SÉNAT COMPTE RENDU INTÉGRAL - JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - Sénat
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Année 2021. – No 104 S. (C.R.) ISSN 0755-544X Vendredi 22 octobre 2021 SÉNAT JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022 COMPTE RENDU INTÉGRAL Séance du jeudi 21 octobre 2021 (10e jour de séance de la session)
9478 SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 SOMMAIRE PRÉSIDENCE DE M. ROGER KAROUTCHI Adoption de l’article modifié. Secrétaires : Article 2 (p. 9493) Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Martine Filleul. Amendement no 30 du Gouvernement et sous-amendement no 34 de M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. – 1. Procès-verbal (p. 9480) Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié. 2. Indemnisation des catastrophes naturelles. – Adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte Amendement no 21 rectifié de M. Emmanuel Capus. – de la commission (p. 9480) Retrait. Discussion générale : Amendement no 12 rectifié de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Adoption. M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des Amendement no 31 du Gouvernement. – Rejet. petites et moyennes entreprises Amendement no 13 de M. Pascal Martin. – Adoption. Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances Adoption de l’article modifié. Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commis Après l’article 2 (p. 9496) sion de l’aménagement du territoire et du développement durable Amendement no 22 rectifié bis de M. Emmanuel Capus. – Adoption de l’amendement insérant un article M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de additionnel. l’aménagement du territoire et du développement durable Article 3 (p. 9497) Mme Isabelle Briquet Amendement no 37 de la commission. – Adoption. Mme Nadège Havet Adoption de l’article modifié. M. Claude Malhuret Article 3 bis (nouveau) (p. 9498) Mme Anne Ventalon Amendement no 38 de la commission. – Adoption. M. Ronan Dantec Adoption de l’article modifié. M. Gérard Lahellec Article 4 (p. 9498) Mme Sylvie Vermeillet Amendement no 14 de M. Gérard Lahellec. – Rejet. M. Jean-Pierre Corbisez Amendement no 1 rectifié de Mme Isabelle Briquet. – Mme Nicole Bonnefoy Adoption. M. Laurent Burgoa Amendement no 23 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait. M. Stéphane Sautarel Amendement no 29 du Gouvernement et sous-amendement Clôture de la discussion générale. no 35 de M. Pascal Martin, rapporteur pour avis. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement Article 1er (p. 9492) modifié. Amendement no 36 de la commission. – Adoption. Adoption de l’article modifié. Amendement no 18 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Article 5 (p. 9500) Rejet. Mme Christine Lavarde, rapporteur Amendement no 19 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Rejet. Amendement no 39 de la commission. – Adoption.
SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 9479 Amendement no 17 rectifié de M. Vincent Segouin. – Après l’article 7 (p. 9509) Adoption. Amendement no 11 rectifié bis de M. Ronan Dantec. – Amendement no 28 rectifié de Mme Sylvie Vermeillet. – Rejet. Devenu sans objet. Article 8 – Adoption. (p. 9510) Amendement no 16 rectifié de M. Vincent Segouin. – Rejet. Article 9 (p. 9510) Amendement no 3 de Mme Isabelle Briquet. – Rejet. Amendement no 25 du Gouvernement. – Rejet. Amendement no 2 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet. Amendement no 40 de la commission. – Adoption. Amendement no 8 de Mme Nicole Bonnefoy. – Rejet. Adoption de l’article modifié. Amendement n 24 rectifié de M. Emmanuel Capus. – o Après l’article 9 (p. 9511) Retrait. Amendement no 26 rectifié du Gouvernement. – Adoption Amendement no 4 de Mme Nicole Bonnefoy. – Adoption. de l’amendement insérant un article additionnel. Amendement no 20 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Intitulé de la proposition de loi (p. 9512) Rejet. Amendement no 9 rectifié de M. Ronan Dantec. – Amendement no 5 de Mme Isabelle Briquet. – Adoption. Adoption de l’amendement rédigeant l’intitulé. Amendement no 15 de M. Gérard Lahellec. – Retrait. Vote sur l’ensemble (p. 9512) Amendement no 33 du Gouvernement. – Adoption. Mme Nicole Bonnefoy Adoption de l’article modifié. M. Jean-François Husson Article 6 – Adoption. (p. 9506) M. Jean-François Longeot Après l’article 6 (p. 9507) Mme Nadège Havet Amendement no 7 de Mme Nicole Bonnefoy. – Adoption M. Alain Griset, ministre délégué de l’amendement insérant un article additionnel. Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commis Amendement no 6 de Mme Catherine Conconne. – sion, modifié. Adoption de l’amendement insérant un article additionnel. 3. Modification de l’ordre du jour (p. 9513) Article 7 (p. 9508) 4. Demande de retour à la procédure normale pour l’examen d’un projet de loi (p. 9513) Amendement no 10 de M. Ronan Dantec. – Adoption. 5. Communication relative à des commissions mixtes Amendement no 32 du Gouvernement. – Adoption. paritaires (p. 9513) Adoption de l’article modifié. 6. Ordre du jour (p. 9514)
