Rachel L. Mellon Collection - Cristóbal Balenciaga Museoa
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Balenciaga, 100 ans Balenciaga ouvrit son premier atelier en 1917, à Saint-Sébastien, alors qu’il n’avait que 22 ans. Ce fut le départ d’une activité frénétique qui le conduirait à s’installer à Paris vingt ans plus tard, où il serait consacré « Maître » de la Haute Couture internationale. 2017 est donc l’année qui marque le centenaire des premiers pas de l’aventure créative et commerciale du jeune Balenciaga, alors qu’il y a tout juste 80 ans, il inaugurait aussi sa célèbre maison parisienne au 10 de l’avenue George V. Portrait de Cristóbal Balenciaga datant de 1937. © Sarria / Cristóbal Balenciaga Museoa. C’est dans le contexte de ce centenaire que le musée Cristóbal Balenciaga présente Rachel L. Mellon Collection. Cette exposition, qui pourra être visitée à partir du 27 mai 2017 jusqu’au 25 janvier 2018, rend hommage à une grande dame dont l’influence fut considérable en tant que cliente de la Maison Balenciaga, en tant que personnalité de la vie sociale de son époque, en tant que paysagiste autodidacte et en tant que bienfaitrice de divers organismes culturels dans différents pays, et parmi eux, le propre musée Cristóbal Balenciaga. 1
Le legs de Mme. Mellon Rachel Lowe Philanthrope, collectionneuse d’art, créatrice de jardins, amie personnelle des Kennedy et épouse du grand magnat Lambert Mellon des finances et mécène Paul Mellon, Mme. Mellon constitue l’archétype de la cliente fortunée, sensible et exclusive de (1910–2014), la maison Balenciaga. Ce statut, conforté par une relation d’affinité et d’amitié avec le grand couturier, conféra à Mme. surnommée Bunny, Mellon le privilège de posséder l’une des plus importantes garde-robes de son époque. Cette garde-robe s’alimente de fut l’une des grandes tout type de vêtements et accessoires pour sa vie sociale et privée, réunis par ordre chronologique sur une période de 12 dames de la haute ans, depuis 1956 jusqu’à la fermeture de Balenciaga en 1968. société nord- « Les collections privées ont leur propre physionomie qui, évidemment, révèlent les goûts et les attitudes de leurs américaine du XXe responsables ». Cette réflexion de John Rewald sur le collectionnisme d’art dans le catalogue de l’exposition d’une siècle. des collections d’art des Mellon pourrait être extrapolée à sa façon de sélectionner, acquérir, conserver et même documenter l’ensemble de ses vêtements, dont une fraction constitue aujourd’hui une collection à part au sein du patrimoine du musée Cristóbal Balenciaga. La collection La collection réunie au fil des ans a reçu une forte impulsion en 2014 grâce à l’extraordinaire legs laissé par Mme. Mellon à sa mort, qui s’est par la suite enrichi du don de documents en rapport avec la collection par la Gerard Lambert Foundation. Ainsi, la collection contient tout type de vêtements et d’accessoires pour tous les moments de la journée, acquis par Mme. Mellon durant plus de 10 ans. Et concrètement, 120 tailleurs de jour, 50 manteaux, 40 robes de cocktail, 25 robes du soir, 20 déshabillés, 10 ensembles de jardin, 30 de lingerie, 215 foulards, 32 coiffures et chapeaux, en plus d’une catégorie éclectique jusqu’à atteindre les 660 références. Le fonds Rachel L. Mellon conserve aussi des archives documentaires comprenant 138 croquis originaux avec des échantillons de tissu et 250 pièces de correspondance commerciale et personnelle. Rachel L. Mellon s’occupant de son jardin, vêtue d’une tunique de Cristóbal Balenciaga. © Henri Cartier- Bresson / C’est probablement la plus importante collection de Magnum Photos / Contact. Balenciaga réunie par une même cliente conservée 3
