REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE - Geneacaux
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ISSN 02 94 7382 REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE Histoire et monographie des familles. Héraldiques. Documentation. Publiée l’Union des Cercles Généalogiques et Héraldiques de Normandie 20ème ANNÉE REVUE TRIMESTRIELLE 4eme TRIMESTRE Abonnement France : 160 F (24,4 €) N° 80 — OCTOBRE/DECEMBRE 2001 Le numéro : 45 F (6, 8 €)
SERVICES GÉNÉRAUX Union U.C.G.H.N. - Boîte Postale 06 50480 SAINTE-MÈRE-ÉGLISE Correspondance générale concernant l’Union, changements courriel : union@ucghn.org d’adresse, adhésions à la section générale, renseignements…. site: http://www.ucghn.org Revue REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE Articles, Quartiers normands, Questions & Réponses, Com- 20 rue Petit-de-Julleville, 76000 ROUEN munications, Nous sommes tous cousins, Varia, etc. courriel : regeno@wanadoo.fr Jacques MERLE du BOURG héraldique 10 parc de Brotonne, 76130 MONT-SAINT-AIGNAN Bibliothèque de l’Union BIBLIOTHÈQUE MUNICIPALE (à l’attention de l’UCGHN) Bulletins, livres, relevés de mariages ou au- BP 27216, 14107 LISIEUX CEDEX tres… destinés à la Bibliothèque de l‘UCGHN tél: 02-31-48-66-50 & courriel : bmlisieux@mail.cpod.fr site : www.bmlisieux.com Associations affiliées Voir plus loin la rubrique Nouvelles de l’Union & des Associations affiliées REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE Numéros Anciens 20 rue Petit-de-Julleville, 76000 ROUEN • année 1986 : n° 18 à 20 Numéros spéciaux • année 1987 : n° 21 à 23 (listes des familles étudiées) • année 1993 : n° 45 & 45 sup - n° 46, 47 et 48 • 1987 (4300 familles) : 1,50 € • année 1994 : n° 51 et 52 et 50 & 50 sup • 1992 (9000 familles) : 7,70 € • année 1995 : n° 55 et 56 & 56 sup • 1995 (10 000 familles) : 15,00 € Chaque numéro simple 1,5 € & numéros avec sup- plément 2,30 €. Ajoutez les frais d’expédition à vos commandes • année 1996 n° 57 & 59 (chaque numéro 6,8 €) France métropolitaine & Europe n° 60 & 60 sup (les 2 numéros 9 €) • 2,50 € pour 1 numéro l’année complète (sauf 58, épuisé) : 16,80 € • 3,50 € pour 2 ou 3 numéros • 5,20 € pour 4 à 10 numéros • année 1997 • 7,70 € pour 11 numéros & plus n° 61 & 63 (le numéro 6,8 €) n° 62 & 62 sup – 64 & 64 sup (les 2 numéros 9 €) Dom-Tom (par avion) l’année complète 24,40 € • 3,20 € par numéro • année 1998 Autres continents (par avion) n° 67 (le numéro 6,8 €) • 4,60 € par numéro n° 66 & 66 sup - 68 & 68 sup (les 2 numéros 9 €) l’année complète (sauf n° 65, épuisé) 18,30 € Libellez vos chèques à l’ordre de : • année 1999 UCGHN (C.C.P. Rouen 2350 10 Z) n° 69 & 71 (le numéro 6,8 €) n° 70 & 70 sup - 72 & 72 sup (les 2 numéros 9 €) Nous attirons votre attention sur 3 l’année complète 24,40 € l’épuisement de certains numéros • année 2000 anciens. C’est pourquoi nous n° 73 & 74 & 76 (le numéro 6,8 €) avons modifié les modalités d’ac- n° 75 & 75 sup (les 2 numéros 9 €) quisition des numéros disponibles. l’année complète 24,40 € Profitez de ces prix intéressants !
UNION des CERCLES REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GENEALOGIQUES et HÉRALDIQUES 20e année – n° 80 de NORMANDIE (UCGHN) 4e trimestre 2001 Membre de la Fédération Française de Généalogie octobre – décembre Siège social : Archives Départementales de Seine-Maritime, 76100 ROUEN n° SIREN : 398 087 213 – code APE : 13E SOMMAIRE Composition du Conseil d’Administration ♦ Le Mot de la présidente ........................................................................... 418 Présidente ANNE LEMAITRE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE présidente de l’APGN ♦ A St Pierre et Miquelon, l’Affaire Néel et Ollivier Président honoraire par Robert Langlois ......................................................................... 419 JEAN-PIERRE RAUX président et fondateur du CG 27 ♦ Mes ancêtres protestants du Chefresne (50) par Christel Bellec ............................................................................ 424 Secrétaire général ♦ Compléments, additifs , précisions... JEAN-JACQUES BREGUET par Claudine Delaruelle, Jeanine Lainé, Annette Godefroy président du CG 50 et Michèle Godret ............................................................................. 429 Secrétaire adjointe MONIQUE BOCQ-PICARD HÉRALDIQUE vice-présidente de l’APGN ♦ Enregistrement d’armoiries Trésorier par Jacques Merle du Bourg............................................................ 431 JEAN-PAUL PORTELETTE vice-président du GGHSM DOCUMENTATION Membres fondateurs COMTE d'ARUNDEL de CONDÉ ♦ A propos du Domesday Book par Agnès Quirogua-Vasselin ......................................................... 432 (président honoraire), COMTE DE GEN- NES (secrétaire général honoraire) et Jac- ♦ Ils ont quitté la Normandie par Chantal Cordiez, le Cercle Généalogique ques MERLE du BOURG. du Sud-Ouest, Jean-Pierre Raux, Membres du Conseil Monique Bocq-Picard, et Joseph Delabarre .................................. 433 JACQUES DELORME (trésorier du CeGé- ♦ Bibliographie Normande Cal), JEAN-CLAUDE DUCOS (membre du par Jean-Pierre Raux et David Séchard .......................................... 440 CeGéCal), ROBERT GROS (membre du CeGéCal), Michèle JOURDREN (secrétaire du CGRSM), JEAN-CLAUDE ♦ Questions................................................................................................... 441 LECLERC (vice-président et membre fon- ♦ Réponses ................................................................................................... 453 dateur du C.G. 27), ANNETTE LESSER- ♦ Communications ....................................................................................... 