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Retrait des mesures de folates Pierre Douville, md FRCPC Jean Lyonnais, md FRCPC Service de biochimie Service d’hématologie (CHU de Québec et IUCPQ) (CHU de Québec et IUCPQ) Depuis 1998, l’addition d’acide folique dans les farines est rendue obligatoire en Amérique du Nord, de sorte que la déficience en folate est devenue exceptionnelle. Nos données de laboratoire montrent rarement des concentrations basses en folates. Les services de biochimie et d’hématologie ont convenu du retrait des mesures des folates sauf pour des cas d’exceptions. Physiologie Les folates servent à des réactions enzymatiques intracellulaires comprenant un transfert d’un groupement à un seul carbone (métabolisme C1) comme par exemple le groupe méthyl (-CH3) ou formyle (-CHO). La principale forme circulante est le 5-methyl-tétrahydrofolate. Ce dernier entre dans les cellules à l’aide d’un transporteur membranaire et peut subir diverses transformations dont l’ajout d’un ou plusieurs glutamates. Ces ajouts permettent de trapper les folates dans la cellule de sorte que la concentration intracellulaire est environ 50 fois plus élevée que dans le sérum. Une des principales manifestations de la déficience est une anémie macrocytaire avec une hypersegmentation des noyaux leucocytaires. Chez les femmes enceintes, la supplémentation a permis de réduire les défauts de fermeture des tubes neuraux et possiblement d’autres malformations congénitales. Comment mesurer le statut vitaminique en folates? On utilise souvent indistinctement les termes et pour désigner l’ensemble des molécules ayant le noyau de base de l’acide folique. Il serait plus approprié de parler des folates car il existe plus d’une trentaine de variantes au niveau cellulaire. Idéalement, on voudrait mesurer l’ensemble de ces composés. Aujourd’hui, les laboratoires utilisent des essais compétitifs avec la folate binding globuline et divers traceurs. Malheureusement, la réponse aux différents folates présents dans un échantillon peut différer entre les méthodes. Par exemple, un radioimmmunoessai utilisé dans une des études NHANES a produit des résultats inférieurs de 29% pour le sérum et 45% pour les folates érythrocytaires par rapport à une mesure microbiologique utilisée plus récemment. Dans le cas des folates érythrocytaires, un prétraitement des échantillons est requis pour extraire et convertir les polyglutamates en monoglutamate. Avec le temps les méthodes se sont améliorées et les rendements d’extraction sont aujourd’hui plus élevés. Cette évolution technique a un impact majeur lorsque l’on veut comparer les valeurs d’aujourd’hui par rapport aux anciennes données ayant souvent servi à l’établissement de valeurs seuils pour identifier une déficience. Cela affecte surtout les mesures de folates érythrocytaires. Les folates sériques sont souvent considérés comme le test de première ligne dans l’évaluation à cause de sa simplicité pour les laboratoires. Cependant, les folates sériques ne représentent que +/- 1,5 % des folates du sang total. Ces folates reflètent l’apport récent de la diète. Des résultats
sériques bas sans déficience cellulaire peuvent survenir lors d’anorexie, de consommation aiguë d’alcool ou chez les patients hospitalisés qui s’alimentent peu. À l’inverse, un seul repas riche en folates peut faire augmenter les folates sériques et masquer ainsi un diagnostic. Les folates érythrocytaires reflètent les concentrations tissulaires pendant la période de production médullaire des globules rouges et sont donc plus représentatifs de l’état vitaminique au niveau cellulaire à plus long terme. TABLEAU 1 sérum f.