9480 SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 COMPTE RENDU INTÉGRAL PRÉSIDENCE DE M. ROGER KAROUTCHI Mme la sénatrice Nicole Bonnefoy. Ce travail éclairant a posé les bases des sujets que vous aurez à traiter au cours de vice-président l’examen de ce texte : l’exigence de transparence, une meilleure prise en charge des sinistrés et l’accompagnement Secrétaires : des élus. Mme Jacqueline Eustache-Brinio, Mme Martine Filleul. Je sais et je comprends l’incompréhension que l’absence d’inscription de la proposition de loi de Mme la sénatrice à M. le président. La séance est ouverte. l’ordre du jour de l’Assemblée nationale a suscitée. Mais il est (La séance est ouverte à dix heures trente.) de rares moments, dans la République, où Gouvernement, Sénat et Assemblée nationale partagent autant de principes et d’objectifs, de manière transpartisane, sur une même 1 réforme. Les commissions des finances et de l’aménagement du territoire et du développement durable ont travaillé sur ce texte et en ont débattu dans cet esprit de concorde et avec le PROCÈS-VERBAL sens de l’intérêt commun. M. le président. Le compte rendu analytique de la précé Le contexte est particulier, également, car le péril de la dente séance a été distribué. sécheresse menace de nombreux territoires de la République ; plusieurs millions de maisons y sont exposées. De nombreux Il n’y a pas d’observation ?… élus locaux et sinistrés vous interpellent sur cette question. Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage. Le régime des catastrophes naturelles fait déjà beaucoup pour leur venir en aide. En moyenne, 80 000 habitations font l’objet d’une indemnisation chaque année, pour un montant 2 moyen de 20 000 euros. Ainsi, depuis 2017, plus de 340 000 habitations ont bénéficié du régime, soit environ INDEMNISATION 750 000 Français, pour un coût total de 5,5 milliards d’euros. DES CATASTROPHES NATURELLES La proposition de loi qui vous est soumise contient des avancées pour mieux prendre en compte les caractéristiques ADOPTION EN PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE particulières du risque sécheresse : elle prévoit de rallonger le D’UNE PROPOSITION DE LOI délai dans lequel le maire pourra déposer une demande, exige DANS LE TEXTE DE LA COMMISSION des assureurs qu’ils transmettent systématiquement le rapport M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la définitif d’expertise, leur rappelle le droit à contre-expertise et proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après les contraint à mettre fin aux désordres existants en cas engagement de la procédure accélérée, visant à réformer le d’atteinte grave au bâti. régime d’indemnisation des catastrophes naturelles (proposi Nous savons pourtant que ces avancées sont insuffisantes et tion no 325 [2020-2021], texte de la commission no 49, que nous devrons aller plus loin pour répondre à la détresse rapport no 48, avis no 45). des Français, dont l’habitation est durement touchée par la Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre sécheresse. Une maison qui se fissure, c’est une vie de travail délégué. et de souvenirs qui s’ébranle. M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de Enfin, la particularité du contexte tient aussi aux événe l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et ments climatiques tragiques qui ont touché la France ces moyennes entreprises. Monsieur le président, mesdames, dernières années : ouragan Irma, séisme du Teil, inondations monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans l’Aude et dans le Var ou, encore plus récemment, nous examinons ce matin une proposition de loi portant sur tempête Alex. un enjeu important pour le Gouvernement et pour En ces occasions, le régime a su faire preuve de sa solidité, l’ensemble des Français, qui peuvent soudainement tout comme depuis sa création en 1982. Chaque année, perdre par l’effet d’une catastrophe naturelle, comme l’a 3 500 communes en moyenne sont reconnues en état de encore tragiquement montré la tempête Alex. catastrophe naturelle et plus de 1 milliard d’euros d’indem L’examen de ce texte s’inscrit dans un contexte particulier à nisations sont versés à plusieurs millions de sinistrés sur la plus d’un titre. quasi-totalité du territoire français. En raison, d’abord, de sa genèse : il a bénéficié de travaux Ce régime repose sur des principes fondateurs que nous parlementaires longs et instruits, en particulier du Sénat. Je voulons préserver. Unique au monde, il est fondé sur un tiens, à cet égard, à saluer le rapport d’information rédigé par principe de solidarité : le taux de surprime pour catastrophes
SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 9481 naturelles dû par chaque assuré est identique, quelle que soit rait sa réactivité et son efficacité et conduirait à allonger les son exposition aux risques, la solidarité s’entendant à l’échelle délais d’instruction, au détriment d’une indemnisation rapide du territoire national. de nos concitoyens. Il est aussi peu coûteux pour la Nation : il ne représente La proposition de loi soumise à votre examen a intégré ces pour les assurés qu’une dépense de vingt euros en moyenne multiples contraintes et prévoit une refonte équilibrée du par an et n’a mobilisé, en quarante ans, que 250 millions régime. La République doit être aux côtés des sinistrés d’euros de crédits budgétaires, à l’occasion de l’appel en dans l’épreuve terrible que représente une catastrophe garantie de l’État en 1999. naturelle. Elle l’est et le sera. Cependant, face à l’accélération du réchauffement clima tique et à la demande croissante de transparence et de protec C’est pourquoi le Gouvernement croit pleinement à la tion qui traverse notre société, ce régime doit évoluer. Cette