460 TOIS (vice-présidente du CGRSM), MI- CHEL LOISELEUR (bibliothécaire, mem- QUARTIERS NORMANDS bre du CG.27), CHRISTIAN SÉNÉCAL ♦ de Gisèle Leplingard, René Mandeville (compléments), (secrétaire du CGPCSM) et JEANNINE Florence Leclerc, Bernard Leconte, Yves Loison, SENTIER (présidente du CGPCSM). Isabelle Maincent, Martine Poirier, Christophe Préaux, Membres d’honneur Jean-Yves Delafosse (compléments), Les présidents d'honneur de la Fédéra- & Catherine Diesnis-Platel ........................................................................ 462 tion : DUC DE LA FORCE (†), BARON ♦ Quelques remarques sur les quartiers normands par Michel Pesnelle .......................................................................... 487 ÉDOUARD DE NERVO (†), BARON JAC- QUES AMEIL, GASTON SAGOT (†). Les Directeurs des Archives départementa- les du Calvados, Eure, Manche, Orne & ♦ Nous sommes tous cousins ..................................................................... 488 Seine-Maritime ; les Conservateurs des ♦ Nouvelles de l’Union et des Associations .............................................. 497 Bibliothèques municipales de Rouen & ♦ Varia ........................................................................................................... 509 Lisieux ; le Conservateur des Archives ♦ Nouveaux sociétaires et abonnés............................................................ 511 municipales du Havre ; le directeur du Service Historique de la Marine à Cher- page 417
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE ÉDITORIAL P our cet éditorial, j’avais prévu un autre sujet, le contexte actuel m'avait fait oublier la magie de Noël. A cette période de l’année, comme le souhai- te la tradition, je vous présente pour vous et votre famille mes meilleurs vœux pour une nouvelle année douce et paisible. C ette agréable coutume permet de renouer ou de maintenir des liens dis- tendus par les aléas de la vie, quelque soit le moyen de communication utilisé. Souvent pendant cette période de trêve où les réunions familiales sont plus fréquentes, la tombée de la nuit est propice aux échanges, les souvenirs prennent vie, les albums photos sont ressortis et nous découvrons parfois le vi- sage de la personne connue uniquement à travers nos recherches. P arfois les histoires familiales se transforment en légende, mais nous le sa- vons tous, dans chacune il y a toujours une once de vérité. A nous de la découvrir et éventuellement la transmettre intégrée dans son contexte social et historique tout en respectant la sensibilité de chacun des acteurs. Parfois, à travers nos recherches, nous dévoilons un secret de famille. Toute vérité est el- le bonne à dire ? A tous, je souhaite d'ajouter une petite racine, une branche, un rameau ou un bourgeon à votre arbre, au cours de cette nouvelle année. Anne Lemaître Présidente de l’UCGHN Toute reproduction est soumise à l’accord Copyright préalable de l’UCGHN La composition de la Revue étant arrêtée Directeur gérant : le premier jour du deuxième mois de Anne Lemaître chaque trimestre, les articles et commu- 44 rue Hoche 93500 PANTIN nications parvenant après cette date ne peuvent paraître, au plus tôt, que dans Dépôt légal : 4e trimestre 2001 le numéro du trimestre suivant. Commission paritaire de presse : n° 64517 Les manuscrits, publiés ou non, ne sont du 15 juin 1982 - ISSN 02 94 7382 pas rendus . Imprimé pour le compte de l’UCGHN par l’Imprimerie Nouvelle, 76190 YVETOT Articles et communications engagent la Comité de rédaction Michèle Jourdren, Annette Lessertois, Olivier Poupion & Jean-Pierre Raux (rédacteur en chef) N° 80 – OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 418
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE Généalogie & Histoire A St Pierre et Miquelon, l’Affaire Néel et Ollivier transmis par Robert Langlois J’ai retrouvé, dans un vieux cahier écrit par ma mère il y a longtemps, un article recopié d’après le récit d’Emile Sasco, greffier en chef des tribunaux à Saint-Pierre, en 1930. NDLR : Il concerne une affaire judiciaire qui défraya la chronique à la fin du XIXesiècle : un crime dont les principaux protagonistes, le meurtrier et sa victime, étaient originaires de la Manche. A noter que cette affaire, célèbre, a fourni la trame du film de Patrice Lecomte « La Veuve de Saint-Pierre », sur un scénario de Claude Faraldo, sorti en avril 2000. L e crime commis fin décembre 1888 à L’île aux Chiens1 ne fut pas un assassinat comme la légende surprise de voir le tambour3 démoli et la fenêtre brisée. Ayant pénétré dans la cabane et soulevé une voile de wary4 étendue dans un coin, ils y découvrirent le s’en est accréditée dans la colonie, car il n’y eut ni cadavre absolument nu du malheureux pêcheur préméditation, ni guet-apens, mais un meurtre Coupard. Le Parquet, immédiatement prévenu, se accompagné de vol qualifié. Voici d’ailleurs les faits, transporta sur les lieux pour procéder aux premières tels qu’ils résultent de l’information judiciaire. constatations en présence du docteur Camail, médecin D ans la journée du lundi 31 décembre 1888, la paisible population de L’île aux Chiens était mise de la localité. en émoi. Le « père » Coupard, François, marin pêcheur âgé de 61 ans, célibataire, était trouvé mort dans sa L e cadavre avait été déposé entre deux coffres et tassé en boule, la tête repliée sur la poitrine et les jambes infléchies sous l’abdomen. Quand on retira le cabane de pêche, le corps horriblement mutilé. cadavre de la position où il se trouvait, un horrible L e vieillard avait un « avant » qui habitait avec lui. Si ces deux hommes avaient entre eux de fréquentes altercations, du moins ces disputes ne spectacle glaça d’horreur les assistants. Le corps de Coupard était atrocement mutilé : au-dessus du sien droit, trois incisions d’environ 3 cm de longueur ; trois dégénéraient jamais en pugilat. Cependant, au cours de incisions semblables existaient au-dessus du sein la nuit précédente, les époux Juin, proches voisins de gauche. A la gorge, la trace d’un coup de couteau qui Coupard entendirent « un bacchanal(e) »2 effroyable, avait pénétré jusqu’au cœur. Le sternum avait été fendu on chantait. Ces bruits les tinrent éveillés une partie de dans la partie médiane, comme pour diviser le tronc en la nuit. Vers huit heures du matin, ils s’empressèrent deux parties. Le ventre, entièrement perforé laissait d’aller faire leurs déclarations à la police au sujet du échapper les intestins, dans la partie inguinale, deux potin qu’on avait fait à côté d’eux. Les gendarmes sections symétriques très profondes indiquaient qu’on Danglas et Bonnaux se rendirent immédiatement chez avait voulu détacher les jambes du tronc. le père Coupard. Mais, à part certains dégâts insignifiants tels qu’un bris de vitres, ils ne remarquèrent rien d’anormal. La cabane était vide. Ils D’ autres mutilations innombrables étaient également constatées. Sans doute, le ou les meurtriers, pressés par le temps ou de crainte d’être crurent ses habitants partis pour la chasse au gibier de surpris, n’avaient pu achever leur boucherie. Jetant le mer. Les constatations des agents avaient été trop cadavre là ou ils se trouvaient et l’ayant recouvert hâtives, car les dégâts étaient au contraire assez d’une voile de wary, ils avaient pris la fuite, s’emparant importants, ainsi qu’on le verra par la suite. On peut de tout ce qui pouvait être emporté. même s’étonner qu’ils aient pu passer inaperçus aux yeux des gendarmes. Ce n’est que dans l’après-midi vers deux heures, que deux amis de Coupard, MM Poirier et Fourré, se rendirent chez lui, pour lui L es soupçons se portèrent naturellement sur l’avant Ollivier qui avait disparu avec l’embarcation de son patron et, suivant une supposition assez emprunter une paire de bottes. Quelle ne fut pas leur vraisemblable, avait gagné la côte de Terre-Neuve. Il 1 3 Ancien nom de L’île aux Marins. L’entrée extérieure de la maison. 2 4 Expression locale pour signifier faire du bruit. Embarcation de pêche un peu plus grande que le doris N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 419
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE était donc intéressant de rechercher si ce marin avait deux jours. Voici quelle était la composition de ce commis le crime seul ou en compagnie de complices. tribunal : MM. Venot, président du Conseil d’appel, président Aphalo, sous commissaire de la marine, L undi soir, seulement on apprenait qu’Ollivier avait été vu la veille avec un individu nommé Néel et que tous deux avaient fait des stations et de Lallier de Coudray, aide commissaire de la marine. Quatre assesseurs, habitants notables : MM Léonie Coste, Cresset Auguste, Hacala Charles, et Humbert nombreuses libations dans les deux cabarets de L’île Léon. M. Maurice Caperon, procureur de la aux Chiens jusqu’à dix heures du soir. République, chef du Service judiciaire, occupait le N éel, bien connu dans cette localité, demeurait à Saint-Pierre chez un nommé Ruellan, où il prenait siège du ministère public. pension. Le mardi 1er janvier, la police s’informa chez ce dernier de ce qu’était devenu son pensionnaire. Elle L a salle de l’audience est comble. L’acte d’accusation lu par le greffier en chef M. Siegfriedt, il est procédé à l’interrogatoire des accusés apprit alors, non sans étonnement, que Néel était qui ont déclaré se nommer Néel Joseph-Auguste né à revenu la veille de L’île aux Chiens, vers huit heures Saint-Pierre le 28 mai 1860, marin pêcheur ; Ollivier du matin, en compagnie d’un breton dont le Louis, né à Coatreven (Côtes du Nord), le 31 octobre signalement correspondait assez exactement à celui 1863, marin pêcheur. d’Ollivier. Mais ces deux individus étaient partis le même jour, de chez Ruellan, à deux heures de l’après- midi, après avoir demandé à d’autres pensionnaires de venir les aider à pousser leur wary échoué à la pointe N éel et Ollivier maintiennent les aveux faits au cours de l’instruction, à savoir que le dimanche 31 décembre, vers dix heures, ils avaient projeté de du Cap à l’Aigle. Néel et Ollivier avaient donc repris la souper chez Coupard. Rendus furieux de voir la porte mer. Avaient-ils pu gagner la côte anglaise ? C’est ce du tambour fermée, ils avaient démoli cette enceinte et que, anxieusement de demandait le Parquet, lorsque le brisé l’unique fenêtre de la cabane, et, pénétrant dans Procureur de la République qui s’était de nouveau celle-ci, se trouvèrent face au patron d’Ollivier qui, un transporté à L’île aux Chiens pour obtenir des couteau à la main, prétendait défendre l’entrée de son renseignements complémentaires, recevait la nouvelle domicile. Il y eut d’abord lutte entre Coupard et son que les meurtriers présumés du « père Coupard » avant. Pendant que Ollivier maintenait Coupard, Néel venaient d’être arrêtés chez Ruellan par l’agent de s’écria : « Mieux vaut tuer le diable que le diable vous police Paul Coupard. tue ! », Il avait alors frappé sur l’avant-bras de Coupard et fait tomber l’arme, l’avait ensuite ramassé et l’avait U n fort vent d’est et l’état de la mer n’ayant pas permis à ces deux marins de gagner la côte plongée dans la poitrine de la victime. anglaise, force leur avait été de relâcher à L’Anse à Henri où ils avaient saillé5 leur embarcation et passé la nuit dans une cabane abandonnée. Le matin du 1er L e temps d’allumer la chandelle et les deux hommes penchés sur le corps de Coupard s’assuraient que le malheureux respirait encore. C’est janvier, ils étaient revenus en ville par la route du alors que Néel dit à son camarade : « Tiens, v’la le Gueydon, non sans avoir fait des stations dans divers couteau, tape à ton tour », et Ollivier, prenant le cabarets établis le long de la route (Truault, Mme Poret couteau, l’enfonça dans le ventre de Coupard. et Cheney). Le restaurant Ruellan avait été leur dernière station. A peine arrêtés, Néel et Ollivier étaient conduits sous bonne escorte sur les lieux du A près le meurtre, les accusés s’acharnèrent sur le cadavre, pendant que Ollivier éclairait son camarade, ce dernier ouvrait le thorax avec le même crime pour y être interrogés et confrontés avec le couteau et attirait le cœur à lui, s’écriant : « Quel gros cadavre de Coupard. Ils firent des aveux complets. cœur !