateur qui permettra de poser le diag­
               transposés aux patients ambulatoires qu’avec prudence.                                     nostic clinique.12

                                                                                                          La mesure de la saturation devrait être effectuée dans tous les
               Comment poser le diagnostic ?                                                              cas de suspicion de pneumonie. Une valeur basse (< 92 %) en
                                                                                                          augmente le degré de suspicion. Par ailleurs, c’est un élément
               Les mots-clés souvent exprimés par les parents (ou l’enfant)                               déterminant quant à la suite de la prise en charge (hospita-
               (difficulté à respirer, fièvre très élevée, gémissement, pâleur,                           lière ou ambulatoire).
               douleur abdominale ou en respirant) servent de critères d’alerte
               pour le médecin, même si leur valeur prédictive n’a jamais été
               formellement étudiée.                                                                      Quelle est la place des examens
               Selon les recommandations de l’Organisation mondiale de la
                                                                                                          complémentaires ?
               santé (OMS), élaborées à l’intention des centres de santé pri-                             Radiographie du thorax
               maire des pays en voie de développement, la présence d’une                                  L’OMS, de même que l’IDSA et la BTS ne recommandent pas
               polypnée et d’un tirage sous-costal chez un enfant présentant                               d’effectuer systématiquement une radiographie pour les
               une toux ou une respiration difficile permet de poser le diag­                              pneu­monies pouvant être prises en charge en ambulatoire.5,6
               nostic.9                                                                                    En effet, la radiographie du thorax ne permet pas de poser
                                                                                                           un diagnostic étiologique. De plus, plusieurs publications,
               Ces critères diagnostiques ont montré une sensibilité de 74 %                               dont une étude Cochrane, ont montré l’absence d’impact
               et une spécificité de 67 % chez les enfants de moins de 5 ans.10                            ­significatif de la radiographie sur la prise en charge de la
               La combinaison d’un état fébrile avec une diminution du                                      pneumonie en ambulatoire chez l’adulte et l’enfant.13 Cela
               murmure vésiculaire, des crépitements ou une tachypnée a                                   s’applique tout particulièrement aux cas où la clinique est
               montré une sensibilité d’environ 95 %.11 Dans la même étude,                               ­fortement suggestive.
               la présen­ce d’un tirage est spécifique (98 %) mais peu sensible.
               Plusieurs de ces signes peuvent aussi être retrouvés dans les                              Une radiographie de face devrait être effectuée pour toute
               bronchites obstructives et l’asthme. C’est donc une combi-                                 suspicion de pneumonie remplissant les critères d’hospitali-
               naison de facteurs, incluant l’âge, l’état général de l’enfant, la                         sation (cf. « Quand référer ? »), ainsi qu’en cas d’absence de
                                                                                                          murmure vésiculaire ou de matité à la percussion, et dans les
                                                                                                          cas de non-réponse au traitement après 48 à 72 heures. Elle
                                                  Micro-organismes détectés
                             Tableau 1               en fonction de l’âge
                                                                                                          permettra de caractériser l’infiltrat et de rechercher les com-
                                                                                                          plications (épanchement, abcès, signes de pneumonie nécro-
