Processus hydrogéochimiques et séparation d'hydrogrammes de crue sur un bassin versant en milieu soudano-tropical de socle au Bénin Donga, haute ...

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Revue des sciences de l'eau
Journal of Water Science

Processus hydrogéochimiques et séparation d’hydrogrammes
de crue sur un bassin versant en milieu soudano-tropical de
socle au Bénin (Donga, haute vallée de l’Ouémé)
Hydrogeochemical processes and hydrograph separation in the
Donga catchment in Benin
Kamagaté Bamory, Séguis Luc, Goné Droh Lanciné, Favreau Guillaume et Koffi
Kouadio

Volume 21, numéro 3, 2008                                                             Résumé de l'article
                                                                                      Le projet international et pluridisciplinaire AMMA (Analyse Multidisciplinaire
URI : https://id.erudit.org/iderudit/018782ar                                         de la Mousson Africaine) a été initié en vue de mieux comprendre les
DOI : https://doi.org/10.7202/018782ar                                                variabilités climatiques de l’Afrique de l’Ouest et leur impact hydrologique. La
                                                                                      haute vallée de l’Ouémé au Bénin (10 000 km2) a été retenue et instrumentée
Aller au sommaire du numéro                                                           (pluie, débit et nappe) depuis 1997. Le sous-bassin de la Donga (586 km2), cadre
                                                                                      d’observations intensives depuis 2003, permet de préciser les processus
                                                                                      majeurs et quantifier les termes du bilan hydrologique. Le travail vise à
                                                                                      déterminer le fonctionnement hydrogéochimique du bassin de la Donga, et à
Éditeur(s)
                                                                                      identifier et quantifier les composantes majeures de l’écoulement de surface
Université du Québec - INRS-Eau, Terre et Environnement (INRS-ETE)                    par traçage géochimique naturel.
                                                                                      Le caractère temporaire des eaux de surface, la très faible minéralisation des
ISSN                                                                                  écoulements ainsi que l’asynchronisme entre le tarissement des rivières et la
                                                                                      vidange de la nappe phréatique traduisent une origine superficielle des débits
0992-7158 (imprimé)
                                                                                      et un échange de flux négligeable entre cette nappe et le réseau
1718-8598 (numérique)
                                                                                      hydrographique. L’écoulement à l’exutoire, limité à la saison des pluies,
                                                                                      apparaît être essentiellement formé d’un flux rapide (ruissellement Hortonien
Découvrir la revue                                                                    et écoulement sur surfaces saturées) et d’un flux lent de subsurface (vidange de
                                                                                      nappes perchées saisonnières), sans contribution significative de la nappe
                                                                                      phréatique. En accord avec ce fonctionnement, une séparation géochimique de
Citer cet article                                                                     l’hydrogramme de trois crues a été réalisée.

Bamory, K., Luc, S., Lanciné, G. D., Guillaume, F. & Kouadio, K. (2008). Processus
hydrogéochimiques et séparation d’hydrogrammes de crue sur un bassin
versant en milieu soudano-tropical de socle au Bénin (Donga, haute vallée de
l’Ouémé). Revue des sciences de l'eau / Journal of Water Science, 21(3), 363–372.
https://doi.org/10.7202/018782ar

Tous droits réservés © Revue des sciences de l'eau, 2008                             Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des
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                                                                                     Cet article est diffusé et préservé par Érudit.
                                                                                     Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de
                                                                                     l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à
                                                                                     Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.
                                                                                     https://www.erudit.org/fr/
Processus hydrogéochimiques et séparation
             d’hydrogrammes de crue sur un bassin versant
             en milieu soudano-tropical de socle au Bénin
                    (Donga, haute vallée de l’Ouémé)

                   Hydrogeochemical processes and hydrograph separation in the Donga catchment in Benin

                   Kamagaté Bamorya*, Séguis Lucb, Goné Droh Lancinéa, Favreau Guillaumeb, Koffi Kouadioa

         a
             Université d’Abobo-Adjamé, UFR des Sciences et Gestion de l’Environnement, Laboratoire de Géosciences et
                                      Environnement, 02 BP 801, Abidjan 02, Côte d’Ivoire
             b
               UMR HydroSciences (IRD, CNRS, UMI, UMII), Université Montpellier-2, place Eugène-Bataillon, CC MSE,
                                              34095 Montpellier cedex 5, France

                                       Reçu le 21 septembre 2007, accepté le 27 février 2008

RÉSUMÉ                                                             traduisent une origine superficielle des débits et un échange de
                                                                   flux négligeable entre cette nappe et le réseau hydrographique.
                                                                   L’écoulement à l’exutoire, limité à la saison des pluies, apparaît
    Le projet international et pluridisciplinaire AMMA
                                                                   être essentiellement formé d’un flux rapide (ruissellement
(Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Africaine) a été
                                                                   Hortonien et écoulement sur surfaces saturées) et d’un flux
initié en vue de mieux comprendre les variabilités climatiques
                                                                   lent de subsurface (vidange de nappes perchées saisonnières),
de l’Afrique de l’Ouest et leur impact hydrologique. La haute
                                                                   sans contribution significative de la nappe phréatique. En
vallée de l’Ouémé au Bénin (10 000 km2) a été retenue et
                                                                   accord avec ce fonctionnement, une séparation géochimique
instrumentée (pluie, débit et nappe) depuis 1997. Le sous-
                                                                   de l’hydrogramme de trois crues a été réalisée.
bassin de la Donga (586 km2), cadre d’observations intensives
depuis 2003, permet de préciser les processus majeurs et
                                                                   Mots clés : Bénin, hydrochimie, hydrodynamique, rivière
quantifier les termes du bilan hydrologique. Le travail vise à
                                                                   tropicale, séparation d’hydrogrammes.
déterminer le fonctionnement hydrogéochimique du bassin de
la Donga, et à identifier et quantifier les composantes majeures
de l’écoulement de surface par traçage géochimique naturel.
                                                                   ABSTRACT
     Le caractère temporaire des eaux de surface, la très faible
minéralisation des écoulements ainsi que l’asynchronisme entre         The international and multidisciplinary AMMA project
le tarissement des rivières et la vidange de la nappe phréatique   (African Monsoon Multidisciplinary Analysis) was designed