… », et fait les mutilations ci-dessus écrites. Néel avait frappé le premier et Ollivier n’aurait frappé qu’après sur invitation de son complice. E nfin, les deux misérables, à tour de rôle, avaient taillé dans les aines pour détacher les jambes du I nterrogés pour savoir dans quel but ils avaient tenté de dépecer le cadavre de leur victime, ils répondirent que c’était pour savoir « s’il était gras » et tronc. Les meurtriers persistèrent à soutenir qu’ils n’avaient pratiqué ces mutilations que pour voir si Coupard était gras, se défendant d’avoir voulu le que d’ailleurs ils étaient saouls perdus. dépecer pour jeter les restes à la mer. Ollivier S ur leur parcours, les meurtriers purent se rendre compte combien leur abominable forfait avait soulevé l’indignation publique. Les femmes surtout en prétendait que lorsqu’il frappa dans le ventre de son patron, celui-ci ne bougeait plus, mais il fut démenti sur ce point par Néel qui affirma que le père Coupard, voulaient à Néel qu’une vie de désordre avait conduit à ce moment, « soupirait à petits coups ». jusqu’au crime. L’ instruction de cette affaire menée rapidement permettait au Tribunal criminel de se réunir en A près cette scène de sauvagerie, les deux accusés, après avoir soigneusement dissimulé le cadavre dans un coin de la cabane, sous une voile, songèrent à session le mardi 8 février 1889. Les débats durèrent fuir espérant gagner la côte anglaise, avant la découverte du cadavre et de leur crime. Emportant tout 5 Hisser une embarcation sur la grève, par la force des bras ou ce qu’ils jugèrent utile pour la traversée, ils poussèrent à l’aide d’un cabestan. l’embarcation de Coupard. Mais nous l’avons vu, les N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 420
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE vents d’est et la grosse mer ne leur avaient pas permis de mettre leur projet à exécution, et ils s’étaient fait arrêter dans la matinée du 1er janvier. P endant la lecture de l’arrêt, Néel ne donna aucun signe d’émotion. Avec son caractère gouailleur, son mutisme à propos de sa condamnation ne fut pas sans étonner. Mais ramené à la prison, il retrouva sa N éel et Ollivier ne cessèrent d’arguer de leur état d’ivresse, sinon pour excuser, du moins pour atténuer l’atrocité de leur crime ; Ollivier, garçon aux gaieté cynique habituelle, disant aux gendarmes « Ma foi, j’ai bien fait de manger mes deux mille francs qui venaient de mon père », et à la foule qui faisait la haie manières lourdes, au cou de taureau et dont sur son passage « Eh vous autres, qu’est-ce que vous l’intelligence paraît étouffée par la force physique, avez à me regarder ? Vous feriez mieux de me donner Ollivier qui joua dans ce drame un rôle plutôt passif, du tabac ! ». pressé d’expliquer pourquoi il avait obéi aveuglément à Néel qu’il connaissait à peine, tandis qu’il avait déclaré que Coupard, son patron avait toujours été bon pour lui, ne put donner aucune raison. Les témoins de L e 9 février, Néel se pourvoit en cassation contre l’arrêt du tribunal criminel, mais pour parer à l’éventualité du rejet de son pourvoi, il forme un moralité, étendus à presque tous les habitants de L’île recours en grâce le 9 avril suivant. Aux termes de aux Chiens, fixèrent le Tribunal criminel sur l’état des l’article 30 de l’Ordonnance organique du 18 accusés avant le crime. Tous s’accordèrent à établir que septembre 1844, le Chef de la colonie doit, en matière dans cette soirée du dimanche 30 décembre, Néel était criminelle, ordonner en Conseil d’exécution de la peine entre deux vins, suivant son habitude, tandis ou prononcer le sursis lorsqu’il y a lieu de recourir à la qu’Ollivier paraissait être dans son état normal. clémence du Chef de l’Etat. Dans la circonstance, il ne pouvait être question de sursis, puisque le renvoi en L e procureur requit la peine capitale contre Néel et ne s’opposa pas à l’admission des circonstances atténuantes en faveur d’Ollivier. Néel d’après le cassation est suspensif de l’exécution de la peine, mais au cas où le pourvoi serait rejeté ou pour éviter des lenteurs, le Commandant de la colonie réunissait le 11 ministère public ayant exercé sur Ollivier une sorte de avril, son Conseil privé pour examiner ce recours en fascination incompréhensible, voisine de l’hypnotisme. grâce et décider s’il y avait lieu de l’appuyer, ou sur la Me Behaguel, dans une chaleureuse plaidoirie, tenta de détourner de la tête de son client la peine capitale, en faisant valoir l’état d’abjection nécessité qu’il y aurait à laisser la justice son libre cours. morale dans lequel il était tombé, par suite des pratiques invétérées de l’alcool, représentant Néel comme un inconscient ayant perdu dans l’abus des boissons alcooliques l’usage de ses facultés intellectuelles et ce libre arbitre qui dirige les actions humaines, mais Me. Behaguel insista sur le défaut de concordance qui existait d’après lui entre le crime de vol et le meurtre, ce qui rendait passible seulement Néel de la peine des travaux forcés à perpétuité. L e tribunal se refusa d’admettre l’état psychologique de Néel décrit si savamment par