Prise en charge de la migraine chez l'enfant : du nouveau - Réalités ...

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réalités pédiatriques # 169_Avril 2012_Cahier 1

          Revues générales
          Neurologie

Prise en charge de la migraine
chez l’enfant : du nouveau

RÉSUMÉ : La migraine est la céphalée primaire la plus fréquente en pédiatrie avec une prévalence estimée
entre 5 et 10 %.
Son diagnostic, clinique, est effectué à l’aide des critères de l’International Headache Society (IHS) révisés
pour l’enfant en 2004. Les facteurs déclenchants sont multiples et sont dominés par les stimuli émotionnels.
La présence d’une aura est retrouvée dans à peu près 25 % des cas et doit être systématiquement recherchée.
L’association des migraines avec des céphalées de tension est fréquente. La sémiologie clinique de chaque
entité doit être expliquée aux patients, leur prise en charge thérapeutique étant radicalement différente.
Les explorations complémentaires sont le plus souvent inutiles en cas de tableau migraineux typique et
d’examen clinique normal.
La prise en charge thérapeutique s’effectue selon les recommandations de l’Afssaps de 2009. Elle débute par
une hygiène de vie correcte avec éviction des facteurs déclenchants. Le traitement des crises migraineuses est
systématique et doit être effectué d’emblée à bonne posologie et le plus rapidement possible.

                                               L      a migraine est la première étio-
                                                      logie des céphalées chroniques
                                                      récurrentes de l’enfant avec une
                                               prévalence de 5 à 10 % [1]. Le reten-
                                               tissement est sévère puisqu’il existe
                                                                                         Une fois le diagnostic posé, les patients
                                                                                         et leurs parents s’inquiètent souvent
                                                                                         de l’évolution de la migraine. Dans une
                                                                                         étude suédoise ayant suivi 73 enfants sur
                                                                                         40 ans, 51 % d’entre eux avaient encore des
                                               un absentéisme scolaire important :       migraines à la cinquantaine. 52 % de ces
                                               7 jours par année chez les enfants de     patients ont eu un ou plusieurs enfants pré-
                                               la cohorte de l’hôpital de Trousseau      sentant des migraines [4]. Dans une étude
                                               à Paris [2]. Néanmoins, malgré cette      datant de 2006, 70 % des patients avaient
                                               forte prévalence, des critères diagnos-   une évolution favorable à 6 ans : absence
                                               tiques spécifiques et des recomman-       de céphalées dans les 12 derniers mois ou
                                               dations thérapeutiques récemment          réduction de la fréquence des crises d’au
                                               actualisées, la migraine demeure une      moins 50 %. Après 6 ans d’évolution, 30 %
                                               pathologie dont le diagnostic est sous-   des patients présentant des migraines ou
                                               évalué et les principes thérapeutiques    des céphalées de tension n’avaient plus de
     ➞ C. MAREAU , E. LEJAY ,
                       1            2
                                               peu connus. Dans une étude réalisée en    céphalées. 25 % des patients migraineux
        C. WOOD3, L. TITOMANLIO2               2008, 50 % des médecins généralistes      avaient des céphalées de tension et 20 %
        1 Centre de Douleur Chronique,
           Hôpital de La Timone, MARSEILLE.    connaissaient les recommandations         des patients ayant des céphalées de tension
        2 Service des Urgences Pédiatriques   sur la prise en charge de la migraine     étaient devenus migraineux [5].
           et Cliniques de la Migraine,        émises en 2002 par la Haute Autorité
           Hôpital Robert Debré, PARIS.
                                               de Santé (HAS), mais seulement 24 %
                                                                                         [ Diagnostic clinique
        3 Centre de la Douleur,
           Hôpital Robert Debré, PARIS.        avouaient les avoir lues. Seulement
                                               3 % de ces médecins prescrivaient les
                                               traitements de crise aux posologies       Le diagnostic de migraine est clinique et
                                               recommandées [3].                         s’effectue selon les critères de l’Interna­