*Auteur pour correspondance :
Téléphone: (+225) 02 20 04 01
Télécopie : (+ 225) 20 37 81 18
Courriel :   kambamory2@yahoo.fr                      ISSN : 1718-8598                 Revue des Sciences de l’Eau 21(3) (2008) 363-372
Relation nappe-rivière en zone tropicale humide de socle
364
to better understand the West African climatic variability and              Cette échelle rend possible une caractérisation plus fine des
its hydrological impact. To attain this goal, the upper Oueme               processus hydrologiques, tout en permettant une intégration
river (10,000 km2) was instrumented (rainfall, runoff and                   suffisamment représentative des variabilités spatio-temporelles
groundwater) in 1997. In 2003, the Donga subwatershed                       naturelles.
(586 km2) was selected in order to characterize the major
processes and quantify components of the water budget.                          Alors que l’écoulement des rivières en zone sahélienne
Specifically, the objective was to identify and quantify the                est exclusivement formé d’écoulement de surface, du fait des
major components of the surface flow using a ydrogeochemical                sols peu couverts, des surfaces encroûtées (Casenave et
approach.                                                                   Valentin, 1992) et des nappes relativement profondes
                                                                            (profondeur > 100 m; Favreau, 2000), l’écoulement en zone
    The transient character of the surface water, the very low              soudanienne se caractérise par une coexistence d’écoulement
mineralization of the river as well as the asynchronism between             de surface et d’écoulement souterrain (Chevallier, 1990;
the drying up of rivers and the water table height, suggest a               Chevallier et Planchon, 1993). L’objectif de ce
shallow origin for the river flow and an unimportant exchange               travail est de caractériser et évaluer les échanges de flux entre le
between that water table and the hydrographic network. River                réseau hydrographique et les nappes souterraines, ceci, en vue de
flow at the outlet, limited to the rainy season, appears to be              mieux contraindre l’estimation du bilan hydrologique du bassin
essentially made of a rapid runoff (Hortonian runoff and flow               versant de la Donga sur deux années (2003 et 2004) ayant une
over saturated soils) and a subsurface delayed flow without                 pluviométrie et un écoulement contrastés. Il s’agit, d’une part,
significant contribution of the water table. In agreement with              d’identifier les composantes principales de l’écoulement de
this assumption, a hydrograph separation for three floods was               surface et, d’autre part, de quantifier la contribution de chaque
achieved.                                                                   composante par une séparation géochimique d’hydrogrammes
                                                                            de crue.
Keywords: Benin, Hydrochemistry, Hydrodynamic, Tropical
river, Hydrograph separation

                                                                            2.	MATÉRIEL ET MÉTHODES
1.	INTRODUCTION                                                             2.1 Milieu d’étude

    Les régions ouest africaines, sous régime de mousson,                       Sous climat tropical de type soudano-guinéen à saisons
sont l’objet d’une sécheresse sévère depuis le début des années             contrastées, le bassin versant de la Donga se localise dans la
70 (Lebel et Vischel, 2005; L’Hôte et al., 2002). Ce                        partie supérieure du bassin de l’Ouémé, au centre-ouest du
phénomène est la conséquence d’une perturbation de la mousson               Bénin (Figure 1). Le réseau hydrographique est relativement
africaine, première source des pluies de la région (Lebel et                dense et constitué de rivières d’ordre 2 ou 3. Il présente un
Vischel, 2005). Le projet international et pluridisciplinaire               régime d’intermittence caractérisé par un assèchement total des
AMMA (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson Ouest                        rivières entre novembre et avril et une reprise des écoulements
Africaine) a été initié en vue de mieux comprendre cette                    entre mai et octobre.
perturbation. L’un des objectifs de ce programme, en relation
avec notre travail, est la connaissance des bilans d’eau terrestre              La pluviométrie moyenne annuelle est estimée à 1 280 mm
et l’impact des changements climatiques et des pressions                    de 1950 à 1969 (avant la rupture pluviométrique) et de
anthropiques sur les ressources en eau.                                     1 150 mm de 1970 à 2004 (après la rupture pluviométrique).
                                                                            Plus de 60 % des pluies annuelles se concentrent entre les mois
    Dans le cadre de l’Observatoire de Recherche en                         de juillet et septembre. L’évapotranspiration potentielle (ETP),
Environnement ORE AMMA-Catch (France, http://www.lthe.                      estimée par la méthode de Penman-Monteith (FAO, 1998) est
hmg.inpg.fr/catch), trois sites de méso-échelle, instrumentés               de l’ordre de 1 390 mm•an-1 (Kamagaté, 2006).
de la zone soudanaise (Ouémé supérieur au centre-ouest du
Bénin) à la zone désertique (Niamey au Niger) en passant                        La topographie du bassin est vallonnée, avec des altitudes
par la zone sub-désertique (Gourma au Mali), font l’objet                   comprises entre 520 m à l’amont (ouest) et 340 m à l’exutoire
d’investigations renforcées. Le bassin versant de la Donga,                 (est) pour une pente moyenne de la rivière principale de
situé dans la haute vallée de l’Ouémé (site le plus méridional              1,7 m•km‑1. Ce relief laisse apparaître une végétation
du projet), a été sélectionné pour cette étude. D’une superficie            constituée de savane arborée plus ou moins dense (à Isoberlinia
de 586 km2, ce bassin représente une échelle intermédiaire                  sp. dominant) à couvert herbacé continu (Andropogon sp,
entre les grands bassins régionaux et les bassins expérimentaux.            Hypparhenia sp., Indigo fera; Harris, 2004). Cette végétation
K. Bamory et al. / Revue des Sciences de l’Eau 21(3) (2008) 363-372
                                                                                                                                                                                           365

