SÉNAT COMPTE RENDU INTÉGRAL - JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - Sénat

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Année 2019. – No 92 S. (C.R.)                 ISSN 0755-544X            Mercredi 30 octobre 2019

                                SÉNAT
    JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

                                SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

                 COMPTE RENDU INTÉGRAL
                      Séance du mardi 29 octobre 2019
                                   (13e jour de séance de la session)
14658                                   SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019

                                              SOMMAIRE

         PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE DALLIER                       M. Pierre Ouzoulias
                     Secrétaires :                               M. Stéphane Piednoir
        Mmes Catherine Deroche, Françoise Gatel.
                                                                 M. Patrick Kanner
1. Procès-verbal (p. 14661)
                                                                 M. Alain Joyandet
2. Neutralité religieuse des personnes concourant au service
    public de l’éducation. – Adoption d’une proposition de loi   Mme Esther Benbassa
    dans le texte de la commission modifié (p. 14661)
                                                                 M. Michel Savin
   Discussion générale :
                                                                 M. David Assouline
   Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteure de la proposition
    de loi                                                       M. Jean Louis Masson
   M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture,    M. Guillaume Gontard
     de l’éducation et de la communication
                                                                 M. Pierre-Yves Collombat
   M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale
     et de la jeunesse                                           Mme Nassimah Dindar

        Demande de renvoi à la commission (p. 14666)             M. François Bonhomme
   Motion no 13 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis         M. Fabien Gay
    Masson ; M. Max Brisson, rapporteur ; M. Jean-Michel
    Blanquer, ministre ; Mme Samia Ghali ; Mme Josiane           Mme Sylvie Goy-Chavent
    Costes. – Rejet.
                                                                 Mme Samia Ghali
             Discussion générale (suite) (p. 14669)
                                                                 Mme Annick Billon
   M. Laurent Lafon
                                                                 M. Jean-Marie Mizzon
   Mme Sylvie Robert
                                                                 Mme Sophie Taillé-Polian
   Mme Françoise Laborde
                                                                 M. Rachid Temal
   M. Antoine Karam
   M. Jean Louis Masson                                          M. Laurent Duplomb

   M. Pierre Ouzoulias                                           M. Jean-Michel Blanquer, ministre

   Mme Colette Mélot                                             Amendement no 10 de M. Jacques-Bernard Magner. – Rejet
                                                                   par scrutin public no 17.
   M. Jérôme Bascher
                                                                 Amendement no 3 de M. Jean Louis Masson. – Rejet.
   M. Philippe Pemezec
                                                                 Mme Jacqueline Eustache-Brinio
   Mme Laurence Rossignol
                                                                 M. Pierre Ouzoulias
   Mme Pascale Gruny
                                                                 Adoption, par scrutin public no 18.
   M. Jean-Michel Blanquer, ministre
   Clôture de la discussion générale.
                                                                               Article 2 (nouveau) (p. 14697)
                      Article 1 (p. 14680)
                              er

                                                                 Amendement no 11 de M. Jacques-Bernard Magner. –
   M. Max Brisson, rapporteur                                      Rejet.

   M. Olivier Paccaud                                            Adoption de l’article.
SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019                                                    14659

           Intitulé de la proposition de loi (p. 14698)                M. Christophe Priou ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du
                                                                         Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ;
   Amendement no 9 rectifié de Mme Françoise Laborde. –                  M. Christophe Priou.
     Adoption de l’amendement modifiant l’intitulé.
                                                                       Mme Sylvie Robert ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du
                                                                        Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ;
                 Vote sur l’ensemble (p. 14699)                         Mme Sylvie Robert.
   Mme Sylvie Robert                                                   M. François Bonhomme ; M. Marc Fesneau, ministre auprès
                                                                         du Premier ministre, chargé des relations avec le Parle­
   M. Pierre Ouzoulias                                                   ment ; M. François Bonhomme.
   Mme Françoise Gatel                                                 M. Jérôme Bascher ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du
                                                                         Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ;
   M. Bruno Retailleau
                                                                         M. Jérôme Bascher.
   M. Jean-Michel Blanquer, ministre
                                                                                   Conclusion du débat (p. 14712)
   Adoption, par scrutin public no 19, de la proposition de loi
     dans le texte de la commission, modifié.                          Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour le groupe socialiste et
                                                                        républicain
3. Organisation des travaux (p. 14701)                                        Suspension et reprise de la séance (p. 14713)
           Suspension et reprise de la séance (p. 14701)
                                                                          PRÉSIDENCE DE M. JEAN-MARC GABOUTY
4. Assistons-nous au recul de l’État de droit en France ? – Débat
    organisé à la demande du groupe socialiste et républicain       5. Mise au point au sujet d’un vote (p. 14713)
    (p. 14701)
   Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe socialiste et           6. Politique sportive. – Débat organisé à la demande du groupe
    républicain                                                         Les Républicains (p. 14713)

   M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre,               M. Michel Savin, pour le groupe Les Républicains
     chargé des relations avec le Parlement
                                                                       Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports

                   Débat interactif (p. 14703)                                        Débat interactif (p. 14716)
   M. Jean-Raymond Hugonet ; M. Marc Fesneau, ministre                 M. Jean-Jacques Lozach ; Mme Roxana Maracineanu,
     auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le            ministre des sports.
     Parlement.
                                                                       Mme Mireille Jouve ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
   M. Jean-Yves Leconte ; M. Marc Fesneau, ministre auprès              des sports ; Mme Mireille Jouve.
     du Premier ministre, chargé des relations avec le Parle­
     ment ; M. Jean-Yves Leconte.                                      M. Didier Rambaud ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
                                                                         des sports.
   M. Jean-Claude Requier ; M. Marc Fesneau, ministre auprès
     du Premier ministre, chargé des relations avec le Parle­          Mme Céline Brulin ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
     ment.                                                              des sports.
   Mme Esther Benbassa ; M. Marc Fesneau, ministre auprès              M. Dany Wattebled ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
    du Premier ministre, chargé des relations avec le Parle­             des sports ; M. Dany Wattebled.
    ment ; Mme Esther Benbassa.
                                                                       M. Claude Kern ; Mme Roxana Maracineanu, ministre des
   Mme Colette Mélot ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du               sports.
    Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
                                                                       M. Stéphane Piednoir : Mme Roxana Maracineanu,
   M. Michel Canevet ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du               ministre des sports.
     Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
                                                                       Mme Sylvie Robert ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
   M. Serge Babary ; M. Marc Fesneau, ministre auprès du                des sports.
     Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
                                                                       Mme Françoise Gatel ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
   M. Jean-Yves Leconte ; M. Marc Fesneau, ministre auprès              des sports.
     du Premier ministre, chargé des relations avec le Parle­
     ment ; M. Jean-Yves Leconte.                                      Mme Florence Lassarade ; Mme Roxana Maracineanu,
                                                                        ministre des sports ; Mme Florence Lassarade.
   M. Jean-François Longeot ; M. Marc Fesneau, ministre
     auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le          M. Christian Manable ; Mme Roxana Maracineanu,
     Parlement.                                                          ministre des sports.
14660                                    SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019