nécessité de faire évoluer le système et soutient cette propo volonté est partagée sur les bancs des deux assemblées et par sition de loi et les travaux parlementaires du Sénat et de le Président de la République, qui a appelé à un système l’Assemblée dont elle a bénéficié. Ce texte s’inscrit pleine permettant des indemnisations plus justes, plus rapides et ment dans la volonté plus générale du Gouvernement et du plus complètes des sinistrés. Président de la République de mieux prévenir les effets du réchauffement climatique. (M. Alain Richard applaudit.) Cette proposition de loi répond à ces enjeux et a bénéficié, en ce sens, de nombreux enrichissements, que nous parta M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. geons, de la part des deux commissions saisies du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Tout d’abord, elle répond à la demande légitime d’une plus grande transparence, impérative pour renforcer la Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des confiance dans le régime. La Commission nationale consul finances. Monsieur le président, mes chers collègues, tative des catastrophes naturelles permettra, grâce aux élus et monsieur le ministre, qui a entendu parler ici d’une aux associations de sinistrés qui y participeront, d’établir un éruption volcanique sur une île inhabitée ou d’une avalanche débat public et démocratique sur le fonctionnement du dans une zone montagneuse tout aussi inhabitée ? Personne. régime. Aujourd’hui, nous entendons parler des catastrophes Cette proposition de loi vise également à faciliter l’accès au naturelles, parce qu’elles emportent des conséquences sur régime en allongeant les délais de dépôt des demandes et de l’activité humaine, fragilisent ce qui a été construit et remet déclaration des sinistres et, surtout, en créant un référent tent en question un patrimoine transmis. C’est la raison pour dans chaque département, chargé d’accompagner dans laquelle un système assurantiel a été mis en place, conçu pour leurs démarches les maires qui se sentent parfois isolés et apporter des solutions et accompagner les sinistrés. dépourvus de solutions face à une catastrophe naturelle. Fondé en 1982, il va bientôt fêter ses 40 ans. Il repose sur la Elle prévoit aussi une indemnisation plus rapide et plus solidarité : chacun verse une surprime d’un niveau raison généreuse. Les délais de publication de l’arrêté de reconnais nable sur son contrat multirisque habitation – 5,5 % sance sont réduits et, demain, les frais de relogement seront en 1982, 12 % depuis 2000 – ou sur son contrat automo assumés par la solidarité nationale. Le Gouvernement bile. souhaite également aller plus loin, en soutenant notamment l’idée de Mme la rapporteure de plafonner les franchises pour Grâce à ses très nombreux cotisants, ce système est les petites entreprises. Ces montants, parfois trop élevés, les équilibré : le niveau de recettes obtenu atteint 1,7 milliard empêchent parfois de reprendre leur activité à la suite d’un d’euros en 2020, pour des dépenses moyennes de 350 à sinistre. 450 millions d’euros pour les sinistres inondations et de 1 Le Gouvernement entend enfin renforcer, à l’occasion de à 1,2 milliard d’euros pour les sinistres sécheresse. cette proposition de loi, la politique de prévention. Il propose Sur les quarante ans d’existence du dispositif, l’indemnisa d’utiliser l’expertise de la Caisse centrale de réassurance tion est donc de l’ordre de 1 milliard d’euros par an pour les (CCR) pour mieux concevoir et évaluer la politique de sinistres non automobiles et de seulement 42 millions d’euros prévention et ainsi s’assurer qu’elle génère le plus de fruits par an pour les sinistres automobiles. Ce système assurantiel possible. Il entend également responsabiliser davantage les n’a fait qu’une seule fois appel à la garantie de l’État, par le grandes entreprises en prenant mieux en compte leur truchement de la CCR, en 1999. capacité à accroître préventivement leur résilience aux catastrophes naturelles. Il permet justement aux zones sinistrées d’être résilientes, En résumé, cette proposition de loi porte des dispositions de se reconstruire et de retrouver une activité économique et pertinentes et équilibrées face aux défis actuels. Je voudrais humaine. De 1982 à 2020, 53 % des fonds engagés ont été insister sur le terme « équilibre » : gardons-nous des solutions dédiés aux inondations et 37 % à la sécheresse. qui, prises isolément, semblent pertinentes, mais qui pourraient mettre en péril l’architecture d’ensemble. Ainsi, Toutefois, dans les dix dernières années, six grandes séche l’objectif de reconstruction résiliente, pertinent en soi, ne resses ont frappé notre pays. Comme M. le ministre l’a doit pas ouvrir la voie à une indemnisation excessive pour souligné, le coût moyen d’un sinistre lié à la sécheresse est des préjudices mineurs. Ni le régime ni les finances publiques de 20 000 euros, quand celui d’un sinistre causé par une ne pourraient supporter de telles dépenses. inondation n’est que de 8 000 euros. Ces quelques chiffres montrent qu’un risque menace l’équilibre du système à De même, l’imposition d’un excès de contraintes sur le moyen ou à long terme, avec une augmentation des aléas fonctionnement de la commission interministérielle ou sur dont les conséquences sont plus coûteuses que les catastro les assureurs, dans un objectif louable de transparence, rédui phes que nous connaissions précédemment.