                                                                                       BENIN

                                                                               Haute vallée                                                             N

                                            9.9

                                                                                       Ouém
                                                                                            é
                            latitude (°N)
                                            9.8

                                            9.7

                                                                                                                                       0        5        10 km
                                                                            Amont
                                                                  470
                                                                                                     Milieu
                                                                               2m
                                                                  460                                              Aval
                                                                             10 m
                                                                                                                                       pluviographe
                                                   Altitude (m)

                                            9.6                                                                                        limnigraphe
                                                                  450                piézomètre
                                                                            20 m     crépiné                                           puits villageois
                                                                  440                                                  Rivière         piézomètre (site expérimental)

                                                                  430
                                                                        0     100         200     300      400   500      600
                                                                                                Distance (m)
                                            9.5
                                                  1.5                               1.6                  1.7                     1.8            1.9                     2
                                                                                                              longitude (°E)

                                      Figure1.	Localisation du bassin versant de la Donga et dispositif de suivi
                                               hydrogéochimique.
                                               Location of the Donga watershed and the hydrogeochemical survey
                                               network.

apparaît largement dégradée en une mosaïque de champs                                                                      est essentiellement constitué de formations métamorphiques,
à vocation vivrière (mil, manioc, maïs, igname) ou de rente                                                                datées du protérozoïque supérieur. Les granito-gneiss, les
(coton, anacarde).                                                                                                         gneiss et les schistes sont les principales roches rencontrées
                                                                                                                           (Affaton, 1990; BRGM/OBM, 1984).
     La couverture pédologique est majoritairement formée de
sols ferrugineux tropicaux lessivés (Faure et Volkhoff,
1998). Elle recouvre une zone d’altération (10 à 20 m d’épaisseur)                                                         2.2 Hydrogéochimie
à nappe pérenne (nappe phréatique), captée par les puits
villageois (Wubda, 2003). Cette altération, principalement                                                                      Sur l’ensemble du bassin, 16 pluviographes (Figure 1)
silteuse et argileuse, présente une hétérogénéité importante en                                                            permettent de discriminer la hauteur de pluie précipitée
fonction de la nature de la roche et des teneurs en eau ou en                                                              par cumuls de 0,5 mm. Vingt-six puits villageois (10 m de
argile selon la géophysique de subsurface (Descloitres                                                                     profondeur en moyenne) servent aux mesures des niveaux de
et al., 2003; Robain et Wubda, 2004; Wubda, 2003).                                                                         la nappe phréatique. Parmi ces puits, 13 font à la fois l’objet de
Les niveaux argilo-sableux, électriquement conducteurs, sont                                                               mesures tri-journalières (matin, midi et soir) et de mesures au
organisés en lentilles parfois affleurantes. Cette distribution                                                            pas de temps de 30 minutes. Les 13 autres sont suivis seulement
suggère que des nappes perchées peuvent se mettre en place                                                                 trois fois par jour. À une échelle de plus fine investigation, neuf
dans ces altérites, les formations argileuses constituant des                                                              piézomètres (exempts de prélèvements humains, contrairement
niveaux imperméables. Du fait de la présence de ces niveaux                                                                aux puits villageois) ont été crépinés à différentes profondeurs (2,
imperméables, la nappe phréatique ne serait pas libre sur                                                                  10 et 20 m de profondeur), au long d’un versant expérimental
toute sa surface. Aussi, localement et plus en profondeur, des                                                             (Amont, Milieu et Aval) en 2004 (Figure 1). Ces piézomètres
fractures du socle peuvent constituer un réservoir pérenne capté                                                           sont suivis trois fois par jour. Les forages d’hydraulique
par les forages d’hydraulique villageoise généralement plus                                                                villageoise (profondeur > 20 m) sont dotés d’un équipement
profonds que les puits villageois (Wubda, 2003). Ce socle                                                                  inadapté aux mesures des hauteurs d’eau. Ils n’ont donc pas
Relation nappe-rivière en zone tropicale humide de socle
366
fait l’objet de mesures piézométriques. L’exutoire du bassin                2) la conservation de flux chimique : le flux Q(t) × C i (t) d’un
(Figure 1) bénéficie d’enregistrements de débits au pas de                     traceur chimique i, calculé pour un instant t à l’exutoire, est
temps de 30 minutes, au moyen d’un limnigraphe. L’ensemble
des piézomètres et l’échelle limnimétrique de l’exutoire ont été               la somme des flux Q k (t) × Cki induits par les réservoirs k à
nivelés par GPS différentiel pour caractériser la distribution                 cet instant (2).
                                                                                                                             m
spatiale des potentiels hydrauliques.                                                                               i
                                                                                                        Q(t) × C (t) =      ∑ Qk (t) × Cki            (2)
                                                                                                                             i =1
    La conductivité électrique (C.E.) de l’eau a été suivie à des
pas de temps mensuels à trimestriels dans une vingtaine de puits            où m = n − 1 représente le nombre de traceurs chimiques
et forages. Des mesures ponctuelles de C.E. ont également été               i, C i (t) la concentration du traceur i mesurée à l’exutoire
réalisées lors d’une dizaine d’événements pluvieux, ainsi que
                                                                            à l’instant t, Cki la concentration du traceur i (supposée
sur les eaux de surface en période d’intercrue. En parallèle à
                                                                            constante) mesurée dans le réservoir k.
ces mesures, un échantillonnage d’eau (C.E. et ions majeurs)
à haute fréquence (pas de temps de 30 min) et portant sur
                                                                                La résolution combinée des équations (1) et (2) ramène à la
trois crues majeures (crue A, crue B et crue C) a été effectué à
                                                                            résolution (par la méthode des déterminants) de n d’équations
l’exutoire en 2003. L’ensemble des échantillons, filtrés in situ,
                                                                            à n inconnues (3).
a été analysé avec une précision de 5 % par électrophorèse
capillaire (cations et anions) au laboratoire HydroSciences de
                                                                                            1          1 1 1            1  Q   Q 
Montpellier (France).                                                                       1                                     1
                                                                                                                          1                    
                                                                                            C1         .   .   .       Cn   Q 2   Q * C1 
                                                                                            .          .   .   .        .   .           . 
    Le croisement des informations hydrodynamiques et                                                                       *     =             (3)
géochimiques recueillies devra permettre de dégager un schéma                               .          .   .   .        .   .           . 
cohérent du fonctionnement hydrogéochimique du bassin                                                                                          
                                                                                            .          .   .   .        .   .           . 
versant de la Donga.                                                                                                               
                                                                                            Cm         .   .   .       Cnm   Q n   Q * Cm 
                                                                                            1