   M. Jean-Raymond Hugonet ; Mme Roxana Maracineanu,                   Mme Maryse Carrère
     ministre des sports.
                                                                       M. Bernard Buis
   M. Olivier Paccaud ; Mme Roxana Maracineanu, ministre
     des sports.                                                       M. Guillaume Gontard
   Mme Nicole Duranton ; Mme Roxana Maracineanu,
    ministre des sports.                                               M. Alain Fouché

   M. Jacques Grosperrin ; Mme Roxana Maracineanu,                     Mme Évelyne Perrot
     ministre des sports.
                                                                       M. Yves Bouloux
                Conclusion du débat (p. 14726)
                                                                       M. Claude Bérit-Débat
   M. Alain Dufaut, pour le groupe Les Républicains

           Suspension et reprise de la séance(p. 14727)                Mme Nadia Sollogoub

7. Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux                    M. Jean-François Husson
    reconstruire. – Débat organisé à la demande d’une mission
    d’information (p. 14727)                                           Mme Gisèle Jourda

   M. Michel Vaspart, président de la mission d’information            M. Didier Mandelli
     sur la gestion des risques climatiques et l’évolution de nos
     régimes d’indemnisation                                           Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique
                                                                        et solidaire
   Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure de la mission d’infor­
    mation sur la gestion des risques climatiques et l’évolu­
    tion de nos régimes d’indemnisation                             8. Ordre du jour (p. 14741)
SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019                                                 14661

                       COMPTE RENDU INTÉGRAL

          PRÉSIDENCE DE M. PHILIPPE DALLIER                       Ferry, dans sa lettre de 1883 aux instituteurs et institutrices
                                                                  sur l’école laïque, tendant à établir la neutralité confession­
                         vice-président                           nelle des écoles : « Sans doute [le législateur] a eu pour
                                                                  premier objet de séparer l’école de l’église, d’assurer la
                     Secrétaires :                                liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer
                 Mme Catherine Deroche,                           enfin deux domaines trop longtemps confondus, celui des
                  Mme Françoise Gatel.                            croyances qui sont personnelles, libres et variables, et celui
  M. le président.   La séance est ouverte.                       des connaissances qui sont communes et indispensables à
                                                                  tous, de l’aveu de tous. »
  (La séance est ouverte à quatorze heures trente.)
                                                                     Plus tard, dans sa circulaire du 15 mai 1937, Jean Zay,
                                                                  ministre de l’éducation nationale, soulignait à son tour
                               1                                  l’importance de la neutralité de l’école républicaine, en préci­
                                                                  sant : « Ma circulaire du 31 décembre 1936 a attiré l’atten­
                                                                  tion de l’administration et des chefs d’établissement sur la
                      PROCÈS-VERBAL                               nécessité de maintenir l’enseignement public de tous les
  M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du       degrés à l’abri des propagandes politiques. Il va de soi que
jeudi 24 octobre 2019 a été publié sur le site internet du        les mêmes prescriptions s’appliquent aux propagandes
Sénat.                                                            confessionnelles. L’enseignement public est laïque. Aucune
                                                                  forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établis­
  Il n’y a pas d’observation ?…                                   sements. Je vous demande d’y veiller avec une fermeté sans
  Le procès-verbal est adopté.                                    défaillance. »
                                                                     Voilà quinze ans, la loi interdisant le port de signes
                               2                                  religieux ostentatoires dans les écoles publiques françaises,
                                                                  voulue par le président Chirac, était adoptée par le Parle­
                                                                  ment. Cette loi, fondée sur le principe selon lequel le dérou­
   NEUTRALITÉ RELIGIEUSE DES PERSONNES                            lement des cours n’est pas possible dans de bonnes conditions
    CONCOURANT AU SERVICE PUBLIC DE                               sans la neutralité religieuse de l’école, a jeté les bases du
               L’ÉDUCATION                                        confinement de la religion à l’intimité des élèves. Il était
                                                                  devenu indispensable de permettre à nos enfants d’acquérir
  Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la           des savoirs dans l’harmonie garantie par la République
                 commission modifié                               française, afin de préserver leur liberté de conscience.
  M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la
demande du groupe Les Républicains, de la proposition de            Depuis lors, la question de la neutralité des accompagnants
loi tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes      des sorties scolaires refait régulièrement surface, opposant
concourant au service public de l’éducation, présentée par        défenseurs de la laïcité républicaine et tenants d’une laïcité
Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de ses collègues      dite « ouverte », sans que celle-ci soit véritablement définie.
(proposition no 643 [2018-2019], texte de la commission no          La circulaire du 23 mars 2012 signée de Luc Chatel, alors
84, rapport no 83).                                               ministre de l’éducation nationale, semblait avoir mis fin à
  Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline     cette polémique : « Il est recommandé de rappeler dans le
Eustache-Brinio, auteure de la proposition de loi. (Applau­       règlement intérieur que les principes de laïcité de l’enseigne­
dissements sur les travées du groupe Les Républicains. –          ment et de neutralité du service public sont pleinement
 Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)                     applicables au sein des établissements scolaires publics. Ces
  Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteure de la proposition
                                                                  principes permettent notamment d’empêcher que les parents
de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers    d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue
collègues, chaque jour, près de 13 millions d’enfants et          ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou
adolescents sont confiés à l’école de la République, dont         philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des
2,5 millions en maternelle et 4,3 millions en primaire,           sorties et voyages scolaires. »
généralement quatre jours par semaine, de 8 heures 30 à
                                                                    Ainsi était affirmée la nécessité de l’absolue neutralité des
11 heures 30 et de 13 heures 30 à 16 heures 30.
                                                                  parents concourant au service public de l’éducation en parti­
   Cette école républicaine, qui trouve son socle dans les        cipant aux sorties scolaires et astreints, de ce fait, au respect
lois Ferry de 1881 et 1882, a pour objectif de former des         des valeurs fondamentales du service public français, au
citoyens à la République et de les intégrer dans la société.      premier rang desquelles le principe de laïcité. Un principe,
C’est la raison pour laquelle je fais miens les propos de Jules   du reste, partagé à droite comme à gauche, si bien que
14662                                      SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019

