Réflexion sur la cotation des archives électroniques - Association des archivistes

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Fiche n°18
    Réflexion sur la cotation des archives électroniques
Dans l’univers papier, l’attribution d’une cote à un document d’archives est un moment clef de son
entrée dans un service d’archives, après sa prise en charge.
La cote d’archives permet à la fois d’identifier un article d’archives et de lui attribuer une place dans
l’organisation générale des fonds.
La cote a toujours servi à identifier un élément matériel d’archives, qu’en est-il dans l’environnement
électronique ?
La question est d’autant plus importante que, selon le rapport d’activité des services d’archives de
France de 2015, 83 services départementaux d’archives et 180 services communaux d’archives ont
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mené des actions de collecte d’archives électroniques.
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L’enquête réalisée par le groupe de travail AMAE a révélé que, sur 122 répondants ayant mis en
œuvre des actions en matière de collecte d’archives électroniques, seulement 22 % ont un système
d’archivage électronique (SAE) déployé. Indépendamment du déploiement ou non d’un SAE, voici la
répartition des pratiques en matière de cotation :
           62 % des services cotent leurs archives électroniques en W ;
           4 % utilisent une cote spécifique (AE, W/E, Z/E) ;
           24 % ne cotent pas ;
           10 % n’ont pas répondu.

Cette fiche, destinée à des services d’archives publics, propose un état des lieux des réflexions sur
la cotation dans l’environnement numérique, qu’ils disposent ou non d’un SAE en production. Ainsi
elle présente : une synthèse historique pour comprendre où nous en sommes aujourd’hui, un bilan
des impacts du développement de l’archivage électronique sur la cotation, et enfin des focus sur des
questions pratiques avec les témoignages de quelques services d’archives.

A/ COTATION, RAPPELS HISTORIQUES ET REGLEMENTAIRES ?
La cotation en archivistique est liée aux cadres de classement. Elle s’est développée avec la naissance de
l’archivistique au XVIIIe siècle.

Le principe du respect des fonds, introduit au XIXe siècle, tend à faire renoncer aux classements
méthodiques qui étaient alors en vigueur, tout en imposant un cadre de classement unifié. Ces organisations
par fonction permettent notamment de mettre en avant la notion de provenance et de contexte de production
du fonds, de gérer les accroissements et de faciliter l’accès aux fonds.

1
  Rapport annuel 2015 : 4 404,36 Go versés aux Archives nationales (p. 10) ; 17 services départementaux d’archives ont collecté 1 943
Go d’archives électroniques en 2015 (p. 9) ; 33 communes font état de données numériques collectées (p. 11).
2
  Enquête menée auprès de tous les services d’archives des collectivités territoriales sur les pratiques de l’archivage électronique de
2015.

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Le XXe siècle voit la mise en place d’une toute nouvelle méthode pour les fonds ouverts. Le cadre de
classement et la cotation signifiante ne sont plus adaptés à la massification de la production administrative.
Pour ces raisons, le rangement et la cotation en continu des versements d’archives, selon leur ordre
d’arrivée, sont mis en place. La série « W » est ainsi créée. La circulaire AD 98-8, qui reprend l’historique de
la réglementation sur la cotation, structure l’ensemble de la cotation en préservant le système du cadre de
classement tout en validant l’utilisation d’une série continue pour les archives contemporaines.

Il faut citer également le développement de l’utilisation des « cotes de rangement ». Ce fonctionnement, non
réglementé mais mentionné dans la circulaire AD 98-8, est aujourd’hui largement répandu et il permet de
prendre en compte la spécificité du support dans la cotation de rangement.
La tendance est donc à réduire l’aspect signifiant de la cote sur son contenu, mais en revanche à garder une
cotation spécifique pour les supports spéciaux.

De plus, aujourd’hui, le développement des moteurs de recherche et des présentations dynamiques sur site
Internet tend à réduire l’intérêt des cadres de classement et d’une cotation signifiante.

Concernant les textes de référence, les principes de la circulaire de 1998 relative au classement et à la
cotation des archives sont toujours valides.
Le cadre de classement de 1998 aborde la question du numérique mais sous l’angle de la cotation d’une
reproduction sur un support informatique.

La cotation permet au logiciel de gestion d'archives de traiter les entrées, de décrire un article, et aux
utilisateurs de repérer des entités, de les consulter et de s’y référer pour une éventuelle réutilisation.
Quelles sont les évolutions liées au numérique et leur impact concernant la question de la cotation ?

B/ LA COTATION DANS L’ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE : OÙ EN
   SOMMES-NOUS ?
Tout ne change pas avec le numérique. Les fondamentaux du métier subsistent : notamment le besoin
d’organiser les fonds pour conserver une vision globale de la production documentaire, et le besoin
d’identifier rapidement le support papier ou électronique du document d’archives pour pouvoir le
communiquer.
Pour autant, le numérique modifie considérablement les pratiques de collecte et de communication dans un
contexte d’inflation de la production documentaire.