Le legs de Mme. Mellon actuellement dans les fonds d’un musée ; mais, en dehors du volume de références, déjà fort conséquent, la plus grande richesse de la collection réside dans la diversité et dans l’information qui se dégage des relations entre les pièces et la documentation et que la passion conservatrice de Mme. Mellon nous donne l’opportunité d’extraire aujourd’hui. Cette interrelation entre la constance documentaire et la collection de vêtements reflète parfaitement le processus d’achat d’une cliente internationale auprès de la Maison Balenciaga, en commençant par les croquis envoyés pour la sélection des modèles, jusqu’à l’expédition de la facture. Et ce sans compter avec la documentation qui met en évidence l’exclusivité et le traitement de faveur dont bénéficiait Mme. Mellon. L’exposition Rachel L. Mellon se convertit en l’une des L’exposition Rachel L. Mellon Collection est la première plus prestigieuses clientes internationales réalisée par le musée autour de cet héritage. Parmi les de Balenciaga. Facture de 1956. © Rachel L. Mellon bilduma / Cristóbal Balenciaga plus de 600 références textiles et documentaires qui Museoa. forment cette collection, nous avons sélectionné 150 pièces représentatives, dont la plupart n’ont jamais été exposées auparavant. Et concrètement, 97 pièces de la garde-robe ainsi que des documents originaux et des objets personnels : croquis, correspondance, factures, photos, etc. L’exposition nous permet de mieux connaître Balenciaga à travers le filtre fascinant que nous offre Mme. Mellon en tant que cliente, amie et collectionneuse expérimentée, et comme représentante d’un mode de vie auquel très peu avaient accès. Cette lecture représente un enjeu complexe qui prend forme sous la direction de M. Hubert de Givenchy, président fondateur du musée, figure clé de la genèse de la collection et ami personnel de nos deux protagonistes. L’exposition est produite par le musée, sous le co- commissariat d’Eloy Martínez de la Pera, responsable de la Fondation Cristóbal Balenciaga, et d’Igor Uria, directeur des collections du musée. La collection Rachel L. Mellon bénéficia d’une grande impulsion en 2014 avec l’incorporation de plus de 400 pièces. © Collection Rachel L. Mellon / Cristóbal Balenciaga Museoa. 4
Le monde de Mme. Mellon La propre biographie de Mme. Mellon constitue l’un des thèmes centraux de l’exposition. Replacée dans son contexte historique, elle permet de comprendre l’importance sociale du personnage public et l’intimité spéciale de la femme Née en 1910, Rachel Lowe Lambert était l’héritière d’une dans sa vie privée. grande fortune amassée dans l’industrie chimique par son grand-père, inventeur de Listerine, et son père, président de Gillette. Elle se maria deux fois. La première, en 1932, avec Stacy Barcroft Lloyd, avec qui elle eut deux enfants. La deuxième, en 1946, avec Paul Mellon, veuf avec deux enfants possédant l’une des plus grandes fortunes du monde, grand mécène et collectionneur d’art. Mme. Mellon était une personne extrêmement jalouse de son intimité et peu encline à s’exposer à la lumière publique. Ses relations sociales se limitaient bien souvent à un cercle réduit et sélectif d’amis, et parmi eux, le président Kennedy et son épouse Jackie. Signalons par ailleurs qu’elle reçut dans sa formidable propriété d’Oak Spring, en Virginie, deux générations de la famille royale d’Angleterre ; la reine Paul et Rachel Mellon lors d’une Elizabeth II et le prince Philip d’Édimbourg en 1957, ou, des inauguration à la National Gallery of Art en 1965. ©National Gallery of Art, Washington années plus tard, le prince Charles et Lady Di, seule visite d.c. Gallery Archive. de ces derniers à des résidences privées lors de leur tournée américaine. 5
Le monde de Mme. Mellon Car le fait est que Mme. Mellon appartient à une élite d’un grand poids économique, mais aussi politique et intellectuel. En tant que mécène et philanthrope des arts, aux côtés de son époux Paul, elle légua ainsi à la National Gallery of Art plus de 1.000 œuvres d’art –des Cézanne, Van Gogh ou Degas, entre autres–. Dans ses rares photographies publiques, on peut la voir entrain de converser avec des personnalités éminentes du monde de la culture comme Truman Capote, l’architecte I.M. Pei ou l’artiste Adam Peiperl. Mme. Mellon accorda uniquement deux interviews durant sa vie ; la première au New York Times en 1969 et la deuxième, en 2010, au magazine Vanity Fair. De la première émana sa célèbre phrase et sa conviction la plus intime, « nothing should be noticed » (on ne doit rien remarquer). Cette facette de présence discrète et d’influence voilée dans les sphères du pouvoir de la vie sociale et culturelle Mme. Jacqueline Kennedy, accompagnée américaine se complète des images, encore plus rares, de Mme. Mellon, quitte la maison de Mme. – comme celles d’Henri Cartier-Bresson pour Vogue – qui Martin Luther King Jr. après avoir présenté ses respects à la veuve du défenseur des témoignent d’une Mme. Mellon plus intime se consacrant droits civils assassiné, 1968. © Collection à sa grande passion, le jardin, et portant pour l’occasion Bettmann / Getty Images. des tuniques, chemisiers et jupes créés tout exprès par Balenciaga. L’étude et la pratique du jardinage, de l’horticulture et du paysagisme sont les traits les plus représentatifs et personnels de Mme. Mellon, pour être un domaine où elle se distingua par ses propres mérites. Cette facette qu’elle développa dès son enfance l’accompagna toute sa vie, durant laquelle elle se forma en autodidacte tout en réunissant une incroyable bibliothèque thématique et en prêtant ses talents de paysagiste amateur dans ses propres résidences et celles de son cercle d’amis. En 1962 cependant, cette activité recevrait une reconnaissance publique grâce à une commande de J.F. Kennedy qui la chargea de concevoir l’emblématique Roseraie de la Maison-Blanche, qui jouxte le Bureau ovale et la célèbre Aile ouest. Une tâche qu’elle compléta des années plus tard en reconcevant le jardin Kennedy à la demande de Mme. Lady Bird Johnson et pour laquelle elle fut distinguée du Conservation Service Award en 1966. Plus tard, elle contribua activement à la restauration du Potager du Roi à Versailles, conçu par son très admiré Jean de la Quintinie au XVIIe siècle, un projet qu’elle entreprit à l’instance de son ami Hubert de Givenchy et pour lequel elle fut décorée de la Croix d’ Officier des Arts et des Lettres. L’exposition retrace ce contexte biographique lié à Mme. Mellon à travers une sélection soignée de tenues de jardin, de jour, de cocktail et du soir, qui, en juxtaposition avec les photographies publiées dans la presse ou conservées dans les archives de diverses institutions, et avec la présentation d’objets originaux et la recréation d’ambiances, nous permettent de tendre cette passerelle dans l’histoire et d’accéder à ce moment et à cet univers concret que Mme. Mellon, passionnée de jardinage, représente Mme. Mellon. d’horticulture et de paysagisme. © Fred. R. Conrad. The New York Times. 6
Le monde de Mme. Mellon Manteau en sergé de laine bleu marine avec 4 plis creux au dos. balenciaga. paris. Août 1937. cbm 2004.37 Mme. Mellon entretint une relation étroite avec Jackie Kennedy, pour qui elle joua le rôle de mentor, confidente et amie. Elle accompagnait Jackie à des actes officiels, et toutes deux partagèrent de nombreux moments de loisirs et des périodes de vacances. Avec ce manteau de jour, Mme. Mellon accompagna la première dame lorsqu’elle présenta ses condoléances à la veuve de Martin Luther King, après l’assassinat de ce dernier en 1968. 7
Le monde de Mme. Mellon Ensemble du soir composé d’un haut cintré décoré de feuilles de vigne en organza de soie noire et d’une jupe en faille noire. balenciaga. paris. Février 1968 cbm 2014. 245ac. Cet ensemble appartient à la dernière collection de Cristóbal Balenciaga. Mme. Mellon le commanda en février 1968 pour se rendre à l’inauguration de l’exposition de printemps de la National Gallery of Art de Washington, dont les Mellon étaient de grands bienfaiteurs. Au mois de mars de la même année, l’ensemble apparut dans la revue Harper’s Bazaar. 8
