Rapport 2012 sur le développement en Afrique - Vers une croissance verte en Afrique - African ...
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© 2013 Groupe de la Banque africaine de développement (BAfD) Agence temporaire de relocalisation (ATR) Angle de l’Avenue du Ghana et des rues Pierre de Coubertin et Hédi Nouira B.P. 323-1002 Tunis-Belvédère, Tunisie Tél. : (216) 7110-2876 Fax : (216) 71835705 Adresse électronique : economic-research@afdb.org / afdb@afdb.org Site Web : www.afdb.org Rapport sur le développement en Afrique 2012 Ce document a été préparé par le personnel du Groupe de la Banque africaine de développement (BAfD). Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles du Conseil d’administration ou des pays qu’il représente. Les appel- lations employées dans la présente publication n’impliquent aucune prise de position de la part de la Banque quant au statut juridique des pays ou au tracé de leurs frontières ou limites. Bien que des efforts aient été mis en œuvre pour assurer la fiabilité des informations utilisées, la BAfD n’assume aucune responsabilité quant aux conséquences pouvant découler de leur utilisation. Droits et licences Tous droits réservés. Le texte et les données de cette publication peuvent être reproduits, stockés dans un système d’archivage ou transmis seulement dans la mesure où la source est indiquée clairement. La reproduction à des fins commerciales est interdite. ISBN 978- 9938-882-00-1
Avant-propos La croissance économique robuste de l’Afrique, avoisinant 5 % par an au cours des dix dernières années, a placé le continent parmi les régions ayant la croissance la plus rapide au monde. Au cours de la dernière décennie, les taux de pauvreté sur le continent n’ont cessé de décroître et la réalisation des autres cibles des OMD est désormais en vue. Malgré la baisse des taux de pauvreté par habitant, l’Afrique est toujours un continent pauvre et la croissance écono- mique rapide n’as pas réduit les inégalités. La famine reste largement étendue sur le continent, notamment en Afrique subsaharienne, tandis que l’accès à l’énergie est inadéquat. Les changements environnementaux et socio-économiques confrontent l’Afrique à d’autres défis. Le changement climatique, la croissance de la population mondiale et l’évolution des modes de consommation exercent notamment une pression supplémentaire sur les ressources naturelles de l’Afrique. Des solutions viables à ces défis actuels et futurs sont ancrées dans les voies de croissance qui encouragent la gestion efficiente et soutenable du patrimoine naturel, émettent moins de carbone que les voies conventionnelles, et assurent le partage équitable des bénéfices tirés de la croissance afin de réduire la pauvreté et les inégalités de revenu et d’amé- liorer les conditions de vie. La Banque africaine de développement a placé la croissance inclusive et la transition vers la croissance verte au centre de sa nouvelle stratégie décennale (2013-2022). La transition vers la croissance verte fait partie d’une action plus large visant à améliorer la qualité de la croissance et qui met l’accent sur le fait d’aider les pays africains à atteindre leurs objectifs de développement d’une manière plus soutenable et plus résiliente tout en assurant une utilisation plus efficiente des ressources. Le rapport soutient la priorité que la Banque accorde au renforcement du caractère robuste, soutenable et inclusif de la croissance sur le continent dans une ère de changement rapide. Il apporte des perspectives analytiques innovantes ainsi que des contributions cruciales à la discussion sur ce que représente la croissance verte pour le développement de l’Afrique. Donald Kaberuka Président, Groupe de la Banque africaine de développement ii Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
Remerciements Le Rapport sur le développement en Afrique 2012 a été préparé sous la direction générale du Professeur Mthuli Ncube (Économiste en chef et Vice-président, ECON), de Gilbert Mbesherubusa (Vice-président, Infrastructure, secteur privé et intégration régionale), d’Aly Abou-Sabaa (Vice-président, Opérations Secteurs II), de Steve Kayizzi-Mugerwa (Directeur, Département Recherche et développement), d’Hela Cheikhrouhou (Directrice, Département Énergie, environnement et changement climatique), d’Abebe Shimeles (Chef de division, Département de Recherche et déve- loppement) et de Kurt Lonsway (Chef de division, Département Énergie, environnement et changement climatique). Le rapport a été préparé conjointement par le Département de la recherche sur le développement et le Département de l’énergie, l’environnement, et le changement climatique. L’équipe principale était comprise d’Adeleke Salami (Gestionnaire des tâches), de Frank Sperling (Co-gestionnaire des tâches), d’Anthony Simpasa, de Jacob Oduor, de Robert Kirchner, de Vinaye Ancharaz et de Ghecham Mohieddine. Wisdom Akpalu (State University of NewYork Farmingale,New York) a coordonné le rapport. Le contenu de ce rapport s’appuie sur des documents de référence produits par Wisdom Akpalu, Channing Arndt, Kristi Mahrt, Gunnar Köhlin, Precious Zikhali, Afaf Rahim, Elizabeth Robinson, Yonas Weldegebriel Alem, Salvatore Di Falco, Nadege Yameogo, David Ockwell, Robert Byrne, Katharine Vincent, Timothy Koomson, Frank Sperling et Kevin Urama. L’équipe voudrait remercier Gabriel Umoh, Claudia Ringler, Edward Barbier, Kwadwo Asenso-Okyere, James K. Ben- hin et Witness Simbanegavi qui ont revus les premières versions du rapport. Les commentaires et suggestions reçus de la part des experts sectoriels des différents départements de la Banque africaine de développement sont hautement appréciés. Nous remercions particulièrement l’équipe de la croissance verte de la Banque et les participants aux sé- minaires de la Banque. Nous exprimons une gratitude particulière à l’égard de Yogesh Vyas, Daniel Gurara, Gilbert Galibaka, Florence Richard, Elodie Dessors, Monojeet Pal, Mafalda Duarte, Sebastian Delahaye, Olufunso Somorin, Osman-Elasha Balgis, Ignacio Tourinosoto, Awa Bamba et Anthony Nyong pour leurs commentaires constructifs et leurs suggestions perspicaces. Des services éditoriaux ont été fournis par Cyndi Berck et John Ward, tandis qu’Anna von Wachenfelt, Urbain Thierry Yogo, Ishmael Abeyie, Lauréline Pla, Abdelaziz Elmarzougui et Imen Rabai ont fourni un appui précieux à la recherche. Ahmed Jeridi a fourni une assistance statistique. L’équipe administrative comprise de Rhoda Bangurah, Josiane Kone, et Abiana Nelson a fournit une assistance logistique au rapport. Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique iii
