Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'

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Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Rencontres professionnelles de RITMO

      Séquestration de carbone dans le sol :
             les enjeux du ‘4/1000’
                                          Jean-François Soussana
                          Directeur Scientifique Environnement, Inra, Paris

Projet conduit avec Jean-Luc Chotte1 , Hervé Saint-Macary2, Alain Vidal3, Rattan Lal4

1. IRD, 2. CIRAD, 3. CGIAR, 4. Ohio State University.
                                                                                        1
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Les sols mondiaux contiennent de deux à trois
    fois plus de carbone que l’atmosphère

                                                       (UNEP, FAO, JRC 2010)

   Les sols pourraient-ils re-stocker une partie du carbone qui a été émis
   par l’homme dans l’atmosphère ?

   Un taux annuel de stockage dans la sol de 4 pour mille (0,4% par an) pourrait-il
   stopper la croissance atmosphérique du CO2 ?
                                                                                2
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Pourquoi le carbone du sol ?

• 1,4 milliard de tonnes de carbone/an : potentiel de stockage de carbone dans les sols
  agricoles, soit +0.48% par an pour l’horizon de surface [d’après GIEC, 2007, 2014]

• La moitié des sols agricoles sont dégradés.

• 110 -200 milliards de UD $ Coût des engrais remplaçant les nutriments perdus par
  l’érosion des sols [FAO et ITPS, 2015]

• 24-40 million de tonnes de grains. Gain de production par tonne de carbone stockée
  par hectare [Lal , 2006] dans les pays en développement

• Réduction de la variabilité des rendements après restauration des sols et
  augmentation de leur teneur en matière organique [Pan et al. , 2009]
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Matière organique du sol : des bénéfices multiples

                                        Food
                                       Security

  UNCCD

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Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
COP21 : la place du secteur des terres dans les
              engagements des pays
Analyse des contributions nationales
(INDCs, source : IIASA, publication lors de la COP21)

• Le secteur des terres représente à la fois un quart des émissions
  mondiales de gaz à effet de serre et un quart des engagements nationaux
  d’atténuation (INDCs)

• 128 pays ont pris des engagements dans le secteur des terres, dont des
  engagements d’adaptation

• L’accord de Paris ne suffira pas pour atteindre la cible des 2°C. Il subsiste
  un déficit d’engagement d’environ 12 Gt CO2 (UNEP, Gap report, 2015)

                                                                                  5
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Potentiel des engagements nationaux pour les forêts (INDCs) :
                   2,5 GtCO2-C d’ici à 2030

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Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Une ré-évaluation récente du potentiel techniques des sols agricoles
                                     (Paustian et al., Nature, 2016)

   Confirme le potentiel élevé des sols agricoles,
   en incluant stockage carbone, réduction N2O et CH4 : 2,2 GtCO2-C/ an

                                                                          7
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Le cycle global du carbone en 2030-2050
(sur la base des engagements, hors secteur des terres, des états pour l’Accord de Paris)

                                                    Gt C (milliards de tonnes de carbone)
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Le cycle global du carbone en 2030-2050
avec mise en œuvre complète de l’initiative 4 pour mille

                                              Mesures :

                                              - Agriculture (cultures,
                                                prairies)

                                              - Sols salinisés et désertifiés,

                                              - Stopper la déforestation et la
                                                dégradation des forêts
                                                tropicales,

                                              - Reforestation &
                                                agroforesterie,

                                              Séquestration totale de
                                              carbone dans les sols à raison
                                              de 3.5 Gt C/ an,

                                              Soit 0,4% du stock de C de
                                              l’horizon de surface 0-40 cm
                                              (860 GtC)

                            Emissions de (N2O et CH4) non compensées dans ce scénario
Séquestration de carbone dans le sol : les enjeux du '4/1000'
Séquestration de carbone dans les sols : potentiel et co-bénéfices

• Potentiel technique : 3,4 milliards de tonnes de C (dont 1,4 pour les
  sols agricoles)
• Potentiel économique en agriculture : 1 milliards de tonnes de C par an
  (pour un coût compétitif dans un scénario à +2°C) (coll. IIASA)
• Co-bénéfices :
  – Stabilisation plus rapide du climat, en complément de la réduction des émissions de GES,
  – Neutralité de la dégradation des terres (UNCCD, COP12),
  – Augmentation moyenne des rendements de +1,3% par an (essais dans des pays en
    développement),
  – Adaptation au changement climatique (rétention et infiltration de l’eau),
  – Préservation de la diversité biologique (du sol et des paysages reboisés).
Des émissions négatives qui peuvent stabiliser le
climat et limiter la hausse des prix agricoles
 • Une technologie simple mais stratégique
    – Doublement des engagements pris pour l’Accord de Paris,
    – Sans doute la seule technologie d’émission négative disponible à grande
      échelle avant les années 2050
    – Stratégique pour atteindre la cible du 2°C, voire du 1,5°C