Vincent Peillon décida de ne pas abroger la circulaire Chatel,           Par ailleurs, la Fédération des délégués départementaux de
après l’élection de François Hollande à la présidence de la           l’éducation nationale elle-même, à l’occasion de son congrès
République.                                                           de juin dernier, a adopté une motion demandant la recon­
                                                                      naissance de la fonction d’auxiliaire bénévole du service
   Plus tard, sitôt nommée, Najat Vallaud-Belkacem déclarait          public de l’éducation pour les personnes accompagnant les
que l’acceptation de la présence d’accompagnatrices voilées           sorties scolaires, ce qui entraînerait pour ces personnes une
lors des sorties scolaires devait être la règle et son refus,         obligation de neutralité et de respect de la liberté de
l’exception. Cette position peu claire a conduit les juridic­         conscience des enfants.
tions à adopter des positions contradictoires à travers la
France, laissant aujourd’hui les enseignants face à un vide             Voilà pourquoi j’ai déposé, le 9 juillet dernier, en dehors
juridique insécurisant, sans principe unique régissant les            du contexte médiatique actuel et de toute polémique, une
sorties scolaires.                                                    proposition de loi, cosignée par un certain nombre de nos
                                                                      collègues, tendant à assurer la neutralité religieuse des
   En juillet dernier, la cour administrative d’appel de Lyon a       personnes concourant au service public de l’éducation.
jugé que le principe de laïcité imposait que les personnes               Ce texte réaffirme les principes de laïcité et de neutralité
participant à des activités assimilables à celles des personnels      religieuse aux articles L. 111-1 et L. 141-5-1 du code de
enseignants à l’intérieur des locaux scolaires soient astreintes      l’éducation et les étend aux parents d’élèves accompagnant
aux mêmes exigences de neutralité. Par ailleurs, il apparaît          les sorties scolaires. Les collaborateurs occasionnels du service
clairement à toute personne douée d’un minimum de bon                 public étant, pour l’heure, considérés comme de simples
sens que les sorties scolaires font partie intégrante du temps        usagers de celui-ci, l’adoption de cette proposition de loi
scolaire et s’inscrivent dans le cadre du service public de           permettra d’étendre à ces personnes l’exigence de neutralité
l’éducation. (M. Roger Karoutchi opine.)                              religieuse dans l’exercice de leur mission bénévole auprès des
                                                                      élèves.
  Les accompagnateurs de sorties scolaires, parents d’élève ou
non, sont non pas des usagers du service public, mais bel et             Mes chers collègues, il nous appartient aujourd’hui de
bien des collaborateurs bénévoles de ce service, assimilés aux        marquer notre attachement à la République, à ses valeurs
personnels d’éducation et, par voie de conséquence, astreints         et, singulièrement, à la laïcité, sans laquelle l’unité de la
au respect de la neutralité de celui-ci. (M. David Assouline fait     Nation est impossible et l’indivisibilité de la République,
une moue dubitative.)                                                 illusoire. Il nous revient aujourd’hui, dans cet hémicycle,
                                                                      de défendre l’héritage de Jules Ferry et de Jean Zay, en
   Il est primordial de veiller au respect de la liberté de           affirmant haut et fort notre détermination à protéger l’inno­
conscience des élèves, principe fondamental reconnu par               cence et la liberté de conscience des enfants dans un pays
les lois de la République, affirmé par l’article 1er de la loi        secoué par des tensions politico-religieuses.
du 9 décembre 1905, et de tout faire pour éviter qu’ils ne
soient, du fait de leur vulnérabilité, des proies pour tous les         Il s’agit non pas d’un combat entre la droite et la gauche,
prosélytismes. Comme le faisait observer Lionel Jospin, alors         mais d’un combat républicain, rien d’autre. Car, comme l’a
ministre de l’éducation nationale, dans une circulaire                souligné Robert Badinter, la laïcité est « une grande barrière
de 1989, « rien n’est plus vulnérable qu’une conscience               contre le poison du fanatisme ». Tous les enfants que nous
d’enfant ». Et de préciser : « Les scrupules à l’égard de la          accueillons dans nos écoles sont des enfants de la République,
conscience des élèves doivent amplifier, s’agissant des ensei­        qui doivent pouvoir vivre et s’épanouir en dehors de toute
gnants, les exigences ordinaires de la neutralité du service          tentative d’influence, sans être les otages de pressions politi­
public et du devoir de réserve de ses agents. »                       ques ou religieuses.
                                                                        Nous avons à former les citoyens de demain dans une école
   Il convient de rappeler que les sorties scolaires constituent      où ils doivent être accueillis avec sérénité et apaisement, sur
des temps d’activités pédagogiques destinés aux élèves et non         un socle commun : la République une et indivisible ! (Applau­
à leurs parents, qui n’ont en aucun cas l’obligation d’y parti­       dissements sur les travées du groupe Les Républicains. –
ciper. De fait, l’accompagnement des sorties scolaires est             MM. Jean-Pierre Corbisez et Jean-Marie Mizzon applaudissent
proposé aux parents, sur la base du bénévolat ; il doit, dès          également.)
lors, s’inscrire dans le respect des principes régissant le service
public de l’éducation. Tout parent désireux d’accompagner               M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applau­
une classe dans le cadre d’une sortie doit donc se soumettre          dissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que
au principe de neutralité déjà imposé par la loi aux ensei­           sur des travées du groupe UC.)
gnants et aux enfants.                                                   M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de
                                                                      l’éducation et de la communication. Monsieur le président,
   Devant le vide juridique auquel nous nous trouvons                 monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte
confrontés, mais surtout face aux graves menaces pesant               politique et médiatique qui préside à l’examen de la propo­
sur notre unité et le respect d’un des principes qui la               sition de loi de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, il
fondent, la laïcité, le législateur ne peut pas rester passif.        me paraît important, pour que nos débats gagnent en
C’est la raison pour laquelle Jérôme Bascher, Bruno Retail­           sérénité, qu’ils se concentrent sur l’école, et elle seule, et
leau et moi-même avions déposé, avec 103 de nos collègues,            qu’ainsi nous soyons fidèles à Jean Zay, qui parlait de
un amendement au projet de loi pour une école de la                   l’école comme « l’asile inviolable où les querelles des
confiance visant à interdire aux parents d’élèves accompa­            hommes ne pénètrent pas ». (Applaudissements sur les
gnant des sorties scolaires le port de signes religieux ostenta­      travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées
toires. Cette disposition de bon sens, largement adoptée par          du groupe UC.)
le Sénat, n’a malheureusement pas été retenue par la commis­
sion mixte paritaire.                                                   Mme Jacqueline Eustache-Brinio.      Bravo !
SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019                                                     14663