Le monde de Mme. Mellon Tunique de jardin, ample, avec des poches plaquées en forme de losange, en taffetas de coton vert pistache. balenciaga. paris. cbm 2014.96. Cristóbal Balenciaga s’adaptait aux exigences de Mme. Mellon en modifiant les modèles qu’elle sélectionnait ou en les créant en fonction de ses besoins quotidiens. Le couturier prend ainsi en charge toutes ses tenues de jardin- tuniques, chemisiers et jupes. Une exception dans la Maison. Comme le remarquait Bunny Mellon, «les modèles pour le jour s’adaptaient à la perfection à la vie de ses clientes. Ainsi, pour travailler au jardin, je disposais de tuniques amples en coton de lin et de jupes unies…» 9
Cliente et amie Ses robes et ses Mme. Mellon fit la connaissance de Cristóbal Balenciaga à travers un ami commun, le prestigieux créateur joaillier manteaux du soir Jean Schlumberger, très réputé pour ses travaux pour la firme Tiffany&Co. étaient fascinants. Elle-même narre ainsi les débuts de sa relation comme Ses modèles pour le cliente avec le couturier et ses premiers achats : « Johnny Schlumberger était un ami intime. Il n’hésitait jamais à jour s’adaptaient à la critiquer les créations américaines. Un jour que j’étais à Londres, il m’envoya l’essayeuse de Balenciaga pour perfection à la vie de prendre mes mesures et me faire faire un mannequin à ma taille. L’automne suivant, il me fit parvenir deux robes et ses clientes. Ainsi, pour un manteau trois-quarts confectionné dans un merveilleux tissu noir. Je dois admettre que j’en fus enchantée. C’est travailler au jardin, je alors que je commençai à faire appel à Balenciaga ». disposais de tuniques Bientôt, cette relation se transforme en amitié durable et en une fidélité qui durera plus de dix ans. L’amitié avec amples en coton de lin Balenciaga et son statut en tant que cliente marquent certaines particularités du processus d’achat de Mme. et de jupes unies… Mellon, et par extension, du fonds aujourd’hui conservé par le musée, que l’exposition cherche maintenant à mettre en valeur. Rachel L. Mellon Le processus d’achat Collecte ou collectionnisme sont les deux termes qui pourraient se dégager de l’étude détaillée de la correspondance commerciale entre Mme. Mellon et la Maison Balenciaga, comme en témoignent les 128 factures conservées au fil des ans, depuis la première, datée de 1956, jusqu’à celle correspondant à la dernière collection de Cristóbal Balenciaga, de 1968. Mme. Mellon mérite le statut de cliente spéciale en vertu de sa fidélité et de son pouvoir économique. Certes, sa relation d’amitié lui valut sans doute un traitement de faveur au sein de la Maison, mais n’oublions pas non plus les 614.310 dollars que la nord-américaine dépensa chez Balenciaga en un peu plus d’une décennie. Parmi les facteurs qui distinguent le plus Mme. Mellon en tant que cliente, l’un des plus importants a à voir avec 10
Cliente et amie l’adaptation de certains modèles à ses goûts et à ses besoins. Il faut souligner que cette procédure d’achat est assez exceptionnelle dans le contexte de la Haute Couture et encore plus dans le cas de la Maison Balenciaga, dont le manque de souplesse était légendaire lorsqu’il s’agissait de réaliser des modifications ou de satisfaire à des demandes qui pourraient dénaturer ou altérer de manière significative les modèles. On peut extraire des preuves de ce traitement de faveur dans « I Feel Pretty », un album qu’elle créa elle-même avec les croquis des modèles envoyés systématiquement depuis la Maison entre 1959 et 1962 pour qu’elle fasse son choix. La diversité des modèles reproduits est en corrélation parfaite avec les factures et souligne, dès la sélection du modèle, la possibilité de les confectionner dans différents tissus. Ces croquis s’accompagnent également d’explications Croquis envoyé par Mlle. Renée Tamisier le concrètes sur la façon de porter les modèles. Ces documents 16 septembre 1958. cbm 2014.527. prouvent que la directrice du salon de Paris, Renée Tamisier, © Fondation Cristóbal Balenciaga. faisait une exception en s’occupant personnellement de Mme. Mellon. La nord-américaine évitait aussi les minutieuses phases d’essayage grâce à la présence d’un mannequin personnalisé avec ses mesures exactes dans l’atelier, un traitement réservé aux clientes les plus exclusives. Album I Feel Pretty. cbm 2014.526ab. Croquis du modèle 149 de février 1962 et robe de jour en coton © Fondation Cristóbal Balenciaga. piqué imprimé. cbm 2014.526.87 /cbm 2014.89. Photo : Ibañez. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Paredes. 11
Cliente et amie Adaptation et répétition de modèles On est surpris par la répétition de certains modèles dans différents tissus, ou dans le même, Mme. Mellon allant jusqu’à réitérer l’achat de modèles de collections antérieures ou à se faire confectionner certaines pièces en exclusivité, depuis des accessoires jusqu’à des déshabillés. Cette particularité d’achat réitératif est parfaitement illustrée dans la facture datée du 19 décembre 1957 qui nous dévoile l’achat de 4 manteaux – tous du modèle 75- avec de grands écarts de prix suivant le tissu ou la doublure utilisée, qui pouvaient aller de 440,47 à 9.523,89 dollars. Mme. Mellon était une des grandes clientes internationales qui importaient la Haute Couture parisienne et qui contribuèrent à produire cette aura d’aspiration sociale qui ouvrirait le marché américain aux marques de luxe Croquis de déshabillé en faille jaune européennes. Dans plusieurs factures, le montant total brodée de chardons en chenille violette de était majoré de 25% correspondant aux taxes douanières, à Lesage. Modèle 210. Août 1960. cbm 2014.526.98. © Fondation Cristóbal l’emballage et au fret d’American Airlines. Balenciaga. Lorsque la Maison ferma, Mme. Mellon fit cette réflexion : « Une des grandes joies de ma vie fut de connaître Cristóbal Balenciaga. C’était un bon ami et très cher. Il s’occupa de ma garde-robe pendant plus de 10 ans. Il comprenait le luxe et la simplicité avec une sensibilité profonde. Son charme, son sourire et sa vocation entièrement tournée vers la création émanaient à tout moment de sa présence tranquille ». Robe de cocktail bouillonnée avec du satin Photographie du modèle 126, août 1957. imprimé, modifiée au dos pour Mme. Mellon. © Archives Balenciaga, Paris. balenciaga. paris. cbm 2000.05ab. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 12
La collectionneuse À sa mort en 2014, ses legs et la vente de ses biens à des fins bénéfiques ont apporté beaucoup d’informations personnelles sur la figure de Mme. Mellon. Rachel L. Mellon s’est révélée comme une femme au goût cultivé et personnel, avec des critères esthétiques arrêtés et comme une amie fidèle dont l’influence subtile allait bien au-delà de sa retraite privée. Les Mellon éprouvaient une véritable passion pour acheter et s’entourer des choses qu’ils aimaient. Ensemble, ils réunirent une des meilleures collections d’art privées du monde. Paul avait une faiblesse pour l’art impressionniste et les anciens Maîtres, alors que Bunny cultivait un goût éclectique qui la faisait vibrer aussi bien pour un paysage de mœurs du xixe siècle que pour un chef-d’œuvre contemporain. Sa collection personnelle réunissait des œuvres de Giacometti, Rothko, Diebenkorn, Braque, etc. et elle s’entoura de tout type de trésors sous forme de mobilier, porcelaine, vannerie, bijoux ou vêtements qu’elle disposait avec un goût exquis dans ses maisons et divers recoins avec un sens exigeant et particulier de la proportion et de l’esthétique, se refusant à attribuer aux œuvres «importantes» un statut décoratif supérieur. Mme. Mellon avec un de ses livres de botanique, photographiée en 1982. © Fred. R. Conrad. The New York Grâce à ses moyens financiers, elle pouvait évaluer les Times / Contacto. choses avec des critères personnels sans en mesurer le 13