2.3 Séparation géochimique d’hydrogrammes de crue                               Le premier terme de l’équation est formé par le produit de
                                                                            la matrice des constantes du modèle (concentrations Cki des
     Les rivières, exutoires naturels des différents réservoirs             traceurs i ∈[1, m ] mesurées dans les réservoirs k ∈[1, n] ) par la
hydriques, jouent un rôle essentiel dans l’équilibre physico-               matrice des inconnues (contribution Q k des réservoirs k) et le
chimique et hydrodynamique du bassin versant (Braun et                      deuxième terme par la matrice des flux Q * C i calculés pour les
al., 2002). À un instant donné, les eaux recueillies à l’exutoire           traceurs i à l’exutoire.
du bassin versant proviennent de plusieurs sources. Elles
sont attribuées à la vidange de réservoirs spécifiques, situés à                Ces deux lois de conservation de masse signifient que la
différentes profondeurs (Boeglin et Tardy, 1997). Le but                    variation de la charge hydraulique dans les rivières s’accompagne
de la séparation d’hydrogrammes, sur la base de la caractérisation          toujours d’une variation de la composition chimique de l’eau
hydrogéochimique des réservoirs hydriques, est de quantifier la             (Appelo et Postma, 1999). Cette approche nécessite la
contribution de chacun de ces réservoirs à la production des                prise en compte d’un certain nombre d’hypothèses :
débits des rivières. Le modèle de séparation d’hydrogrammes
considéré est régi par deux lois fondamentales de conservation              1) la concentration du traceur chimique dans l’épisode pluvieux
de masse (Bariac et al., 1995; Joerin et al., 2002) :                          considéré est significativement différente de celle de la rivière
                                                                               avant l’événement pluvieux (Crouzet et al., 1970).
1)		la conservation de masse d’eau : l’écoulement total , mesuré               Cette hypothèse est vérifiée au regard de la grande différence
   à un instant Q( t ) donné à l’exutoire, est la somme des                    chimique entre les eaux de pluie et les débits d’intercrue
   écoulements Q k (t) (inconnues du modèle) induits par les                   (Kamagaté, 2006);
   réservoirs k identifiés (1).
                                                                            2) la concentration du traceur chimique dans l’eau de pluie ne
                                   n
                                                                               présente pas de variations spatio-temporelles (Sklash et
                         Q(t) =   ∑ Qk (t)                          (1)
                                                                               Farvolden, 1982). De façon générale, la composition
                                  k =1
                                                                               chimique des pluies tend à se stabiliser sur une surface donnée
                                                                               au cours de l’averse (Dansgaard, 1964; Kendall et
où n représente le nombre de réservoirs k.
                                                                               McDonnell, 1993);
K. Bamory et al. / Revue des Sciences de l’Eau 21(3) (2008) 363-372
                                                                                                                                                                                                                      367
3) la composition chimique des eaux souterraines reste                                                             0                                                                            200
                                                                                                                           A
   constante au cours des événements de crue (Sklash et
   Farvolden, 1982). Cette hypothèse reste discutable du
                                                                                                       50                                                                                       150
   fait de l’influence probable des eaux de recharge au cours de
   l’averse. Mais ce phénomène est rarement mis en évidence

                                                                                                                                                                                                      débit (m3.s )
                                                                                                                                                                                                                 -1
                                                                         pluie (mm)
   dans la littérature (Hooper et Shoemarker, 1986);                                           100                                                                                              100

4) La composition chimique des rivières en période                                             150                                                                                              50
   d’écoulement de base est significativement proche de celle
   des eaux souterraines (Sklash et Farvolden, 1982).
                                                                                                                           B
   En période d’intercrue, il est évident que la production de                                 200                                                                                              0
                                                                                                            Jan-03                                       Jan-04                            Jan-05
   débit ne peut qu’être le fait des eaux souterraines. L’analyse                                                  0
   qui va suivre devra permettre d’identifier les aquifères                                                                C

   responsables de ces apports.                                                                                    2