Table des matières Avant-propos ii Remerciements iii Abréviations et acronymes v 1. Introduction 1 2. De la nécessité de promouvoir une croissance verte 3 2.1 Redressement économique de l’Afrique 4 2.2 L’Afrique au 21e siècle 5 3. Rôle de la croissance verte dans la promotion d’une croissance et de modes de développement plus durables 7 3.1 Tirer le meilleur parti des dotations en ressources naturelles renouvelables 8 3.2 Sécurité énergétique, combustibles fossiles et opportunités de développement à faible émission de CO2 11 4. Transfert de technologies en vue d’une croissance verte en Afrique 14 5. Financement de la croissance verte en Afrique 17 6. Création d’un environnement favorable à la croissance verte 20 Références 24 Figures Figure 1 : PIB par habitant par région (dollars EU constants de 2000) 4 Figure 2 : Prévisions démographiques moyennes 6 Figure 3 : Différentes qualités de matériel et de connaissances dans le processus de transfert de technologie et leur contribution aux différents types de nouvelles capacités 16 Tableaux Tableau 1 : Potentiel des énergies renouvelables dans les différentes régions d’Afrique 12 iv Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
Abréviations et acronymes ADBI Institut de la Banque asiatique de ITIE Initiative pour la transparence dans les développement industries extractives AIE Agence internationale de l’énergie MDP Mécanisme de développement propre APD Aide publique au développement OCDE Organisation de coopération et de ASS Afrique subsaharienne développement économiques BAD Banque africaine de développement OMS Organisation mondiale de la santé CCNUCC Convention-cadre des Nations Unies sur les PDDAA Programme détaillé pour le développement de changements climatiques l’agriculture africaine CFU Climate Fund Update PFNL Produits forestiers non ligneux CIC Centre d’innovation climatique PIB Produit intérieur brut CNUCED Conférence des Nations Unies sur le PME Petites et moyennes entreprises commerce et le développement PNUD Programme des Nations Unies pour le CO2 Dioxyde de carbone développement CSLP Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement DPI Droits de propriété intellectuelle PNUEH Programme des Nations Unies pour les ECOSOC Conseil économique et social des Nations établissements humains Unies R&D Recherche et développement EES Évaluation environnementale stratégique RE4 Quatrième rapport d’évaluation du Groupe EMBO Organisation européenne de biologie d’experts intergouvernemental sur l’évolution moléculaire du climat ÉQ-CO2 Équivalent CO2 REDD Réduction des émissions liées à la FAO Organisation des Nations Unies pour déforestation et à la dégradation des forêts l’alimentation et l’agriculture REV Rapport sur l’économie verte FEDA Fonds des energies durables en Afrique TER Technologie des énergies renouvelables FIDA Fonds international de développement TT Transfert de technologie agricole S21 Seuil 21 GCRAI Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale UA/NEPAD Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) de l’Union Africaine GES Gaz à effet de serre (UA) GHI Indice de la faim dans le monde WWAP Programme mondial pour l’évaluation des GIEC Groupe d’experts intergouvernemental sur ressources en eau l’évolution du climat ZEE Zone économique exclusive IDE Investissement direct étranger IFPRI Institut international de recherche sur les politiques alimentaires IRENA Agence internationale de l’énergie renouvelable Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique v
Introduction Réduire la pauvreté et améliorer les conditions de vie demeure une priorité absolue en Afrique. Néanmoins, nous devrions nous fixer comme but d’identifier 1 Chapitre des choix de développement qui permettent d’atteindre les objectifs fixés sur le plan économique tout en s’assurant que le patrimoine social et environnemental d’un pays est géré d’une manière efficace et durable. Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique 1
1 Introduction La croissance enregistrée récemment en Afrique est le résul- systèmes écologiques de façon efficace et durable avec de tat de plusieurs années de réformes entreprises par différents faibles émissions de carbone, et qui garantiraient le partage pouvoirs publics, ainsi que d’une forte hausse de l’extraction des bénéfices de la croissance afin de réduire la pauvreté ainsi et de l’exportation des ressources naturelles. Afin de soute- que les inégalités de revenus. Il aborde aussi les questions des nir cette croissance et de la rendre plus inclusive, des axes besoins de financement de la croissance verte en Afrique, la de politiques devront être retenus sur le long terme. Les création d’un environnement favorable et les moyens d’action répercussions des pratiques actuelles sur la durabilité des de la BAD en ce qui concerne l’intégration de la croissance actifs naturels, qui représentent une source de revenu pour verte en Afrique. la grande majorité de la population en Afrique, sont impor- tantes. Le secteur agricole, par exemple, emploie environ L’objectif de ce rapport est de susciter le débat sur le rôle de 60 % de la population globale en Afrique et contribue pour la croissance verte dans le processus de développement en un tiers du PIB. Au regard des enjeux du 21e siècle, tels que Afrique. Ainsi, le rapport s’intéresse aux aspects de la crois- le changement climatique et la croissance démographique, sance économique actuelle sur le continent et aux contraintes l’Afrique est contrainte d’adopter un nouveau modèle de environnementales et socioéconomiques auxquelles sont croissance, notamment la croissance verte. confrontées les entreprises et les économies africaines. Le rapport analyse le rôle des secteurs et technologies clés La croissance verte, qui se focalise sur la durabilité sur le dans la promotion d’une croissance plus durable et de nou- plan environnemental et sur l’inclusion, représente une velles options de développement. Ces problématiques sont opportunité unique pour les perspectives économiques et abordées dans les chapitres 1 et 2 du rapport. Les chapitres sociales sur le continent. Dans ce contexte, le thème prin- 3 et 4 traiteront de la gestion des ressources naturelles re- cipal du Rapport 2012 sur le développement en Afrique a nouvelables en Afrique, telles que les terres agricoles, les été retenu. En effet, ce rapport évoque l’importance de la ressources forestières et en eau, les ressources halieutiques croissance verte pour le développement de l’Afrique tout ou encore la biodiversité. Le chapitre 5 analysera les réper- en prenant la mesure des défis de croissance du 21e siècle. cussions de l’amélioration de la sécurité énergétique sur le continent, en prenant en compte le rôle des combustibles La croissance verte se conçoit de façon différente selon les fossiles et les options de développement à faible émission régions et les contextes. Cependant, le rapport adopte la de carbone. Les chapitres 6 à 9 souligneront les stratégies définition retenue au sein de la Banque africaine de dé- nécessaires pour induire une croissance verte. Le chapitre 6 veloppement (BAD). Selon la Banque, la croissance verte évoquera le rôle du transfert de technologie dans la promo- provient de « la promotion et l’optimisation des opportunités tion des choix de développement qui permettent d’adopter découlant de la croissance économique à travers la création une croissance verte, tandis que le chapitre 7 se concentrera des conditions favorables à la résilience et la gestion efficace sur les opportunités et les difficultés de financement de la et durable des ressources naturelles, y compris l’amélioration croissance verte en Afrique. Enfin, le rapport évoquera les de la productivité agricole et l’incitation au développement conditions d’amélioration d’un environnement favorable à d’infrastructures durables ». la croissance verte (chapitre 8), tout en tenant compte du rôle de facilitation que la BAD pourra jouer (chapitre 9). La Le présent rapport démontre la nécessité d’adopter des mo- teneur des neufs chapitres du rapport principal est résumée dèles de croissance qui utiliseraient le capital naturel et les au travers de six chapitres dans cette vue d’ensemble. 2 Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
De la nécessité de promouvoir une croissance verte 2 S’ils veulent remédier aux problèmes liés à la dégradation environnementale et aux inégalités tout en maintenant la croissance, les pays africains devront suivre des Chapitre chemins de croissance verte. La croissance verte devrait être perçue comme un modèle tourné vers l’avenir et fondamental pour répondre aux besoins en matière de développement du 21ème siècle. Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique 3
2 De la nécessité de promouvoir une croissance verte 2.1 Redressement économique de sécheresse en Afrique de l’Est et de l’Ouest et suite à une l’Afrique série de chocs importants dans certains pays, y compris les conséquences des conflits civils dans des pays afri- Après plusieurs décennies de morosité économique, la cains tels que la Côte d’Ivoire ou le Mali. Ainsi, même en plupart des pays africains ont connu, au cours des 15 prenant en compte les effets de ces crises et les effets du dernières années une croissance économique soutenue. printemps arabe en Afrique du Nord, qui ont ralenti la Certains pays africains se classent désormais parmi les croissance pourtant soutenue, la croissance du continent pays ayant connu une croissance rapide dans le monde. africain a fait preuve de résilience, rebondissant fortement Entre 2001 et 2012, le taux moyen de croissance du PIB à près de 7 % en 2012. Les perspectives à moyen terme en Afrique était de 5,2 %. Même si la crise mondiale de sont également solides avec une croissance attendue de 2009 a frappé de plein fouet l’Afrique, les effets y ont été près de 5 % en moyenne entre 2013 et 2014. moins sévères que dans la plupart des autres régions (BAD et al., 2011). En dépit de ces avancées, de nombreux défis subsistent. Comme l’indique la figure 1, l’Afrique est toujours à la Le continent a enregistré des progrès remarquables dans traîne, en termes de PIB par habitant, derrière d’autres un contexte de crise mondiale (notamment la crise de la régions en voie de développement, telles que l’Asie de dette en Europe), de chocs sur les marchés causés par la l’Est, le Pacifique et l’Amérique latine. Les fondements de Figure 1 : PIB par habitant par région (dollars EU constants de 2000) 6 000 Asie de l’Est & Pacifique Amérique latine & Caraïbes Asie du Sud Afrique subsaharienne Afrique Afrique du Nord 5 000 4 000 3 000 2 000 1 000 0 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2012 Source : Équipe du Rapport 2012 sur le développement de l’Afrique, selon les données extraites des bases de données de la BAD et de la Banque mondiale (BM). 4 Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
