SÉNAT COMPTE RENDU INTÉGRAL - JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - Sénat

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Année 2021. – No 74 S. (C.R.)              ISSN 0755-544X           Jeudi 8 juillet 2021

                                SÉNAT
    JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

                         SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

                 COMPTE RENDU INTÉGRAL
                      Séance du mercredi 7 juillet 2021
                                (4e jour de séance de la session)
6514                                         SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021

                                                   SOMMAIRE

          PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER                                   DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT RELATIVE À L’ACTION
                                                                             DE L’ÉTAT EN FAVEUR DU CLIMAT (I) (p. 6522)

                        Secrétaires :
        M. Daniel Gremillet, Mme Patricia Schillinger.
                                                                         M. Ronan Dantec ; M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre
                                                                           délégué auprès de la ministre de la transition écologique,
                                                                           chargé des transports ; M. Ronan Dantec.
1. Procès-verbal (p. 6517)

2. Hommage à Patrick Boré, sénateur, et à Pierre Laffitte,                                FILIÈRE   BOIS   (p. 6523)
    ancien sénateur (p. 6517)
                                                                         M. Franck Menonville ; M. Julien Denormandie, ministre
                                                                           de l’agriculture et de l’alimentation.
3. Questions d’actualité au Gouvernement (p. 6517)

        PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE COMPLÉTANT                      PROTECTION   JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE ET LAÏCITÉ      (p. 6524)
          L’ARTICLE 1 DE LA CONSTITUTION ET RELATIF
                     ER
                                                                         Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; M. Éric Dupond-
       À LA PRÉSERVATION DE L’ENVIRONNEMENT (p. 6517)
                                                                          Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ;
   M. Philippe Bas ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des                    Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
     sceaux, ministre de la justice ; M. Philippe Bas.
                                                                            DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT RELATIVE À L’ACTION
                      POSSIBLE   INSUFFISANCE                                DE L’ÉTAT EN FAVEUR DU CLIMAT (II) (p. 6524)
         DU PERSONNEL HOSPITALIER CET ÉTÉ        (p. 6518)
                                                                         M. Jean-Michel Houllegatte ; M. Jean-Baptiste Djebbari,
   M. Olivier Henno ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre                   ministre délégué auprès de la ministre de la transition
     déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé,           écologique, chargé des transports ; M. Jean-Michel
     chargée de l’autonomie ; M. Olivier Henno.                            Houllegatte.

                ARCHIVES   NATIONALES   (p. 6519)                          VACCINATION   OBLIGATOIRE DES SOIGNANTS         (p. 6525)
   M. Pierre Laurent ; Mme Marlène Schiappa, ministre                    Mme Florence Lassarade ; Mme Brigitte Bourguignon,
     déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la            ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et
     citoyenneté ; M. Pierre Laurent.                                     de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Florence
                                                                          Lassarade.
                    CYBERATTAQUES (p. 6520)
   M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Cédric O, secrétaire d’État                     DISSOLUTION   DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC

     auprès du ministre de l’économie, des finances et de la                           DU HARAS DU PIN       (p. 6526)
     relance et de la ministre de la cohésion des territoires et
                                                                         Mme Nathalie Goulet ; M. Julien Denormandie, ministre
     des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la
                                                                          de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Nathalie
     transition numérique et des communications électroni­
                                                                          Goulet.
     ques.

       STRATÉGIE   VACCINALE DU GOUVERNEMENT        (p. 6520)                          LÉGISLATION    RUSSE RELATIVE
                                                                                À L’APPELLATION DU CHAMPAGNE           (p. 6527)
   M. Bernard Jomier ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre
     déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé,         M. Antoine Lefèvre ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de
     chargée de l’autonomie ; M. Bernard Jomier.                           l’Europe et des affaires étrangères ; M. Antoine Lefèvre.

               GESTION   DES MILIEUX AQUATIQUES                         RÉFORME DES AIDES PERSONNALISÉES AU LOGEMENT (p. 6528)
          ET PRÉVENTION DES INONDATIONS         (p. 6521)
                                                                         Mme Viviane Artigalas ; Mme Emmanuelle Wargon,
   M. Jean-Yves Roux ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès           ministre déléguée auprès de la ministre de la transition
     de la ministre de la cohésion des territoires et des relations       écologique, chargée du logement ; Mme Viviane
     avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.         Artigalas.
SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021                                                      6515

   CONDITIONS D’ACCÈS      AU MASTER À L’UNIVERSITÉ   (p. 6529)       M. Alain Richard

   Mme Alexandra Borchio Fontimp ; Mme Frédérique Vidal,              M. Bernard Delcros
    ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et
    de l’innovation ; Mme Alexandra Borchio Fontimp.                  M. François Calvet
                                                                      Mme Jacqueline Gourault, ministre
           IMPACT   DE LA TAXE CARBONE EUROPÉENNE
                                                                      Clôture de la discussion générale.
             SUR LA FILIÈRE ALUMINIUM    (p. 6529)
   Mme Dominique Vérien ; Mme Agnès Pannier-Runacher,                        Article additionnel avant le titre Ier (p. 6551)
    ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des
    finances et de la relance, chargée de l’industrie ;               Amendement no 260 rectifié de Mme Cécile Cukierman. –
    Mme Dominique Vérien.                                               Rejet.

           Suspension et reprise de la séance (p. 6530)                    Articles additionnels avant l’article 1er (p. 6552)
                                                                      Amendement no 130 rectifié de M. Stéphane Sautarel. –
4. Rappels au règlement (p. 6530)                                       Retrait.

   Mme Cécile Cukierman                                               Amendement no 891 de M. Jean Louis Masson. – Non
                                                                        soutenu.
   M. Jean Louis Masson
                                                                      Amendement no 519 rectifié bis de M. Jean-Jacques
   M. Claude Raynal, président de la commission des finances            Michau. – Retrait.
                                                                      Amendement no 689 rectifié de M. Philippe Folliot. – Rejet.
5. Différenciation, décentralisation, déconcentration et
     simplification. – Discussion en procédure accélérée d’un
     projet de loi dans le texte de la commission (p. 6532)
                                                                      Amendement no 331 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.