                                                                                                                   4

                                                                             piézométrie (m)
                                                                                                                   6

3.	RÉSULTATS ET DISCUSSION                                                                                         8

                                                                                                      10
3.1 Processus hydrogéochimiques
                                                                                                      12

3.1.1 Caractéristiques hydrogéochimiques                                 Figure 2. (A) Pluies journalières, (B) débits journaliers à l’exutoire du
                                                                                   bassin, et (C) profondeur moyenne journalière de la nappe
                                                                                   phréatique pour les années 2003 et 2004.
     La pluviométrie annuelle (Figure 2A) présente une                             (A) Daily rainfall, (B) daily runoff at the watershed outlet,
diminution importante de l’ordre de 24 % entre 2003                                and (C) mean daily water table depth for the years 2003 and
(1 459 mm) et 2004 (1 113 mm). Cette différence est                                2004.
particulièrement marquée dans les écoulements (Figure 2B) :
429 mm en 2003 et 162 mm en 2004, soit une baisse de                                                                   avr.-04 mai-04    juin-04    juil.-04   août-04 sept.-04 oct.-04   nov.-04 déc.-04
l’ordre de 60 %. Le coefficient d’écoulement annuel s’évalue                                                           0
à 29 % en 2003 et 15 % en 2004. La durée de l’écoulement
                                                                                                                   10
                                                                                          pluie journalière (mm)

de la rivière, tributaire de l’occurrence de pluies, apparaît
plus courte en 2004 qu’en 2003 (Figures 2A et 2B). Aussi,                                                          20

la rivière tarit-elle dès que la pluie s’arrête alors que la nappe                                                 30
phréatique continue de se vidanger (Figures 2B et 2C). De
même que les écoulements de surface, la hausse piézométrique                                                       40

démarre environ un mois après les premières pluies et le pic est                                                   50
atteint trois à quatre mois plus tard. La décrue piézométrique                                                      0

s’amorce dès la fin de l’occurrence des précipitations régulières                                                      1
                                                                                                                                        prof_2 m
(Figure 2C). Les fluctuations piézométriques montrent, en
                                                                                                                       2
                                                                                                  profondeur (m)

comparaison interannuelle, une différence moindre que celle                                                                             prof_10 m

                                                                                                                       3
des débits : l’amplitude piézométrique moyenne annuelle varie                                                                           prof_20 m

de 7,4 ± 2,8 m en 2003 à 5,3 ± 2,3 m en 2004 (Figure 2C).                                                              4

Sur le site expérimental plus finement équipé, les piézomètres                                                         5
de 10 et 20 m de profondeur montrent une piézométrie
                                                                                                                       6
semblable. L’amplitude piézométrique apparaît plus faible
que celle enregistrée pour les puits villageois, plus exposés à          Figure 3. Profondeur de la nappe phréatique mesurée trois fois par jour
un rabattement local du fait des puisages domestiques. Les                         dans les piézomètres de la station expérimentale avale (2, 10
piézomètres de 2 m de profondeur captent un niveau d’eau plus                      et 20 m de profondeur) et pluviométrie journalière mesurée à
près de la surface du sol (environ 1 m au-dessus des niveaux lus                   la station la plus proche en 2004.
                                                                                   Water table depth measured three times per day in the down-
dans les piézomètres de 10 et 20 m de profondeur) et ayant un
                                                                                   gradient experimental piezometers (2, 10 and 20 m of depth)
caractère temporaire (Figure 3).                                                   and daily rainfall measured at the nearest station in 2004.
Relation nappe-rivière en zone tropicale humide de socle
368
    La conductivité électrique des pluies est de l’ordre de                                              supérieure à celle du lit de la rivière, même en saison sèche
10 ± 2 µS•cm‑1. Elle est de 65 ± 6 µS•cm‑1 en moyenne à                                                  (Figure 5). Ceci traduirait une alimentation des rivières par
l’exutoire en période hors crue (Tableau 1, Figure 4) alors                                              cette nappe indépendamment de la saison (Kamagaté,
qu’en période de crues, elle baisse fortement et avoisine celle                                          2003). Cependant, les cours d’eau s’assèchent totalement en
des pluies (Figure 4). La C.E. de la nappe phréatique (eaux                                              fin de saison pluvieuse, sans débit de base, alors que la nappe
de puits) dans les altérites montre des valeurs nettement                                                phréatique continue de se vidanger. Le réseau hydrographique
supérieures avec une moyenne de 155 ± 70 µS•cm‑1. Plus en                                                ne constituerait donc pas le principal exutoire de la nappe
profondeur, les eaux du socle fissuré (eaux de forage) montrent                                          phréatique. Outre les prélèvements humains, la vidange de cette
des valeurs moyennes encore plus élevées (288 ± 80 µS•cm‑1).                                             nappe serait essentiellement le fait des transferts verticaux par
Sur le site de plus fine investigation, les suivis hydrochimiques                                        évapotranspiration. D’un point de vue géologique, une perte
permettent de préciser ces observations. La nappe captée                                                 d’eau dans le socle fissuré via des brèches tectoniques à forte
par les piézomètres de 10 et 20 m de profondeur présente                                                 porosité ne serait pas totalement à exclure car quatre générations
des valeurs de C.E. respectivement de 204 ± 15 et                                                        de fractures caractérisées par des couloirs mylonitiques à brèches
254 ± 30 µS• cm‑1 (Tableau 1) alors que celle captée par les                                             tectoniques ont déjà été mises en évidence (Affaton,
piézomètres de 2 m de profondeur montre des C.E. fluctuant                                               1990).
autour d’une moyenne de 75 ± 3 µS•cm‑1, proche de celle des
rivières en période d’intercrue.                                                                              Le caractère temporaire des eaux de surface, le coefficient
                                                                                                         d’écoulement annuel relativement faible ainsi que la très faible
3.1.2. Relation nappe-réseau hydrographique                                                              minéralisation des eaux de la rivière suggèrent une origine
                                                                                                         superficielle des écoulements. Sur le site d’investigation
   À l’échelle des versants, l’altitude de la surface de la nappe                                        renforcée, la nappe saisonnière à faible minéralisation, captée à
phréatique, mesurée à partir des 26 puits villageois, est toujours                                       2 m de profondeur, a été identifiée comme une nappe perchée
                                                                                                         temporaire (Kamagaté, 2006). La saisonnalité de cette nappe
Tableau 1.	Conductivité électrique moyenne calculée pour chaque                                          tout comme l’écoulement des rivières, l’émergence de surfaces
           système hydrique considéré.
Table 1. Average electrical conductivity calculated for each considered
                                                                                                         saturées en de multiples points du bassin, la forte hétérogénéité
           water system.                                                                                 de la couche d’altérite avec présence de niveaux argilo-sableux
                                                                                                         électriquement conducteurs confortent l’existence de ces nappes
                     Système hydrique        Conductivité électrique (µS•cm-1)                           perchées. Selon ce schéma, le débit à l’exutoire pourrait être
                                                                                                         considéré comme un mélange de flux rapides (ruissellement
 Pluie                                                     10 ± 2                                        Hortonien et écoulement sur surfaces saturées) et de flux lents
 Eaux de surface
                                                           65 ± 6                                        (vidange de la nappe perchée saisonnière), sans contribution
 (exutoire, hors crue)
 Altérite (puits)                                         155 ± 70
                                                                                                         significative de la nappe phréatique dans les altérites et le socle
                                                                                                         fissuré à l’écoulement.
 Socle (forage)                                           288 ± 80
 Piézomètre 2 m                                            75 ± 5
 Piézomètre 10 m                                          204 ± 15
 Piézomètre 20 m                                          254 ± 30