la croissance sur le plan environnemental et en termes de gestion des risques liés au changement climatique est lutte contre la pauvreté se sont progressivement érodés. depuis longtemps un enjeu essentiel en matière de dé- Dans certains pays du continent, la croissance a principa- veloppement (p. ex., BAD et al. 2003). La croissance lement été tirée par un taux élevé d’extraction ou d’épui- démographique présente à la fois des opportunités et sement des ressources naturelles telles que les produits des défis. D’un côté, elle sous-entend une main d’œuvre forestiers, les carburants fossiles, les terres agricoles, et les productive potentiellement plus abondante, à condition ressources halieutiques et minérales (BAD, 2012 ; Sperling que les mesures adéquates en termes de formation soient et al., 2012). Les données disponibles révèlent qu’entre mises en œuvre et que des opportunités d’emplois soient 2000 et 2005, plus de 50 % de la destruction globale des créés. De l’autre, la croissance démographique implique forêts du monde est attribuable à l’Afrique. L’eau se fait qu’un plus grand nombre de personnes devront utiliser les de plus en plus rare étant donné que l’augmentation de ressources naturelles alors que les biens et services issus la population et le développement agricole et industriel des écosystèmes se raréfient (MEA 2005). La croissance contribuent à l’accroissement des besoins en eau. La plu- verte met l’accent sur l’amélioration de l’usage efficace des part des aquifères disparaissent progressivement (Oteino, ressources naturelles, la réduction des déchets et de la 2013 ; Stock 2004). pollution et l’amélioration de la résilience afin de prépa- rer l’Afrique à répondre aux demandes d’une population Il existe une très forte relation inverse entre la croissance accrue et à s’adapter au changement climatique. économique et les taux de pauvreté en Afrique. Toutefois la croissance n’est pas inclusive. Les inégalités sociales sont Impacts du changement climatique en Afrique bien plus marquées en Afrique que dans les autres régions En affectant les ressources naturelles du continent, le chan- du monde, à l’exception de l’Amérique latine (Günther et gement climatique représente une menace sérieuse pour Grimm, 2007). En 2011, parmi les dix pays où les inégalités la croissance économique et le bien-être de la population. sont les plus accentuées dans le monde, six sont des pays L’Afrique est particulièrement vulnérable au changement d’Afrique : la Namibie, l’Afrique du Sud, le Lesotho, le des conditions climatiques en raison de sa très grande Botswana, la Sierra Leone et la République centrafricaine sensibilité au climat et de ses faibles capacités d’adaptation (les deux derniers étant des États fragiles). De plus, la (GIEC, 2007a : Collins, 2011). Le second groupe de travail création d’emplois est insuffisante et la population active du RE4 soutient que la baisse de rendement des cultures ne bénéficie pas de la protection sociale. projetée dans certains pays africains pourrait atteindre les 50 % en 2020 et que les revenus nets des récoltes risquent Pour résoudre ces problèmes de dégradation environne- de diminuer de 90 % d’ici 2100, les petites exploitations mentale et d’inégalité tout en maintenant les tendances étant les plus affectées (GIEC, 2007a). D’autres études ont de la croissance, les pays africains devraient opter pour obtenu des résultats similaires. L’étude réalisée par Lobell un processus de croissance verte. et al.(2011) indique par exemple qu’environ 65 % des ré- gions productrices de maïs en Afrique subirait des pertes de rendement pour chaque degré Celsius supplémentaire 2.2 L’Afrique au 21e siècle de réchauffement dans des conditions optimales de plu- viométrie. Les pertes de rendement les plus importantes La croissance verte devient de plus en plus nécessaire pourraient avoir des conséquences macro-économiques au regard des tendances mondiales et régionales du 21e significatives, en particulier en termes de réduction de siècle, en particulier en ce qui concerne les changements la pauvreté. L’Afrique doit donc se préparer à s’adaptater climatiques et la croissance démographique. Les effets en investissant dans la formation et en développant des du changement climatique sont de plus en plus visibles capacités institutionnelles flexibles et fonctionnelles pour sur la planète, et il est désormais admis que les activités mieux gérer les chocs. humaines en sont la cause principale (GIEC, 2007a). La Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique 5
En outre, bien que l’Afrique émet moins de 4 % du CO2 peuplée que l’Inde. D’ici 2050, une personne sur quatre dans le monde, ses émissions de CO2 ont augmenté de dans le monde sera africaine. De plus, 9 personnes sur 10 35 % au cours des dix dernières années (AIE, 2012). Etant en Afrique résideront en Afrique Subsaharienne. donné la vulnérabilité de l’Afrique au changement des conditions climatiques, les pays africains ont intérêt à Cette croissance démographique présente de réelles oppor- faire partie de la solution pour remédier aux changements tunités économiques, surtout en ce qui concerne la popu- climatiques, à la fois en mettant en œuvre des politiques lation active mais aussi de nombreux défis. Si le continent d’atténuation efficaces et efficientes et en prenant part au continue à évoluer de cette façon, la taille de l’économie plaidoyer en faveur de ces politiques auprès de la com- africaine en 2050 sera plus grande que celle de la Chine munauté internationale. en 2010 ce qui posera de vrais problèmes au regard des émissions de gaz à effet de serre. Mais bien avant cela, une Croissance démographique en Afrique trop forte croissance démographique pourrait engendrer La population en Afrique devrait doubler entre 2010 et des contraintes notables en termes de disponibilité des 2050, comptant ainsi pour presque la moitié de la crois- ressources notamment la la lutte pour l’appropriation des sance démographique mondiale sur cette période (voir terres et de l’eau par les municipalités et des industries la figure 2). D’ici 2025, la population africaine devrait avec des effets négatifs potentiels sur les opportunités de dépasser celle de la Chine et, d’ici 2030, l’Afrique sera plus croissance. Figure 2 : Prévisions démographiques moyennes Millions 2,5 Chine Inde Afrique 2,0 1,5 1,0 0,5 0 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 Source : Équipe du Rapport 2012 sur le développement en Afrique, selon les données fournies par la Division de la population des Nations Unies. 6 Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