  M. Max Brisson, rapporteur. Permettez à l’ancien professeur       accompagnateur […] Il contribue ainsi à la bonne marche
d’histoire que je suis de revenir brièvement, pour peser et         de l’activité pédagogique. Il a donc un devoir d’exemplarité
pour poser les choses, sur ce qui caractérise, depuis l’origine,    devant tous les élèves concernés par cette activité, dans son
notre école publique.                                               comportement, ses attitudes et ses propos. » Mes chers collè­
   Pour ses pères fondateurs, l’école avait une mission essen­      gues, j’insiste : dans son comportement, ses attitudes et ses
tielle : permettre à l’élève de se construire librement en tant     propos.
que citoyen, à l’abri de toute influence extérieure. Cet idéal         Ajoutons qu’il paraît important de traiter cette question
émancipateur a eu immédiatement un corollaire : la neutra­          aussi du point de vue de l’enfant. En effet, il me semble
lité de l’école publique face aux croyances. Ainsi, dès 1882, le    difficile de croire qu’un enfant de 4 ans, ou même de 8, serait
cours d’instruction religieuse devint leçon d’instruction           capable de faire la subtile différence statutaire et réglemen­
morale et civique. À partir de 1886, l’ensemble du personnel        taire entre l’accompagnant et l’intervenant. Pour lui, il s’agit
enseignant dans les écoles publiques dut être de statut laïque.     dans tous les cas d’un adulte, qu’il doit écouter et vers lequel
Puis, entre 1886 et 1903, les signes religieux furent progres­      il peut se tourner en cas de problème.
sivement retirés des salles de classe.
                                                                       Enfin, à l’heure de la coéducation et de l’inclusion des
  Ce contexte historique fondateur rappelé, mon cours               parents dans la communauté éducative, à l’heure où les
d’histoire est achevé… (M. Roger Karoutchi sourit.)                 fédérations de parents d’élèves souhaitent que ceux-ci devien­
Quittons donc le XIXe siècle pour en venir à la situation           nent davantage encore des partenaires à part entière de
actuelle, en posant quatre questions nécessaires à un débat         l’école, considérer le parent d’élève accompagnant une
serein.                                                             sortie scolaire comme un simple tiers me paraît paradoxal.
  Première question : qu’est-ce qu’une sortie scolaire ?            Sauf à penser que le parent serait un acteur en tout, sauf
                                                                    pendant la sortie scolaire, où il devrait rester motus et bouche
   Les circulaires de 1999 et 2011 sont claires. Celle de 1999      cousue ! Non, il s’agit bien d’un collaborateur occasionnel du
précise : « Les activités pratiquées à l’occasion d’une sortie      service public, bénéficiant d’ailleurs de ce statut en cas d’acci­
scolaire viennent nécessairement en appui des programmes.           dent pendant l’activité.
Elles s’intègrent au projet d’école et au projet pédagogique de
la classe. Chaque sortie, quelle qu’en soit la durée, nourrit un      Pour autant, une loi est-elle nécessaire ? Telle est ma
projet d’apprentissages. » J’en veux pour preuve l’interdiction     quatrième question.
faite aux élèves, depuis la loi de 2004, de porter des tenues et      Je le crois sincèrement, afin de clarifier une situation qui
signes religieux ostensibles non seulement dans le bâtiment         n’est pas acceptable pour les directeurs d’école et les chefs
scolaire, mais aussi lors des sorties scolaires. L’application de   d’établissement.
cette loi par le ministre de l’éducation nationale le montre :
les sorties scolaires sont bel et bien du temps scolaire. Elles        De fait, l’étude du Conseil d’État de 2013 n’a pas apporté
doivent donc être neutres du point de vue des croyances             aux acteurs de terrain de réponses jugées suffisamment
religieuses.                                                        claires. Le Conseil d’État indique que le parent d’élève est
                                                                    un simple usager du service public de l’éducation, non
   Deuxième interrogation : que signifie, justement, la neutra­     soumis, donc, au principe de neutralité religieuse ; mais,
lité du point de vue des croyances à l’école publique ?             parallèlement, il demande à l’autorité compétente de déter­
   En la matière, le législateur s’est progressivement montré       miner si « des considérations précises relatives à l’ordre
particulièrement strict. Ainsi le droit impose-t-il une neutra­     public, au bon fonctionnement du service public d’éducation
lité religieuse dans l’enseignement public aux personnels,          ou à la nature des missions confiées aux parents » justifient
comme dans tous les services publics, mais également aux            l’application du principe de neutralité à l’adulte accompa­
usagers que sont les élèves, mineurs ou majeurs, depuis la loi      gnant la sortie scolaire. C’est là que naît l’inconfort juridique,
de 2004, qui a restreint leur possibilité d’afficher leurs          qui rend une loi nécessaire.
croyances religieuses – une loi simple, peu bavarde et finale­
ment parfaitement acceptée et appliquée. La neutralité                 Au reste, plusieurs syndicats de chefs d’établissement et
s’impose en outre à toute personne intervenant dans une             d’inspecteurs, lors de leur audition, nous ont fait remarquer
salle de classe, même parent d’élève, lorsqu’elle participe à       que, en l’absence de textes clairs, les directeurs apprécient
des fonctions similaires à celles des enseignants, depuis la        seuls les considérations mentionnées par le Conseil d’État, ce
décision de la cour administrative d’appel de Lyon du               qui entraîne, en fonction des écoles et parfois au sein d’une
23 juillet dernier.                                                 même commune, des décisions différentes. Cela n’est pas
                                                                    acceptable du point de vue du législateur.
   Mes chers collègues, le service public de l’éducation est
                                                                       M. Stéphane Piednoir. Absolument !
donc l’unique service public qui impose à ses usagers – en
l’occurrence, les élèves – une restriction de la manifestation         M. Max Brisson, rapporteur. Mes chers collègues, mes
de leurs croyances religieuses. En somme, les intervenants à        réponses à ces quatre questions vous convaincront, je
l’extérieur des salles de classe, donc les accompagnants de         l’espère, d’adopter la présente proposition de loi.
sorties scolaires, sont désormais les seuls à ne pas être soumis,      J’ajoute que, au-delà du solide travail de notre collègue
dans les activités liées à l’enseignement, à ce principe de         Jacqueline Eustache-Brinio, la commission a entendu
neutralité religieuse ou, a minima, à une restriction de la         élargir la portée du dispositif à toutes les activités liées à
manifestation ostensible de leur appartenance religieuse.           l’enseignement, afin de prendre en compte l’école « hors
  Or qu’est-ce qu’un accompagnateur ? C’est là ma troisième         les murs » à laquelle j’ai fait référence.
question.                                                              En revanche, comme il est logique, cette interdiction ne
  Son rôle est défini, notamment, par la fiche relative aux         s’appliquera pas aux parents d’élèves dans leurs activités non
parents d’élèves tirée du vade-mecum sur la laïcité à l’école :     liées à l’enseignement : démarches administratives, rencontres
« Participant à une activité scolaire, le parent devient un         avec les enseignants, fête de l’école, entre autres.
14664                                      SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019