                  200                                                               80

                                                                                    70
                  150
                                                                                    60
  débit (m3.s )

                                                                                         C.E. (µS.cm )
  -1

                                                                                         -1

                                                                                    50
                  100
                                                       débit
                                                                                    40
                                                       C.E. crue
                                                       C.E. inter-crue
                                                                                    30
                   50                                  C.E. moyenne subsurface
                                                                                                         Figure 5.	Schéma conceptuel des flux hydriques à l’échelle d’un versant,
                                                                                    20
                                                                                                                   d’après les observations hydrologiques, géochimiques
                    0                                                               10                             et géophysiques, ET : évapotranspiration, NP : niveau
                    juil.-03   août-03   sept.-03      oct.-03            nov.-03                                  piézométrique saisonnier minimum et maximum de la nappe
                                                                                                                   phréatique, If : infiltration et R : recharge.
                                                                                                                   Conceptual cross-section of the water flux at a hillslope scale,
Figure 4.	Conductivité électrique (C.E.) mesurée à l’exutoire en périodes                                          according to the hydrological, geochemical, and geophysical
          de crues et intercrues pour l’année 2003.                                                                observations, ET: evapotranspiration, NP: minimum and
          Outlet measured electrical conductivity (C.E.) during flood                                              maximum seasonal levels of the water table (dotted lines), If:
          and inter-flood periods in 2003.                                                                         infiltration and R: recharge.
K. Bamory et al. / Revue des Sciences de l’Eau 21(3) (2008) 363-372
                                                                                                                                           369
    Un schéma conceptuel réalisé à l’échelle d’un versant,                 Ca et Na au début de la crue, suit un recouvrement progressif
d’après les observations hydrologiques et géochimiques                     des valeurs à la décrue. Ces concentrations deviennent encore
précédentes, appuyées par la géophysique de surface (Robain                plus fortes lorsque le débit total devient inférieur à celui de
et Wubda, 2004), permet de préciser les flux hydriques                     début de crue. Sur la base des variations de concentration des
(Figure 5) et d’appliquer l’équation (3) au bassin de la                   traceurs, la séparation de l’hydrogramme indique une gamme
Donga (4) : un système de deux équations à deux inconnues;                 de variations des flux lents (nappes perchées) de 20 m3•s‑1 à
pour deux composantes, un seul traceur chimique est requis                 50 m3•s‑1 (soit une contribution maximale de 37 % au débit
                                                                           total) relativement à Ca (Figure 6A1). Cette gamme est de
                   1      1   Qr   Q                                 17 m3•s‑1 à 30 m3•s‑1 (soit une contribution maximale de 22 %
                   1         *  =                           (4)     au débit total) relativement à Na (Figure 6A2).
                    Cr   C1l   Q l   Q * C1 
                                                                                Contrairement à l’hydrogramme de la crue A,
où C1r représente la concentration du traceur choisi dans                  l’hydrogramme de la crue B, échantillonnée en milieu de saison,
l’écoulement rapide (constante du modèle), C1l la concentration            est symptomatique de trois crues superposées (Figure 6B).
du traceur choisi dans l’écoulement lent (constante du modèle),            Il débute à 60 m3•s‑1 et culmine au pic de crue à environ
                                                                           120 m3•s‑1. Tout comme la première crue, les concentrations
 C1 la concentration du traceur choisi à l’exutoire (mesurée au
pas de temps de 30 min), Q le débit total à l’exutoire (mesuré             de Ca et Na à la décrue avoisinent celles de début de crue et
au pas de temps de 30 min), Q r la part de l’écoulement rapide             deviennent supérieures par la suite. Les débits simulés pour
(inconnue du modèle) et Q l la part de l’écoulement lent                   les flux lents sont fluctuants, mais la valeur maximale est de
(inconnue du modèle).                                                      l’ordre de 50 m3•s‑1 (soit 42 % du débit total) pour le traceur
                                                                           Ca (Figure 6B1) et de 40 m3•s‑1 (soit 33 % du débit total) pour
3.2. Séparation d’hydrogrammes de crue                                     le traceur Na (Figure 6B2).