1) L’apport des systèmes d’informations
L’inflation de la production documentaire
Le développement de l’informatique a eu pour conséquence l’explosion de la production documentaire et
donc une multiplication sans précédent des données à gérer.
La dématérialisation des échanges entre administrations a fait apparaître la notion de « flux de données »
(ex. la télétransmission des échanges de données comptables. A cela s’ajoutent la multiplication des
possibilités applicatives avec la tenue de bases de données par de nombreux services, comme les bases de
données des observatoires et des SIG, et la masse exponentielle des données non structurées.
La réponse à cette production d’informations à sélectionner et à conserver pourrait être l’automatisation de
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flux, l’interopérabilité entre les outils informatiques (ex. : déploiement du SEDA pour faciliter les échanges
de données) et l’adaptation des procédures d’archivage. Les systèmes d’archivage électronique le
permettent aujourd’hui grâce à des connexions réalisées avec les applications produisant et gérant ces
documents et données. Se posent toutefois les questions suivantes : que coter ? Le principe de la cotation
est-il encore pertinent ?

L’identification imposée par les systèmes d’informations
Dans l’univers du numérique, on parle principalement d’identifiant plutôt que de cote. Toutes les entités
traitées par un système d’informations ont obligatoirement un identifiant appelé généralement « identifiant
système ».

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    Standard d’échange de données pour l’archivage

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Le SAE attribue un identifiant système, lors de la création d’une entrée, qui doit être unique . L'identifiant
sera très souvent attribué automatiquement. Si la structure ne dispose pas encore de SAE ou si l'outil ne
permet pas de saisie automatisée, il faut s'interroger sur une attribution manuelle.

C/ QUESTIONS PRATIQUES
En fonction de l’expérience de chaque service, les questionnements sur l’emploi d’une cotation ou non et les
solutions apportées seront différents.

Voici quelques retours d’expériences :
          J’utilise le même système informatique de gestion des archives (SIA) pour gérer la
           description des archives papier et électroniques : est-ce que j’utilise toujours la cote W ?
La cote W peut être maintenue, mais il faut préciser la nature du support (papier ou électronique) dans les
métadonnées de description. Il est important de vérifier que le moteur de recherche du SIA interroge ce
champ de description pour pouvoir effectuer des recherches spécifiques sur les fonds électroniques ou pour
leur gestion.

          Sans SAE comment identifier rapidement le type de support ?
La question de l’emploi d’une cote se pose surtout dans le cas où un service ne dispose pas encore de
solution d’archivage électronique, et qu’il est nécessaire d’assurer une conservation temporaire, en raison du
besoin important de documents à archiver.

On s’interrogera donc sur la plus-value de la cotation, en fonction du type de document et du contexte. Cela
peut en effet se révéler chronophage, surtout s’il est nécessaire de coter manuellement.
Il faut également prendre en compte la place du fonds numérique parmi les fonds du service, les modes de
recherche et de consultation, ainsi que le mode de conservation du support.
Enfin, on s’interrogera jusqu’où coter en lien avec la granularité de l’information : des ensembles de
documents, un ensemble de documents ou un seul document.

Deux solutions peuvent être envisagées :
                Le recours à une « cote de rangement » pour les archives électroniques avec une série
                  de type AE qui peut s’avérer utile pour avoir immédiatement, au moment de la recherche,
                  l’information sur les modes de communication possibles ;
                    Mentionner la nature du support dans le SIA :
                    par exemple dans un champ « type de document » ;
                    dans la présentation du contenu (importance matérielle et support de l’unité de
                     description) ;
                    dans les modalités de consultation (caractéristiques matérielles et contraintes
                     techniques) ;
                    grâce à des notices spécifiques prévues par le logiciel.

Témoignage du service de la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart –
Utilisation du SIA pour identifier les archives électroniques reçues :
« À Sénart, la partie des fonds électroniques est cotée en W (ou en Fi pour les fonds figurés). Une mention
figure dans l’analyse et dans le champ localisation du SIA pour indiquer qu’il s’agit de fichiers numériques.
Cela présente tout de même quelques inconvénients : notamment pour la réalisation du récolement, il est un
peu plus compliqué de pointer physiquement les articles d’un versement. Le principal avantage est de limiter
la reprise des bordereaux de versement rédigés par les services. Cependant, ces fonds ne sont pas encore
conservés dans le SAE. Aujourd’hui sur supports multiples (CD, serveurs), nous n’envisageons pas de les
recoter lors de leur versement dans le SAE ».

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 Cet identifiant unique est défini dans la norme NF Z 42-013. Celle-ci recommande d’utiliser pour cet identifiant un système basé sur
des référentiels internationaux (ARK par exemple). Pour aller plus loin : Liste des exigences pour les identifiants système p. 147-148 de
Moreq2, Exigences types pour la maîtrise de l’archivage électronique, 2008.