La collectionneuse prix. Selon les mots du galeriste et ami Giraud dans une interview de 2014 pour le Financial Times « on peut toujours juger un collectionneur à ce qu’il y a sur ses murs. Elle, elle avait un Van Gogh dans sa salle de bains et dans son salon d’Antigua, un poster d’une exposition de Rothko ». Parmi toutes ses collections, la plus importante pour Mme. Mellon fut probablement celle qui est conservée à la Oak Spring Library, un grand fonds au service de la recherche sur le développement durable et la préservation des espèces botaniques. Comme dans sa collection radicale d’art, Mme. Mellon était déjà en avance sur son temps dans sa préoccupation pour la nature et l’environnement. Bien qu’il soit peut-être excessif de la qualifier de tastemaker, compte tenu de son exposition limitée au public, Mme. Mellon collectionnait en se laissant guider par un œil expert et un instinct impeccable. Admirée et imitée dans son cercle, elle n’hésitait pas à utiliser son influence pour parrainer des Tableau de Mark Rothko appartenant à artistes. Mme. Mellon. © Sotheby’s L’œil aiguisé de collectionneuse de Mme. Mellon ne faillit pas dans sa collection de Balenciaga, puisque guidée par ses critères et ses préférences esthétiques, elle sélectionna, tout au long de ses 12 ans de fidélité, plusieurs pièces qui s’avèrent être majeures dans l’ensemble de la carrière de Cristóbal Balenciaga comme créateur. Des pièces considérées comme emblématiques de la collection qui méritent d’être mises en valeur dans cette exposition. Mme. Rachel Mellon lors de l’inauguration de l’exposition Paintings from the Albright- Knox Art Gallery. Buffalo, New York à la National Gallery of Art de Washington, le 17 mai 1968. © National Gallery of Art, Washington, d.c., Gallery Archives. 14
La collectionneuse Des constructions étudiées au millimètre qui produisent des volumes épurés, qui n’étouffent pas le corps et qui se concentrent sur l’essentiel : la beauté et les proportions. Comme on peut l’observer sur cet exemple, où la commodité ne renonce pas à la splendeur d’une robe du soir éblouissante en ikat de soie rose avec un imprimé floral dans les tons violets. balenciaga. paris. Modèle 10. Février 196. cbm 2000.33. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 15
La collectionneuse Modèle confectionné à Paris pour la collection Hiver 1957, avec de la dentelle de la prestigieuse firme marescot. Dans sa conception, il anticipe la ligne baby doll que Balenciaga présenta l’année suivante. balenciaga. paris. Modèle 49. Août 1957. cbm 2000.51. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 16
La collectionneuse L’élégance dépouillée de la robe en gazar noir accentue l’austère sobriété qui caractérise bon nombre des créations du couturier de Getaria et dogmatise l’importance du dos. balenciaga. paris. Modèle 148. Août 1964. cbm 2000.17. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 17
La collectionneuse La silhouette schématisée produite par le manteau- gabardine qui fait ressortir les courbes du « cocon », met en évidence la vision moderne de Balenciaga, à travers la réversibilité du vêtement. Cette pièce fut hautement appréciée par Mme. Rachel Mellon, qui l’acheta à trois reprises. La disposition étudiée des plis en différents points du dos mettent en évidence l’importance de l’air qui circule à l’intérieur et soulignent l’apprêt naturel des tissus. balenciaga. paris. Modèle 108. Août 1957. cbm 2000.24. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 18
La collectionneuse La perfection et la connaissance du métier se manifestent sans équivoque dans le tailleur quadrillé bleu marine, une des couleurs favorites de Mme. Mellon. Un classique de son fond d’armoire dans lequel les aplombs, l’empiècement enveloppant ou le tissu quadrillé parfaitement assorti, sont quelques-unes des ressources employées pour transformer un simple tailleur en un authentique chef-d’œuvre. balenciaga. paris. Modèle 4. Février 1966. cbm 2000.41ab. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 19
