Projets climatiques : un urgent besoin d'investissements privés efficaces - La Vie économique
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COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT Projets climatiques : un urgent besoin d’investissements privés efficaces Davantage d’investissements en faveur du climat sont nécessaires pour limiter le réchauffe- ment de la planète à 1,5°C. Le Seco souhaite améliorer les conditions-cadres pour des inves- tissements privés efficaces et durables dans les pays en développement, par exemple dans des projets liés aux énergies renouvelables. Patrick Renz Abrégé Viser une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C n’est pas réaliste au Les objectifs tangibles de réduction ou vu des plans « climat » nationaux adoptés jusqu’ici et des fonds publics disponibles. d’économie d’émissions de CO2 formulés par La participation du secteur privé est donc une urgente nécessité. La Suisse entend les différents pays dans le cadre de l’Accord associer davantage le secteur privé aux mesures de lutte contre le changement cli- de Paris n’ont pas été discutés à Katowice. matique dans son financement du développement. Les marchés financiers interna- Ils ne suffiront hélas même pas à maintenir tionaux accordent toujours plus d’attention aux risques climatiques : la demande de la hausse de la température planétaire sous placements verts augmente fortement. Pour que ces fonds indispensables puissent les 2°C. Il n’existe en outre pas de directive être effectivement investis, des conditions-cadres plus intéressantes pour le secteur contraignante mondiale sur la manière dont privé sont nécessaires dans les pays en développement. Augmenter les investisse- les pays devront progressivement adapter ments est cependant inutile si leurs effets font long feu ou s’ils ont des effets indési- leurs plans de protection, jusqu’ici insuffi- rables. Au-delà de l’euphorie accompagnant l’obtention de fonds supplémentaires, le sants, aux objectifs climatiques. résultat ne doit pas être perdu de vue. Rien ne serait toutefois fait uniquement avec des plans nationaux plus ambitieux. Pour atteindre l’objectif d’un réchauffement B ien que Davos ait accueilli les visiteurs du Forum économique mondial (WEF) 2019 dans le froid et la neige, l’indice des risques d’ici à 2050. Cela signifie que la quantité de CO2 dans l’atmosphère ne pourra plus aug- menter à partir de cette date ou devra même maximum de 1,5°C et en l’absence d’autres mesures politiques, les investissements annuels consentis à l’échelle mondiale dans mondiaux publié par le WEF montre que les être réduite. le domaine énergétique devraient être en trois principaux dangers identifiés cette an- moyenne supérieurs de 830 milliards de dol- née sont liés au réchauffement climatique. Des programmes de protection lars à ce qu’ils sont aujourd’hui, selon le Giec. Il s’agit des phénomènes météorologiques Dans les pays émergents en particulier, les extrêmes, des catastrophes naturelles ainsi du climat insuffisants fonds publics, y compris les ressources desti- que de l’échec des politiques à lutter contre Le changement climatique est un défi mon- nées au climat issues du financement interna- le changement climatique et à s’y adapter. dial qui appelle d’urgence une solution glo- tional du développement, ne couvrent qu’une Les climatologues prévoient aussi un retour bale. D’importants éléments pour la mise fraction des investissements nécessaires. du phénomène El Niño, responsable de tem- en œuvre de l’Accord de Paris ont à ce titre Associer le secteur privé est donc impératif. pêtes, d’inondations et de sécheresses. Une été adoptés en décembre 2018 lors des hausse record des émissions de CO2 est en négociations sur le climat à Katowice, en Une contribution suisse équitable outre attendue. Pologne. Les participants se sont entre Le bilan de l’année écoulée vient encore autres entendus sur une méthode qui doit En plus de sa politique nationale en la ma- noircir le tableau : 2018 a été la quatrième à l’avenir permettre de suivre les progrès de tière, la Suisse soutient le combat des pays en année consécutive avec une température chaque pays dans la mise en œuvre de ses développement contre le changement clima- moyenne mondiale supérieure de 1°C aux objectifs climatiques. tique dans le cadre de la coopération inter- niveaux préindustriels. Selon le rapport d’octobre 2018 du Groupe d’experts intergou- vernemental sur l’évolution du climat (Giec), Le projet éolien de Gul Ahmed le réchauffement planétaire devrait atteindre Le Groupe de développement à structurer ses finances et avec des fonds limités de dona- entre 2030 et 2052 la limite maximale de 1,5°C des infrastructures privées à attirer des investisseurs