érythrocytaires moyenne médiane 5-95ième moyenne médiane 5-95ième NHANES 3 1988-1994 16 12.5 4,8 - 39 444 394 197 - 857 NHANES 1999-2000 30.5 32.2 13,1 - 74 646 625 347 - 1167 NHANES 3 corrigé 1988-1994 16.7 18.4 3,3 - 57 747 734 360 -1630 NHANES corrigé 1999-2000 45 48 19 - 93 1180 1170 639 - 2250 NHANES 2009 -2010 38 38 14 - 90 1040 1030 545 - 2020 santé CANADA 2007-2009 1248 621 - 2580 2,5-97,5ième 2,5-97,5ième méthode Roche Europe 1657 1187-2854 méthode Roche Australie 2149 1426-3294 méthode Roche Québec 32 14 - >45 2213 1383 - 3749 NB : les valeurs corrigées sont des valeurs normalisées équivalentes aux valeurs 2009 pour compenser les différences méthodologiques. Les lignes identifiées roche 2011 font référence à la méthode de la compagnie Roche 2011 qui est la méthode utilisée actuellement à Québec (IUCPQ et CHU). Quelles valeurs de référence sont applicables? Les laboratoires définissent couramment les valeurs de référence à partir d’une population normale avec des limites au 2,5ième et 97,5ième percentile. Avec l’ajout d’acide folique dans la farine et l’utilisation assez répandu de suppléments vitaminiques, la déficience fonctionnelle en folates est devenue rare. Clairement, le 2,5ième percentile d’une population normale ne peut pas servir en soi de critère pour identifier une déficience. En effet, il y aurait alors, par définition, toujours 2,5% de résultats bas peu importe l’apport de folates dans la population. Le tableau 1 indique le résultat de certaines études populationnelles pour les folates sériques et érythrocytaires. On observe de grandes différences dont une partie est due à des différences méthodologiques et une autre à la supplémentation obligatoire à partir de 1998 en Amérique du Nord. En tenant compte des différences de méthode dans les études NHANES aux États-Unis, on peut estimer que les folates sériques ont au moins doublé et les folates érythrocytaires augmenté de 60% suite à la supplémentation. Nous avons ajouté les données de patients de Québec (attention, ce ne sont pas des normaux en théorie) pour les méthodes utilisées uniformément dans la région 03 (méthode Roche, figure 1). Les valeurs en Europe (Roche) sont un peu plus basses sans doute parce qu’il n’y a pas de supplémentation obligatoire des aliments. Nos résultats de patients ressemblent fortement aux résultats chez les normaux australiens mesurés avec la même méthode. La supplémentation y est obligatoire depuis 2008. Il est très clair que les données actuelles de folates érythrocytaires à Québec (CHU et INSPQ) sont nettement plus hautes que les dernières données américaines de 2010 établies par une méthode microbiologique. Selon nous, cela est sans doute secondaire à la méthode et non à des raisons alimentaires. D’ailleurs, l’étude de santé Canada (encore par une autre technique) montrait des résultats plus proches des valeurs NHANES. On voit que le rapport des médianes Québec/NHANES 2009-2010 est de 2,15.
Pour définir une déficience, il faut donc se référer à des seuils définis dans la littérature. Dans le cas du sérum, le seuil de déficience utilisé est resté à peu stable à +/- 7 nmol/L depuis 1995 à l’exception de l’OMS qui recommande 10 nmol/L. Le British Committee for Standards in Haematology vient de publier un guide qui suggère d’utiliser le seuil de 7 comme seuil de carence. Nous avons conservé une zone grise entre 7 et 10 nmol/L pour le sérum dans la figure 1 et le tableau 2. 2 000 600 0,12 0,14 N = 16294 0,10 500 N = 4136 0,12 1 500 Proportion per Bar Proportion per Bar 0,10 0,08 400 nombre nombre 0,08 1 000 0,06 300 0,06 0,04 200 0,04 500 0,02 100 0,02 0 0,00 0 0,00 0 10 20 30 40 50 0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 folates sériques (nmol/L) folates érythrocytaires (nmol/L) Figure 1 Extrait des valeurs observées aux laboratoires de l’IUCPQ et au CHUL (2013-2014 ) selon la même méthode. Les lignes verticales indiquent les limites de déficience et une zone intermédiaire à risque. Dans le cas des folates érythrocytaires, le seuil est plus difficile à établir à cause des différences techniques. Le seuil le plus souvent cité est de 340 nmol/L selon les premières études NHANES. Nous avons utilisé le rapport des médianes observés (Québec / NHANES 2009) pour compenser les différences de méthode, on obtient alors la valeur de 730 nmol/L comme seuil pour la méthode Roche 2011. En se donnant une marge de sécurité conservatrice jusqu’à 1000 nmol/L, on obtient le tableau 2. Tableau 2 fréquence de résultats anormaux à Québec