3 Rôle de la croissance verte dans la promotion d’une croissance et de modes de développement plus durables Chapitre Suivre des chemins de croissance verte conduira les pays africains à réaliser dès à présent des inves- tissements « intelligents » qui se concentrent sur les activités nécessaires pour soutenir les progrès en Afrique. Il s’agit notamment de l’investissement dans l’infrastructure, l’énergie et les habitations en milieu urbain durables ; d’une meilleure gestion des ressources naturelles, y compris la terre, les stocks de poisson, l’eau et les forêts ; du renforcement de la résilience aux catastrophes naturelles et au changement climatique ; et de l’amélioration de la sécurité alimentaire. Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique 7
3 R ôle de la croissance verte dans la promotion d’une croissance et de modes de développement plus durables L’Afrique reste le continent le plus pauvre du monde. Les mentionné ci-dessus, le secteur agricole emploie environ taux de famines chroniques sont les plus élevés au monde 60 % de la population totale africaine et compte pour un tiers et le pourcentage de population ayant accès à l’électricité est du PIB du continent. Le nombre total de foyers dépendants le plus bas. La réduction de la pauvreté et l’amélioration des de la biomasse traditionnelle, qui leur sert de combustible, perspectives de subsistance de la population demeurent des devrait augmenter de manière drastique et passer de 657 priorités absolues. Fort heureusement, certaines pratiques millions en 2009 à 922 millions en 2030 (OCDE et AIE, et technologies dans le domaine de la croissance verte ne 2010). La productivité agricole et la disponibilité des sources se contentent pas uniquement d’encourager une croissance d’énergie traditionnelles dépendent de l’état des ressources durable mais elles répondent également à des besoins de naturelles (terres, eau, forêts). En conséquence, l’utilisation développement à court terme. Il pourrait néanmoins exis- continue des ressources naturelles afin de répondre à ces ter en pratique un compromis entre les solutions liées à besoins exige impérativement une gestion durable de ces la croissance verte et la satisfaction des besoins socioé- ressources. Ci-après, nous présenterons de manière succincte conomiques immédiats. Par exemple, la déforestation est des données qui montrent le rôle des solutions vertes dans souvent la conséquence de l’augmentation des exportations la gestion durable des ressources. de produits forestiers, d’une expansion de l’agriculture et de l’usage domestique d’un combustible abordable tel que le Agriculture, forêts et gestion durable du territoire bois. De même, les pays dotés de combustibles fossiles peu Le secteur agricole en Afrique a connu une stagnation au chers risquent d’avoir du mal à intégrer un processus de cours du dernier demi-siècle. Dans les régions où l’on ob- croissance verte dépendant de technologies plus coûteuses. serve une augmentation de la production, celle-ci provient A cet égard, l’enjeux principal pour le continent consiste à généralement d’un agrandissement de la zone de culture et s’assurer de la satisfaction des besoins de développement non d’une productivité plus élevée (Bluffstone et Köhlin, à moyen-terme, tout en atteignant des une trajectoire de 2011). De plus, il est à craindre que l’intensification de développement qui ne remette pas en cause les perspectives l’agriculture et la diversité génétique réduite contribuent à de croissance économique et la soutenabilité du mode de des rendements faibles et en déclin (Rosegrant et Livernash, développement sur le long terme. La sous-section suivante 1996). traite du rôle et des avantages des pratiques et technologies vertes en ce qui concerne les secteurs des ressources natu- Nous disposons de données factuelles qui montrent que les relles et de l’énergie. pratiques agricoles écologiques peuvent inverser la tendance au déclin de la productivité agricole sur le continent. Une étude récente (PNUE 2010) a révélé que des pratiques telles 3.1 Tirer le meilleur parti des dotations en que la lutte antiparasitaire, la gestion intégrée des éléments ressources naturelles renouvelables nutritifs, l’agriculture avec labour de conservation, l’agrofo- resterie, l’aquaculture, la récupération d’eau et l’intégration La majorité de la population pauvre en Afrique dépend avant de l’élevage pourraient permettre d’augmenter le rende- tout des ressources naturelles pour leur subsistance. Tel que ment moyen de 79 %. De même, une analyse des pratiques 8 Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