   Discussion générale :                                                                   Article 1er (p. 6557)
   Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des terri­        Amendement no 264 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
    toires et des relations avec les collectivités territoriales
                                                                   6. Candidatures à deux éventuelles commissions mixtes
   Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois           paritaires (p. 6558)
   M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois                   Suspension et reprise de la séance (p. 6558)
   Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la
                                                                           PRÉSIDENCE DE MME PASCALE GRUNY
    commission des affaires économiques
   M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des       7. Différenciation, décentralisation, déconcentration et
                                                                        simplification. – Suite de la discussion en procédure
     affaires sociales                                                  accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
   M. Daniel Gueret, rapporteur pour avis de la commission de           (p. 6558)
     l’aménagement du territoire et du développement
     durable                                                                           Article 1er (suite) (p. 6559)

   M. Didier Marie                                                    Amendement no 801 rectifié de M. Jean-Yves Roux. –
                                                                        Retrait.
   M. Stéphane Ravier
                                                                      Amendements nos 1532 rectifié et 1675 rectifié de
   M. Alain Marc                                                        M. Georges Patient. – Non soutenus.
   M. Guy Benarroche                                                  Amendement no 390 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
   M. François Patriat                                                Amendement no 1280 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.

          PRÉSIDENCE DE M. PIERRE LAURENT                             Adoption de l’article.
   Mme Maryse Carrère                                                               Article 1er bis (nouveau) (p. 6561)
   Mme Cécile Cukierman                                               M. Daniel Chasseing
   M. Philippe Bas                                                    Amendement no 265 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
   M. Loïc Hervé                                                      Amendement no 532 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
   M. Éric Kerrouche                                                  Amendement no 1281 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
   M. Max Brisson                                                     Amendement no 382 de M. Éric Kerrouche. – Retrait.
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  Amendement no 383 rectifié de M. Éric Kerrouche. –              Amendement no 1683 de la commission. – Adoption.
    Adoption.
                                                                  Amendement no 638 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. –
  Amendement no 749 de M. Paul Toussaint Parigi. –                  Retrait.
    Devenu sans objet.
                                                                  Amendement no 1396 du Gouvernement. – Rejet.
  Amendement no 448 rectifié de M. Jean-Jacques Panunzi. –
    Devenu sans objet.                                            Amendements identiques nos 758 rectifié bis de
                                                                    Mme Nathalie Delattre, 1059 rectifié bis de
  Amendement no 929 rectifié ter de M. Victorin Lurel. –            Mme Dominique Vérien, 1372 rectifié bis de
    Rejet.                                                          M. Abdallah Hassani, 1441 de M. Guy Benarroche et
                                                                    1674 de M. Jean Louis Masson. – Adoption des
  Amendement no 1682 de la commission. – Adoption.                  amendements nos 758 rectifié bis, 1059 rectifié bis, 1372
  M. Didier Marie                                                   rectifié bis et 1441, l’amendement no 1674 n’étant pas
                                                                    soutenu.
  Adoption de l’article modifié.
                                                                  Amendement no 529 de M. Éric Kerrouche. – Devenu sans
       Articles additionnels après l’article 1 bis (p. 6567)
                                             er                     objet.

  Amendement no 983 rectifié bis de Mme Laurence Muller-          Amendement no 1298 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. –
    Bronn. – Adoption de l’amendement insérant un article           Devenu sans objet.
    additionnel.
                                                                  Amendement no 197 rectifié bis de M. Max Brisson. –
  Amendement no 1131 rectifié bis de M. André Reichardt. –          Retrait.
    Retrait.
                                                                  Amendement no 1146 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
  Amendement n 421 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
                   o

                                                                  Amendement no 1613 de M. Ludovic Haye. – Adoption.
  Amendement n 422 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
                   o

                                                                  Amendement no 1440 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
  Amendement n 423 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
                   o

                                                                  Amendements identiques nos 865 rectifié bis de M. Franck
  Amendement n 424 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
                   o
                                                                    Menonville et 940 rectifié bis de M. Étienne Blanc. –
                                                                    Rejet des deux amendements.
  Amendement no 930 rectifié bis de M. Victorin Lurel. –
    Rejet.                                                        Amendements identiques nos 866 rectifié bis de M. Franck
                                                                    Menonville et 941 rectifié bis de M. Étienne Blanc. –
  Amendement no 178 rectifié bis de M. Cyril Pellevat. –            Rejet des deux amendements.
    Retrait.
                                                                  Amendements identiques nos 942 rectifié bis de M. Étienne
                       Article 2 (p. 6574)                          Blanc et 1386 rectifié bis de Mme Anne Ventalon. –
                                                                    Adoption des deux amendements.
  M. Max Brisson
                                                                  Amendement no 639 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. –
  M. André Reichardt                                                Rejet.
  Amendement no 698 de Mme Cathy Apourceau-Poly. –                Amendement no 1489 rectifié bis de Mme Angèle Préville. –
    Rejet.                                                          Rejet.
  Amendement no 1157 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
                                                                  Adoption de l’article modifié.
  Amendements identiques nos 384 de M. Didier Marie et
                                                                  Renvoi de la suite de la discussion.
    1158 de M. Guy Benarroche. – Rejet des deux amende­
    ments.
                                                               8. Ordre du jour (p. 6595)
  Amendements identiques nos 699 de Mme Cathy Apour­
    ceau-Poly, 1159 de M. Guy Benarroche et 1279 de                      Nomination de membres de deux éventuelles
    Mme Monique Lubin. – Rejet des trois amendements.                       commissions mixtes paritaires (p. 6595)
SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021                                                6517