                                                                                L’hydrogramme total de la crue C, scrutée en fin de saison
    Les traceurs chimiques Ca et Na ont été choisis pour la
                                                                           humide, est composé de deux événements, mais tronquée du
séparation d’hydrogrammes. Le choix de ces deux traceurs
                                                                           fait de l’absence du début de l’événement global (Figure 6C).
relève d’une part du fait qu’ils sont des produits d’altération
                                                                           Les fluctuations des flux lents apparaissent identiques à celles
de roches, donc de bons traceurs d’origine d’eau et, d’autre
                                                                           du débit total avec un maximum de l’ordre de 30 m3•s‑1 (soit
part, du fait qu’ils présentent la même évolution que la C.E.
                                                                           58 % du débit total) à partir du traceur Ca (Figure 6C1) et
lors des crues. La séparation d’hydrogrammes ne concerne
                                                                           de 20 m3•s‑1 (soit 39 % du débit total à partir du traceur Na
que les crues car en période d’intercrue, seule la composante
                                                                           (Figure 6C2).
souterraine, représentée ici par les flux venant des nappes
perchées, contribue à l’écoulement (Bariac et al., 1995;
                                                                                La contribution de l’écoulement rapide est calculée à partir
Gremillon et al., 2000; Tardy et al., 2004). La mise
                                                                           de la différence entre l’écoulement total et l’écoulement lent pour
en œuvre du modèle de mélange nécessite la connaissance des
                                                                           chacune des trois crues. Sur la base des variations instantanées
valeurs numériques des constantes (concentration moyenne de
                                                                           des débits simulés, la contribution totale de l’écoulement
Ca et Na), relativement à l’écoulement rapide et à l’écoulement
                                                                           rapide et de l’écoulement lent a été calculée pour les trois
lent (pôles extrêmes d’influence) qui contribuent en proportion
                                                                           crues (Tableau 2). Le bilan global se discrimine logiquement
variable à la production de l’écoulement des rivières :
                                                                           entre une composante majoritaire, l’écoulement rapide et une
                                                                           composante minoritaire, l’écoulement lent. Quoique toujours
a) la minéralisation de l’eau de rivière se rapproche fortement
                                                                           inférieure à l’écoulement rapide, la part de l’écoulement lent
   de celle de l’eau de pluie durant les pics de crue, ce qui peut
                                                                           des nappes perchées apparaît croissante au fur et à mesure que
   justifier l’assimilation des pluies au pôle écoulement rapide;
                                                                           la saison humide s’installe du fait de l’augmentation progressive
    C1r = 0,16 mg•L‑1 pour Ca et 0,09 mg•L‑1 pour Na;                      de la pluie efficace.
b) la minéralisation de l’eau de rivière se rapproche fortement                Au regard de la différence sensible entre les résultats
   de celle des nappes perchées en période d’intercrue;                    obtenus avec le traceur Ca et ceux obtenus avec le traceur
    C1l = 4,00 mg•L‑1 pour Ca et 1,14 mg•L‑1 pour Na.                      Na, les contributions simulées doivent être considérées
                                                                           avec circonspection et seules les gammes de variations et les
    L’hydrogramme total de la crue A, échantillonnée en début              processus majeurs peuvent être retenus. Ceci serait lié à la
de saison humide, est relatif à une crue unique en forme de                différence de solubilité, de valence et de rayon ionique entre
cloche (Figure 6A). Il varie de 50 m3•s‑1 en début d’événement             ces deux traceurs, et probablement aux réactions d’adsorption
à 135 m3•s‑1 au pic de crue. À une chute des concentrations de             et précipitation.
Relation nappe-rivière en zone tropicale humide de socle
370

      Figure 6.	Séparation de l’hydrogramme des crues A, B et C en écoulement rapide ( Q r ) et écoulement lent ( Q l ) à l’exutoire du
                bassin de la Donga à partir des traceurs chimiques Ca (1) et Na (2).
                Flood A, B and C hydrograph separation in rapid runoff ( Q r ) and delayed flow ( Q l ) at the watershed outlet by mean
                of the chemical tracers Ca (1) and Na (2).

            Tableau 2.	Volume total drainé (Vt) par les crues A, B et C et contributions (%) de
                        l’écoulement rapide ( Qr ) et de l’écoulement lent ( Ql ) à l’écoulement total, obtenus
                        après séparation d’hydrogrammes au moyen des traceurs chimiques Ca et Na.
            Table 2.    Total drained volume (Vt) by the floods A, B and C and rapid runoff ( Qr ) and delayed flow ( Ql ) contribution
                        (%) to the stream flow, obtained after the hydrographs separation by means of the chemical tracers Ca and Na.