               Chez des patients hospitalisés pour une pneumonie, aux Etats-Unis.                         sante). La nécessité d’un cliché de profil dans ce contexte reste
               * La prévalence de S. pneumoniae est probablement sous-estimée en raison
               des difficultés à le diagnostiquer. Elle est probablement à mettre en relation avec        débattue. Il est recommandé par l’IDSA mais pas par la BTS.5,6
               le taux de micro-organismes inconnus, en proportion croissante avec l’âge.                 Sa plus-value est faible, permettant d’augmenter la sensibilité
                                                                                                          des foyers non lobaires d’environ 15 %.14
               Age                  Micro-organismes principaux
               2 mois à 4 ans       •   Virus (> 80 %) :                                                  Marqueurs inflammatoires
                                        – Virus respiratoire syncytial (VRS)
                                        – Rhinovirus
                                        – Métapneumovirus                                                 La place des marqueurs inflammatoires (nombre de leucocytes,
                                        – Autres virus (adénovirus, influenza, para-influenza)            protéine C-réactive (CRP) et procalcitonine (PCT)) a été étu-
                                    •   Bactéries :                                                       diée de façon répétée. L’élévation de la CRP comme de la PCT
                                        – Streptococcus pneumoniae* (4 %)                                 est significativement associée à une pneumonie bactérienne
                                        – Mycoplasma pneumoniae (3 %)
                                    •   Inconnu (13 %)                                                    mais leur valeur prédictive positive est très variable d’une
                                                                                                          étude à l’autre.6,15 Une étude utilisant la CRP pour diagnosti-
               5 à 9 ans            •   Virus (50 %) :
                                        – VRS                                                             quer la pneumonie a montré une relativement bonne spécifi-
                                        – Rhinovirus                                                      cité. 80 % des patients avec une CRP entre 100 et 200 mg / l et
                                        – Métapneumovirus                                                 98 % des patients avec une CRP > 200 mg / l présentaient une
                                        – Autres virus (VRS, para-influenza)                              image radiologique de pneumonie. Par contre, la sensibilité
                                    •   Bactéries :
                                        – Streptococcus pneumoniae* (4 %)                                 était moins satisfaisante avec tout de même 28 % des enfants
                                        – Mycoplasma pneumoniae (16 %)                                    avec une CRP < 20 mg / l qui présentaient une image radio­
                                    •   Inconnu (28 %)                                                    logique compatible avec une pneumonie ; l’interprétation de
               10 à 18 ans          •   Virus (35 %) :                                                    la CRP a pu probablement être compliquée par la présence de
                                        – Rhinovirus                                                      foyers d’origine virale.16
                                        – Influenza
                                        – Autres virus
                                    •   Bactéries :                                                       L’utilisation systématique des marqueurs inflammatoires de
                                        – Streptococcus pneumoniae* (3 %)                                 routine dans ce contexte n’est recommandée ni par l’IDSA ni
                                        – Mycoplasma pneumoniae (23 %)                                    par la BTS.5,6 L’usage de la CRP peut cependant être utile, en
                                    •   Inconnu (36 %)                                                    particulier chez l’enfant en dessous de 5 ans et / ou dans les
               (Adapté de réf.7).                                                                         ­situations de doute.