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    Comment préserver l’unité intellectuelle d’un versement dans un environnement mixte ?
Il existe de nombreux moyens dans un instrument de recherche ou un SIA pour matérialiser une unité
intellectuelle. Un instrument de recherche mixte permet de rendre compte de l’unité d’un fonds
indépendamment de sa cotation.

           Comment relier SAE et SIA pour les archives papier dans une base de recherche
            commune ?
Dans le cas où un logiciel de gestion d'archives papier et un autre outil pour la gestion des archives
électroniques cohabitent, il est possible de mettre en place des connecteurs entre les deux. Ces
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connecteurs, qui fonctionnent notamment grâce au protocole OAI-PMH , permettent la remontée des
métadonnées entre le SAE et le SIA afin de créer automatiquement les entrées, les cotes, les descriptions
liées ainsi que les instruments de recherche.

Un interfaçage plus sommaire peut aussi être envisagé par l’intermédiaire d’un tableur pour assurer le lien et
le suivi des entrées d’archives. Cependant, le suivi et la mise à jour doivent être rigoureusement menés.

Le lien peut être assuré par un partage de référentiels comme les listes des services producteurs et
versants, des index thématiques de lieux, de bâtiments, ou encore les informations relatives à la cotation
déjà utilisée.

Pour associer un versement d’archives papier à un transfert d’archives numériques, l’ajout de la référence
du versement en W pourrait être effectuée dans les mots-clés du paquet d’informations archivé.

          Comment est attribuée une cote dans un SAE ?
Le mode d’attribution des cotes et de recotation fait partie des besoins à décrire dans le cahier des charges
d’acquisition d’un SAE. Ceux-ci s’avèrent plus ou moins paramétrables. Lors d’un nouvel accord de
versement, il faut se questionner et vérifier les modalités d’attribution automatique des cotes. Certains
logiciels permettent une cotation manuelle ou automatique avec la possibilité d’agréger plusieurs entrées en
un seul versement. Selon les flux à archiver, il peut y avoir par jour une seule entrée ou des entrées
multiples.
En cas de reprise d’un versement de documents numériques cotés avant entrée dans un SAE ou
déploiement d’un SAE, on veillera à conserver si nécessaire :
                une trace de l’ancien système de cotation dans les données ou les métadonnées du
                    paquet d’informations archivé,
                  le lien avec d’anciens versements sur support papier s’il y en avait un,
                  la documentation utile à la bonne compréhension du choix fait antérieurement.

Dans tous les cas, la cotation est indépendante des solutions logicielles qui sont des outils au service des
besoins des utilisateurs.

        Vers de nouveaux systèmes de cotation ?
Le cas des fonds électroniques ouverts éliminables à terme, peu consultés et en perpétuel accroissement
pose question : la cotation a-t-elle une plus-value ?

Témoignage du service de la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud Seine-Essonne-Sénart :
« À Sénart, pour le moment, nous ne cotons pas les versements des mandats archivés dans notre SAE via
le PES V2. Les documents étant voués à l’élimination et destinés à être très peu communiqués. »

Témoignage du projet Système d’Archivage Électronique Mutualisé de la Gironde (SAEM) :
« Dans le cadre du projet SAEM, nous avons opté pour des identifiants pérennes en remplacement des
cotes. Le choix s’est porté sur le système ARK (Archival Ressource Key), maintenu par la California Digital
Library, gratuit, et qui permet de former des identifiants pérennes d’une ressource ou d’un objet disponible
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sur le web, quelle que soit sa nature et indépendamment des modifications du site sur lequel elle/il apparaît .
Cette option permet d’inscrire notre projet dans le contexte du web sémantique, avec la perspective

5
  OAI-PMH: Open Archive Initiative. Protocole informatique d’échanges de données permettant la constitution et la mise à jour
automatique d’entrepôts centralisant des métadonnées et pouvant être interrogés
6 A ce sujet, voir la rubrique consacrée à ARK sur le site de la BNF.
 http://www.bnf.fr/fr/professionnels/issn_isbn_autres_numeros/a.ark.html

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d’exposer des données sur le web (ce qui sera pertinent uniquement pour les archives définitives et devra se
faire en application des délais de communicabilité et des préconisations de la CNIL).
Des identifiants ARK sont attribués automatiquement à toutes les archives (dossiers ou fichiers) conservées
dans le module de gestion de l’archivage, mais également aux entités créées dans un module appelé «
référentiel » permettant de gérer les acteurs de l’archivage (services versants, services producteurs et
services d’archives), les vocabulaires contrôlés (et les concepts qui les composent) et les profils de
versement (ainsi que les unités d’archives qui les composent). »

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                                                              Florence BERNIGAUD (florence.bernigaud@mairie-lyon.fr)
                                                     Tiphaine NOUGUE, coordinatrice (tiphaine.nougue@mairie-nancy.fr)
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                                                                                                         Date : avril 2018
                                                                                                            Version : 1.0
                                                                      http://www.archivistes.org/-Archives-electroniques-

Fiche pratique n°18                                                                                Page 5 sur 5
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