                       COMPTE RENDU INTÉGRAL

         PRÉSIDENCE DE M. GÉRARD LARCHER                            Je voulais aussi avoir une pensée pour celui qui a animé nos
                                                                  débats – certains s’en souviennent encore. Le Sénat n’oublie
                      Secrétaires :                               pas ce qui est porté par le groupe qu’il a présidé. (Mmes et
                  M. Daniel Gremillet,                            MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et
                 Mme Patricia Schillinger.
                                                                  MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)
  M. le président.   La séance est ouverte.
  (La séance est ouverte à quinze heures.)                                                       3

                               1                                              QUESTIONS D’ACTUALITÉ AU
                                                                                  GOUVERNEMENT

                      PROCÈS-VERBAL                                 M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames,
                                                                  messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour
  M. le président. Le compte rendu analytique de la précé­        appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouverne­
dente séance a été distribué.                                     ment.
  Il n’y a pas d’observation ?…                                     Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur
                                                                  Public Sénat et sur notre site internet.
  Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
                                                                    Chacun sera attentif à respecter l’expression des uns et des
                                                                  autres, ainsi que son temps de parole.
                               2
                                                                         PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE COMPLÉTANT
                                                                         L’ARTICLE 1 DE LA CONSTITUTION ET RELATIF À
                                                                                    er

   HOMMAGE À PATRICK BORÉ, SÉNATEUR,                                         LA PRÉSERVATION DE L’ENVIRONNEMENT
   ET À PIERRE LAFFITTE, ANCIEN SÉNATEUR
                                                                    M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le
  M. le président.Monsieur le Premier ministre, mesdames,         groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du
messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux          groupe Les Républicains.)
commencer cette séance sans exprimer une double pensée.
                                                                     M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, en vertu de
(Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et
Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)                            l’article 89 de la Constitution, l’Assemblée nationale et le
                                                                  Sénat sont à égalité de droits en matière constitutionnelle.
   D’abord, pour notre collègue Patrick Boré, qui nous a
quittés dans la nuit de dimanche. Un certain nombre                 Par deux fois, le Sénat a voté l’inscription de la préservation
d’entre vous l’accompagneront demain sur le chemin qui            de l’environnement à l’article 1er de la Constitution. Certes, il
le conduira vers sa hauteur spirituelle, vers l’éternité.         a affirmé librement ses propres convictions, différentes des
                                                                  vôtres et de celles de l’Assemblée. Mais si vous reprochez au
  Certains d’entre nous le connaissaient depuis peu, mais son     Sénat de ne pas avoir recopié le texte de l’Assemblée natio­
élévation personnelle, politique et spirituelle forçait l’admi­   nale, nous pourrions tout aussi bien vous reprocher de ne pas
ration et le respect de chacune et de chacun.                     avoir repris le nôtre. (Très bien ! sur les travées du groupe Les
                                                                  Républicains. – Marques d’ironie sur les bancs du Gouverne­
  Je sais que vous aurez demain une pensée pour lui. Dans         ment.)
quelques semaines, nous lui rendrons hommage dans cet
hémicycle. J’ai bien sûr une pensée pour sa famille, pour           C’était à vous, Premier ministre, de rechercher l’accord.
sa chère ville de La Ciotat, pour son département des             Non seulement vous ne l’avez pas fait, mais, de surcroît, vous
Bouches-du-Rhône et pour tout ce qu’il incarnait.                 avez laissé votre porte-parole nous insulter. Car c’est bien
                                                                  nous insulter que de nous traiter de « climatosceptiques »
  C’est également avec beaucoup de tristesse que nous avons       quand on mesure, comme nous, la gravité des effets du
appris ce matin la disparition de Pierre Laffitte – et je         réchauffement climatique pour l’humanité. (Marques
m’adresse tout particulièrement à nos collègues du groupe         d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qu’il a
présidé. Il fut le fondateur de Sophia Antipolis, le directeur      Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, de
de l’École des Mines, un grand scientifique, patron du            manifester votre respect pour la représentation nationale en
Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Il              retirant les propos indignes qui ont été tenus en votre nom !
apporta ici cette dimension scientifique si particulière et un    (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les
engagement politique dans la tradition du parti radical.          Républicains et sur des travées du groupe UC.)
6518                                       SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021