folates folates nombre sériques érythrocytaires CHUL IUCPQ CHUL IUCPQ Carence 1 10 carence < 730 0 0 1000 2435 1696 total 7149 9145 2439 1697 NB : nous avons retrouvé des mesures de folates érythrocytaires chez 15 patients parmi les 79 des folates sériques 1000 nmol/L Comme on le constate, les mesures de folates sont rarement anormales (sérum 0,5% éryt 0,1%). Pour les demandes de folates érythrocytaires, seulement 6% des patients ont un VGM >100 et beaucoup de patients ne présentent même pas d’anémie. Il est temps de considérer l’acide folique comme une autre vitamine comme la thiamine ou la vitamine C. La déficience est possible mais rare et les mesures devraient être exceptionnelles en pratique. Dans le contexte, nous allons retirer les folates du menu courant pour les réserver à des cas d’exception. Les nouvelles demandes devront être approuvées par un membre du service d’hématologie ou de biochimie. Quand mesurer les folates ? 3 conditions simultanées raison hématologique : présence de macrocytes, ovalocytes ou noyaux leucocytaires hyper segmentés raison nutritionnelle : déficit alimentaire ou malabsorption importante absence de supplémentation en acide folique Situations particulières Femmes enceintes (ou préconception) : santé Canada recommande de donner à toutes les femmes enceintes une supplémentation de 400ug /d en prévention des anomalies du tube neural. Il n’existe pas de seuil minimum clairement défini et il n’est pas requis de faire une mesure. Selon notre expérience, les valeurs sont toujours très hautes. Diète végétarienne : il n’y a pas de déficit d’apport en folate relié à cette diète. Les haricots, lentilles, pois, légumes verts et la farine enrichi sont des bonnes sources de folates. Maladie cœliaque : La maladie cœliaque est une cause classique de déficit en folate mais la déficience est très rare depuis la supplémentation et le diagnostic de plus en plus précoce. Les personnes à risque devraient être supplémentées en micronutriments incluant les vitamines hydrosolubles. On suggère de respecter les critères de l’encadrée Quand mesurer les folates? Quelques références Gunter EW 1, Bowman BA, Caudill SP, Twite DB, Adams MJ, Sampson EJ. Results of an international round robin for serum and whole-blood folate. Clin Chem. 1996 Oct;42(10):1689-94.
Christine M Pfeiffer, Samuel P Caudill, Elaine W Gunter, John Osterloh, and Eric J Sampson. Biochemical indicators of B vitamin status in the US population after folic acid fortification: results from the National Health and Nutrition Examination Survey 1999–2000 Am J Clin Nutr 2005;82:442–50. Christine M. Pfeiffer, Jeffery P. Hughes, Ramon A. Durazo-Arvizu, David A. Lacher,Christopher T. Sempos, Mindy Zhang, Elizabeth A. Yetley, and Clifford L. Johnson. Changes in Measurement Procedure from a Radioassay to a Microbiologic Assay Necessitate Adjustment of Serum and RBC Folate Concentrations in the U.S. Population from the NHANES 1988–2010. J. Nutr. 142: 894–900, 2012 Amanda J MacFarlane, Linda S Greene-Finestone, and Yipu Shi Vitamin B-12 and homocysteine status in a folate-replete population:results from the Canadian Health Measures Survey. Am J Clin Nutr 2011; 94:1079– 87. Mustafa Vakur Bor, Anne Marie Wulff, Ebba Nexo and Henrik Krarup Infrequency of low red blood cell (RBC) folate levels despite no folate fortification program: a study based on results from routine requests for RBC folate Clin Chem Lab Med 2008;46(3):401–404 OMS. Concentrations sériques et érythrocytaires de folates permettant d’évaluer le statut en folates dans les populations. Système d’informations nutritionnelles sur les vitamines et les minéraux. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2012 (http://www.who.int/iris/bitstream/10665/77738/1/WHO_NMH_NHD_EPG_12.1_fre.pdf) Devalia, V., Hamilton, M. S., Molloy, A. M. and the British Committee for Standards in Haematology (2014), Guidelines for the diagnosis and treatment of cobalamin and folate disorders. British Journal of Haematology, 166: 496–513. (august 2014)
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