                                                                                        www.revmed.ch
                                                                                        17 février 2016       345

16_21_39036.indd 345                                                                                                                                                          11.02.16 09:37
REVUE MÉDICALE SUISSE

               Tests viraux et bactériologiques                                                            Deux types de tests diagnostiques sont principalement utilisés :
                                                                                                           la sérologie spécifique et la PCR sur les sécrétions respiratoi­res
               Les hémocultures sont rarement positives (< 2 % des cas) et                                 (frottis de l’oropharynx ou prélèvement nasopharyngé). La
               doivent être réservées aux pneumonies avec critères d’hospi-                                sérologie est surtout utile pour confirmer rétrospectivement
               talisation (cf. « Quand référer ? »).5,6,17                                                 un diagnostic. Elle est particulièrement significative en cas
                                                                                                           d’élévation de quatre fois la norme sur le sérum convalescent.
               La disponibilité croissante des tests virologiques dans les
               ­sécrétions nasopharyngées (PCR, test antigénique par im­                                   La PCR dans les sécrétions respiratoires a l’avantage d’être
                munofluorescence direct) a clairement amélioré la com­                                     positive dès le début des symptômes. Sa sensibilité et sa spé-
                préhension et le diagnostic de la pneumonie chez l’enfant.                                 cificité sont évaluées entre 80 et 100 %.21 Son utilisation est
                Rappelons cependant que la présence d’un virus dans les sé-                                recommandée par l’IDSA en cas de suspicion clinique mais
                crétions nasopharyngées diminue la probabilité d’infection                                 son interprétation doit être prudente en raison d’un taux de
                bactérienne, mais ne l’élimine pas en raison de la coexistence                             portage d’environ 20 %.5,18,20
                fréquente de deux pathogènes. Chez les enfants présentant
                une pneumonie sans signe de gravité, ces examens peuvent
                être utiles pour diminuer l’utilisation superflue d’antibio-                               Quel est le traitement de première
                tique. Cela a particulièrement été montré pour la grippe.5
                L’existence de tests Influenza rapides et peu coûteux rend leur
                                                                                                           intention en ambulatoire ?
                utilisation aisée. Nous recommandons leur usage en ­cabinet                                Un antibiotique ne devrait pas être systématiquement admi-
                durant la période épidémique. Les autres tests rapides dispo-                              nistré chez l’enfant de moins de 5 ans en raison de la haute
                nibles (virus respiratoire syncytial, adénovirus) ont moins de                             proportion d’infection virale. Il sera prescrit en cas de forte
                place en médecine ambulatoire mais peuvent avoir une utilité                               suspicion d’infection bactérienne. Dans ce contexte, il est
                au cas par cas.                                                                            utile d’utiliser la valeur prédictive négative de la CRP. Chez
                                                                                                           l’enfant plus grand, une antibiothérapie est systématique-
               Les investigations virales par PCR sont plus coûteuses et leur                              ment conseillée. Les antibiotiques de choix et leur dose sont
               indication devrait être restreinte à des cas précis, en milieu                              résumés dans le tableau 2.
               hospitalier. En raison du taux élevé de faux positifs (porteurs
               sains), la détection de l’antigène urinaire du pneumocoque                                  L’amoxicilline devrait être choisie en première ligne chez
               n’a pas sa place en pédiatrie.5                                                             ­l’enfant de tout âge correctement vacciné contre Haemophilus
                                                                                                            influenza car le pneumocoque est la bactérie invasive la plus
                                                                                                            souvent retrouvée. Au vu de la bonne vascularisation des pou-
               Mycoplasme : qui et comment tester ?                                                         mons et de la faible proportion de pneumocoques partielle-
                                                                                                            ment résistants à la pénicilline en Suisse (< 10 %), nous esti-
               Les infections à mycoplasme sont généralement retrouvées                                     mons qu’une posologie de 50 mg / kg / jour en trois doses ou de
               chez des enfants de plus de 5 ans avec une toux prolongée.                                   80 mg / kg / jour en deux doses est appropriée.22 Cette posolo-
               L’absence de sibilances et la présence de douleurs thoraci­                                  gie peut être augmentée à 90 mg / kg / jour en trois doses en
               ques semblent en augmenter la probabilité. Cependant, la                                     fonction de la sévérité de la maladie et de la réponse au traite-
               présentation clinique ne permet pas de poser le diagnostic                                   ment. Les pneumonies bactériennes compliquant la grippe
               avec fiabilité.18-20                                                                         devraient être traitées de préférence par une association

                                   Tableau 2              Traitement de la pneumonie bactérienne de l’enfant
               Situation                                   Principaux micro-­            Traitements recommandés en ambulatoire                                            Durée
                                                           organismes suspectés
               Pneumonie bactérienne chez l’enfant         S. pneumoniae                 Amoxicilline 50 mg / kg / j (en 3 doses / j)                                      7-10 jours
               correctement vacciné                                                      En cas de suspicion de pneumocoques à résistance intermédiaire (antibiothérapie
                                                                                         récente, ou non-réponse au traitement) : amoxicilline 80-90 mg / kg / j
               Pneumonie bactérienne chez l’enfant         H. influenza                  Amoxicilline + clavulanate : 50 mg / kg / j (amoxicilline) (en 3 doses / j)       10 jours
               < 5 ans non à jour pour la vaccination      S. pneumoniae
               contre Haemophilus influenza
               Pneumonie post-grippe                       S. aureus                                                                                                       10 jours
               Pneumonie atypique                          M. pneumoniae                 Azithromycine 10 mg / kg / j                                                      3 jours
                                                                                         Ou
                                                                                         clarithromycine 15 mg / kg / j (en 2 doses / j)                                   10 jours

                                                                                         En cas de haute suspicion de mycoplasme résistant et après échec de traitement
                                                                                         par macrolide:
                                                                                         Lévofloxacine                                                                     5 jours
                                                                                         < 5 ans : 20 mg / kg / j en 2 doses / j
                                                                                         ≥ 5 ans : 10 mg / kg / j en 1 dose / j

               (D’après : Nelson’s Pediatric Antimicrobial Therapy. 21 ed : American Academy of Paediatrics; 2015, + Compendium suisse des médicaments).