                                            Crue A                                   Crue B                         Crue C

                                      Vt = 1 639 000 m3                        Vt = 3 025 000 m3              Vt = 549 000 m3

                Traceurs
                                   Ql (%)            Qr (%)                Ql (%)               Qr (%)    Ql (%)             Qr (%)

                   Ca             37 ± 12               63                44 ± 16                  56     46 ± 11             54

                   Na             25 ± 10               75                32 ± 12                  68     36 ± 07             64
K. Bamory et al. / Revue des Sciences de l’Eau 21(3) (2008) 363-372
                                                                                                                                    371

4.	CONCLUSION                                                            APPELO C.A.J. et D. POSTMA (1999). Geochemistry,
                                                                            groundwater and pollution. Balkema, Rotterdam,
                                                                            Hollande, 536 p.
    Le croisement des informations hydrodynamiques,
géochimiques et géophysiques a permis de montrer que les eaux
                                                                         BARIAC T., A. MILLET, B. LADOUCHE, R. MATHIEU,
de surface sont majoritairement d’origine superficielle lors des
                                                                           C. GRIMALDI, M. GRIMALDI, M. SARRAZIN,
crues. En période d’intercrue, elles sont essentiellement le fait
                                                                           P. HUBERT, H. MOLICOVA, L. BRUCKLER, V.
de la vidange de nappes perchées saisonnières, sans contribution
                                                                           VALLES, P. BERTUZZI, B. BES, J.C. GAUDU, J.
significative des nappes pérennes des altérites et du socle. La
                                                                           HOROYAN, J. BOULEGUE, F. JUNG, Y. BRUNET,
contribution de ces nappes perchées apparaît croissante avec la
                                                                           J.M. BONNEFOND, R. TOURNEBIZE et A. GRANIER
saison pluvieuse.
                                                                           (1995). Décomposition géochimique de l’hydrogramme de
                                                                           crue sur un petit bassin versant Guyanais (Piste Saint-Elie,
     Ces résultats constituent une étape préliminaire dans
                                                                           dispositif ECEREX, Orstom-CTFT, Guyane Française).
l’étude hydrologique du bassin versant de la Donga. Un
                                                                           IASH, 238, 249-269.
suivi à plus long terme des écoulements de surface (crue et
intercrue) permettrait notamment de préciser l’importance
                                                                         BOEGLIN J.L. et Y. TARDY (1997). Érosion chimique et
respective des écoulements rapide et lent dans la variabilité
                                                                           mécanique sur le bassin amont du Niger (Guinée, Mali).
interannuelle des débits des cours d’eau. Dans une perspective
                                                                           Découpage en quatre écoulements. CR Geosci., 325,
plus large, cette étude représente un début à une meilleure
                                                                           125‑131.
connaissance de l’impact du déboisement et du changement
d’occupation des sols sur l’hydrologie de la zone. En effet, un
                                                                         BRAUN J.J., B. DUPRÉ, J. VIERS, J.R. NDAM
défrichement continu et d’ampleur importante provoquerait
                                                                           NGOUPAYOU, J.P. BEDIMO BEDIMO, L. SIGHA-
une augmentation conséquente du coefficient de ruissellement
                                                                           NKAMDJOU, R. FREYDIER, H. ROBAIN, B. NYECK,
du bassin (Casenave et Valentin, 1992). L’écart entre
                                                                           J. BODIN, P. OLIVA, J.L. BOEGLIN, S. STEMMLER
la contribution de l’écoulement rapide et celle de l’écoulement
                                                                           et J. BERTHELIN (2002). Biogeohydrodynamic in the
lent deviendrait de plus en plus important et la recharge des
                                                                           forested humid tropical environment: the case study of the
aquifères de plus en plus faible. Le défrichement pourrait
                                                                           Nsimi small experimental watershed (South Cameroon).
également induire une diminution de l’évapotranspiration
                                                                           Bull. Soc. Geol. Fr., 173, 347-357.
réelle (ETR) du fait d’un couvert végétal de moins en moins
dense. Ceci met en exergue la nécessité de connaître l’ETR,
                                                                         BRGM/OBM (1984). Carte géologique au 1/200 000e, feuille
jusque là inconnue, et son impact sur le bilan hydrologique du
                                                                           de Djougou-Parakou-Nikki. Office Béninois des Mines,
bassin.
                                                                           Cotonou, République du Bénin.

                                                                         CASENAVE A. et C. VALENTIN (1992). A runoff capability
                                                                           classification system based on surface features criteria in
REMERCIEMENTS                                                              semi-arid areas of West Africa. J. Hydrol., 130, 231-249.

    Nos remerciements vont à l’endroit de tous les chercheurs            CHEVALLIER P. (1990). Complexité hydrologique du petit
et techniciens de l’IRD au Bénin pour l’acquisition et la mise             basin versant. Exemple en savane humide, Booro Borotou
en forme des données. La Direction de l’Hydraulique de                     (Côte d’Ivoire). ORSTOM Études et Thèses, Paris, 332 p.
Djougou (MMEH, Bénin) est à remercier pour avoir autorisé
l’accès aux infrastructures hydrauliques du bassin. L’accueil et         CHEVALLIER P. et O. PLANCHON (1993). Hydrological
la participation des habitants à certains suivis sont également            processes in a small humid savanna basin (Ivory Coast). J.
remerciés.                                                                 Hydrol., 151, 173-191.

                                                                         CROUZET E., P. HUBERT, P. OLIVE et E.S.A. MARCÉ
                                                                           (1970). Le tritium dans les mesures hydrologiques de
                                                                           surface. Détermination expérimentale du coefficient de
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIES                                                  ruissellement. J. Hydrol., 11, 217-229.

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