teurs, démontrer la rentabilité fixée par l’Accord de Paris sur le climat. (PIDG) est une initiative visant à privés pour un projet d’énergie d’un tel projet aux investisseurs mobiliser des fonds privés dans renouvelable : le PIDG a donc privés nationaux et susciter Le réchauffement de 1,5°C est déjà les pays en développement à mis à disposition son expertise de nouveaux financements aujourd’hui une réalité dans de nombreuses laquelle participe le Seco. Le et 15 millions de dollars pour dans le secteur des énergies régions, notamment en Suisse, où la tempé- projet d’énergie éolienne de Gul développer une installation renouvelables au Pakistan. Le rature moyenne annuelle a augmenté de 2°C Ahmed au Pakistan constitue éolienne de 50 mégawatts. projet réduit les émissions de un exemple de programme de L’injection du PIDG a mobilisé CO2 du pays de 93 800 tonnes depuis le début des mesures. Pour limiter le protection du climat financé par 120 millions supplémentaires, par an et garantit ou améliore réchauffement planétaire à 1,5°C, la neutralité le PIDG. L’entreprise Gul Ahmed dont 69 provenant du secteur l’accès à l’électricité pour plus carbone doit être atteinte à l’échelle mondiale Energy avait des difficultés privé local. Gul Ahmed a ainsi pu, de 350 000 personnes. 34 La Vie économique 4 / 2019
La Suisse coopère également avec les investisseurs privés pour augmenter l’efficacité des projets respectueux du climat dans les pays en développement. KEYSTONE
COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT nationale. Dès la Conférence sur le change- marge de manœuvre financière est donc Le WEF a montré cette année qu’un ment climatique de Copenhague en 2009, il indispensable. nombre croissant d’acteurs changent a été décidé avec d’autres pays industrialisés Actuellement, les fonds publics desti- d’optique. Les placements verts, comme les d’y consacrer ensemble un total de 100 mil- nés à la coopération internationale de la investissements dans des sources d’énergie liards de dollars par an à partir de 2020. Pro- Suisse stagnent et de nouvelles sources de renouvelables, deviennent de plus en plus venant de sources publiques et privées, ces financement en faveur de la protection du attrayants en termes de rendement. La fonds doivent aider les pays en développe- climat mondial, comme des taxes dédiées, demande de tels produits financiers a for- ment à mettre en œuvre des actions contre ont peu de chance d’aboutir politiquement. tement augmenté ces dernières années. Le le changement climatique et à s’adapter à Un financement climatique plus élevé n’est volume global des émissions d’obligations ses conséquences. En 2017, le Conseil fédé- donc concevable qu’avec une plus forte vertes a atteint 167 milliards de dollars en 2018 ral a annoncé dans un rapport que, sur ces mobilisation du secteur privé. Le renforce- (voir illustration). En collaboration avec la 100 milliards, la juste part de la Suisse est ment d’initiatives existantes (voir encadré), Société financière internationale (SFI), le comprise entre 450 et 600 millions de dollars l’introduction de nouveaux instruments ainsi Seco soutient la promotion et l’amélioration par an dès 20201. À cette fin, le Conseil fédéral que l’engagement des ressources nécessaires qualitative de ces obligations dans les pays en entend utiliser des fonds publics et mobiliser doivent être examinés. développement et émergents. très largement des fonds privés. Mais allouer des milliards supplémentaires Le financement international de la Suisse Les flux financiers mondiaux, pour financer la réduction des émissions et en faveur du climat ne doit toutefois pas se li- l’adaptation au changement climatique ne miter au minimum de 450 millions de dollars, principal levier suffit pas. Des conditions-cadres favorables ont conclu des experts du Secrétariat d’État L’Accord de Paris demande également des et des possibilités de placement attractives à l’économie (Seco), de l’Office fédéral de flux financiers respectueux du climat, car le pour le secteur privé manquent pour aug- l’environnement (Ofev) et de la Direction du fait d’investir dans une centrale à charbon menter les investissements respectueux développement et de la coopération (DDC) de faible niveau technologique dans un pays du climat, notamment dans les pays en dans un concept technique concernant une en développement génère par exemple des développement. plus forte mobilisation du secteur privé en émissions supérieures à celles économisées faveur d’investissements respectueux du dans le même temps avec des sources d’éner- Des conditions-cadres pour les climat dans les pays en développement. Ce gie renouvelable financées par l’État. Ces dernier signale que les variations annuelles risques