  M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux,                      POSSIBLE INSUFFISANCE DU PERSONNEL
ministre de la justice. (Protestations sur les travées du groupe                        HOSPITALIER CET ÉTÉ
Les Républicains.)
                                                                      M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le
  M. Éric Dupond-Moretti,     garde des sceaux, ministre de la      groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du
justice. Monsieur le questeur Bas, comme vous l’indiquez,           groupe UC.)
le Sénat a fait le choix, avant-hier, d’enterrer définitivement,
je le crains, le projet de loi constitutionnelle relatif à la         M. Olivier Henno. Ma question s’adresse à M. le ministre
préservation de l’environnement, issu des travaux de la             des solidarités et de la santé.
Convention citoyenne pour le climat. (Protestations sur les
travées du groupe Les Républicains.)                                  Alors qu’une quatrième vague épidémique menace, une
                                                                    inquiétude monte parmi les professionnels de santé : y
   Le Président de la République s’était engagé sur cette           aura-t-il cet été pénurie de soignants dans les hôpitaux ?
proposition phare de la Convention citoyenne, dont
l’objectif était très clair : soumettre aux Français un texte         La crise de la covid-19 a été éreintante pour nos soignants.
ambitieux visant à ériger la protection de l’environnement          Nombre d’entre eux ont été surmenés. Ils ont besoin de
et la lutte contre le dérèglement climatique en principe            souffler. L’été s’annonce donc particulièrement difficile. Il
constitutionnel et imposer ainsi aux pouvoirs publics une           suffit de lire la presse régionale pour s’en convaincre.
véritable obligation d’action en la matière.                           Tous les voyants sont au rouge : dans La Nouvelle
  Cet objectif, monsieur le questeur, aurait dû tous nous           République, on apprend que la pénurie d’infirmiers qui
réunir.                                                             s’annonce dans la Vienne est « très inquiétante » ; dans La
                                                                    Dépêche, on peut lire que la clinique de Montauban, en quête
  M. Bruno Sido.  Pas du tout !                                     de nouveaux infirmiers, peine à recruter ; Le Télégramme
  M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La position du          révèle qu’il manque des infirmiers et des aides-soignants
Sénat, que je respecte absolument, persiste à proposer un           dans les établissements de santé et médico-sociaux de
texte qui n’a strictement aucun effet juridique. Vous               Bretagne ; La Voix du Nord indiquait, hier encore, que la
préférez la Charte de l’environnement de 2004 sans vous             filière médicale du groupe Randstad, dans la région des
rendre compte qu’elle a un peu vieilli. (Protestations sur les      Hauts-de-France, recherchait 531 professionnels de santé
travées du groupe Les Républicains.)                                d’ici à la fin de l’année…
   Le Premier ministre a indiqué hier, devant l’Assemblée              La situation devient si catastrophique que l’on envisage,
nationale, que le Gouvernement prenait acte de cette fin            dans certains établissements, des fermetures estivales de
de non-recevoir. La différence, que vous le vouliez ou non,         services comme les urgences, les soins critiques ou la psychia­
entre nos positions est désormais tout à fait claire : l’urgence    trie, qui relèvent pourtant de la permanence ou de la conti­
climatique ne présente pas, à vos yeux, le même degré               nuité des soins. C’est impensable !
d’importance qu’aux nôtres. (Applaudissements sur les travées         Ma question est simple : que comptez-vous faire pour
des groupes RDPI, INDEP et GEST. – Protestations et huées sur       remédier à ce risque de carence de ressources humaines
les travées du groupe Les Républicains.)                            dans les hôpitaux ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées
  Les Français, en particulier les plus jeunes, comprendront à      du groupe UC.)
quel point nos approches sont opposées sur ce sujet fonda­            M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée
mental. Nul « coup de com’ », monsieur le questeur, nul             chargée de l’autonomie.
artifice politicien : il n’y aura désormais pour toujours qu’une
grave occasion manquée ! (Applaudissements sur les travées des        Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du
groupes RDPI et GEST.)                                              ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
                                                                    Monsieur le sénateur Olivier Henno, depuis plus d’un an,
  M. le président.   La parole est à M. Philippe Bas, pour la       nos soignants sont en effet soumis à une rude épreuve.
réplique.
  M. Philippe Bas.  Non, monsieur le Premier ministre, c’est          La crainte d’un rebond épidémique nous oblige à prendre
vous, et vous seul, qui avez interrompu le processus de la          collectivement la mesure du moment. D’une manière
révision constitutionnelle. (M. le garde des sceaux le conteste.)   générale, hors période de crise, chaque épisode estival
                                                                    souffre de ce problème de désaffection du personnel. Cette
   N’est pas climatosceptique quiconque refuse de cautionner        période fait toujours l’objet d’attentions particulières de la
votre politique écologique. Vous n’avez pas le monopole de          part des agences régionales de santé (ARS). Cela suppose que
l’écologie. (Exclamations sur les travées des groupes RDPI,         nous apportions la réponse la plus finement adaptée aux
GEST et SER.) Le gaullisme, dont vous essayez de vous               territoires, en tenant bien évidemment compte de la diversité
réclamer, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas la             des zones géographiques et estivales où les choses peuvent
pensée unique. Et nous, nous ne sommes pas une chambre              évoluer brutalement par endroits.
d’enregistrement ! Nous avons le droit de préférer le dévelop­
pement durable à l’écologie de la décroissance. (Marques               Chaque établissement de santé est tenu d’anticiper l’orga­
d’ironie sur les travées du groupe SER.)                            nisation et la gestion des services au regard de la situation
                                                                    épidémique actuelle, de l’évolution attendue de la démogra­
  Ce débat de fond est digne d’être porté devant les Français.      phie et en fonction des impératifs de service comme des
Et, croyez-moi, si vous ne le faites pas maintenant, il le sera     droits sociaux – je pense notamment aux congés du
dès 2022, sur notre initiative, à l’occasion de l’élection prési­   personnel. Vous comprendrez que cette prévision a fait
dentielle ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les    l’objet, cette année, d’une attention particulière au regard
Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et           de la forte mobilisation des soignants et de la nécessité
INDEP.)                                                             qu’ils avaient de se reposer.
SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021                                                      6519