La collectionneuse La simplicité complexe de la robe en crêpe de laine orange fait ressortir la maestria et la maîtrise des matières, mettant en évidence le style de Balenciaga. Sans aucun doute l’une des pièces les plus emblématiques de cette collection. balenciaga. paris. Modèle 80. Février 1967. cbm 2000.38. © Fondation Cristóbal Balenciaga. Photo : Outumuro. 20
L’histoire d’un centenaire. Les premières années Balenciaga naît en 1895 dans la petite localité maritime de Getaria, un village de pêcheurs de Guipúzcoa, au Pays basque. Une enclave à laquelle il se sentira Balenciaga apprit à coudre avec sa mère, Martina Eizaguirre, couturière des marquis de Casa Torres, quand ceux-ci toujours uni et venaient passer leurs vacances à Getaria, dans le sillage de la Cour espagnole. La marquise, qui était une femme où il reviendra de très élégante et d’un grand prestige social, fut l’un des premiers appuis de Balenciaga dans sa carrière mais c’est manière récurrente certainement la figure maternelle qui resterait la référence majeure de Balenciaga tout au long de sa vie. tout au long de sa Les origines de cette aventure se situent dans le contexte vie. florissant du début du xxe siècle à Saint-Sébastien (à 30 km à peine de son Getaria natal), un moment particulièrement intense pour l’activité tertiaire de la ville, qui connaît un grand essor grâce à la présence saisonnière de la Cour espagnole et au phénomène touristique que crée la Côte basque de part et d’autre de la frontière, avec Saint-Sébastien et Biarritz comme pôles d’attraction. À 22 ans, Cristóbal Balenciaga crée sa première entreprise. On en sait peu sur son expérience et sa formation préalables, mais si l’on en croît le registre des habitants de Saint- Sébastien, où il figure comme résident depuis 1907, on est en droit de supposer qu’il se soit formé dans l’un des grands magasins de la ville qui avaient des relations avec Angle de l’avenue de la Libertad et de la la mode parisienne. Il existe en revanche des documents rue Vergara de Saint-Sébastien. Cristóbal qui révèlent que cette année-là, il publie dans la presse Balenciaga ouvrit son premier atelier au numéro 2 de cette rue. © Guregipuzkoa.eus / plusieurs annonces pour embaucher du personnel et Cristóbal Balenciaga Museoa. qu’il s’inscrit au registre du commerce, dans la rubrique 21
Al hilo de un centenario. Primeros años Couturier, sous le régime fiscal correspondant à la plus basse catégorie et sous la dénomination « Cristóbal Balenciaga », société domiciliée au nº2 de la rue Vergara. Un an plus tard, il modifie les statuts de société dans ce registre pour faire entrer de nouveaux associés, les sœurs Lizaso, et créer ainsi une société à responsabilité limitée de caractère temporaire pour une durée de six ans, sous le nom de « C. Balenciaga y Cía », en restant lui-même à la direction. Passés les six ans, en 1924, l’association se dissout et Balenciaga inscrit à nouveau la société sous le nom de «Cristóbal Balenciaga» et transfère ses opérations au nº2 de l’avenue de La Libertad ; en mars 1927, dans le cadre d’une stratégie de diversification, il crée la deuxième marque «Martina Robes et manteaux» au premier étage du 10 de la rue Oquendo (Martina était le nom de sa mère), qu’il rebaptise en octobre du nom de « eisa costura» (encore une fois un nom rappelant sa mère, ici son patronyme, Eizaguirre). Les ateliers de Saint-Sébastien dans les années 1950. © Cristóbal Balenciaga Cette deuxième maison et marque, qui coexiste avec la Museoa. première, serait destinée à optimiser les ressources en commun et à élargir la clientèle à la bourgeoisie locale. La première entreprise restera ouverte jusqu’en 1937, date où Cristóbal se rend à Paris et fonde « Balenciaga ». La deuxième se diversifie géographiquement à Madrid (1933) et à Barcelone (1935) sous le nom de « eisa be » alors que l’atelier de