biologiques ou quasi-biologiques de 144 projets dans 24 En plus de ces bénéfices directs, les forêts d’Afrique offrent pays d’Afrique a démontré que les rendements avaient au des services au-delà des frontières du continent. Elles ab- minimum doublés dès lors que ces pratiques étaient mises sorbent du CO2, à la fois grâce à la biomasse (racines, tiges, en place (CNUCED et PNUE, 2008). En outre, puisque les branches et feuilles) et au sol (Beedlow et al., 2004). Une populations pauvres sont les premières concernées par la forêt d’un hectare retient environ 2,2 à 9,5 tonnes de CO2 croissance agricole, bien plus que par les autres secteurs (Birdsey, 1996). Il semble donc légitime de compenser les (Banque mondiale, 2007), l’augmentation du rendement agriculteurs ou les propriétaires fonciers en échange de la devrait être un allié particulièrement précieux dans la lutte mise en œuvre de pratiques « vertes » telles que l’amélio- contre la pauvreté et dans l’atténuation des disparités de ration des stocks forestiers et la limitation de la perte de la revenus. Par exemple, une étude d’évaluation d’impact biomasse forestière. Des initiatives internationales, telles que menée au Burkina Faso a prouvé que le passage à des pra- le REDD ou le MDP ont proposé des financements aux pays tiques biologiques améliorait les revenus des agriculteurs, africains afin d’offrir aux agriculteurs et aux propriétaires la sécurité alimentaire et la qualité de vie générale (Pineau, fonciers des alternatives économiques pour qu’ils mettent 2009), tandis qu’une étude menée en Ethiopie a mis en en place des solutions vertes. exergue l’augmentation des revenus des ménages ainsi que l’amélioration de l’environnement grâce à des pratique agri- Dans ce domaine, peut-être plus que dans les autres, de coles « vertes » (Kassie et al., 2009). telles solutions vertes s’opposent aux besoins économiques et sociaux immédiats. Le fait de mettre fin à la déforestation Certains pays ont cependant amélioré la sécurité alimentaire risque d’être dommageable pour les exportations, la crois- par le biais de stratégies incluant des produits chimiques. sance de l’agriculture ou l’accès à un combustible peu cher. Le Ghana a réduit son GHI de 59 % entre 1990 et 2011 en Les forêts sèches du Miombo, située en Afrique centrale et investissant dans l’agriculture (fourniture d’informations en Afrique du sud, fournissent du charbon à environ 25 et d’intrants tels que les pesticides et les engrais) tout en millions d’habitants des zones urbaines (Campbell et al., améliorant les infrastructures, le développement rural, la 2007). Il est clair que les décideurs politiques doivent évaluer qualité de l’éducation fournie et à la santé (Kufuor, 2011). les bénéfices associés au développement durable des forêts Il convient aussi de noter qu’une étude récente portant sur et les comparer aux coûts liés aux pertes économiques et le rendement relatif des systèmes de culture « verts » et aux opportunités sociales liées à la dégradation de la forêt. conventionnels a permis d’observer le fait que les différences de rendement dépendent largement du système utilisé et des Gestion intégrée des ressources en eau spécificités du site (Seufert et al., 2012). L’augmentation de L’eau est une ressource essentielle au développement en la production agricole en Afrique d’une manière durable Afrique. Les ressources hydriques sont indispensables à nécessite divers instruments, incluant à la fois des pratiques l’agriculture, secteur le plus gourmand en eau. Dès lors écologiques et des pratiques conventionnelles, avec pour que la majeure partie de la population africaine dépend de objectif de préserver l’environnement sur lequel repose la l’agriculture, le fait d’augmenter les ressources en eau peut sécurité alimentaire. améliorer la sécurité alimentaire, faire reculer la pauvreté et encourager la croissance économique. D’après les don- Les forêts jouent un rôle important dans la sécurité alimen- nées fournies par les indicateurs du développement dans le taire, le chauffage et les revenus des populations des régions monde de la Banque mondiale, le secteur agricole compte avoisinantes. On estime que 70 % des foyers africains se pour 85 % des utilisations d’eau chaque année, en Afrique, le chauffe et cuisine avec des combustibles comme le bois ou reste étant réservé à l’usage domestique (10 %) et industriel le charbon et que la forêt représente un filet de protection (5 %). Les utilisations domestiques, municipales et indus- social pour de nombreux foyers dans les zones rurales, en trielles s’intensifient néanmoins suite au développement leur fournissant de la nourriture et des opportunités de de l’urbanisation et du fait de l’augmentation des revenus. revenu (Somorin, 2010). D’après le PNUEH, la population urbaine en Afrique devrait Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique 9
croître de 45 % entre 2010 et 2030 (ONU-Habitat, 2010). En et afin d’entretenir les systèmes d’eau souterrains sont im- raison de la concurrence accrue entre les usages agricoles portants. A contrario, les régions qui reçoivent plus de pluies et non-agricoles (municipaux et industriels), la question de et qui dépendent des cultures pluviales doivent, quant à l’eau doit être considérée comme une problématique éco- elles, mettre en place des infrastructures de récupération nomique, sociale et politique qui englobe tous les secteurs et d’alimentation des eaux, d’hydroélectricité et de contrôle de l’économie. des crues. Actuellement, les pays d’Afrique subsaharienne ne stockent que 4 % de leurs réserves en eau annuelles, comparé Les stratégies de croissance verte liées à la gestion intégrée à 70 ou 90 % dans les pays industrialisés (WWAP, 2009). des ressources en eau comprennent la récupération des eaux (infrastructures de stockage et de distribution) ainsi que la Outre la nécessité de mettre en place des infrastructures mise en place d’une gouvernance et d’un renforcement de adaptées, il convient d’adopter un modèle de gouvernance institutions liées à la de gestion des eaux. Ces stratégies su- approprié pour une gestion durable, équitable et efficace des pervisent la disponibilité de l’eau et protègent la