                                                                                                                               29
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              Neurologie

  A   Au moins 5 crises répondant aux critères B-D                                                            contrariétés…) peuvent par ailleurs parti-
                                                                                                              ciper à l’aggravation de la migraine [10].
  B   Crise d’une durée de 1 à 72 heures (en l’absence de traitement)
  C   La céphalée présente au moins deux des caractéristiques suivantes :                                     Les crises avec aura sont fréquentes et leur
      – localisation uni- ou bilatérale                                                                       prévalence varie selon les études de 20
      – pulsatilité
                                                                                                              à 60 % [7, 10]. Les auras sont dominées
      – intensité modérée ou sévère
      – aggravation par ou provoquant l’évitement des activités physiques de routine telles                   par les manifestations visuelles à type de
      que marche ou montée d’escaliers                                                                        phosphènes, scotomes scintillants, taches
                                                                                                              colorées, objets déformés, flou visuel. Mais
  D   Durant la céphalée, au moins l’une des caractéristiques suivantes :
      – nausées ou vomissements                                                                               elles peuvent également se présenter sous
      – photophobie et phonophobie                                                                            forme de troubles sensitifs (paresthésies
                                                                                                              des membres ou du visage), auditifs (siffle-
  E   Exclusion par l’anamnèse, l’examen clinique et neurologique, éventuellement par des
      examens complémentaires, d’une maladie organique pouvant être la cause de céphalées
                                                                                                              ments, bourdonnements ou hallucinations
                                                                                                              auditives…) ou moteurs (engourdisse-
Tableau I : Critères diagnostiques de la migraine sans aura (IHS 2004) [6].                                   ments, diminution de la force musculaire)
                                                                                                              [2]. Les auras peuvent précéder la crise
tional Headache Society révisés en 2004                Les facteurs déclenchants sont mul-                    comme cela est décrit classiquement chez
pour l’enfant [6] (tableau I). Une étude               tiples. Une étude rétrospective récente                l’adulte, mais elles peuvent également être
française réalisée en 2008 avait montré                a étudié la prévalence de 15 facteurs                  concomitantes de la céphalée. Les phéno-
une bonne concordance entre ces critères               déclenchants prédéfinis auprès de 102                  mènes d’aura sont souvent méconnus par
et le diagnostic clinique de neurologues               enfants de 7 à 16 ans. Tous les enfants                les parents et découverts lors de la pre-
pédiatres français [7]. L’interrogatoire               ont rapporté au moins 1 facteur déclen-                mière consultation, d’où la nécessité de les
doit être policier et l’examen clinique                chant. Les plus fréquemment cités ont été              rechercher directement auprès de l’enfant
complet (en particulier prise de la ten-               les stimuli émotionnels (stress : 75,5 %),             avec un vocabulaire adapté [10].
sion artérielle et examen neurologique                 les modifications des rythmes de vie
minutieux). Par rapport à l’adulte, les                (manque de sommeil : 68,6 %) et les sti-               En pratique, le diagnostic de migraine n’est,
crises migraineuses chez l’enfant sont le              muli sensoriels (chaleur : 68,6 % et jeux              toutefois, pas si simple, car de nombreux
plus souvent frontales ou bilatérales, de              vidéo : 64,7 %). Les facteurs alimentaires             enfants présentent des tableaux mixtes
type compressives plutôt que pulsatiles                étaient cités en dernier. En moyenne, 7                associant des migraines et des céphalées de
et de durée plus courte. Les céphalées                 facteurs déclenchants étaient signalés                 tension. Les céphalées de tension ont une
sont généralement intenses avec des                    par patient. Dans 86 % des cas, un délai               intensité plus faible, surviennent essentiel-
signes digestifs souvent au premier plan.              de moins de 3 heures était constaté entre              lement le soir au retour de l’école, n’empê-
                                                       le facteur déclenchant et le début de la               chent pas l’enfant de poursuivre ses activi-
Les crises sont différentes en fonction de             crise de migraine. L’intérêt de connaître              tés, ne sont pas accompagnées de troubles
l’âge de l’enfant. Plus l’enfant est jeune             ces facteurs déclenchants est de mettre en             digestifs ni de photo- ou phonophobie et
et plus les crises sont courtes avec un                place des stratégies visant à les éviter [9].          ont le plus souvent une résolution sponta-
sommeil réparateur. L’interrogatoire doit              Les facteurs émotionnels (stress, anxiété,             née (tableau II).
rechercher la présence de symptômes
prémonitoires, de facteurs déclenchants                  A   Au moins 10 épisodes répondant aux critères B – D
[2], d’une aura, de signes neurovégéta-                  B   Céphalées d’une durée variant entre 30 minutes et 7 jours
tifs associés (larmoiement, rhinorrhée,
                                                         C   La céphalée présente au moins deux des caractéristiques suivantes :
modification de la coloration cutanée du                     – localisation bilatérale
visage) et évaluer le retentissement sur                     – sensation de pression ou de tension (non pulsatile)
la vie quotidienne, avec en particulier                      – intensité légère ou modérée
quantification de l’absentéisme scolaire.                    – absence d’aggravation par l’activité physique
                                                         D   Absence des 2 caractéristiques suivantes
Dans une étude datant de 2009, 67 %                          – nausées ou vomissements
des enfants rapportent l’existence d’au                      – photophobie et phonophobie
moins un symptôme prémonitoire, les                      E   Exclusion par l’anamnèse, l’examen clinique et neurologique, éventuellement par des
plus souvent retrouvés étant les modifi-                     examens complémentaires, d’une maladie organique pouvant être la cause de céphalées
cations du visage (pâleur ou cernes sous
les yeux), la fatigue et l’irritabilité [8].           Tableau II : Critères diagnostiques des céphalées de tension (IHS 2004) [6].