l’honorable défenseur, et regarda Néel comme ayant A l’unanimité, le Conseil privé émettait l’avis que, dans un but de préservation sociale, il n’y avait pas lieu d’appuyer le recours en grâce du condamné, agi avec une responsabilité précise et entière. Le l’horrible cruauté qui marquait le meurtre de Coupard second argument n’eut pas plus de succès. A son tour, excluant tout sentiment de commisération. D’autre Me Salomon dit remarquer que la culpabilité d’ Ollivier part, il importait de ne pas laisser dans le public cette était douteuse au point de vue meurtre, Coupard ayant croyance que la meilleure excuse à présenter devant la cessé de vivre quand il avait été frappé par l’accusé. justice était l’état d’ivresse. A près une délibération assez courte, le Tribunal criminel rapportant le verdict affirmatif sur toutes les questions posées avec admission des circonstances D’ ailleurs à ces raisons s’ajoutait une autre qui n’était point, en effet, sans importance. Deux condamnations à mort pour assassinat en 1875 et 1885 atténuantes en faveur d’ Ollivier, Néel seulement été avaient été commuées en celles de travaux forcés à condamné à la peine de mort et Ollivier à dix ans de perpétuité. Depuis lors, il faut bien le dire, ces deux travaux forcés. mesures de clémence avaient eu pour résultat d’accréditer dans l’esprit de la population, l’idée que la O llivier s’en retirait à bon compte ; l’opinion publique, tout en respectant l’arrêté de la justice, pensa néanmoins qu’il y avait trop de disproportion peine de mort était virtuellement abolie aux Iles Saint- Pierre et Miquelon, faute de pouvoir l’y faire exécuter dans les formes prescrites par le Code pénal français. Il entre les deux peines. Si Néel méritait la peine capitale, convenait donc de dissiper cette idée. L’autorité la peine appliquée à son coauteur n’était pas assez administrative aurait donc l’obligation et le devoir élevée. d’intervenir en haut lieu pour que la justice suivit son cours si le Chef de l’Etat refusait la grâce de Néel. N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 421
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE On s’adressait d’abord à ceux qui seraient prochainement libérables et, s’ils acceptaient, il pourraient être renvoyés en France par l’aviso transport Le Drac. L a guillotine arrivait à Saint-Pierre le 22 août. C’était une machine très vieille, datant presque du début de son invention. Ne disait-on pas qu’elle avait servi à l’exécution de la malheureuse reine Marie- Antoinette ! Il y manquait la plate-forme avec sa demi- douzaine de marches. Le couperet était suspendu au sommet au moyen d’une corde passée dans une poulie. Il suffisait de dérouler rapidement cette corde du taquet qui la retenait fixée sur un des montants pour que l’instrument de mort accomplisse son œuvre. L’ exécution fut fixée au 24 août. Comme il s’y attendait, le gouverneur ne trouva aucun ouvrier qui voulut bien consentir à remplir le triste office qu’on sollicitait de lui. Tous les corps de métier se récusèrent. Par l’intermédiaire du capitaine Leborgne, il s’adressa alors aux hommes de la Compagnie de disciplinaires ; P ar arrêté en date du 12 avril, la Cour suprême rejetait le pourvoi de Néel. Le condamné n’avait plus qu’à attendre la décision en dernier ressort du mais à sa grande surprise, il reçut de ceux-ci un refus formel, quels que fussent les avantages qu’on leur promettait. Il fallait cependant en finir ; à qui Président de la République. Cette décision intervint fin s’adresser ? On ne savait trop et l’anxiété était à son juillet, le retour en grâce était rejeté, la nouvelle comble dans les bureaux administratifs, lorsque le télégraphiée à St-Pierre. Et c’est ici qu’il s’agit de faire procureur de la République réussit enfin à tirer tout le connaître les difficultés qu’éprouva l’autorité monde d’embarras. Il manda à son cabinet un nomme administrative pour assurer le cours de la justice, ainsi Legent Jean-Marie, marin pêcheur, condamné que les conditions dramatiques dans lesquelles Néel fut récemment à trois mois de prison pour vol. C’était un mis à mort, après une agonie morale qui devait durer paresseux, préférant marauder que de se livrer à son six mois. métier. Le chef du Parquet lui ayant promis qu’il lui serait fait grâce de sa peine, et qu’il recevrait en outre L e gouverneur, avisé du rejet du recours, demandait à Paris, par câble, l’envoi à Saint-Pierre de l’exécuteur des hautes œuvres, Deihler avec son une somme de cinq cent francs, s’il consentait à remplir l’office de bourreau, Legent accepta. Il aurait comme aide, son frère utérin Banneck Guillaume, matériel. Le département français refusait ce individu peu recommandable. Il était temps, on était déplacement, mais il invitait le gouverneur de la vendredi matin et l’exécution avait lieu le lendemain Martinique à expédier le matériel en question, Saint- matin à l’aube. Mais avant de procéder, il parut Pierre étant avisé télégraphiquement le 26 juillet. Un indispensable, afin de n’être pas pris au dépourvu au nouveau télégramme annonçait le départ à cette date, dernier moment, de s’assurer que la guillotine était en des bois de justice, mais il y aurait lieu de trouver sur état de bon fonctionnement. Et bien l’on fit. La place un exécuteur. Le télégramme levait en partie, les machine fut montée dans l’atelier des Travaux publics. difficultés que rencontrait l’exécution de Néel ; Un veau servit de victime… innocente. L’animal est cependant, trouver un exécuteur sur place n’était pas décapité, mais pas complètement, la tête reste chose facile dans un petit centre où tout le monde se suspendue à un lambeau de chair que l’on tranche au connaît et se préoccupe de savoir ce que son voisin couteau. penserait de lui. A l’arrivée