climatiques n’ont longtemps pas été investisseurs privés dans le financement des projets, les diffé- pris en compte (ou très peu) dans les porte- Dans le cadre de la coopération écono- rentes durées de ceux-ci ou encore les fluc- feuilles des banques, des assurances ou des mique, le Seco soutient une croissance du- tuations monétaires influenceront le niveau fonds de pension. Or, la cible d’une augmen- rable et inclusive dans les pays en dévelop- de l’effort international de la Suisse pour le tation maximale de 1,5°C de la température ne pement et émergents. La mise en place de climat également à l’avenir. Une certaine peut être atteinte que si les pratiques d’inves- conditions politiques et économiques fa- tissement des marchés financiers favorisent vorables au secteur privé est primordiale. 1 Voir Conseil fédéral (2017), Financement international la transition vers une économie mondiale Il s’agit par exemple d’aider les investis- dans le domaine du climat. Rapport du Conseil fédéral plus durable, au lieu de la ralentir. Quelque seurs privés à réduire les risques liés aux en réponse au postulat 15.3798 du 2 juillet 2015 de la Commission de politique extérieure du Conseil 7300 milliards de francs d’actifs sont gérés activités commerciales dans les pays en national. seulement en Suisse. développement. Émissions d’obligations « vertes » par types d’émetteurs (2012–2018) 200 Milliards de dollars CLIMATE BONDS INITIATIVE / SERVICES FINANCIERS STANDARD & POOR’S / LA VIE ÉCONOMIQUE 150 100 50 0 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Banques Entreprises Banques de développement États Agences gouvernementales Gouvernements locaux Titres adossés à des actifs Autres instruments d’emprunt 36 La Vie économique 4 / 2019
COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT Outre la collaboration bilatérale avec les mobilisés pour financer la lutte contre le doivent définir des solutions écologiques pays partenaires, la Suisse coopère avec changement climatique. socialement acceptables et durables avec les les principales banques multilatérales de acteurs concernés. Les banques multilaté- développement. Le Seco participe ainsi au L’impact fait la différence rales de développement jouent aujourd’hui « Energy Sector Management Assistance un rôle majeur dans la promotion de normes Program » du Groupe de la Banque mon- La coopération entre acteurs publics et pri- mondialement reconnues. Les « Principes de diale, qui encourage des réformes durables vés pourrait donc ouvrir la voie à une limita- l’Équateur », un ensemble de règles adoptées du secteur énergétique dans les pays en tion à 1,5°C de la hausse maximale des tem- volontairement par les banques pour la prise développement. Le Seco soutient notam- pératures. Il est toutefois impératif que en compte de normes environnementales et ment l’Égypte, pays prioritaire, dans la sup- l’impact des moyens financiers engagés per- sociales dans le financement de projets, en pression des subventions aux combustibles dure ou qu’il n’y ait pas d’effets indésirables. sont un exemple. Les acteurs concernés de- fossiles. Par exemple, une solution innovante qui fa- vront à cet égard consentir de grands efforts Par sa participation financière aux banques vorise une consommation d’énergie plus effi- à l’avenir également. multilatérales de développement, la Suisse cace n’a de sens que si les consommateurs ne est également un membre actif de leurs dépensent pas l’énergie économisée sous une organes directeurs. Ces banques financent autre forme, inefficace. des infrastructures résilientes aux change- Il importe également de gérer judicieu- ments climatiques et à faibles émissions. Elles sement les risques écologiques, sociaux et rendent possibles des projets financièrement de direction. La suppression de subventions mûrs et pertinents sur le plan climatique en aux combustibles fossiles ou la fermeture de minimisant les risques de faisabilité écono- mines de charbon peut affecter la population mique et technique. Entre 2021 et 2025, le la plus pauvre d’un pays en provoquant une Patrick Renz Groupe de la Banque mondiale veut dégager hausse des prix ou des pertes d’emplois. Pour Collaborateur scientifique, secteur Coopé- 100 milliards de dollars de ses propres res- éviter des problèmes sociaux dans des régions ration multilatérale, Secrétariat d’État à l’économie (Seco), Berne sources et un montant équivalent de fonds entières, les investisseurs publics et privés Pour toute la vie Les prestations de la Croix-Rouge en Suisse plus Pour en savoir tations .re dcross.ch pres Accompagner, soutenir, épauler. Nous sommes là. Près de chez vous, pour vous et votre famille, pour un monde plus humain.
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