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réalités pédiatriques # 169_Avril 2012_Cahier 1

L’examen clinique recherche de manière                  afin d’en effectuer rapidement le dia-         familiaux et personnels, et l’examen
systématique des tensions ou contrac-                   gnostic et pouvoir rassurer l’enfant et        clinique, qui permettent de soupçonner
tures musculaires, en particulier cer-                  ses parents sur leur caractère bénin et        une céphalée secondaire [6, 14-16].
vicales, qui illustrent concrètement le                 leur évolution favorable [11].
terme “céphalées de tension”.                                                                          Les recommandations de l’Agence
                                                                                                       Nationale d’Accréditation et d’Evalua-
                                                        [ Examens complémentaires
[
                                                                                                       tion en Santé (ANAES) pour la “prise
    Syndromes périodiques de                                                                           en charge diagnostique et thérapeutique
    l’enfance                                           1. Indications de la neuro-imagerie            de la migraine chez l’adulte et chez l’en-
                                                                                                       fant” de 2003 [1] restent relativement
Chez l’enfant, il existe des entités cli-               Le but de la neuro-imagerie (TDM et IRM        vagues : il n’y a pas d’indication de l’ima-
niques particulières, récemment nom-                    cérébrales) est de mettre en évidence des      gerie devant une migraine avec ou sans
mées “syndromes périodiques de l’en-                    lésions pouvant bénéficier d’un acte           aura définie selon les codes de l’Interna­
fance” (anciens équivalents migraineux).                thérapeutique, comme par exemple               tional Headache Society (IHS) [6, 14, 15],
Ceux-ci regroupent des manifestations                   certaines tumeurs, malformation de             ou pour différencier une migraine d’une
variées pouvant survenir en l’absence de                Chiari 1, kyste arachnoïdien expansif.         céphalée de tension.
céphalées et/ou les précéder de plusieurs               Toutefois, une pratique systématique
années. Actuellement, quatre syndromes                  de l’imagerie cérébrale ne saurait être        On peut préconiser la neuro-imagerie
périodiques de l’enfance figurent dans                  recommandée : plusieurs études rétros-         dans les cas suivants :
la seconde édition de la classification de              pectives ont démontré l’apport limité          – céphalées récentes de moins de 6 mois,
l’International Headache Society, où ils                de l’imagerie dans la prise en charge          d’intensité croissante et ne répondant
sont reconnus comme “des précurseurs                    des céphalées de l’enfant [12, 13], et il      pas aux traitements [12] ;
de la migraine” (tableau III).                          ne faut pas négliger la nature irradiante      – céphalées et signes neurologiques
                                                        de la TDM. Les indications de la neuro-        focaux [12, 16, 17] ;
Il est important de connaître les carac-                imagerie doivent donc être guidées par         – majoration des céphalées dans cer-
téristiques cliniques de ces syndromes                  l’anamnèse, les éventuels antécédents          taines positions de la tête (suggérant un
                                                                                                       Chiari 1) ou du corps (céphalées ortho-
  Vomissements         – Accès épisodiques, récurrents (au moins 5 accès) et stéréotypés               statiques de l’hypotension intracéré-
  cycliques              de nausées et de vomissements intenses, accompagnés de pâleur                 brale) ou un torticolis (tumeur médul-
                         et de léthargie, durant d’une heure à cinq jours                              laire ou de la fosse postérieure) [12] ;
                       – Au moins quatre épisodes par heure pendant une heure au moins
                                                                                                       – signes d’HTIC [12] ;
                       – Absence de manifestation entre les crises
                       – Pas d’autre étiologie aux vomissements (en particulier                        – signes d’accompagnement tels que cas-
                         pas de gastro-entérite)                                                       sure de la courbe de croissance, change-
                       – Age de début : 5 ans                                                          ment de personnalité, troubles visuels,
  Migraines            – Crises itératives (au moins 5 épisodes), de douleurs abdominales, durant
                                                                                                       baisse des performances scolaires… [12] ;
  abdominales            de 1 à 72 heures, de localisation médiane ou péri-ombilicale ou mal           – céphalées et convulsions d’apparition
                         localisée, de caractère sourde ou irritative, d’intensité modérée à sévère    récente [6, 12] ;
                       – Possédant deux des quatre caractéristiques suivantes :                        – céphalées se modifiant dans l’intensité
                         anorexie, nausées, vomissements, pâleur                                       ou dans le type de la douleur [17] ;
                       – Aucune maladie organique autre n’est retrouvée                                – céphalées persistantes sans histoire
                       – Age de début : 7 ans
                                                                                                       familial de migraine [12, 16, 17] ;
  Vertiges             – Au moins 5 accès de multiples épisodes de vertiges sévères,                   – antécédents personnels ou familiaux
  paroxystiques          survenant sans avertissement et se résolvant spontanément                     pouvant prédisposer à une lésion du sys-
  bénins                 en quelques minutes à quelques heures
                                                                                                       tème nerveux central [12, 17].
                       – Examen neurologique, explorations audiométriques et vestibulaires
                         normaux entre les accès. Electro-encéphalogramme normal
                       – Un nystagmus et des vomissements peuvent être présents                        Chez l’enfant, l’IRM cérébrale est à pri-
                       – Age de début compris entre 2 et 4 ans                                         vilégier par rapport au scanner cérébral
                                                                                                       du fait de l’absence d’irradiation et de sa
  Torticolis           – Accès récurrents de dystonie cervicale responsables
  paroxystiques          d’une inclinaison latérale de la tête                                         meilleure sensibilité pour détecter cer-
  bénins               – Age de début : entre 2 et 8 mois                                              taines tumeurs et malformations vascu-
                                                                                                       laires [12]. Toutefois, son accès est plus
Tableau III : Critères des syndromes périodiques de l’enfant (IHS 2004) [6, 11].                       difficile et son coût plus élevé.