des bois de justice, le gouverneur comptait s’adresser à divers corps de métier dans la population civile, bien qu’étant à peu P areil incident pouvant se produire le lendemain, Legent est invité à se prémunir d’un couteau à piquer la morue. Le veau dépecé fut distribué au près persuadé que ces démarches se heurteraient à des refus. personnel des Travaux publics, mais au moment de le servir, il paraît que nul ne voulut en manger. A noter D ans ce cas, il ne voyait alors d’autres possibilités de trouver son exécuteur et ses aides qu’en faisant appel aux hommes de bonne volonté du détachement que M. Behaguel, défenseur de Néel crut devoir protester auprès du procureur au sujet des conditions dans lesquelles devait être exécuté l’arrêté de la justice, de disciplinaires. Le capitaine Leborgne, commandant la charge d’exécuteur des hautes œuvres ne pouvant le détachement, pensa que, peut-être, on pourrait être exercée que par l’agent légalement investi de cette obtenir de quelques-uns l’office qu’on leur fonction. Le Parquet répondit par une fin de non- demanderait, en faisant luire à leurs yeux certains recevoir, basée sur le câble ministériel du 26 juillet. avantages, comme la remise du temps de service qui leur restait à accomplir et une gratification pécuniaire. N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 422
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE E t nous voilà enfin au matin de l’exécution. Un soleil radieux, après plusieurs semaines de brume intense, va éclairer la scène tragique. La plus grande commandés par le maréchal des logis Pittolat ; le cortège emprunte les rues Truguet et Gervais, soit un parcours de sept cent mètres environ avant d’arriver à partie de la population est sur pied. Néel dira à son la place de l’Amiral-Courbet au centre de laquelle est réveil au petit jour qu’il a entendu toute la nuit, montée la guillotine. Le trajet demande plus de vingt plusieurs personnes circuler dans la rue Carpillet, et minutes, car le cheval marche au pas. Une foule causant à voix basse. La cellule, en effet, n’est séparée compacte, parmi laquelle on remarque quelques de cette rue que par une cour très étroite que protège un femmes, se tient silencieuse, maintenue à distance par mur de trois mètres de hauteur ; il déclare que ce bruit un cordon de la compagnie de disciplinaires. anormal ne lui disait « rien de bon ». Il venait à peine de s’endormir lorsqu’on l’a réveillé. L e condamné descend de voiture et, d’un pas ferme s’achemine vers la guillotine dont la vue ne I l était à peine trois heures et demie, lorsque MM Caperon, procureur de la République, Siegfriedt, greffier, le R.P. Cadoret, désigné comme aumônier par parvient pas à amollir son courage. Reconnaissant Legent, il lui reproche le redoutable service qu’on attend de lui, puis il passe sur la plate-forme d’un pied le préfet apostolique et Sigrist, concierge de la prison, de hauteur et s’adressant à la foule, d’une voix forte, il pénétrèrent dans la cellule du condamné. Très dit : « Que mon exemple serve de leçon, j’ai tué, on va doucement, le procureur le touche à l’épaule. Néel maintenant me tuer, ne faites pas comme moi ». Alors, ouvre les yeux et se dresse sur son séant. A la nouvelle il embrasse le crucifix que l’aumônier lui présente et qu’il n’a plus de grâce à attendre que la miséricorde lui demande de vouloir bien accompagner son cadavre divine, il répond : « Oh la mort ne me fait pas peur », au cimetière, ne voulant pas dit-il « être enterré comme et il ajoute « Il y a longtemps que je serais mort sans un chien ». Pendant que le R.P. Cadoret s’agenouille au M. et Mme Sigrist, ils ont été très bons pour moi. Je pied de l’échafaud, les exécuteurs s’emparent de Néel veux les remercier avant de mourir ». Alors, Sigrist, le qui ne se débat pas. Ils mettent un temps infini à gardien de la prison, fort émotionné lui dit : « Mon l’attacher sur la fatale bascule avec les courroies dont pauvre Néel, du courage ! » et tout en discourant elle est munie. Enfin, le condamné est basculé sous le gravement sur les motifs de sa condamnation, Néel couperet, la lunette est rabattue. Mais alors se produit s’habilla sans tâtonnements, sans que ses mains soient un moment poignant, horrifiant, les exécuteurs perdent agitées du plus léger tremblement, refusant l’aide du la tête, jetant des regards affolés de tous côtés, gendarme Danglas qui se tient à l’entrée de la cellule. principalement sur le groupe des officiels qui se trouve à quelques pas de la guillotine ; ils semblent solliciter N éel passe l’étroit couloir de la prison dans lequel se tiennent quelques fonctionnaires, le jeune docteur Calmette, le lieutenant de marine Brumaud et un conseil, un ordre de ce qu’il faut faire, ne comprenant rien aux gestes désespérés du Procureur qui leur fait signe de dérouler la corde qui retient le deux correspondants de journaux anglais. Puis, il couperet. pénètre au greffe de la prison, où il doit subir les funèbres apprêts de la dernière toilette des condamnés à mort. C’est Sigrist, aidé d’un gendarme qui est chargé de cette corvée. Il s’assied sur une chaise sans dossier, P endant ces quelques minutes interminables qui semblent des siècles, Néel crie à Legent : « Vas-y donc, et surtout ne me manque pas ! » Il joue des mais au lieu du ligotage ordinaire avec des liens, on lui épaules et du cou pour tenter de soulever la lunette passe une chemise de force, aux extrémités des pendant que le maréchal des logis Pittolat l’implore de manches de laquelle sont fixées des lacets. Seules les se tenir tranquille et de baisser la tête. Néel obéit et, à jambes sont attachées avec une légère corde. Pendant ce moment, crache sa chique dans le seau destiné à ces apprêts, Néel accepte d’abord un verre de