   Mes chers collègues, l’article 1er de la loi de 1905, une loi de     C’est une question qui appelle discernement et esprit de
liberté, affirme que la République protège la liberté de croire       responsabilité. En la matière, comme M. le rapporteur l’a
ou de ne pas croire et d’afficher ou non ses croyances                souligné, c’est d’abord l’intérêt des élèves qui doit guider nos
religieuses ; je le rappelle avec une vigueur particulière au         réflexions et nos débats.
lendemain de l’attaque inacceptable contre la mosquée de
                                                                         Il est normal qu’il y ait eu discussion sur un tel sujet, car il
Bayonne, dans le département que j’ai l’honneur de repré­
                                                                      est hybride, à plus d’un titre : il concerne une activité non
senter au Sénat.
                                                                      située dans l’espace scolaire, mais qui relève du temps
   Mais si notre République est neutre et protectrice, cette          scolaire ; il concerne l’encadrement des élèves par des
neutralité a pris, à l’école publique, une dimension excep­           adultes, mais qui ne sont pas des fonctionnaires. Selon
tionnelle par rapport aux autres services publics, et cela            l’angle choisi, on peut défendre l’un ou l’autre des points
depuis 130 ans, afin de protéger de toute influence « cette           de vue.
chose délicate et sacrée qu’est la conscience de l’élève », selon       Le respect du principe de laïcité s’impose à l’ensemble des
les mots de Jules Ferry.                                              personnels du service public. À ce titre, il leur est interdit de
  Il nous appartient de parachever cette volonté continue qui         manifester des convictions religieuses, notamment par le port
anime le législateur depuis plus d’un siècle, afin de protéger        de signes religieux ostentatoires.
mieux encore l’école pour mieux protéger l’enfant et sa                 En revanche, la neutralité ne s’applique pas aux usagers du
conscience en construction ! (Vifs applaudissements sur les           service public. Cette règle connaît toutefois une exception
travées du groupe Les Républicains. – Mme Annick Billon               importante, prévue par la loi de 2004 : l’extension de la
ainsi que MM. Michel Laugier et Jean-Claude Requier applau­           neutralité aux élèves des écoles primaires, des collèges et
dissent également.)                                                   des lycées. Cette loi, que j’ai souvent qualifiée d’excellente,
  M. le président.   La parole est à M. le ministre.                  est une de nos grandes réussites.
  M. Jean-Michel Blanquer,    ministre de l’éducation nationale         Il s’agit donc de savoir à quelle catégorie appartiennent les
et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs         parents d’élèves accompagnateurs de sorties scolaires : doit-on
les sénateurs, dans les circonstances que nous connaissons,           les considérer comme des usagers ou des collaborateurs
j’exprime à mon tour, comme je l’ai déjà fait, ma solidarité          occasionnels du service public ?
avec les victimes de Bayonne. S’en prendre à un lieu de culte            Le Conseil d’État, dans son étude de 2013, a rappelé que la
est une offense doublement inacceptable : c’est s’en prendre à        manifestation des convictions religieuses avait pour limite le
ce que des hommes considèrent comme sacré ; par là, c’est             trouble à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service
s’en prendre à la République, protectrice de la liberté de            public. En particulier, il a estimé, ce qui me paraît capital,
conscience.                                                           que « les exigences liées au bon fonctionnement de l’éduca­
                                                                      tion peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des
  Nous examinons cet après-midi la proposition de loi                 parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des
tendant à assurer la neutralité religieuse des personnes              activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester
concourant au service public de l’éducation dans le cadre             leur appartenance ou leurs croyances religieuses ».
des sorties scolaires. La question a déjà été débattue, ici
même, voilà trois mois. Mesdames, messieurs les sénateurs,               Que chacun mesure bien le sens de cette phrase, qui
je vous le dis d’emblée : ma position n’a pas changé.                 résume le droit existant. En vertu de ce droit existant,
(Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)                nous ne sommes pas démunis pour examiner au cas par
                                                                      cas si le port de signes religieux par les parents d’élèves
  Elle demeure celle que je vous avais exposée en refusant            entraîne un risque de prosélytisme ou de pression inaccep­
votre amendement, que, ensuite, vous avez consenti à retirer          table sur les élèves. (Marques d’approbation sur les travées du
en commission mixte paritaire. Je pensais d’ailleurs que nous         groupe SOCR.)
en resterions là… Je regrette d’avoir à revenir cet après-midi
sur ces sujets.                                                          M. David Assouline. Bien sûr !
                                                                         M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Une loi qui intervien­
  Pour moi, la situation est claire. Lorsque j’ai dit, récem­         drait en la matière irait au-delà du nécessaire et aurait des
ment encore : « pas interdit, mais pas souhaitable », je n’ai fait    effets contre-productifs.
que résumer la situation actuelle. J’entends ceux qui me
disent : « Vous allez trop loin, car vous semblez porter un             Elle irait au-delà du nécessaire, parce qu’elle poserait en
jugement de valeur. » J’entends aussi ceux qui, comme les             règle absolue ce qui relève du discernement quotidien. Il est
défenseurs de ce texte, me disent, en sens inverse : « Alors, il      impossible de demander à la loi de réglementer chaque aspect
faut légiférer. »                                                     de la vie courante ! C’est ce qu’a rappelé le Président de la
                                                                      République lorsqu’il a évoqué les règles de civilité.
   Je réponds aux deux camps par la formule latine que j’ai
déjà invoquée devant la Haute Assemblée voilà trois mois : In           Ainsi, nous observons aujourd’hui, dans le contexte scolaire
medio stat virtus. Oui, au milieu se tient la vertu ! (Exclama­       ou dans d’autres, que des hommes refusent de serrer la main
tions amusées et applaudissements sur les travées du groupe UC.)      d’une femme. C’est un fait qui nous choque, et nous devons
                                                                      refuser cette pratique.
   Virtus, comme je le souligne toujours, signifie aussi                Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Comment ?
« courage ». Du courage, il en faut aujourd’hui pour
désigner les maux qui traversent notre société. Il n’en faut            M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pour autant, il est
pas moins pour, ensuite, tenir une position d’équilibre qui           inimaginable, vous en conviendrez, qu’une loi impose quoi
sauve notre liberté et notre concorde. C’est le trésor de notre       que ce soit en la matière. (Exclamations sur les travées du
République que de nous donner, avec la laïcité, les clés de la        groupe Les Républicains.)
liberté en même temps que de la concorde nationale.                     M. Philippe Pemezec. À quoi donc sert la loi ?
SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019                                                      14665