                                                                                                                                             31
réalités pédiatriques # 169_Avril 2012_Cahier 1

            Revues générales
            Neurologie

2. Place de l’EEG                             Il peut constituer un traitement à part         peptides vasoactifs comme le CGRP et la
                                              entière, notamment pour les très jeunes         substance P à partir du système trigémi-
Il n’y a pas d’indication à réaliser un EEG   enfants qui vomissent, se couchent, s’en-       nal – aboutissant à un état d’inflammation
devant une migraine définie selon les         dorment rapidement et se réveillent gué-        neurogène [26] – et module aussi la noci-
critères de l’IHS. L’EEG n’est pas recom-     ris quelques heures plus tard. Dans ce          ception au niveau thalamo-cortical [25,
mandé pour éliminer une pathologie            cas, aucun traitement médicamenteux             27]. En outre, la colocalisation des récep-
organique. Il est indiqué en cas de suspi-    n’est nécessaire [21].                          teurs 5-HT1B et 5-HT1D sur les neurones
cion d’épilepsie occipitale, qui peut se                                                      du trijumeau suggère que les triptans ont
manifester par des céphalées pulsatiles       Dans les autres cas, le traitement de crise     le potentiel de réduire la libération de
et des vomissements [12, 18-20].              est systématique : il doit être pris à bonne    glutamate post-synaptique, ce qui contri-
                                              posologie, le plus tôt possible, dès le début   buerait à leur effet thérapeutique [28].
                                              de la crise migraineuse, et ce y compris en     L’action centrale des triptans est égale-
[ Prise en charge thérapeutique               milieu scolaire ; le médecin établit donc
                                              un certificat en vue de la mise en place
                                                                                              ment suggérée par leurs effets secondaires
                                                                                              de type fatigue et somnolence.
La prise en charge débute nécessaire-         d’un PAI (Projet d’Accueil Individualisé
ment par une phase d’explications sur la      scolaire). L’enfant doit pouvoir disposer       L’action des triptans est plus efficace
maladie migraineuse : sa fréquence, son       de son traitement en permanence.                lorsque le médicament est pris dès que
caractère bénin, son évolution, la diffé-                                                     possible après l’apparition de la douleur
rence sémiologique avec les céphalées de      Les toute récentes recommandations de           migraineuse. La seule précaution est de
tension. Le traitement de la migraine doit    l’Afssaps concernant le traitement de           reporter l’utilisation en cas d’aura, car la
être personnalisé pour chaque enfant [21].    crise sont [22] :                               vasoconstriction induite par le médica-
                                              – l’ibuprofène 10 mg/kg doit être privi-        ment peut parfois aggraver les symptômes.
Plusieurs messages sont à transmettre :       légié en traitement de crise ;
– nécessité d’avoir une hygiène de vie        – le paracétamol 15 mg/kg reste néan-           Certains effets secondaires mineurs tels