Saint- Sébastien subsiste comme maison-mère au nº2 de l’avenue de la Libertad. Ces premières années de travail en Espagne sont certainement fondamentales pour le perfectionnement de sa technique, pour la détermination de ses influences artistiques et esthétiques, et pour la consolidation de sa facette d’entrepreneur. Autant d’aspects importants pour comprendre sa trajectoire, son développement et son expansion postérieurs, qui ne pouvaient se produire que dans le contexte indiscutable de capitale mondiale de la mode que Paris offrait à l’époque. Et pour pouvoir toucher une clientèle internationale de haut niveau comme celle que représente Mme. Mellon, cliente et amie. Cristóbal Balenciaga s’établit à Paris en 1937 au numéro 10 de l’avenue George v. © Juan Gyenes. Biblioteca Nacional de España / Cristóbal Balenciaga Museoa. 22
Le musée Cristóbal Balenciaga Extérieur du musée Cristóbal Balenciaga à Getaria. © Cristóbal Balenciaga Museoa. Le musée Cristóbal Afin de divulguer la vie et l’œuvre de Balenciaga, son importance dans l’histoire de la mode et de la création, Balenciaga, inauguré et la contemporanéité de son héritage, le musée a réuni le 7 juin 2011, est situé une collection unique. Son envergure – près de 3.000 pièces, qui ne cessent d’augmenter grâce aux dépôts et dans la ville natale aux dons – et son extension formelle et chronologique- du grand couturier, elle inclut par exemple les tout premiers modèles du couturier– la convertissent en l’une des plus complètes, en hommage aux cohérentes et intéressantes de toutes celles existant à premières années ce jour. de formation et de Une autre valeur de la collection réside dans la développement provenance des pièces. En effet, les grandes clientes internationales de Balenciaga furent des personnalités professionnels de sociales éminentes dans les décennies centrales du Cristóbal Balenciaga xxe siècle, comme Mona Von Bismarck, Bunny Mellon, Patricia López Wilshaw, Barbara Hutton, la princesse et afin de mieux Rethy, Grace Kelly ou Madame Bricard, qui portèrent comprendre ses certains des modèles conservés dans les Archives. contributions au monde de la mode. 23
RENSEIGNEMENTS PRATIQUES Pour plus d’information : Zuriñe Abasolo Izarra zurine.abasolo@fbalenciaga.com T 943 004 777 M 647 410 775 HORAIRES DU MUSÉE JUIN, SEPTEMBRE ET OCTOBRE Mardi – dimanche, 10 h 00-19 h 00 JUILLET ET AOÛT Lundi – dimanche, 10 h 00-19 h 00 NOVEMBRE – JANVIER Mardi – dimanche, 10 h 00-15 h 00 VISITES GUIDÉES Le musée propose des visites guidées gratuites d’une durée d’une heure, les week-ends et les jours fériés. En juillet et en août, les visites guidées sont programmées tous les jours. Matin, 11 h 00 et 12 h 30. Après-midi, 17 h 00 (mars – octobre). Visites privées disponibles toute l’année. GUIDE DE L’EXPOSITION 56 pages Espagnol / basque / français / anglais En vente dans la boutique du musée. PVP 5¤ 24
cristóbal balenciaga museoa Aldamar Parkea 6 20808 Getaria – Gipuzkoa – España T 943 008 840 info@cristobalbalenciagamuseoa.com www.cristobalbalenciagamuseoa.com L’entreprise Bonaveri a été fondée à Cento en 1950 et a pour activité la fabrication de mannequins et de bustes haut de gamme. Au fil des ans, Bonaveri a établi un nouveau standard de qualité dans le secteur des mannequins et resitué leur rôle comme interprètes de l’identité des marques de mode. Son siège central est situé à Renazzo di Cento (Ferrara, Italie), où sont fabriqués environ 20.000 mannequins par an. Bonaveri propose deux lignes de produit : Mannequins Artistiques Bonaveri et Schläppi. Depuis 2017, Bonaveri s’est dotée d’une nouvelle marque « B by Bonaveri » pour le marché premium, qui intègre des collections qui explorent la culture des jeunes dans le monde de la mode. [www.bonaveri.com] Diebenkorn Foundation / National Gallery of Arts Wahington d.c. /Kenneth Lane / Privilege Orfevrerie / Sotheby’s / Swarosky / vegap
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