                                                                                                          WWW.REVMED.CH
                                                                                        346                  17 février 2016

16_21_39036.indd 346                                                                                                                                                                    11.02.16 09:37
REVUE MÉDICALE SUISSE

               d’amoxicilline et d’acide clavulanique au vu du risque aug-                                      La figure 1 propose un algorithme décisionnel pour la prise
               menté de Staphylococcus aureus dans ce contexte.                                                 en charge ambulatoire de la pneumonie acquise en commu-
                                                                                                                nauté. Il s’agit d’une synthèse de notre revue de littérature
               Les macrolides représentent encore le traitement de choix de                                     que nous avons adaptée au contexte ambulatoire en Suisse, en
               la pneumonie à mycoplasme. Cependant, la proportion de                                           incluant par exemple la CRP dans les outils décisionnels. Il
               mycoplasmes résistants a rapidement augmenté ces dernières                                       doit être perçu comme une proposition et non comme une
               années, avec actuellement plus de 50 % de souches résistantes                                    nouvelle recommandation.
               dans certains pays d’Asie et 8,3 % en France.20 En cas de non-
               réponse au traitement par macrolides d’une infection à myco-
               plasme documentée, un relais par quinolone (lévofloxacine) est                                   Quand référer ?
               recommandé, après réévaluation clinique.
                                                                                                                Un mauvais état général, une détresse respiratoire importante,
               Signalons que le bénéfice de l’antibiothérapie pour le myco-                                     une saturation < 92 % à l’air ambiant, des difficultés à s’hydrater
               plasme chez l’enfant n’a pas pu être clairement démontré,                                        ou à prendre les traitements par voie orale sont bien entendu
               contrairement à l’adulte pour lequel on note un avantage mo-                                     des critères d’hospitalisation. En cas d’épanchement pleural
               déré.5,20,23 La BTS et l’IDSA recommandent un traitement par                                     supérieur à 1 cm, une ponction à visée diagnostique est recom­
               macrolides en cas de suspicion clinique ou en adjonction à                                       mandée et les enfants devraient être adressés à l’hôpital. Dans
               l’amoxicilline en cas de pneumonie sévère.5,6 Par ailleurs, la                                   le contexte d’un épanchement inférieur à 1 cm, il n’est pas
               BTS conseille également d’ajouter un macrolide à l’amoxicil-                                     ­absolument nécessaire de référer l’enfant à l’hôpital mais le
               line chez les enfants de tout âge ne répondant pas au traite-                                     patient doit être revu systématiquement pour un contrôle
               ment de première ligne.                                                                           ­clinique à 48 heures.

                                    fig 1         Proposition de prise en charge de la pneumonie à partir de 3 mois
               EF : état fébrile ; FR : fréquence respiratoire ; co-amoxicilline : amoxicilline + acide clavulanique.

                 Présentation suggestive d’une                                   Présentation suggestive
                 pneumonie                                                          d’une pneumonie
                 EF + toux + un des critères suivants :
                 • Tachypnée (sans réponse aux

                 bronchodilatateurs)                                                                                            Oui
                   – 3-12 mois : FR > 50 / min                                 Critère(s) d’hospitalisation                                                 Référer
                   – 2-5 ans : FR > 40 / min
                   – 5 -11 ans : FR > 30 / min                                                    Non
                   – > 11 ans : FR > 20 / min
                 • Diminution du murmure vésiculaire /
                                                                                                                                Oui
                                                                               Hypoventilation significative                                     Radiographie du thorax (face)
                 matité / souffle tubaire
                 • Crépitements

                 Critères d’hospitalisation                                             Non
                 • Saturation < 92 % à l’air ambiant
                                                                                                                                          Absence de foyer            Epanchement
                 • « Grunting », détresse respiratoire
                                                                                                                                              lobaire ou                 pleural
                 sévère                                                                                                                    d’épanchement
                 • Mauvais état général
                                                                                                                                                pleural
                 • Difficultés à s’hydrater                                                                                                                           Foyer lobaire
                 • Impossibilité à prendre un traitement

                 per os
                 • Epanchement pleural (> 1 cm)                                                                                                                                    Doser la CRP
                                                                                                                                                                                  (peut être utile
                                                                                                                                                                                   lors du suivi)
                                                                    < 5 ans                                                 5-16 ans