correcte : sommeil suffisant, alimen-         moins un traitement de crise souvent            que paresthésie, bouffées de chaleur,
tation équilibrée, réduction du stress,       efficace ;                                      dysesthésie au niveau du pharynx,
activité physique régulière ;                 – le sumatriptan nasal est à utiliser en        sensation d’oppression, se produisent
– éviction des facteurs déclenchants          deuxième intention à partir de 12 ans.          fréquemment à l’utilisation des trip-
[9, 21] ;                                                                                     tans [27]. Ces effets peuvent être plus
– reconnaissance des prodromes [21] ;         >>> Les triptans                                fréquents chez les femmes et les jeunes.
– réalisation d’un agenda des crises qui
permet d’évaluer le nombre de crises          La découverte du sumatriptan, agoniste          La recherche clinique a montré que l’ad-
et leur intensité, les circonstances          sélectif des récepteurs de la sérotonine        ministration de sumatriptan en spray
déclenchantes, les jours et horaires de       5-HT1B et 5-HT1D [23, 24] et l’autorisation     nasal (Imigrane) chez les adolescents
survenue, leur durée, l’efficacité du trai-   par l’Agence américaine du médicament           réduit la douleur de migraine, les nau-
tement, et de dépister une surconsom-         (ou FDA) aux Etats-Unis en 1992 a initié        sées et vomissements, la photophobie et
mation médicamenteuse [2] ;                   l’ère des triptans comme des médicaments        la phonophobie, sans effets secondaires
– prévention des céphalées chroniques         spécifiques de la migraine. Toutefois, le       graves [29]. Le zolmitriptan (Zomig)
quotidiennes : éducation du patient à         sumatriptan a une mauvaise biodisponibi-        [30, 31] et l’élétriptan (Relpax) [32] sont
ne pas dépasser 8 jours de traitement de      lité orale. C’est pourquoi la recherche phar-   réservés aux adultes.
crise par mois [21].                          macologique a conduit à une “deuxième
                                              génération” de triptans (zolmitriptan, riza-    2. Traitement de fond
Le traitement de la migraine a fait l’ob-     triptan, naratriptan, almotriptan, élétriptan
jet d’une actualisation très récente des      et frovatriptan), qui ont de meilleures pro-    En ce qui concerne le traitement de fond,
recommandations de la part de l’Agence        priétés pharmacocinétiques, y compris           les conclusions de l’Afssaps [22] sont :
française de sécurité sanitaire des pro-      une meilleure biodisponibilité [25].            – aucune étude de qualité ne permet
duits de santé (Afssaps) [22].                                                                d’émettre de recommandation pour le
                                              Les triptans induisent une vasoconstric-        traitement médicamenteux de fond de
1. Traitements de la crise                    tion via les récepteurs 5HT1B et 5HT1D          la migraine de l’enfant ;
                                              situés sur les cellules musculaires lisses      – les méthodes psychocorporelles
Le repos dans l’obscurité est souvent         des vaisseaux sanguins méningés. Cette          (relaxation, autohypnose…) peuvent
effectué spontanément par les enfants.        vasoconstriction inhibe la production de        être recommandées.