production ressources en eau. D’après le PNUD (2007), la gouvernance agricole contre les chocs climatiques. Il est donc important liée aux ressources en eau englobe « les systèmes politiques, que la gestion de l’eau en Afrique cible une utilisation efficace sociaux, économiques et administratifs mis en place pour des ressources hydriques, en particulier dans le domaine développer et gérer les ressources en eau à différents niveaux de l’agriculture. Il est indispensable de fournir et d’ache- de la société ». Parmi les options de gouvernance se trouvent miner plus efficacement l’eau aux cultures et d’augmenter de nouvelles formes de décentralisations des institutions le rendement par litre d’eau. Ceci s’avère particulièrement telles que les comités de bassin, les agences de gestion des important pour la majorité des pays africains, qui font face bassins versants et, au niveau local, les associations d’uti- à un manque d’eau cruel. lisateurs des ressources en eau, ainsi que les partenariats public-privé. Elles signifient aussi une diminution du rôle En augmentant la disponibilité en eau à travers des in- financier et technique du secteur public et de l’État (Niggi, frastructures de distribution, telles que l’irrigation, il devient 2009 ; Salami et al., 2011). possible d’augmenter le rendement agricole. L’irrigation reste assez peu développée en Afrique, mis à part en Afrique du Gestion de la pêche nord et du sud (Kamara et al., 2009 ; You et al. 2011). Seuls La production totale de poisson en Afrique est estimée à 6 % des terres cultivables collectives sont irriguées, ce qui re- 7,6 milliards de tonnes par an, ce qui représente 8 % de la présente moins d’un tiers de la moyenne mondiale (Svendsen pêche mondiale. En plus de fournir des emplois à environ 10 et al. 2009 ; Salami et al., 2010). Et pourtant, l’irrigation millions de personnes en ASS (Markwei et al., 2008), la pêche pourrait permettre d’augmenter la productivité de 50 %. fournit environ 17 % des protéines animales consommées en Cependant, le cas de l’Afrique du nord montre bien que des Afrique et est particulièrement importante dans les régions pratiques d’irrigation extensive peuvent aussi mener à un où l’élevage est peu présent (Tidwell et Allan, 2001). Les usage peu durable des ressources en eau. L’irrigation doit petites entreprises de pêche traditionnelles1 emploient des servir à améliorer la disponibilité de l’eau et non à épuiser méthodes qui engendrent une empreinte carbone peu élevée. des ressources déjà limitées. La gestion de la pêche peut avoir des répercussions directes sur d’autres ressources naturelles. Par exemple, les espèces Dans les régions particulièrement exposées à la sécheresse sauvages risquent d’être surexploitées pour servir comme d’Afrique du sud-est, l’est et du nord, où la hauteur des pré- source alternative de protéines dans le cas où il n’y aurait cipitations est inférieure à 1000 mm par an, les eaux souter- plus assez de poisson disponible (Bradshares et al., 2004). raines sont indispensables à la survie des cultures villageoises En outre, en servant d’alternative aux sources de protéines et à l’approvisionnement en eau des industries locales. Les investissements publics et l’aide au développement requis 1 Dans un processus de pêche traditionnelle, les poissons sont capturés en milieu pour la mise en place de compétences et d’infrastructures naturel au lieu d’être élevés. 10 Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
et d’option de subsistance aux populations les plus pauvres, convient de trouver un équilibre fragile entre les mesures la pêche peut limiter la pression mise sur l’agriculture. de croissance verte dans le secteur énergétique, en tenant compte du rôle que les énergies peu coûteuses peuvent jouer Cependant, la pêche en Afrique a toujours été ouverte de dans le développement tout en s’assurant que les économies facto. Elle n’est donc régulée par aucune règlementation et africaines suivent des modèles de développement durables, est très peu supervisée. Alors que les efforts de pêche s’in- efficaces et compétitifs dans un contexte de restriction des tensifient, et les technologies se développent, les niveaux émissions de CO2 et de mondialisation. Trouver cet équilibre de production excédent la capacité de renouvellement des nécessite une analyse précise de la manière dont les pays espèces, comme l’illustre la baisse du nombre de prises africains utilisent leurs ressources énergétiques renouvelables par unités d’effort dans de nombreuses zones de pêche du et non-renouvelables. continent. De plus, les flottes étrangères ne respectent pas toujours les quotas (quand ils existent) et ont grandement Combustibles fossiles et substituts contribuées à la situation actuelle, en particulier au regard L’Afrique possède d’importantes ressources en combustibles des réserves de poissons en haute mer dans les zones éco- fossiles (pétrole, gaz, charbon). D’après des estimations nomiques exclusives d’Afrique. récentes, seuls neufs pays d’Afrique ne possèdent pas de réserves attestées ou potentielles en pétrole ou en gaz naturel. Les stratégies de croissance verte destinées à résoudre ces En 2011, le continent fournissait respectivement 9,5 % des problèmes passent par la règlementation, l’investissement réserves en pétrole, tandis que la part du gaz naturel s’élevait dans le développement de la pêche et la promotion de l’aqua- à 8 %. Les gisements africains de charbon représentent 4 % culture. Les pays côtiers, en particulier ceux de l’ouest et du de réserves mondiales (BP, 2012). Un montant significatif sud-ouest africain, doivent améliorer leurs politiques dans de ressources en combustibles fossiles en Afrique est ex- le domaine de la pêche. Pour ce faire, ils doivent participer porté hors du continent, soit environ 70 % du pétrole brut, à