  M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Souvenons-nous de                 Comment mieux le rappeler qu’avec les statues qui m’envi­
Montesquieu : « Les lois inutiles affaiblissent les lois néces­     ronnent ? Ce n’est pas seulement 1905, ce n’est pas seulement
saires. » (Mme Colette Mélot et M. Emmanuel Capus applau­           1881, ce n’est même pas seulement 1789 qui ont préparé la
dissent.)                                                           laïcité. C’est le long travail des siècles qui a permis de faire la
                                                                    distinction entre ce qui relève du divin, et donc de la
   En allant au-delà du nécessaire, une loi serait aussi contre-
                                                                    conscience de chacun, et ce qui relève du politique, c’est-à-
productive, parce qu’elle enverrait un message brouillé aux
                                                                    dire des règles communes à tous.
familles.
   M. Olivier Paccaud. C’est ce qu’on disait en 2004…
                                                                       C’est Michel de L’Hospital, qui nous met en garde contre
                                                                    les risques de la discorde.
   M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous voulons rappro­
cher les familles des écoles : c’est la meilleure chance d’accom­     C’est Malesherbes, qui s’est battu pour la liberté de pensée
plir le projet républicain. Ce que la République veut pour ses      dans un esprit d’équilibre, en nous gardant de tout excès.
enfants, c’est qu’ils puissent grandir, s’épanouir et finalement      C’est Molé, qui a su se lever contre des lois injustes.
atteindre l’âge adulte grâce aux lumières que donne l’éduca­
tion.                                                                 C’est l’ensemble de nos ancêtres, et c’est enfin Portalis, qui
                                                                    nous enjoint de ne pas multiplier les lois inutiles, et dont les
   M. Philippe Pemezec. Ce n’est pas gagné : tout cela n’est        propos résonnent particulièrement aujourd’hui : « il faut être
que théorie !                                                       sobre de nouveautés en matière de législation ».
   M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pour cela, nous avons           Ce socle de laïcité, il nous vient de loin, de très loin. Mais il
besoin d’un pacte entre la famille et l’école : nous devons         n’est pas qu’un socle ; il est aussi le cadre de notre avenir.
envoyer aux enfants le message que les parents sont les
bienvenus, et que c’est ensemble, parents et école, que                Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai jamais pensé que
nous assurons leur éducation. C’est ainsi que nous                  la laïcité était un principe du passé. Je crois au contraire
pouvons compter sur une contagion positive des valeurs de           qu’elle est un principe profondément moderne. Ce que
la République.                                                      nous voulons avec la laïcité, c’est l’application concrète de
                                                                    l’idéal républicain.
  L’école, c’est l’espace de la science, de l’argumentation, du
discernement. L’enfant a besoin d’un cadre de neutralité              Cet idéal républicain est un idéal d’émancipation de
pour forger ses convictions et son esprit critique,…                chacun par l’éducation, un idéal d’égalité.
  M. Philippe Pemezec. Précisément !                                   Il est à l’envers des projets de société de pays différents du
                                                                    nôtre. Je veux parler du communautarisme, qu’on trouve par
  M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … dans la plus belle
                                                                    exemple dans d’autres sociétés démocratiques et qui ne
tradition philosophique et scientifique de notre pays.
                                                                    correspond pas à ce que nous entendons par République :
  L’histoire de l’école républicaine témoigne de cette volonté      des sociétés qui préfèrent juxtaposer des communautés plutôt
collective de mettre nos enfants à l’abri des passions des          que de faire vivre le contrat social entre des citoyens égaux.
adultes.                                                               M. Bruno Retailleau. Absolument !
   Vous avez rappelé, madame Eustache-Brinio, monsieur le              M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ces sociétés dont nous
rapporteur, ce qu’écrivait Jean Zay, ministre de l’éducation        ne voulons pas courent le risque de la fragmentation.
nationale et des beaux-arts, dans une circulaire du                    M. Bruno Retailleau. Très bien !
31 décembre 1936, qui reste une référence pour nous tous.
Il écrivait que l’école doit « rester l’asile inviolable où les        M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Ce sont des sociétés qui
querelles des hommes ne pénètrent pas ». (Marques d’appro­          souvent aujourd’hui s’interrogent sur leur devenir. Ils sont
bation sur les travées du groupe Les Républicains.)                 nombreux, nos cousins, en Europe ou même ailleurs, qui
                                                                    voient les limites du multiculturalisme et qui comprennent
   La laïcité, avant d’être un principe qui s’impose à tous, fut    que la vraie chance pour la liberté de conscience – je le dis
à la racine de l’école de la République. Elle met en effet au-      pour toutes les confessions – est celle de vivre dans un cadre
dessus de tout, pour reprendre les termes de Jules Ferry,           laïque.
« cette chose sacrée qu’est la conscience d’un enfant ».
L’école mène le futur citoyen à la liberté, c’est-à-dire à            La laïcité est un trésor français. Elle se traduit par un corps
l’exercice autonome de son jugement.                                de règles. Ce corps de règles, j’ai tenu à le préciser dès mon
                                                                    arrivée au ministère de l’éducation nationale.
   En 1882, un enseignement laïque est institué dans les
écoles primaires. La morale religieuse est remplacée par              Ce n’est pas un ministre inactif en matière de laïcité qui est
l’instruction morale et civique. Nous sommes vingt-trois ans        devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs.
avant les lois de 1905. Nous aurions eu peut-être à l’époque          Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Si !
des débats inversés entre les travées qui se trouvent à ma            M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Nous avons établi un
gauche et à ma droite…                                              vade-mecum de la laïcité qui est à la disposition de l’ensemble
   En 1886, la loi Goblet confie à un personnel exclusivement       de la communauté éducative. Il établit à partir de cas concrets
laïque l’enseignement dans les écoles publiques.                    ce qu’il convient de faire.
   La loi de 2004 interdisant le port de signes ostentatoires à        Nous avons mis en place des équipes laïcité mobilisées dans
l’école s’inscrit dans cette longue tradition républicaine. C’est   chaque rectorat pour intervenir au cas par cas dans chaque
une loi de clarté qui fait aujourd’hui largement consensus.         établissement, chaque fois qu’un personnel de l’éducation
On le voit bien : cette laïcité est notre héritage commun. Elle     estime qu’on a contrevenu au principe de laïcité. (Exclama­