 32
réalités pédiatriques # 169_Avril 2012_Cahier 1

Les méthodes non médicamenteuses
sont d’autant plus intéressantes que les          POINTS FORTS
facteurs psychologiques peuvent partici-
per à la transformation des migraines en
céphalées chroniques quotidiennes [10].        û     La migraine est la première cause de céphalées primaires paroxystiques
Le problème est bien souvent l’accès dif-            récidivantes chez l’enfant. Son diagnostic est clinique et s’effectue grâce
                                                     aux critères de l’IHS datant de 2004.
ficile à ces méthodes du fait du faible
                                                POINTS FORTS
nombre de praticiens les pratiquant.           û L’interrogatoire et l’examen clinique doivent être complets pour éliminer
                                                     une cause secondaire et dépister une éventuelle association à des
En cas d’échec des thérapies non médi-               céphalées de tension.
camenteuses, un traitement médicamen-          û     Les explorations complémentaires sont le plus souvent inutiles.
teux peut être proposé ; son efficacité ne
débute qu’après 3 semaines environ.            û     Le traitement de crise est systématique et est dominé par l’ibuprofène
                                                     pris le plus précocement possible. En cas d’échec et d’âge supérieur à 12
Nous pouvons conseiller :
                                                     ans, le sumatriptan nasal peut être proposé.
– l’amitryptiline (Laroxyl) en gouttes
(1 goutte = 1 mg), notamment en cas de         û     Le traitement de fond repose sur les méthodes psychocorporelles.
céphalées de tension associées, voire de             Les traitements de fond médicamenteux ne sont proposés qu’en cas
céphalées chroniques quotidiennes ; la               d’échec de ces techniques. La réalisation d’un agenda des crises est
                                                     indispensable. La mise en place d’un PAI peut s’avérer nécessaire.
posologie est à fixer de manière indi-
viduelle, en débutant par des doses
minimes : 0,3 à 0,5 mg/kg/jour, à aug-
menter très progressivement, et en res-
tant toujours très en dessous des posolo-    et datent déjà de 2004 [6]. Différentes                   migraine and tension-type headache in chil-
gies antidépressives [10] ;                  études ont montré qu’ils étaient perti-                   dren and adolescents : a long-term follow-up
                                                                                                       study. Cephalalgia, 2006 ; 26 : 820-830.
– l’oxétorone (Nocertone cp 60 mg) pré-      nents pour diagnostiquer une migraine                  6. Headache Classification Sub-Committee
sente l’avantage de n’entraîner que très     chez un enfant. La notion de syndromes                    of the International Headache Society. The
peu d’effets indésirables, hormis un         périodiques est également très récente et                 International Classification of Headache
                                             mérite d’être connue des praticiens pre-                  Disorder, 2nd edn. Cephalalgia, 2004 ; 24 :
risque de diarrhée. Il est donné à doses
                                                                                                       1-160.
progressives, le plus souvent, jusque 1 à    nant en charge des enfants migraineux.                 7. Cuvellier JC, Donnet A, Gueran-Massadier E
2 comprimés au coucher ;                     Les recommandations thérapeutiques                        et al. on behalf the Céleste Group. Clinical
– la flunarizine (Sibélium cp 10 mg)         ont été actualisées en 2009 par ­l’Afssaps                features of primary headache in children : a
                                                                                                       multicenter hospital-based study in France.