   L’émergence du variant delta, à la fois plus contagieux et        le feu vert à sa réécriture, ce qui est encore possible, lors de la
plus mortel, nous oblige à redoubler de précautions pour ne          commission mixte paritaire du vendredi 9 juillet prochain ?
laisser aucun territoire sans offre adaptée.                         (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des
  Par ailleurs, face à la crise sanitaire, un certain nombre de      travées du groupe SER et du GEST.)
décisions de reprogrammation de soins ont dû être prises. Les           M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée
services sanitaires sont pleinement mobilisés pour assurer ces       chargée de la citoyenneté.
reprogrammations et permettre à tout un chacun, en parti­               Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre
culier aux personnes les plus vulnérables, en raison de leur         de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur
état de santé, de bénéficier d’un suivi particulier.                 Pierre Laurent, je tiens tout d’abord à affirmer que le
   Les ARS veillent tout particulièrement à la bonne organi­         Gouvernement n’est pas moins attaché que chacun d’entre
sation de cette période sensible selon un principe de solidarité     nous à ce que les historiens puissent accéder, dans les
territoriale. Ainsi, dans votre région, monsieur le sénateur, le     meilleures conditions possible, aux archives publiques. Leur
centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille aide       travail est bien évidemment indispensable.
les établissements alentour, comme celui de Tourcoing, par              Plus largement, le Conseil constitutionnel a reconnu que le
exemple, lorsqu’ils rencontrent des difficultés pour assurer la      droit d’accéder aux archives publiques était une composante
continuité et la permanence des soins.                               importante du contrôle démocratique, par les citoyens, de
  Nous sommes donc pleinement mobilisés, notamment en                l’action de l’administration. (Exclamations sur les travées du
cette période de crise.                                              groupe SER.)
  M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la           Pour preuve de cet attachement, le Gouvernement a
réplique.                                                            souhaité mettre fin à certains désordres engendrés par l’obli­
  M. Olivier Henno. Merci, madame la ministre, de votre              gation faite aux administrations de déclassifier les documents
réponse, mais je ne vous cache pas que j’attendais autre             classifiés avant toute communication, et ce quelle que soit
chose.                                                               leur ancienneté. Cette démarche d’ouverture rejoint finale­
                                                                     ment la décision rendue tout récemment par le Conseil
   Vous abordez la question sous l’angle structurel pour justi­      d’État. (M. Jean-Pierre Sueur le conteste.)
fier votre politique, mais je vous parlais d’urgence. Je pense
que vous minimisez le problème. Vous n’avez pas, sinon très            Toutefois, le droit d’accès de tout citoyen aux archives
partiellement, répondu à ma question. (Applaudissements sur          publiques n’est pas un droit absolu. La nécessité d’un
les travées du groupe UC.)                                           contrôle démocratique sur le travail de l’administration
                                                                     doit être conciliée avec d’autres impératifs, également de
                     ARCHIVES NATIONALES                             valeur constitutionnelle. Il est bien évident que la divulgation
                                                                     précoce de certains documents pourrait être de nature à
  M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le
                                                                     compromettre les intérêts fondamentaux de la Nation et
groupe communiste républicain citoyen et écologiste.                 doit donc être empêchée. Le rapporteur public du Conseil
  M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mesdames,                d’État l’a relevé dans les termes les plus nets.
messieurs les ministres, mes chers collègues, obéissant à
une instruction interministérielle, les services d’archives ont         Il appartient au Parlement de réaliser cette conciliation.
dû consacrer des moyens humains considérables à déclassifier         Qui voudrait que puissent être révélés au public, y compris
des documents secret-défense que la loi de 2008 rendait              à des personnes ou des puissances mal intentionnées à notre
pourtant communicables de plein droit, après un délai de             égard, les plans des infrastructures de la dissuasion ou les
cinquante ans. L’accès aux archives publiques secret-défense a       modes d’emploi de nos armements les plus sensibles ? (Protes­
ainsi été massivement bloqué pendant des mois.                       tations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
                                                                        M. David Assouline. Vous pouvez raconter ça à des enfants,
  Le Conseil d’État vient d’annuler cette instruction, la
                                                                     pas à nous !
considérant tout simplement comme illégale. Près d’un
million de documents historiques ont reçu un tampon de                  Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Par ailleurs, il
déclassification sans aucune raison valable. Nous laisserons         n’a jamais été question de fermer les archives des services de
ainsi aux générations futures toutes ces pièces entachées de ce      renseignement. L’article 19 du projet de loi relatif à la
tampon…                                                              prévention d’actes de terrorisme et au renseignement aura
                                                                     pour seul effet d’empêcher la communication des archives
   Le Sénat, qui avait participé activement à l’élaboration de       qui dévoileraient des méthodes d’action encore en usage dans
la loi de 2008, parce qu’elle donnait aux documents                  nos services au détriment de la sécurité des agents et de
d’archives un statut patrimonial garant de leur fonction             l’efficacité de leur action. (Les protestations redoublent sur les
historique, vous demande pourquoi on a laissé faire une              travées des groupes SER et CRCE.)
telle absurdité. Pourquoi une prétendue raison d’État l’a-t-
elle emporté pour interdire à des historiens de publier des             M. David Assouline. Mais oui, c’est ça !
sources qu’ils consultaient jusque-là librement ?                       Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mais oui, c’est
   En dépit de ce désaveu cinglant, animé par cette même             exactement cela !
volonté de censure, votre gouvernement propose maintenant,             Le texte issu des travaux du Sénat semble par conséquent
à l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de   réaliser une conciliation équilibrée entre les différents intérêts
terrorisme et au renseignement, de restreindre, cette fois sans      en jeu. C’est d’ailleurs ce qu’a également estimé le Conseil
limites de délai, l’accès aux archives.                              d’État, au terme d’un examen approfondi du projet de loi.
  Allez-vous écouter le Conseil d’État, qui considère, dans          (M. François Patriat applaudit.)
son arrêt rendu après notre discussion législative, que la loi         M. Jean-Pierre Sueur. Soit vous n’avez rien compris, soit
de 2008 suffit ? Allez-vous renoncer à cet article 19 et donner      vous n’avez rien voulu comprendre !
6520                                      SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021