9482 SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 Enfin, bien que les sinistres liés aux inondations soient Depuis quelques années déjà, le régime a mis en œuvre, en moins coûteux, les simulations de la CCR évaluent le coût parallèle à la logique indemnitaire, une logique de préven d’une survenue de la crue centennale de la Seine, analogue à tion, avec la création, en 1995, du fonds de prévention des celle de 1910, entre 16 et 28 milliards d’euros, tant les risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, dont activités humaines se sont développées. le montant est financé par un prélèvement sur la prime du Tels sont donc les enjeux dont nous allons débattre ce régime d’indemnités pour catastrophes naturelles. matin. Dans la mesure où les sommes collectées ne suffisaient pas Ce système repose sur le principe de la logique indemni pour entreprendre les actions de prévention, chaque année taire. La garantie catastrophe naturelle est une extension de plus importantes, ce fonds a été budgétisé et son périmètre garantie obligatoire dans les contrats d’assurance couvrant les élargi. Un sondage en ligne très récent indique d’ailleurs que dommages aux biens. Elle s’applique dans les mêmes condi 83 % des sondés considèrent que les risques naturels vont tions que la garantie du contrat de base, selon les mêmes s’accentuer dans leur zone d’habitation. modalités de calcul des valeurs assurées et d’indemnisation des dommages, le même périmètre de biens assurés. Après vérification, il apparaît que le fonds Barnier n’a financé aucune action liée à la prévention du risque séche Le versement de l’indemnité par l’assureur est déclenché resse en 2019 : 57 % des sommes ont été consacrées aux par la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, au inondations – conséquence du conseil de défense écologique terme d’une procédure que certains pourront juger de février 2020, qui a accéléré la mise en œuvre des complexe. La mission d’information du Sénat de 2019 programmes d’actions de prévention des inondations l’avait également qualifiée d’opaque et avait notamment (PAPI) –, 20 % aux séismes, avec la troisième phase du relevé le faible niveau de motivation des décisions. plan Séisme Antilles, 11 % aux mouvements de terrain, L’article 1er de cette proposition de loi vient apporter des 6 % à la submersion marine, 3 % aux cavités souterraines, améliorations. La commission des finances n’y a fait que des 2 % au multirisque, 1 % au reste, c’est-à-dire aux tsunamis, corrections de forme, car nous n’avions pas de difficultés avec aux avalanches, aux feux de forêt, mais rien pour la séche le texte proposé. L’article 5 prévoit un raccourcissement du resse. délai de publication de l’arrêté, qui passe de trois à deux mois. Pour autant, ce risque est important, puisque 48 % du territoire métropolitain est situé dans une zone d’exposition L’article 3 supprime la modulation de franchise qui pénali qualifiée de moyenne à forte. sait les sinistrés, dès lors qu’ils vivaient dans une commune n’ayant pas approuvé complètement son plan de prévention La loi portant évolution du logement, de l’aménagement et des risques naturels. Il intervient également sur le niveau de la du numérique, dite loi ÉLAN, promulguée en franchise, notamment pour la rendre plus acceptable pour les novembre 2018, a prévu des dispositions pour réduire la PME et les TPE. Le coût de ces dispositifs d’ordre macro vulnérabilité des constructions neuves. Toutefois, les arrêtés économiques est limité pour le système – il atteint 4 à n’ont été publiés qu’en juillet 2020. 11 millions d’euros –, alors même qu’ils auront des consé quences microéconomiques – c’est-à-dire pour les sinistrés – Nous devons rester vigilants sur certains points. Il nous très importantes. faut nous pencher sur la bonne application de ces nouvelles règles, sur l’efficacité de ces nouvelles normes, sur les surcoûts L’article 6 étend le périmètre de l’indemnisation, qui à la construction, dont nous devrons nous assurer qu’ils sont comprendra désormais les frais de relogement d’urgence, si accessibles à tous nos concitoyens et dont il faut mesurer les le bien est la résidence principale et qu’il est rendu impropre conséquences sur l’aménagement du territoire. En effet, que à l’habitation. Seront également inclus les frais d’architecte et se passera-t-il si, dans certaines zones, on ne peut plus de maîtrise d’œuvre indispensables à la remise en état du construire qu’à un coût très élevé ? bien. Là encore, l’impact macroéconomique est limité pour le fonds – 6 à 10 millions d’euros –, mais le bénéfice est très Se pose encore une question résiduelle : quid des construc grand pour les sinistrés. tions existantes ? Quelle réponse préventive peut-on L’article 5 est certainement celui qui pose le plus de diffi apporter ? Ce texte ne dit rien de toutes ces actions, que cultés, notamment parce que la logique du principe indem nous devons encore construire ensemble. Je regrette que nitaire impose de circonscrire le montant des travaux à la nous ayons perdu deux ans : le texte voté par le Sénat en valeur de la chose assurée. Or, dans le cas de l’aléa sécheresse, février 2020 apportait déjà les réponses aux questions que j’ai les travaux permettant un arrêt des désordres peuvent être abordées. Il faut maintenant aller beaucoup plus loin sur la substantiellement plus élevés que la valeur de la chose prévention du risque géotechnique sécheresse. (Applaudisse assurée. ments sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE – M. Alain Richard applaudit également.) Nous sommes alors face à une catastrophe qui, de naturelle, devient humaine : une maison héritée de ses M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour parents ou de ses grands-parents qui se trouve fissurée n’a avis. plus de valeur de revente. On comprend bien les difficultés que cela pose si le sinistré avait prévu de transmettre ce Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commis patrimoine à ses enfants. sion de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes Le texte de loi n’aborde pas cet aspect, mais il me semble chers collègues, que de temps perdu pour nos concitoyens ! que nous devons collectivement travailler sur les actions de prévention et sur la réduction des conséquences sur l’activité C’est la deuxième fois en deux ans que notre commission et humaine du risque sécheresse, lequel va devenir de plus en le Sénat sont appelés à se prononcer sur cette réforme du plus présent. régime d’indemnisation des catastrophes naturelles.
SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 9483 La proposition de loi que j’avais déposée, au nom du Je regrette que nous n’examinions pas aujourd’hui une groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et qui avait été réforme globale, en dépit des nombreux travaux de qualité adoptée par le Sénat à l’unanimité des présents, le déjà produits sur le sujet, en particulier ceux qui ont été 15 janvier 2020, et le texte du député Stéphane Baudu, menés au Sénat par Nicole Bonnefoy dans le cadre de la que nous examinons aujourd’hui, modifient en effet les mission d’information présidée par notre ancien collègue mêmes bases légales, avec les mêmes objectifs et selon des Michel Vaspart. Cette demande de réponse juridique et modalités sinon très proches, au moins fortement compara financière concrète est attendue par bon nombre de nos bles. administrés. Je reviendrai plus tard sur les dispositions qui me tiennent Les dix amendements que la commission de l’aménage à cœur et qui avaient été construites après un travail de six ment du territoire et du développement durable a adoptés la mois réalisé dans le cadre de la mission d’information sur la semaine dernière sur mon initiative – parmi lesquels se gestion des risques climatiques et l’évolution de nos régimes trouvent deux sous-amendements sur des amendements du d’indemnisation, dont Michel Vaspart était président et dont Gouvernement – et que je vous présenterai tout à l’heure j’étais rapporteure. visent ainsi à conforter et à approfondir les avancées du texte, au bénéfice des communes et des sinistrés, tout en avançant Je tenais, en préambule, à vous exprimer mon profond sur le chemin d’une meilleure appréhension du risque de regret quant à l’attitude du Gouvernement et des députés. retrait-gonflement des argiles dans nos politiques publiques. Ce sujet aurait pu, et aurait dû, être traité plus tôt. Près d’un an s’est écoulé entre la transmission du texte du Sénat aux Je forme le vœu que nous parviendrons à trouver des voies députés et le dépôt, à l’Assemblée nationale, du texte que de convergence avec les députés lors de la commission mixte nous examinons aujourd’hui. L’argument de la procédure paritaire pour, enfin, transformer l’essai de cette réforme. accélérée ne tient donc pas. J’y vois surtout le souhait de la J’espère également que le Gouvernement pourra nous majorité présidentielle de s’arroger, à peu de frais, le bénéfice proposer prochainement une réforme plus ambitieuse, à du travail des sénateurs. même de combler les angles morts de ce texte. (Applaudisse ments sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE, Je suis donc partagée entre la satisfaction de constater que SER et CRCE.) nous allons enfin avancer un peu sur cette question et le M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet. regret de noter que des sujets sont délaissés, à l’image du (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) retrait-gonflement des argiles (RGA), qui ne devait faire l’objet que d’une demande de rapport, avant que notre Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le commission intègre d’autres dispositions plus ambitieuses, ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons sur l’initiative de mon collègue Pascal Martin. aujourd’hui a comme un air de déjà-vu. Tel est le sentiment que je souhaitais partager avec vous. La crise sanitaire que nous traversons a – et aura – bien des (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDSE, UC et conséquences. Mais il est un effet que nous n’avions jusqu’a Les Républicains.) lors jamais appréhendé : l’effacement du travail sénatorial réalisé avant le confinement de mars 2020. Je ne sais si les M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. scientifiques auront un avis sur le sujet, mais pour les M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de sénatrices et sénateurs que nous sommes, il s’agit là d’une l’aménagement du territoire et du développement durable. manière de procéder bien peu respectueuse de la Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collè Haute Assemblée ! gues, la commission de l’aménagement du territoire et du M. Jean-François Husson. C’est vrai ! développement durable est favorable à l’adoption de cette Mme Isabelle Briquet. Ainsi, la proposition de loi de notre proposition de loi, sous réserve de l’intégration des amende collègue Nicole Bonnefoy, votée à l’unanimité par le Sénat en ments qu’elle a présentés la semaine dernière. janvier 2020, n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de Comme ma collègue rapporteure pour avis, Nicole l’Assemblée nationale. Bonnefoy, j’éprouve un sentiment général mitigé. Les catastrophes naturelles n’ayant pas cessé pour autant, D’un côté, ce texte permettra des avancées en facilitant les un nouveau texte nous est donc soumis, cette fois sur l’initia démarches de reconnaissance de l’état de catastrophe tive du député Stéphane Baudu. Que de temps perdu pour naturelle, en renforçant la transparence sur l’instruction de toutes les victimes des aléas climatiques ! ces demandes, en permettant de mieux accompagner les Au-delà de la méthode, ce texte n’en aborde pas moins un maires sur le terrain et d’améliorer l’indemnisation des sinis sujet particulièrement important. trés. Depuis 1982, date de la mise en place du régime actuel, la D’un autre côté, l’ambition globale de ces dispositions me quasi-totalité des communes françaises a été touchée par des paraît insuffisante. Ainsi, le traitement des mouvements de catastrophes naturelles. Cette situation est amenée à terrain consécutifs à la sécheresse-réhydratation des sols s’aggraver, car, selon une étude de Météo-France, le change argileux est embryonnaire, alors que 12 000 communes ment climatique provoquera une augmentation de la sinis sont aujourd’hui fortement exposées à ce phénomène. tralité au titre des catastrophes naturelles de 50 % à l’horizon 2050. Un chiffre m’a particulièrement marqué : si nous devions équiper de micro-pieux les maisons actuellement situées en Grâce aux amendements adoptés en commission, portés zone d’aléa fort de retrait-gonflement des argiles – soit par les sénateurs et les rapporteurs, dont je salue le travail, le 4 millions de bâtiments –, ou procéder à des réparations texte que nous étudions aujourd’hui rétablit en partie les importantes, le coût total de l’opération pourrait atteindre avancées du texte sénatorial voté voilà maintenant près de 285 milliards d’euros. C’est colossal ! deux ans : transparence de la procédure de reconnaissance de