devrait être ce qui nous unit totalement sur l’ensemble de ces      tions sur les travées du groupe Les Républicains.)
travées.                                                               M. Philippe Pemezec. Du vent !
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   M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Par-delà tous les           République ; il a un objet : l’émancipation de tous ; et il a
discours, ce sont des centaines d’interventions qui ont eu        une raison d’être qui nous unit : notre pays, la France !
lieu depuis deux ans dans les établissements pour rétablir        (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que
la laïcité, là où, malheureusement, elle avait été pourfendue     sur des travées des groupes Les Indépendants, SOCR et UC. –
depuis tant d’années.                                              M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)
  Notre combat pour la laïcité est aussi un combat contre le
communautarisme et contre la radicalisation.                                 Demande de renvoi à la commission
  M. Pierre Ouzoulias. Et pour l’égalité !
                                                                    M. le président. Je   suis saisi, par M. Masson, d’une motion
  M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En la matière, nous          no 13.
n’avons pas été inactifs non plus. Je veux évidemment
parler de ce que nous avons fait, y compris avec vous,              Cette motion est ainsi rédigée :
mesdames, messieurs les sénateurs, quand nous avons                      En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement,
donné une suite favorable à la proposition de loi, présentée          le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission
par la sénatrice Françoise Gatel, visant à simplifier et mieux        de la culture, de l’éducation et de la communication, la
encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établisse­          proposition de loi tendant à assurer la neutralité
ments privés hors contrat.                                            religieuse des personnes concourant au service public
  Grâce à cette loi, des écoles ont été fermées. Jour après           de l’éducation (no 84, 2019-2020).
jour, je me tiens personnellement informé des écoles et des         Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du
établissements dans lesquels le contenu des enseignements ou      règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette
le comportement du personnel va au-delà de ce qui est             motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour
acceptable.                                                       dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix
  Avec la loi pour une école de la confiance, vous avez aussi     minutes également, le président ou le rapporteur de la
voté il y a quelques mois le contrôle de l’instruction à          commission saisie au fond et le Gouvernement.
domicile, qui est désormais renforcé.                               En outre, la parole peut être accordée pour explication de
  De surcroît, par l’article 10 de cette même loi, vous avez      vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie,
permis l’interdiction de tout prosélytisme aux abords des         à un représentant de chaque groupe.
établissements scolaires. (M. Jérôme Bascher s’en félicite.)        La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
  Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission       (Murmures sur de nombreuses travées.)
de la culture, de l’éducation et de la communication. Merci !       M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le
  M. Jean-Michel Blanquer, ministre. C’est un apport consi­       ministre, chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire,
dérable qui aura des effets très importants dans les temps à      monsieur le ministre, que vous avez très bien parlé. Mainte­
venir.                                                            nant, il faut passer aux actes ; c’est ce qui a manqué, non pas
                                                                  seulement à ce gouvernement, mais à tous ceux qui se sont
  Voilà des mesures concrètes. Nous n’avons pas besoin de         succédé sous les précédents présidents de la République.
grands débats pour nous épuiser. Nous avons besoin, concrè­
tement, d’assurer un équilibre entre des positions et, surtout,     Si j’ai déposé cette motion de renvoi à la commission, ce
                                                                  n’est pas pour m’opposer à la présente proposition de loi,
de lutter contre le communautarisme, contre la radicalisation     mais parce que je pense qu’il fallait aborder globalement la
et pour la laïcité.                                               problématique.
   Mesdames, messieurs les sénateurs, l’article premier de           Récemment, le 27 octobre, Le Journal du Dimanche a
notre Constitution indique le chemin dont nous devons             publié un sondage qui montre l’inquiétude des Français
jamais dévier. La France est une République indivisible,          face à la radicalisation du communautarisme musulman.
laïque,…                                                          Selon ce sondage, 78 % des Français estiment que la laïcité
   M. Philippe Pemezec. Justement !                               est menacée par le communautarisme ;…
   M. Jean-Michel Blanquer, ministre. … démocratique et              Mme Esther Benbassa. Non, ce n’est pas vrai !
sociale.                                                             M. Jean Louis Masson. … 82 % des Français souhaitent
  Parce qu’elle est indivisible, nous combattons fermement        l’interdiction des prières de rue dans l’espace public ;…
toutes les tentations de repli communautaire.                        Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Nous
  Parce qu’elle est laïque, nous veillons à éduquer nos enfants   aussi !
dans un espace de raison, hors de toute emprise, quelle qu’en        Mme Claudine Lepage. Quel rapport avec le texte ?
soit la nature.                                                      M. Jean Louis Masson. … 73 % des Français souhaitent
  Parce qu’elle est démocratique, nous luttons sans relâche       l’interdiction du voile islamique ou des signes communauta­
contre toutes les idéologies qui prônent l’inégalité.             ristes ostensibles pour les parents qui accompagnent les
                                                                  sorties scolaires – c’est l’objet de la présente proposition de
  Enfin, parce qu’elle est sociale, nous offrons le meilleur à    loi ; et 72 % des Français souhaitent que l’employeur puisse
chaque enfant, quelle que soit son origine, et nous portons       interdire les signes religieux ostensibles pour les salariés du
une attention constante aux plus fragiles pour les amener au      secteur privé.
plus loin de leur talent.
                                                                    Ce sondage confirme, d’une part, que cette proposition de
  Voilà la République que nous souhaitons au XXIe siècle.         loi est la bienvenue et qu’elle répond à un besoin et à une
Voilà le cap que nous devons toujours garder pour notre           aspiration de nos concitoyens, et, d’autre part, qu’elle aurait
école. Redonnons du sens au mot « laïcité », redonnons du         dû aller plus loin, car il faut prendre la problématique du
sens à notre destin collectif. Ce dernier a un nom : la           communautarisme musulman dans sa globalité.
SÉNAT – SÉANCE DU 29 OCTOBRE 2019                                                  14667