  M. David Assouline.    J’ai honte pour vous !                      Monsieur le secrétaire d’État, où en sommes-nous dans le
  M. le président.   La parole est à M. Pierre Laurent, pour la   déploiement de notre stratégie d’accélération en matière de
réplique.                                                         cybersécurité, notamment dans l’accompagnement de nos
                                                                  TPE et PME face à la menace cyber ? (Applaudissements sur
   M. Pierre Laurent. Madame la ministre, vous nous répétez       les travées du groupe RDPI.)
l’argumentation qu’avance le Gouvernement depuis le début            M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État
et que l’arrêt du Conseil d’État vient justement de faire         chargé de la transition numérique et des communications
tomber en rappelant que le principe qui prévaut est celui         électroniques.
de la communication de plein droit des archives après
cinquante ans, sauf dans certains cas très précis.                   M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de
                                                                  l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la
  Vous refusez de reprendre ce principe dans l’article 19 du      cohésion des territoires et des relations avec les collectivités terri­
projet de loi alors que cinq groupes politiques du Sénat ont      toriales, chargé de la transition numérique et des communica­
proposé le même amendement de réécriture. Si vous vous            tions électroniques. Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi,
entêtez et que vous laissez la commission mixte paritaire se      merci de mettre l’accent sur ce sujet.
dérouler dans ces conditions, la parole publique sera durable­
                                                                    Il s’agit, en quelque sorte, d’une nouvelle pandémie qui
ment entachée sur la question majeure de l’accès au patri­
                                                                  touche, comme vous l’avez souligné, absolument tout le
moine de tous les Français. (Vifs applaudissements sur les
                                                                  monde, et notamment les plus fragiles : hôpitaux, collectivités
travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Jean-Pierre
                                                                  territoriales, TPE et PME et l’ensemble des citoyens.
Corbisez applaudit également.)
                                                                    Le centre hospitalier de Dax, par exemple, touché au tout
                         CYBERATTAQUES                            début de l’année, se remet à peine aujourd’hui à fonctionner
                                                                  normalement. C’est dire combien la question de la cybersé­
  M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed
                                                                  curité est essentielle, particulièrement dans un contexte de
Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates              crise sanitaire.
progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les
travées du groupe RDPI.)                                            C’est la raison pour laquelle le Président de la République a
                                                                  souhaité, voilà quelques mois, faire de la cybersécurité une
   M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président,               cause nationale. Notre stratégie repose sur plusieurs éléments.
mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
plus un seul jour ne passe sans qu’une cyberattaque                  Il s’agit, tout d’abord, de renforcer notre niveau de prépa­
survienne. Comme nous alertait le directeur général de            ration dans l’ensemble des domaines et des secteurs, avec
l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information      notamment un plan pour les hôpitaux, en particulier pour
(Anssi) voilà quelques semaines, la menace croît et plus grand    les centres hospitaliers outre-mer, où il serait beaucoup plus
monde n’est à l’abri.                                             difficile de détourner les flux de patients en cas d’attaque.
  Certaines attaques sont moins médiatisées, mais peuvent           Il s’agit, ensuite, de renforcer les moyens de l’Anssi et ceux
entraîner des conséquences redoutées. C’est le cas du centre      de la coopération judiciaire avec les autres pays, sous l’égide
hospitalier de Mayotte, qui connaît chaque mois, près de 400      d’Éric Dupond-Moretti. Nous avons déjà rencontré certains
 tentatives. Un chiffre vertigineux dans un contexte de           succès avec l’arrestation, voilà quelques jours, des membres
pandémie. D’autres sont massives, comme celle, toujours           du groupe cybercriminel Imhotep, en Ukraine.
en cours, contre l’entreprise Kaseya, qui paralyse 1 500 de         Il s’agit, enfin, d’apporter une réponse technologique. C’est
ses clients, dans douze pays.                                     la raison pour laquelle l’État et l’ensemble de l’écosystème
                                                                  investiront plusieurs centaines de millions d’euros dans les
  Les cyberattaques sont toujours plus sophistiquées, les         mois qui viennent. Car nous pouvons à la fois participer à la
cyber-rançonneurs se professionnalisent. Et demain, dans          protection contre les attaques et développer nos emplois dans
un monde toujours plus interconnecté, les vecteurs de             ce qui est aussi un domaine de compétence française.
cyberattaques ne cesseront de se multiplier.
                                                                             STRATÉGIE VACCINALE DU GOUVERNEMENT
  Mais le plus inquiétant est le profil des trois principales
victimes d’attaques par rançongiciel en France, à savoir les         M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le
collectivités territoriales, les établissements de santé et les   groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudisse­
entreprises du secteur industriel.                                ments sur les travées du groupe SER.)
   Nos TPE et nos PME, déjà bien éprouvées par la crise              M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le
économique, développent de nouvelles vulnérabilités avec le       Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes
télétravail ou encore le recours massif aux services du cloud.    chers collègues, la semaine dernière, dans cet hémicycle,
Comme le montre la cyberattaque en cours, elles sont direc­       notre collègue Catherine Procaccia interrogeait le Gouverne­
tement touchées lorsque sont visés des fournisseurs de            ment sur les mesures concrètes qu’il comptait prendre face à
services informatiques.                                           la quatrième vague, sans obtenir de réponse précise.

  En février dernier, le Président de la République a présenté      Depuis, la seule annonce concrète est celle d’un projet
une stratégie nationale de sursaut avec un plan doté              d’obligation vaccinale pour les soignants. Pour légitime
de 1 milliard d’euros pour aider à renforcer les systèmes de      qu’il puisse être, ce projet n’aura qu’une influence marginale
protection informatique et soutenir la filière française de la    sur l’évolution de cette quatrième vague.
cybersécurité. La semaine dernière encore, il a annoncé un          Je réitère donc la question de notre collègue : quelles
plan Innovation Santé 2030, dans lequel 650 millions              actions concrètes comptez-vous prendre pour protéger les
d’euros seront consacrés à la santé numérique, dont une           Français ? Et je ne peux que vous inviter à vous référer aux
partie à la cybersécurité.                                        projets de notre mission commune d’information destinée à
SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021                                                   6521

évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière      faudra, pendant l’été, vacciner les adolescents et donc mettre
de confinement ou de restrictions d’activités… (Applaudisse­        en place des dispositifs spécifiques pendant les vacances. Il
ments sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe    faudra aussi les vacciner dans les lycées et collèges, à la
CRCE.)                                                              rentrée, comme le propose le président du Conseil d’orien­
  M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée         tation de la stratégie vaccinale, ce que refuse pourtant le
chargée de l’autonomie.                                             ministre de l’éducation nationale.
  Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du               Je vous invite bien évidemment à intensifier la vaccination,
ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.    dans toutes ses dimensions, y compris l’obligation, mais aussi
Monsieur le sénateur Bernard Jomier, je pense que vous              à ne pas négliger les autres mesures qui permettront de
partagez, comme moi, la préoccupation majeure de                    transformer la vague en vaguelette. (Applaudissements sur les
protéger les Français durant cette crise sanitaire – personne       travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC
ne peut se renvoyer la balle sur un tel sujet.                      et Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit égale­
   Vous connaissez le contexte actuel : le taux d’incidence du      ment.)
virus remonte progressivement pour atteindre aujourd’hui 24
                                                                                 GESTION DES MILIEUX AQUATIQUES ET
pour 100 000. Cette augmentation s’accentue sous
                                                                                    PRÉVENTION DES INONDATIONS
l’influence du variant delta, 60 % plus contagieux que le
variant alpha dominant, ce qui entraîne une flambée épidé­            M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le
mique.                                                              groupe du Rassemblement Démocratique et Social
  La solution est à portée de main. Pour autant, le nombre          Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
de rendez-vous de vaccination est resté stable pendant
plusieurs semaines, alors que nous disposons des doses et              M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, mesdames,
des dates. Nous notons ces derniers jours, à la suite de nos        messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question
appels, une légère augmentation de la demande de rendez-            concerne notre politique de prévention des inondations et
vous pour une injection.                                            les moyens financiers pour la mettre en œuvre.
   Il est impératif que cette augmentation se confirme et              La compétence gestion des milieux aquatiques et préven­
s’amplifie pour lutter contre le variant delta. Il faut aller se    tion des inondations (Gemapi), confiée aux intercommuna­
faire vacciner sans aucune hésitation : 1 700 centres de vacci­     lités depuis sept ans, a permis d’apprécier finement les risques
nation sont opérationnels, partout en France. Nous nous             encourus par les populations et les investissements indispen­
mobilisons sur l’ensemble du territoire, pendant tout l’été.        sables pour les protéger.
  Nous mettons en œuvre d’importants dispositifs « d’aller            Elle s’appuie sur une ressource optionnelle pouvant aller
vers » avec, par exemple, des centres de vaccination                jusqu’à 40 euros par habitant, dont nous savons tous ici
éphémères sur les lieux culturels, comme au festival                qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous l’avons
d’Avignon ou au Printemps de Bourges, des « vaccibus »              encore souligné lors de l’examen du projet de loi Climat et
en Nouvelle-Aquitaine pour les saisonniers, des centres de          résilience.
vaccination mobiles dans les Landes pour aller à la rencontre
des publics éloignés et des opérations spéciales en Île-de-           Les élus des territoires de faible densité, avec des linéaires
France, comme à la Canopée des Halles ou à La Défense.              de cours d’eau capricieux, tirent la sonnette d’alarme. Ils ne
  En outre, afin de faciliter la vaccination, nous avons            parviendront pas à assurer la sécurité de leur population face
assoupli les délais entre deux injections.                          aux risques d’inondation.
   Quoi qu’on en dise, monsieur le sénateur, la vaccination,           Permettez-moi, mes chers collègues, de vous donner
c’est la clé pour garantir notre retour à une vie normale, pour     l’exemple de la communauté de communes Alpes Provence
nous protéger et protéger ceux qui nous sont chers. J’appelle       Verdon. Les besoins d’entretien des digues pour 2021 se
donc tous les Français à se faire vacciner, notamment               montent à 950 000 euros, soit le plafond des ressources
pendant cette période estivale. (M. Alain Richard applaudit.)       possibles. Les investissements à venir sont estimés à
   M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la      10 millions d’euros a minima, avec un reste à charge
réplique.                                                           écrasant. Combien, dans notre pays, de communautés de
                                                                    communes comme celle d’Alpes Provence Verdon ?
   M. Bernard Jomier. Par rapport à la semaine dernière, vous
                                                                    Combien de communautés de communes comme celle de
annoncez une politique de « l’aller vers » en termes de             Jabron-Lure-Vançon-Durance ? Combien comme celle du
vaccination. Nous pouvons le saluer, même si on n’observe           Sisteronais-Buëch ? Il y en a beaucoup !
encore aucune traduction concrète.
  La stratégie « tester-tracer-isoler », que nous avions dû            Mes chers collègues, la prévention des inondations néces­
abandonner en raison du niveau trop élevé de l’épidémie,            site une solidarité nationale pleine et entière.
peut de nouveau être menée de manière efficace et permettre
de remonter les chaînes de contamination. Nous avions bien            Monsieur le secrétaire d’État, non, les ressources Gemapi
pris note que c’était théoriquement le cas depuis le 1er juillet.   ne sont pas sous-utilisées. Elles sont mal réparties et profon­
Toutefois, l’effectivité de cette mesure n’est pas complète.        dément inégalitaires, faisant peser une imposition importante
                                                                    sur des populations qui n’ont aucune assurance que leur
  Le dépistage est essentiel pour limiter l’ampleur de la           sécurité soit garantie.
vague. Il faudra être prêt, à la rentrée scolaire, comme le
démontre l’étude de l’ANRS Maladies infectieuses                      Non, les ressources Gemapi ne sont ni suffisantes ni à la
émergentes que nous avons commandée, à mettre en place              hauteur des enjeux climatiques. Les régions ne se précipite­
un dépistage itératif pour les enfants de moins de 12 ans. Il       ront pas pour reprendre la gestion de la compétence !
6522                                           SÉNAT – SÉANCE DU 7 JUILLET 2021