vin, puis recevoir sa tête. Enfin, l’exécuteur Legent a repris son un bol de thé chaud qu’il déguste à petites gorgées. sang-froid et lâche la corde. Le couperet, tout en Avec un sang-froid qui confond tous les assistants, et bringuebalant dans la rainure des montants, s’abat une liberté d'esprit vraiment inouïe dans des lourdement. Justice est faite. Mais comme on l’avait circonstances pareilles, il passe en revue tous les prévu, la tête décapitée reste suspendue sur le bord du événements de sa vie de marin. Entre autres réflexions, récipient. Legent reprend son couteau et vivement il fait celle-ci : « Qui aurait cru que la terre m’aurait, tranche l’adhérence. moi qui aurais dû périr cent fois en mer ! » P uis, laissé seul avec l’aumônier, Néel reçoit les secours de la religion. Au moment de monter avec A lieu d’être placé dans un endroit discret, le cercueil destiné à recevoir les restes du supplicié avait été au contraire disposé devant la guillotine, de le R.P. Caporet dans le cabriolet fermé qui doit le sorte que le malheureux Néel put le contempler durant conduire au lieu du supplice, Néel, enragé chiqueur de sa terrible agonie. Après cette dramatique exécution, la tabac, demande au gardien de la prison de lui passer foule s’écoula silencieusement, fortement une chique, la dernière, dit-il. Sigrist, qui en conservait impressionnée par ces incidents macabres. Le pour la consommation de son prisonnier, lui en met une procureur de la République, Maurice Caperon, se dans la bouche. trouvait sous le coup d’une véritable émotion, il se mit à pleurer à chaudes larmes et confia à celui qui écrit ces E nfin, à quatre heures trente, le véhicule s’ébranle escorté par deux brigades de gendarmes à pieds lignes que jamais plus, il ne requerra la peine de mort. N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 423
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE L e docteur Calmette, lui-même, qui avait demandé le transport à l’hôpital du cadavre, pour études anatomiques, renonce à son projet. Néel est donc terminée, Legent se voyait contraint de rentrer en France. Il fut rapatrié gratuitement avec sa famille et son demi-frère Banneck sur le transport de guerre, Le conduit directement à sa dernière demeure, suivi du Drac, le 17 septembre. Faisant toutefois preuve d’une R.P. Cadoret. Le même jour, dans la matinée, M. certaine honnêteté, il voulut avant de quitter la colonie, Venot, magistrat qui avait prononcé la peine de mort régler ses dettes avec les cinq cent francs reçus pour la contre Néel, fit remettre au préfet apostolique, par fonction qu’il avait remplie. Mais aucun de ses l’auteur de ce récit, un somme d’argent pour la créanciers ne consentit à recevoir en paiement « le prix célébration de plusieurs messes basses à l’intention de du sang » ; ils acquittèrent purement et simplement les l’âme du condamné. comptes que leur débiteur leur présenta. L’ exécution de Néel eut un épilogue singulier et assez suggestif, nous le rappelons sans commentaires. L’opinion publique réprouva à un tel La place de l’Amiral-Courbet devint la place Néel. C’est ainsi que l’on fait passer un criminel à la postérité ! point la charge que Legent avait acceptée que cet Saint-Pierre, le 19 février 1930 individu, cependant marié et père de deux enfants en Emile Sasco, greffier en chef des Tribunaux. bas âge, sollicita en vain du travail, personne ne voulut l’employer. La campagne de pêche étant à peu près Compléments généalogiques François Coupard, la victime, est né le 4 novembre 1827 à Bacilly (50), assassiné dans la nuit du 30 au 31 décembre 1888 à St-Pierre. Il était célibataire. Joseph-Auguste Néel, l’assassin, est né le 28 mai 1860 à St-Pierre, guillotiné le 24 août 1889. Il était le fils d’Auguste Néel né le 14/06/1833 à Carolles (50), décédé à St-Pierre en 1886, marié en 1860 à St-Pierre avec Jeanne-Joséphine Bagot née le 15 avril 1833 à Bacilly. Celle-ci avait eu comme premier époux en 1854 à St- Pierre, Joseph-Auguste Coupard né le 2 novembre 1830 à St-Pierre, et décédé au même endroit en 1858. Et si l’évocation du nom de Coupard avait provoqué chez Néel une folie meurtrière, ce n’est qu’une note personnelle pour terminer, mais personne ne semble avoir pensé à faire des rapprochements familiaux… Mes ancêtres protestants du Chefresne (50) par Christel Bellec et communiqué par l’APGN Cette étude a déjà paru dans le n° 4 de MatraGenea (mars 2001), section généalogique du Comité d’entreprise de Matra Bae Dynamics. Son indéniable intérêt régional nous a incité à le reprendre. T out commença lorsque en travaillant sur la généalogie de mon arrière-grand-mère maternelle, mariés ensemble. Il restait tout de même une zone d'ombre : leur acte de mariage émanait de l'Eglise catholique. je trouvais l'acte de baptême de Rosalie Modeste Villain. Elle est fille de Marie Jeanne Villain et de Jean Louis Villain. S'agissait-il d'une erreur de l'état civil lors de la retranscription du patronyme de la mère, ou J' eus enfin la preuve que je possédais des ancêtres protestants lorsque aux Archives Départementales de la Manche, je trouvais les actes de baptême de cela cachait-il autre chose ? Puis quelque temps après, Marie Jeanne Villain, dont les parents appartenaient à la mairie du Chefresne m'a adressé un petit mémento la « prétendue religion réformée » ainsi que ceux de sur la commune qui spécifiait qu'elle avait été un des ses frères et sœurs issus du « prétendu mariage » de foyers du protestantisme en Normandie. De plus, il Daniel et Marie Madeleine Villain. Quelque temps était cité quelques noms de familles protestantes, dont après, en remontant la branche de mon arrière-grand- celui des Villain. Je tenais donc une piste : cela pouvait père maternel, je retrouvais d'autres ancêtres Villain du expliquer pourquoi mes deux ancêtres Villain s'étaient Chefresne. Outre la similitude du patronyme, j'étais en N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 424