9484 SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 l’état de catastrophe naturelle et des recours possibles, en s’agit aussi d’un sujet d’actualité, comme la tempête Aurore portant le délai de prescription à cinq ans ; meilleure protec de cette nuit nous le rappelle. Une nouvelle base solide, si tion des assurés et des sinistrés, grâce à un encadrement possible consensuelle, voilà ce qu’on attend de nous. renforcé des pratiques des assureurs ; prise en compte du risque naturel spécifique au phénomène de sécheresse et de L’engagement de la Chambre Haute sur l’évolution du réhydratation des sols, en particulier avec l’intégration du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles doit être crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques, souligné : une mission d’information, présidée par l’ancien lequel pourra, dès lors, compléter utilement les dispositifs sénateur Michel Vaspart et rapportée par notre collègue d’indemnisation. Nicole Bonnefoy, a rendu des conclusions sur ce sujet voilà un peu plus de deux ans, ce qui a conduit à l’adoption Mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républi d’une proposition de loi par le Sénat. cain et moi-même saluons les avancées déjà intégrées dans le texte par la rapporteure et les commissaires aux finances, mais Après des décennies d’inertie, comme le souligne le rapport nous vous proposons d’aller plus loin. pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, les parlementaires de tous bords Comme dans le texte voté par le Sénat en janvier 2020, sont pleinement mobilisés pour réformer le régime d’indem nous vous suggérons d’intégrer les orages de grêle et le nisation, conformément à la promesse du Président de la phénomène d’échouage des algues sargasses dans le régime République de novembre 2017. des catastrophes naturelles. À cet égard, je me permets une petite parenthèse sur un cas De plus, au regard du caractère évolutif du phénomène de particulier, qui ne rentrait justement pas dans le cadre sécheresse-réhydratation des sols, il convient de mieux général : notre groupe salue l’engagement de l’ancienne encadrer les indemnisations des assureurs pour qu’elles sénatrice de la Gironde, Françoise Cartron, pour l’indemni couvrent l’intégralité des dommages occasionnés, ce que ne sation des copropriétaires de l’immeuble Le Signal, ainsi que prévoit pas le texte actuel. celui de M. Vaspart, ancien sénateur. Leur action, nous le Ainsi, l’article 5 de la proposition de loi ne nous semble pas savons toutes et tous, a été déterminante. Ce dossier en adapté à la réalité des dommages et, par voie de conséquence, souffrance aura trouvé une issue favorable sous cette légis ne nous paraît pas apporter le soutien financier nécessaire aux lature. sinistrés. Il nous faut désormais trouver un cadre général d’indem Nous souhaitons également que ces derniers soient mieux nisation des catastrophes naturelles. La présente proposition accompagnés. Nous entendons ainsi instaurer une certifica de loi entend répondre à cette exigence d’évolution. tion pour les experts mandatés, prévoir une communication Elle le fait au travers de quatre axes : renforcer la transpa systématique du rapport d’expertise aux assurés et intégrer rence de l’instruction des demandes de reconnaissance de une étude des sols dans l’indemnisation pour apprécier l’état de catastrophe naturelle, en simplifier les démarches, l’évolution des dommages. renforcer le dialogue entre l’État et les élus locaux et mieux Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré la accompagner les communes face à la gestion de tels événe méthode employée, nous pourrions être satisfaits de voir ce ments, et enfin améliorer la prise en charge des dommages sujet à l’ordre du jour de notre assemblée. Encore faut-il que par les assureurs. Ce dernier point passe notamment par la les amendements proposés par le Gouvernement ne viennent prise en charge des frais de relogement et la réduction du pas anéantir les avancées validées par les commissions des délai de versement et d’indemnisation. finances et de l’aménagement du territoire et du développe ment durable, en particulier sur les enjeux liés à la sécheresse. Nous avons, ce matin, l’occasion de trouver une issue favorable à ce problème avant la fin de la mandature. Nous espérons que nos débats permettront d’enrichir le texte au bénéfice des sinistrés, notamment ceux de la Avant d’entamer nos débats, je souhaiterais souligner deux canicule, afin qu’ils ne soient pas, une nouvelle fois, points de vigilance et formuler deux remarques. oubliés. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.) L’examen du texte en commission a conduit à l’ajout de M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet. dispositions financières, notamment le rétablissement, à Mme Nadège Havet. Monsieur le président, monsieur le l’article 9, du crédit d’impôt pour la prévention des aléas ministre, mes chers collègues, nous soutenons les dispositions climatiques. Des mesures d’accompagnement sur le volet de de ce texte, déposé par l’ancien député de Loir-et-Cher la prévention des risques et du renforcement de la résilience Stéphane Baudu et plusieurs de ses collègues et adopté en du bâti face aux aléas naturels ont également été ajoutées. première lecture à l’Assemblée nationale en début d’année. Monsieur le ministre, comme le début de cette discussion Le dispositif qui nous est présenté répond à un constat générale l’a montré, les débats devront vous permettre partagé sur tous les bancs du Parlement : le régime actuel ne d’apporter des éléments de réponse et de nous rassurer sur répond plus aux enjeux. Dépassé, opaque, complexe, il vient ces points. ajouter des souffrances aux victimes, qui ont parfois tout Par ailleurs, nous devons nous montrer ambitieux quant perdu. Ce n’est pas acceptable. aux mesures relatives au traitement et à l’indemnisation des C’est pourquoi cette proposition de loi vise, d’une part, à dommages résultant des mouvements de terrain consécutifs à améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance des phénomènes de sécheresse-réhydratation des sols argileux. de l’état de catastrophe naturelle et, d’autre part, à ouvrir plus La commission a adopté des amendements visant à une de droits aux sinistrés. meilleure connaissance locale et à une meilleure prévention Avant d’entrer plus avant dans le détail, notre groupe tient du risque de retrait-gonflement des argiles. Il semble toutefois à saluer les travaux réalisés ces dernières années au Sénat sur qu’un certain nombre de ces informations soient disponibles ce problème majeur et, malheureusement, d’avenir. Mais il sur le portail Géorisques.
SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 9485 Aucune action de grande ampleur n’a abouti à ce jour, C’est dans cette même attitude constructive que nous vous alors que la situation ne cesse d’empirer. Les sécheresses de soumettrons plusieurs amendements, qui visent à renforcer ces dernières années ne cessent de s’amplifier et 88,3 % des deux objectifs du texte auxquels nous souscrivons pleine communes de notre territoire sont affectées par le phéno ment. mène de RGA. Le premier, c’est l’accompagnement des élus locaux. Là encore, le débat sera important, car il est demandé au Comme je l’ai souligné à l’instant, les élus locaux, et singu Gouvernement et aux parlementaires de trouver une solution lièrement les maires, se trouvent en première ligne pour la après de nombreuses années d’inertie. (M. Jean-Pierre reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Ils se Corbisez applaudit.) trouvent souvent dans une situation délicate, pour ne pas M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret. dire très inconfortable, lorsqu’ils doivent expliquer à leurs (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDPI, administrés sinistrés les conséquences d’une décision qu’ils UC et RDSE.) n’ont pas prise et que, parfois, ils ne comprennent pas, faute d’avoir reçu des explications claires. Il est de notre responsa M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le bilité de leur simplifier la tâche. ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé les deux collègues qui m’ont précédé, le texte que nous examinons C’est la raison pour laquelle la création d’un référent au aujourd’hui est placé sous le signe d’un déjà-vu ; pour être sein des préfectures est une bonne mesure. Nous vous propo exact, il faudrait parler de trois déjà-vu. serons de préciser le texte, afin de nous assurer que la création de ce nouveau poste au sein des services de l’État n’ajoute pas Le premier concerne bien évidemment l’objet de ce texte, à de la confusion à une organisation déjà complexe. savoir les catastrophes naturelles. Nous le savons tous, ces phénomènes climatiques exceptionnels sont amenés à Le second objectif, c’est le renforcement du poids des élus augmenter dans les prochaines décennies, tant en termes dans la gouvernance du régime. Aujourd’hui, la détermina de fréquence que d’intensité. tion des critères de reconnaissance de l’état de catastrophe Ces catastrophes constituent des preuves matérielles, tangi naturelle et leur application aux cas particuliers sont à la main bles, montrant que le dérèglement climatique est déjà à de l’administration. Or il n’y a rien de plus inconfortable, l’œuvre. Les épisodes de sécheresse ou d’inondation se pour les élus locaux comme pour les parlementaires, que de répètent, s’enchaînent, et chaque fois nous renvoient à la subir des décisions sur lesquelles ils n’ont pas de prise. Plus les même sidération initiale. élus seront associés au régime, plus ils s’approprieront les décisions et mieux ils les expliqueront. Sur certains territoires, ils sont devenus la norme. Sur d’autres, que l’on croyait épargnés, ils sont une nouveauté Le texte que nous examinons comporte déjà plusieurs qui fait naître un sentiment de vulnérabilité. mesures dans ce sens, lesquelles devraient améliorer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles. Nous Le deuxième déjà-vu se rapporte aux débats que nous vous proposerons d’aller encore plus avant, en associant avons déjà eus, auxquels il faut ajouter ceux que nous mieux élus locaux et parlementaires. allons avoir, les solutions que nous proposerons et les ajuste ments dont nous discuterons. Et pour cause : la multiplica J’espère que cette proposition de loi contribuera à rendre ce tion des catastrophes naturelles, parce qu’elle concerne de régime plus efficace, plus lisible et plus réactif. C’est la plus en plus les collectivités locales, concerne de plus en meilleure façon de préparer l’avenir, dont nous savons plus la chambre des territoires. malheureusement qu’il sera marqué par le dérèglement Les maires se trouvent en première ligne dans le régime des climatique. (Applaudissements sur les travées des groupes catastrophes naturelles : ils jouent un rôle central dans la INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les reconnaissance de cet état, font les demandes auprès des Républicains.) préfectures et assurent ensuite le « service après-vente », si M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon. l’on peut dire, auprès des sinistrés. L’organisation actuelle de (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – ce régime les met donc sous pression ; nous relayons ici leurs Mme Nadia Sollogoub applaudit également.) revendications. Mme Anne Ventalon. Monsieur le président, monsieur le Le troisième déjà-vu résulte assez logiquement des deux ministre, mes chers collègues, les catastrophes naturelles premiers. Puisque les catastrophes naturelles se répètent et tendent à devenir plus fréquentes, favorisées par le dérègle s’aggravent, la représentation nationale s’empare du sujet et ment climatique et son cortège de drames humains, comme les parlementaires font des propositions. l’ont récemment éprouvé les habitants des Alpes-Maritimes. Comme mes collègues l’ont rappelé, le Sénat avait déjà adopté, en janvier 2020, une proposition de loi visant à Mon département de l’Ardèche, avant d’être durement réformer le régime des catastrophes naturelles. Elle s’inspirait touché par le gel, en avril 2021, a été le théâtre d’un des travaux d’une mission d’information menée au préalable séisme aussi inattendu qu’inédit, frappant très durement la par notre assemblée. commune du Teil. L’exposition de ces trois impressions de déjà-vu vaut expli Ce qui caractérise la catastrophe naturelle, c’est l’urgence. cation de vote. Le groupe Les Indépendants – République et Après l’intervention des secours, la gestion du temps territoires, qui avait soutenu le travail collectif déjà mené constitue un facteur clé pour le soutien et l’indemnisation en 2020, soutiendra aussi cette proposition de loi, dont la de ceux qui ont perdu une récolte, un atelier et, souvent, une lettre et l’esprit rejoignent assez largement l’initiative sénato habitation représentant des années d’efforts et abritant une riale. vie de souvenirs.