   Mes chers collègues, hélas, le réchauffement climatique et                        DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT RELATIVE À
la violence d’intempéries futures n’attendront pas que toutes                     L’ACTION DE L’ÉTAT EN FAVEUR DU CLIMAT (I)
nos collectivités aient les moyens de prévenir les risques
mortels d’inondations pour faire des ravages.                               M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le
                                                                          groupe Écologiste – Solidarités et Territoires. (Applaudisse­
   M. le président. Posez votre question.                                 ments sur les travées du groupe GEST.)
   M. Jean-Yves Roux. Aussi, monsieur le secrétaire d’État,                 M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le ministre
que pouvez-vous proposer rapidement pour prévenir, avec les               délégué auprès de la ministre de la transition écologique,
collectivités concernées, ces risques mortifères dans nos terri­          chargé des transports.
toires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
                                                                             Le 1er juillet dernier, le Conseil d’État a donné neuf mois,
   M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État
                                                                          seulement neuf mois, à l’État français pour définir de
chargé de la ruralité.
                                                                          nouvelles mesures de politiques publiques lui permettant
   M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la          de tenir ses engagements climatiques. Nous venons par
cohésion des territoires et des relations avec les collectivités terri­   ailleurs d’examiner ici la loi Climat et résilience, très vague­
toriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Roux, vous          ment inspirée des travaux de la Convention citoyenne pour le
l’avez rappelé, la loi Maptam, la loi de modernisation de                 climat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les
l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles,           Républicains.)
a créé une taxe destinée à financer la Gemapi, la gestion des
milieux aquatiques et la prévention des inondations. Je me                  Pour ce qui concerne cette loi, l’étude d’impact et l’avis du
souviens d’ailleurs que l’amendement ayant institué cette taxe            Haut Conseil pour le climat sont sans appel : elle ne permet
avait été adopté par le Sénat, après plusieurs rapports sénato­           pas d’atteindre les objectifs internationaux sur lesquels la
riaux et un travail de fond conduit avec le Gouvernement.                 France s’est engagée dans le cadre de l’accord de Paris. Les
                                                                          projections nous font espérer, au mieux, une réduction de
  Les principes sur lesquels repose la taxe, qui n’ont pas                30 % à 35 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à
changé depuis 2014, restent pleinement valables. Premier                  2030, loin de l’objectif de 2015 – une réduction de 40 % –,
principe, il s’agit d’une recette locale pour une problématique           et encore bien plus loin du nouvel objectif fixé par le Conseil
locale. La gestion relative au risque d’inondation n’est pas de           européen, à savoir une réduction de 55 %, toujours d’ici à
même intensité partout ; elle n’existe d’ailleurs pas partout.            2030.
Le Gouvernement reste attaché à ce que le financement de la
compétence relève bien des décideurs locaux et non pas des                  Ma question est donc simple, monsieur le ministre. Le
décideurs nationaux.                                                      Gouvernement doit maintenant faire au Parlement de
                                                                          nouvelles propositions pour que la France tienne ses engage­
  Second principe, cette taxe est facultative, tous les EPCI              ments. Comment, concrètement, comptez-vous donc
n’ayant pas les mêmes besoins pour ce qui concerne cette                  procéder ? Pour éviter une réponse un peu floue – ça peut
taxe, du moins pas dans les mêmes proportions. Par ailleurs,              arriver ! –, je poserai deux questions complémentaires plus
tous les territoires ne sont pas organisés de la même manière :           précises.
certains EPCI gèrent directement la compétence ; d’autres le
font au travers de syndicats de rivière, voire de plusieurs                  Allez-vous, dans le cadre de la navette parlementaire et de
syndicats ; d’autres encore la financent par le biais de contri­          la commission mixte paritaire, chercher à garder les mesures
butions budgétaires.                                                      les plus ambitieuses qu’a proposées le Sénat, comme la
                                                                          dotation climat pour les collectivités ou la TVA à 5,5 %
  Troisième principe, le plafond de cette taxe a été fixé à               sur les billets de train, ce qui renforcerait déjà la loi ?
40 euros par habitant et par an, ce qui permet de limiter la              Néanmoins, cela ne suffirait pas !
pression fiscale.
                                                                             Ma seconde interrogation sera binaire : préférez-vous
  J’observe que les capacités de la taxe Gemapi ne sont                   utiliser la loi actuelle ou bien, au contraire, mettre en
d’ailleurs pas intégralement mobilisées. En 2020, 603 inter­              chantier, au cours des neuf mois qui viennent, une vraie
communalités percevaient la taxe pour 204 millions d’euros,               loi Climat,…
soit moins de 6 euros par habitant. Ainsi, dans les Alpes-de-
                                                                             Mme Sophie Primas. Ah non !
Haute-Provence, cinq intercommunalités sur huit l’ont
instaurée. La communauté de communes Alpes Provence                          M. Ronan Dantec. … afin de répondre à l’urgence clima­
Verdon a perçu 638 000 euros, le plafond étant de                         tique ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Un
940 000 euros. La communauté de communes Jabron-                          sénateur Les Républicains siffle.)
Lure-Vançon-Durance a prélevé 48 000 euros, pour un                          M. le président. La parole est à M. le ministre délégué
plafond de 239 000 euros, tandis que celle du Sisteronais-                chargé des transports.
Buëch a perçu 149 000 euros, pour un plafond de                              M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la
1,2 million d’euros.                                                      ministre de la transition écologique, chargé des transports.
   Pour autant, j’en suis conscient, monsieur le sénateur, il             Monsieur le sénateur Dantec, il est devenu fréquent que
existe des marges de manœuvre. Toutefois, l’enjeu est spéci­              les juridictions se prononcent sur les actions engagées par
fique à la montagne. J’observe que, pour ce qui concerne les              les gouvernements. Tel a été par exemple le cas en Allemagne,
intercommunalités des départements alpins, la plupart                     où le juge constitutionnel a censuré la loi pour insuffisances
d’entre elles ont institué cette taxe.                                    en termes d’action climatique.
  Je m’engage donc à examiner avec vous et de très près les                 Tel n’est pas le cas en France, puisque le Conseil d’État
conditions et les marges de manœuvre actuelles, afin de                   nous fait simplement injonction de mettre en œuvre complè­
vérifier qu’elles sont bien adaptées ou, au contraire, nécessi­           tement les mesures qui sont d’ores et déjà engagées dans le
tent des évolutions opportunes. (Applaudissements sur les                 cadre du plan de relance, et notamment les mesures inscrites
travées du groupe RDPI.)                                                  dans le cadre du projet de loi Climat et résilience.
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