l’effort international notamment en ce qui concerne la 55 % du gaz naturel sec et 23 % du charbon (AIE, 2011). régulation qui encadre l’activité des pays qui pêchent dans Ces ressources génèrent des revenus assez considérables et leurs eaux. Il convient d’investir comme il se doit dans le attirent les IDE. Entre 2000 et 2009, environ 75 % des IDE en développement de la pêche, y compris dans l’évaluation Afrique se sont tournés vers les pays producteurs de pétrole. des stocks et des réserves marines. L’aquaculture (élevage Mais, malgré les réserves abondantes dans de nombreux de poissons) ne représente pour le moment qu’un tiers de la pays d’Afrique, la sécurité énergétique reste extrêmement production totale de poissons dans le monde, et uniquement problématique sur le continent. Alors qu’en 2008 seuls 42 % 3 % en ASS. Le développement de l’aquaculture dans les eaux de la population africaine avait accès à l’électricité, il est douces intérieures et dans les eaux côtières est essentiel afin estimé qu’en 2040 cette proportion atteindra les deux tiers de réduire la pression sur la pêche traditionnelle. de la population africaine (PIDA, 2011). Les gouvernements africains sont souvent soumis à des 3.2 Sécurité énergétique, combustibles fos- pressions sociales et politiques importantes, afin d’éviter siles et opportunités de développement qu’ils ne répercutent les chocs liés aux fluctuations des prix à faible émission de CO2 des hydrocarbures sur les consommateurs. Par exemple, le Nigéria a récemment fait face à des révoltes contre le retrait La sécurité énergétique représente un enjeu important en des subventions pour le gaz puisque les groupes d’intérêt Afrique. L’ASS a besoin « d’émissions de subsistance » afin de concernés considéraient ces subventions comme des droits répondre aux besoins humains de base (Agarwal et Narain, acquis. Ainsi, afin d’améliorer l’accès à l’énergie par les 1991 ; Sachs et Someshwar, 2010), ce qui contraste fortement populations les plus défavorisées, et d’encourager la crois- avec les « émissions de luxe » des pays développés. Tandis sance économique, certains pays d’Afrique subventionnent que la taille de l’économie africaine continue de croître, il les combustibles fossiles. Ces subventions permettent de Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique 11
stabiliser les prix et de les garder plus bas que le prix du mar- ces réformes sont nécessaires afin d’encourager la croissance ché ; ce qui pourrait améliorer le pouvoir d’achat des foyers. économique à long terme, les gouvernements doivent mettre Les subventions permettent aussi de limiter la déforestation en place des programmes de protection sociale adaptés afin en décourageant l’utilisation du bois et du charbon pour la de protéger les populations les plus vulnérables. En effet, les cuisine et le chauffage. enjeux environnementaux ne doivent pas prendre le pas sur les considérations sociales et économiques. Le processus de Pourtant, de nombreux arguments s’opposent aux subven- réforme des subventions doit commencer par une évaluation tions. Les opposants à ces subventions considèrent qu’il des répercussions engendrées. Il convient également de faudrait supprimer ou réformer le régime des subventions sensibiliser le public aux raisons sous-jacentes des réformes dans le but de les rendre plus efficaces. Ceci est justifié par et aux bénéfices attendus à long terme. La mise en œuvre de le fait que les subventions font augmenter la consomma- ces réformes exige une parfaite transparence et une approche tion, ce qui augmente la production de CO2. En outre, elles séquentielle bien conçue. bénéficient plus aux riches qu’aux pauvres. De plus, les subventions ont tendance à décourager l’investissement Options liées aux TER dans les technologies des énergies renouvelables (TER) L’Afrique dispose d’abondantes ressources renouvelables. et elles détournent également les ressources publiques de On estime que le potentiel solaire à lui seul représente entre domaines prioritaires telles que l’éducation, la santé ou les 155 000 et 177 000 térawatts/heure (TWh) par an, répartis infrastructures de base. Par exemple, en Afrique du sud, à travers tout le continent. Les régions nord et ouest de les subventions pour les combustibles fossiles représentent l’Afrique sont particulièrement bien dotées en ressources 6,4 % du prix du marché. Par conséquent, le retrait de ces solaires. Le potentiel de l’énergie éolienne en Afrique est subventions résulterait en un gain d’efficacité économique également important, s’élevant à 5000 à 7000 TWh, large- de 0,1 % du PIB et limiterait la consommation d’énergie de ment concentré dans le nord et l’est du continent. Quant 6,3 % et les émissions de CO2 de 8,1 % (CCNUCC, 2007). au potentiel géothermique, il s’élève à 1 - 16 TWh exclu- sivement dans l’est du continent. La dotation africaine en Bien que les considérations environnementales et d’efficience hydroélectricité, qui couvre principalement l’Afrique centrale économique en faveur de la limitation ou de la suppression de et australe, s’élève à 1844 TWh. ces subventions aient reçu un appui intellectuel, les réformes dans ce domaine demeurent un sujet controversé. Lorsque Tableau 1 : Potentiel des énergies renouvelables dans les différentes régions d’Afrique Région Vent Solaire Biomasse Géothermique Hydraulique (TWh/an) (TWh/an) (EJ/an) (TWh/an) (TWh/an) Est 2 000-3 000 30 000 20-74 1-16 578 Centre - - 49-86 - 1 057 Nord 3 000-4 000 50 000-60 000 8-15 - 78 Sud 16 25 000-30 000 3-101 - 26 Ouest 0-7 50 000 2-96 - 105 Total Afrique 5 000-7 000 155 000-170 000 82-372 1-16 1 844 Source : IRENA (2011), à partir d’un recueil de diverses sources. 12 Rapport 2012 sur le développement en Afrique : Vers une croissance verte en Afrique
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