  Ce constat m’amène à déposer la présente motion de                 M. Jean Louis Masson. C’est dans cette logique que j’ai
renvoi à la commission. En effet, la commission aurait pu          déposé trois groupes d’amendements sur le texte que nous
manifestement compléter de manière utile et constructive le        examinons.
texte initial.                                                       Le premier vise à interdire le port du burkini et l’organi­
  Il faut dire clairement non à tout ce qui peut favoriser de      sation d’horaires séparés pour les femmes dans les piscines.
près ou de loin le terrorisme islamique.                              Le deuxième vise à interdire le port du voile islamique et
  Il faut donc dire non à la radicalisation et non à toutes les    des symboles communautaristes sur les lieux de travail – dans
formes de communautarisme islamique.                               le secteur privé, pas seulement dans le secteur public –, dans
                                                                   les assemblées des collectivités territoriales, et, pour renforcer
  Il faut aussi dire non à certains flux migratoires, au sein      le texte que nous examinons, dans le cadre des sorties
desquels le terrorisme essaie de recruter.                         scolaires.
  À ce sujet, je pose une question : pourquoi les migrants de        Enfin, le troisième groupe d’amendements – déposés trop
religion islamique viennent-ils se réfugier en Europe et pas       tard, ces amendements n’ont pu être enregistrés –…
dans les pays musulmans, pourtant voisins, d’autant que              M. Fabien Gay. On s’en passera !
certains de ces pays sont particulièrement riches et ont les
moyens financiers de les accueillir ? (Marques d’amusement sur       M. Jean Louis Masson. … visait à appliquer nos lois
des travées du groupe Les Républicains.)                           relatives au bien-être animal de manière stricte, notamment
                                                                   en ce qui concerne l’égorgement rituel des animaux de
  M. Fabien Gay.   Quel est le rapport ?                           boucherie. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE,
  M. Emmanuel Capus.       Ils n’ont pas le même droit du          SOCR et LaREM. – Mme Laurence Cohen hue.)
travail !                                                            M. Fabien Gay. Il faut que ça s’arrête !
   M. Jean Louis Masson. De même, pour quelle raison les             M. Jean Louis Masson. Par ces amendements j’ai voulu
bateaux prétendument humanitaires accueillent-ils les              montrer qu’aucun communautarisme ne doit être au-
migrants immédiatement en limite des eaux territoriales de         dessus des lois.
la Libye pour les ramener ensuite en Europe ?                         Si demain je vais me baigner tout habillé dans une piscine,
  M. Fabien Gay.   Quel est le rapport ?                           je serai mis à la porte, car on ne peut pas se baigner sans se
                                                                   doucher d’abord. Je ne vois pas pourquoi des gens se récla­
   M. Jean Louis Masson. Ceux qui conduisent ces bateaux           mant de telle ou telle religion pourraient se baigner tout
savent pourtant que les ports d’Algérie, de Tunisie et             habillés dans une piscine. (Mme Samia Ghali s’exclame.)
d’Égypte sont juridiquement sûrs au sens du droit interna­
tional et qu’ils sont beaucoup plus proches que les ports             Ma famille a toujours vécu en France, et j’aurais moins de
français.                                                          droits que ces gens qui veulent se baigner tout habillés ?
   Par le passé, les immigrés qui venaient en France voulaient        Mme Samia Ghali. Hors sujet !
s’intégrer dans nos sociétés. Aujourd’hui, les flux migratoires       M. Jean Louis Masson. Ce n’est du reste pas seulement un
sont différents ; ils conduisent à la formation de noyaux          problème de religion, mais un problème de propreté.
communautaristes qui rejettent notre façon de vivre.               Pourquoi les uns seraient-ils obligés de se doucher quand
                                                                   les autres pourraient se baigner tout habillés ? (Brouhaha.)
   Les personnes immigrées ou issues de l’immigration ne
doivent pas nous imposer leurs us et coutumes. Au contraire,         C’est tout à fait scandaleux, car cela caractérise le renonce­
si les intéressés viennent dans notre pays, c’est à eux de         ment de nos dirigeants face à ce communautarisme. Il est
s’adapter à notre mode de vie et aux règles de notre société.      temps de réagir.
   N’oublions pas que le communautarisme radicalisé est un            Par ailleurs, j’ai entendu certains collègues protester lorsque
vivier pour les terroristes musulmans. Nous avons le devoir        j’évoquais le bien-être animal. C’est pourtant la même chose :
de réagir contre toutes les formes de communautarisme qui          il est interdit de laisser agoniser les bovins pendant plus de
alimentent directement ou indirectement le terrorisme.             cinq minutes dans les abattoirs au nom du bien-être animal,
                                                                   et cela me semble tout à fait normal ; mais, si vous êtes
  Lors de la séance de questions d’actualité au Gouverne­          musulman ou de telle ou telle religion, vous avez le droit
ment du 16 octobre dernier, j’ai rappelé une nouvelle fois         de faire ce que vous voulez : vous pouvez les laisser agoniser
cette réalité, et félicité l’élu de la région Bourgogne-Franche-   dix minutes dans un coin, il n’y a pas de problème !
Comté qui avait protesté lors d’une séance du conseil
                                                                      M. Stéphane Piednoir. Quel est le rapport ?
régional contre la présence, dans le public, d’une femme
voilée accompagnant la sortie scolaire de jeunes enfants.             Mme Samia Ghali. Il y a des sorties scolaires aux abattoirs ?

  Je suis heureux de constater que la grande majorité des             M. Jean Louis Masson. Cette question n’est pas seulement
Français pense la même chose que moi sur ce sujet. Si la           religieuse, elle est économique. (Murmures appuyés et continus
proposition de loi que nous examinons aujourd’hui avait été        sur de nombreuses travées.)
déposée plus tôt, sous d’autres gouvernements, par exemple           Permettez-moi de rappeler que le code civil, qui s’applique
sous la présidence de M. Sarkozy, l’incident qui est intervenu     à tout le monde, précise que les animaux sont des êtres
au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté n’aurait            vivants doués de sensibilité. C’est à ce titre que la France
pas eu lieu.                                                       réglemente l’abattage des animaux de boucherie, qui doivent
   Ces femmes voilées dévoient les jeunes enfants, car il est      être étourdis avant d’être tués.
très dangereux pour un jeune enfant d’être confronté tout            Malheureusement, il y a ces dérogations qui entraînent de
petit à des actes et à tendances communautaristes radicali­        longues agonies des animaux. Cette cruauté d’un autre âge est
santes.                                                            réclamée par certaines religions.
  Mme Laurence Cohen.      C’est n’importe quoi !                    M. Stéphane Piednoir. On s’éloigne du sujet !
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