REVUE GÉNÉALOGIQUE NORMANDE GÉNÉALOGIE & HISTOIRE présence de mon premier implexe : les deux ancêtres propagande protestante et elles ne préparaient en aucun communs étant Thomas Villain et Elisabeth cas les réponses aux questions des luthériens. Lemonnier. Puis les implexes se multiplièrent. Je me suis donc bien vite retrouvée face à une généalogie Fondation de l'Eglise du Chefresne buissonnante. L es Villain sont une très ancienne famille du Chefresne. Son lieu d'origine semble être le village et le hameau du Neufbourg. L' Eglise du Chefresne fut fondée en 1553. Comme beaucoup d'églises rurales de Normandie, elle dut son existence à une protection seigneuriale. En particulier, on rencontre à de nombreuses reprises le A partir de ce moment je poursuivis mes recherches généalogiques que je menais conjointement avec des recherches historiques sur le protestantisme en nom de la famille de Sainte Marie comme bienfaiteur de l'Eglise du Chefresne. En 1585 on dénombre dans ce village 69 réformés. Le premier temple connu ne fut Basse-Normandie. Malheureusement, la plupart des bâti qu'en 1613 au Chêne-Guérin, point de contact de sources concernant la généalogie des familles quatre paroisses : Montabot, Le Chefresne, Margueray protestantes du Chefresne ont été détruites à Saint-Lô et Gouvets. Aujourd'hui, il ne reste plus trace de pendant la deuxième guerre mondiale. Par contre, j'ai l'édifice, détruit en 1679 et dont les pierres servirent à pu travailler sur des articles et des monographies qui construire le clocher de l'église catholique. Le datent de la première moitié du XXe siècle et dont les protestantisme dans cette région de la Manche présente auteurs ont eu la chance d'avoir en mains ces sources donc un caractère rural, disséminé et seigneurial. aujourd'hui disparues. Les cadres de diffusion L a famille Villain adhéra tout entière à la Réforme. Il y a 20 Villain sur les 650 hommes de « l'opinion nouvelle » recensés en 1588 dans la Vicomté de de la Réforme Coutances. On en compte 11 en 1632 et 1637 sur les contrats de constitution de rentes au profit de leur E n Basse-Normandie, la Réforme connut un centre de diffusion assez important qui se situe dans le Val de Vire autour de Carentan et de Saint-Lô. Le Eglise, et ce sont tous des chefs de famille. Ainsi Pierre Villain le Neufbourg fit partie pendant plusieurs années du Conseil des Anciens. Au XVIe et XVIIe siècle les Chefresne est une petite commune du bocage Villain semblent avoir été une famille de paysans aisés, cotentinois composée de nombreuses fermes isolées et puis au fil des persécutions, leur biens furent de hameaux éparpillés. Au XVe siècle, ce petit pays de amoindris. la Basse-Normandie présentait le visage d'une contrée sauvage, difficile d'accès. Ainsi, l'un des premiers pasteurs clandestins, Godefroy, écrivait en 1755 qu'il L' édit de Nemours (1585) et l'Édit de l'Union (1588) fermèrent tous les temples, interdirent le culte réformé, bannirent les ministres et provoquèrent n'y allait qu'en « tremblant, l'endroit n'étant pas praticable ». C'est en ces lieux que naquit, se la fuite de nombreux protestants. Dans la vicomté de développa, mourut, et malgré tout résista pendant plus Coutances, suite à ces deux édits, il y eu un de deux siècles l'Eglise protestante du Chefresne, recensement de la communauté protestante au fondée au milieu du XVIe siècle. Si l'on est peu Chefresne, où elle fut évaluée à 76 adultes. Malgré les renseigné sur ses débuts, cette Eglise semble bien avoir persécutions, les départs furent peu nombreux car été celle qui eut l'existence la plus durable dans la l'ensemble de la communauté était composée de région. cultivateurs qui étaient attachés à leur terre. Quelques- uns de mes ancêtres allèrent même jusqu'à résister. P our comprendre le lancement de la Réforme, replaçons-nous dans le contexte religieux de la fin du XVe siècle. L'Eglise catholique se soucie alors des Ainsi en 1588 Nicolas de Pierre, écuyer de Cérences, est déclaré « porter les armes contre les volontés du roy ». De même, on peut faire mention des femmes, superstitions populaires qui ont proliféré pendant la dont Rachel de Pierre, mon ancêtre qui avec d'autres, période de la guerre de Cent Ans. Dans le même temps, ne se sont réduites et ne vont à la messe. On prend la hiérarchie catholique doit rappeler au clergé des conscience de l'importance de ces réactions si on les notions élémentaires comme le célibat, la gratuité des replace dans le contexte de la terreur imposée par la sacrements, l'abstention des compromissions dans les Ligue, seize ans après la Saint-Barthélémy. affaires temporelles, dans les modes ou dans les fêtes des laïcs. Elle met aussi l'accent sur la formation des prêtres. L'Eglise se préoccupe trop d'obtenir un J 'ai trouvé dans mon ascendance trois générations de pasteurs de 1561 à 1682, ces dates extrêmes couvrant toute la période du XVIe et du XVIIe siècle au minimum de respect et d'obéissance de la part des laïcs. Elle abuse ainsi du recours à l'excommunication, ce qui cours de laquelle les pasteurs ont pu exercer en exclut durablement une partie des chrétiens de la vie France : paroissiale. Ceci aboutissait donc à aviver les z Toussaint Le Bouvier, pasteur de Gavray de 1561 à contestations de l'autorité cléricale et à encourager la 1585, réfugié à Jersey où il fut pasteur de 1585 à 1588 recherche d'une religion personnelle. Les réactions de (date de son décès). l'Eglise catholique furent bien tardives face à la N° 80 - OCTOBRE / DÉCEMBRE 2001 page 425
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