                                                                 Doser la CRP                                           •  Amoxicilline (si grippe récente : co-amoxicilline)
                                                                                                                        •  Pour les enfant dès 5 ans : si présentation sugges-
                                                                                                                        tive d’une pneumonie à Mycoplasma pneumoniae :
                                                                                                                        effectuer une recherche de M. pneumoniae (PCR)
                         CRP < 40 mg / l                                      CRP ≥ 40 mg / l

                                                                                                                  Mycoplasme
                                                                                                                                                                     Réévaluer après 48-72 h
                                                                                                                    positif
                  Pas de traitement antibiotique                                                                                                                Si persistance du tableau clinique
                  d’emblée sauf si mauvais état                                                                                                                   sans amélioration, doser la CRP
                              général                                                                                                                             et réaliser une radiographie du
                                                                                                                        •    Macrolide                           thorax ± effectuer un frottis pour
                       R Réévaluer après 48 h                                                                           •    Stop amoxicilline                 M. pneumoniae si pas fait (à tout âge)

                                                                                                               WWW.REVMED.CH
                                                                                             348                  17 février 2016

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pédiatrie

                Quel est le suivi préconisé ?                                                             première ligne à tout âge. En cas de non-réponse au traite-
                                                                                                          ment ou de présentation suggestive, une recherche de myco-
                Nous recommandons de réévaluer tous les cas de pneumonie                                  plasme et la prescription d’un macrolide sont indiquées. Un
                48 à 72 heures après le début du traitement. L’absence de ré-                             traitement par macrolides doit également être discuté dans
                ponse au traitement (détresse respiratoire sans amélioration,                             les cas de pneumonie très sévère, en addition à l’amoxicilline.
                persistance de fièvre ou du mauvais état général…) nécessite                              Les contrôles radiologiques ne sont indiqués que dans des
                une réévaluation de la situation clinique et, souvent, des exa-                           ­situations très précises.
                mens complémentaires (radiographie du thorax, mesure de la
                CRP, recherche de mycoplasme en fonction de la clinique).                                 Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation
                                                                                                          avec cet article.
                Un suivi radiologique est inutile si l’évolution clinique est
                ­favorable.5,6 Les patients qui présentent une atélectasie lobaire
                ou des pneumonies répétées impliquant la même zone de-                                        Implications pratiques
                 vraient bénéficier d’un contrôle en consultation spécialisée
                                                                                                               La présence d’un état fébrile, associé à des signes de détresse
                 au vu du risque d’obstruction bronchique sous-jacente (intra
                                                                                                            respiratoire, évoque une pneumonie
                 ou extrinsèque), tout comme les patients ayant eu une pneu-
                 monie compliquée.                                                                             La pneumonie de l’enfant de moins de 5 ans est le plus souvent
                                                                                                            d’origine virale. Une antibiothérapie systématique n’est pas indiquée
                                                                                                               En pratique ambulatoire, dans la pneumonie sans critère
                Conclusion                                                                                  d’hospitalisation, une radiographie du thorax est indiquée unique-
                                                                                                            ment en cas d’hypoventilation significative
                Malgré la grande fréquence de la pneumonie communautaire,
                il demeure une relative paucité de la littérature sur le diag­                                 Lorsqu’une antibiothérapie est indiquée, l’amoxicilline est le
                nostic et la prise en charge de cette affection chez l’enfant. En                           traitement de premier choix pour l’enfant correctement vacciné
                résumé, il n’est pas nécessaire de réaliser des examens com-                                contre Haemophilus influenza
                plémentaires pour les patients sans signe de complication et                                   Mycoplasma pneumoniae doit être recherché chez l’enfant dès
                dont la présentation est suggestive. Une antibiothérapie n’est                              5 ans en cas de tableau clinique évocateur et chez l’enfant de tout
                pas systématiquement nécessaire chez les enfants de moins                                   âge en cas d’absence de réponse au traitement de première ligne
                de 5 ans. Quand indiqué, l’amoxicilline reste le traitement de

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16_21_39036.indd 349                                                                                                                                                                                  11.02.16 09:37
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