9486 SÉNAT – SÉANCE DU 21 OCTOBRE 2021 Pour cette raison, je salue les dispositions du texte, enrichi M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le par les travaux des rapporteurs, qui permettent de réduire les ministre, mes chers collègues, le changement climatique est délais de prise d’arrêté de reconnaissance de l’état de donc là, et avec lui l’augmentation des risques liés à des catastrophe naturelle et ceux relatifs aux obligations des variations météorologiques qui s’exacerbent – tempêtes, assureurs. inondations, sécheresses… Le Gouvernement aurait été bien inspiré de s’appliquer à En France, plus d’une personne sur quatre est concernée et lui-même cette logique de réduction des délais. Hélas, au lieu les collectivités territoriales font face à une sinistralité de plus de se saisir de l’excellente proposition de loi de notre collègue en plus prégnante. Nicole Bonnefoy, adoptée au Sénat en janvier 2020, le Gouvernement a perdu un an, afin de soutenir un texte Nous partageons donc pleinement le diagnostic posé par la issu de sa majorité. présente proposition de loi et l’idée selon laquelle il est nécessaire de remettre à plat des dispositifs de solidarité Pour les communes touchées et les éventuels sinistrés, que nationale, comme le régime d’indemnisation des catastrophes de temps et d’opportunités envolés ! Je pense, par exemple, naturelles, dit régime « CatNat », conçus dans un monde qui au déplafonnement du fonds Barnier pour les catastrophes ne se réchauffait pas. naturelles, prévu par la proposition de loi sénatoriale, mais qui ne figure pas dans le présent texte. Face à cette évolution rapide du climat, nous regrettons également le temps perdu dans la procédure législative depuis De plus, malgré le travail salutaire de nos rapporteurs, cette l’adoption par le Sénat, le 15 janvier 2020, de la proposition proposition de loi ne viendra pas à bout de toutes les de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des iniquités qui subsistent en matière d’indemnisation. catastrophes naturelles, laquelle prolongeait les travaux de Il faut tout d’abord obliger les experts, ce qui peut se faire nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart dans le par voie réglementaire, monsieur le ministre, à se rendre sur cadre de la mission d’information portant sur la gestion les lieux du sinistre. C’est la condition nécessaire pour une des risques climatiques et l’évolution de nos régimes meilleure expertise, assortie d’un échange contradictoire avec d’indemnisation. l’assuré. Nous avons à répondre à des questions redoutables, Dans des circonstances aussi dramatiques, la présence assurantielles, immédiates, face à la catastrophe – le texte y physique et le dialogue, associés à une certaine considération revient. Plus largement, il nous faut modifier en profondeur face à la détresse humaine, permettront de dénouer bien des nos documents d’urbanisme et intégrer les risques à venir tensions et d’aboutir à un règlement concerté. dans les constructions et les terrains à bâtir. Derrière ces décisions, qui demanderont beaucoup de courage politique Malheureusement, certaines dispositions du texte ne sont aux élus locaux, il faudra apporter des réponses financières pas amendables par les parlementaires, du fait de nos règles aux pertes de valeur subies sur le bâti ou les terrains à de recevabilité financière. Il vous revient donc, monsieur le construire. ministre, de rééquilibrer les relations entre assureurs et sinis trés. À lui seul, le retrait-gonflement des sols argileux sous l’impact de la chaleur concerne des dizaines de milliers Lorsqu’un bâtiment est fragilisé par une catastrophe, de d’habitations. Or, et je crois que nous sommes tous nouveaux dommages – notamment des fissures – peuvent d’accord sur ce point, le périmètre de ce texte est particuliè apparaître longtemps après les événements. Pour cette raison, rement réduit au regard de cet enjeu. (M. Pascal Martin, les indemnisations doivent également couvrir les travaux rapporteur pour avis, manifeste son approbation.) Les chiffres susceptibles de mettre définitivement fin aux désordres qu’a cités Pascal Martin sont de nature à gâcher le week-end existants, c’est-à-dire les travaux de nature à ôter toute fragi de la totalité des membres du ministère des finances. lité susceptible d’apparaître dans les mois suivant la (Sourires.) catastrophe sous l’effet d’une restabilisation des structures et des variations de température. Cette proposition de loi ne correspond donc pas, nous le De même, le montant maximal de l’indemnité à laquelle savons tous, à une réforme en profondeur du régime peut prétendre l’assuré devrait être indexé sur la valeur vénale d’indemnisation des dommages liés aux catastrophes du bien, augmentée de l’ensemble des frais de démolition naturelles – je proposerai d’ailleurs d’en modifier le titre. Il – et ce, bien sûr, dans la limite des frais de réparation du s’agit davantage d’un travail préalable, nécessaire, mais non bâtiment. suffisant. Or, dans sa rédaction actuelle, l’article 5 crée des condi L’enjeu principal n’est peut-être pas tant la réponse à tions inéquitables d’un territoire à l’autre, la valeur vénale apporter à la suite d’une catastrophe – même si le texte dépendant du cours de l’immobilier et donc du lieu améliore quelque peu la rapidité de la réponse publique et d’implantation du bien. Ainsi, un bien situé sur la Côte assurantielle – que l’intégration en amont des pertes de d’Azur serait reconstruit quand le même, situé en Ardèche, valeur sur l’anticipation du risque. ne le serait pas. Le groupe d’études Mer et littoral, présidé par Didier Ces injustices desservent certains des objectifs que ce texte, Mandelli, a auditionné récemment l’Association nationale pourtant bénéfique, s’est fixés. Je vous invite donc, monsieur des élus du littoral par le biais de son président, notre le ministre, à utiliser vos prérogatives législatives et réglemen collègue Jean-François Rapin. En outre, j’ai participé hier à taires pour y remédier. (Applaudissements sur les travées du une table ronde organisée par l’Association nationale des élus groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit des bassins. également.) Les paroles des élus sont les mêmes : sans accompagne M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec. (Applau ment, ils ne peuvent aller plus loin. L’ancien député André dissements sur les travées du groupe GEST.) Flajolet, très engagé sur ces questions, disait hier que la
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