a l’AMM à 10 ans, à la posologie de          et sont relativement simples : ibupro-                    Cephalalgia, 2008 ; 28 : 1 145-1 153.
1/2-1 cp le soir pendant au maximum          fène 10 mg/kg en traitement de crise et                8. Cuvellier JC, Mars A, Vallee L et al. The pre-
deux mois ;                                  méthodes psychocorporelles en traite-                     valence of premitory synptoms in paediatric
– le topiramate (Epitomax) à doses en        ment de fond [22].                                        migraine : a questionnaire study in 103 chil-
                                                                                                       dren and adolescents. Cephalalgia, 2009 ; 29 :
dessous des posologies antiépileptiques                                                                1 197-1 201.
(max 50 mg/jour).                                                                                   9. Neut D, Fily A, Cuvellier JC et al. The pre-
                                             Bibliographie                                             valence of triggers in paediatric migraine : a
                                              1. Prise en charge diagnostique et thérapeu-             questionnaire study in 102 children and ado-
Dans tous les cas, un traitement de fond
                                                 tique de la migraine chez l’adulte et l’enfant.       lescents. J Headache Pain, 2012 ; 13 : 61-65.
doit être pris 3 à 6 mois pour juger de          Aspects cliniques et économiques. Recom-          10. Tourniaire B. Migraine chez l’enfant : les
son efficacité ; la durée de prescription        mandations pour la pratique clinique.                 bonnes pratiques. Douleur Analg, 2010 ; 23 :
est variable au cas par cas ; les vacances       ANAES 2003. http://www.anaes.fr                       14-20.
                                              2. Annequin D. Céphalées de tension, migraines :     11. Cuvellier JC, Lepine A et al. Les syndromes
d’été peuvent être une occasion pour             les bonnes questions, l’abord diagnostique            périodiques de l’enfance. Revue neurolo­
tenter une dégression et un arrêt.               et thérapeutique. Arch Pediatr, 2011 ; 18 :           gique, 2010 ; 166 : 574-583.
                                                 197-198.                                          12. Christophe C, Damry N, Guissard G et al.
                                              3. Cuvellier JC, Carvalho S, Mars A et al. Study         Céphalées chez l’enfant : quand et quelle ima-

[ Conclusion                                     on management of pediatric migraine by                gerie ? Arch Pediatr, 2004 ; 11 : 1 389-1 397.
                                                 general practitioners in northern France. J       13. Medina LS, Kuntz KM, Pomeroy S et al. Chil-
                                                 Headache Pain, 2009 ; 10 : 167-175.                   dren with headache suspected of having a
En somme, il n’y pas de réelles nouveau-      4. Bille B. A 40-year follow-up of school chil-          brain tumor : a cost-effectiveness analysis of
                                                 dren with migraine. Cephalalgia, 1997 ; 17 :          diagnostic strategies. Pediatrics, 2001 ; 108 :
tés concernant les migraines de l’enfant.                                                              255-263.
                                                 488-491.
Les critères diagnostiques ont été réali-     5. Kienbacher C, Wöber C, Zesch HE et al. Clini-     14. Manzoni GC, Torelli P. International Hea-
sés par l’International Headache Society         cal features, classification and prognosis of         dache Society classification : new proposals

                                                                                                                                               33
réalités pédiatriques # 169_Avril 2012_Cahier 1

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