 • Marchés carbone et sécurité alimentaire
    – Hausse des prix agricoles en cas de taxes sur les émissions de méthane et
      de N2O d’origine agricole;
    – Cette hausse est nettement moindre si l’on subventionne le carbone stocké
      dans les sols,
    – A coût compétitif, stockage de carbone et augmentation des rendements
    – Dans ce cas, la production peut augmenter sans pénaliser la sécurité
      alimentaire (modélisation GLOBIOM, IIASA)

                                                                         11
Limites et potentiel de mise en œuvre de l’initiative 4 pour mille
• L’adoption des mesures de séquestration concerne des millions d’acteurs. Elle
  prendra du temps et doit respecter les droits fonciers,
• Après un changement de pratiques, le stockage de carbone durera 30-50 ans environ
  avant d’approcher un nouvel équilibre,
• Les stocks de carbone devront être conservés pendant un siècle et plus si possible.
  Faut-il attacher une valeur carbone au foncier ?
• Des carences en N et P peuvent limiter le stockage de carbone dans le sol;
• Dans les zones sèches, la conservation de l’eau doit être associée à celle du sol.

 Rechercher des solutions issues de l’agro-écologie (symbioses racinaires, associations
 végétales, agroforesterie) éviterait le recours à des engrais minéraux et limiterait les
 émissions de N2O
 L’agro-écologie, via la diversification des cultures, la couverture des sols et l’agroforesterie,
 facilite aussi l’adaptation au changement climatique
> Exemples de pratiques agroécologiques

  Agriculture     Agroforesterie    Recyclage
de conservation                    des produits
                                   organiques

                                                  13
> Préserver et restaurer
  les sols

 La dégradation des sols menace
 près de la moitié des terres émergées

 Potentiellement 30 millions d’ha de
 terres arables perdues par décennie     Paustian et al. (2016)

                                                             14
> Elaborer et mettre
  en œuvre des politiques
  publiques
                       Concilier un intérêt collectif très
                       global et des actions individuelles

                       •    Règlementations et taxes ?
                       •    Subventions ?
                       •    Normes et labels (filières) ?
                       •    Plafonnement et échange ?
                       •    Valeur carbone du foncier ?

                       Mécanismes de PSE (Services
                       écosystémiques)

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> Combiner science, pratiques & politiques publiques

Science &                                                      Mise en œuvre
technologie                                                    • Programmes
• Processus sol-                                                 nationaux et
  plante                                                         internationaux
• Réseaux de                                                   • Paiements pour
  mesure et de                                                   services
  suivi des sols et                                              écosystémiques et
  des gaz à effet                                                marchés
  de serre                                                     • Filières et chaines de
• Télédétection                   Pratiques                      valeur
• Bases de                 Réduction du labour     Rotations   • Systèmes d’aide à la
  données et                       Gestion fertilisation         décision
  modèles               Restauration des sols Amendements      • Engagement sur les
                                    Agroforesterie               usages des terres
       Paustian et al. (2016)

                                                                                   16
En Europe : risques pour la matière organique des sols agricoles
Risque élevé : faible teneur et faible apport au sol

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Modélisation à l’échelle de l’Europe

                            (Alwyn Jones, JRC, 2016)

                  18
Signataires de l’expression d’intérêt
      (au 1er Décembre 2015)

•   39 PAYS
•   21 ORGANISATIONS INTERNATIONALES
•   35 UNIVERSITÉS ET ORGANISMES DE RECHERCHE
•   67 ORGANISATIONS DE PRODUCTEURS
•   10 ASSOCIATIONS (issues de la société civile)
•   23 SOCIÉTÉS PRIVÉES

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Pourquoi un programme de recherche ?

• Pour documenter les fondements scientifiques
   – préciser les potentiels, bénéfices et limites
   – coordonner les recherches, accompagner les projets
• Pour concevoir des trajectoires de transition
   – conseiller et orienter le plan d’action
• Pour informer l’ensemble des parties prenantes et éclairer les
  politiques publiques
   – diffuser les connaissances, méthodes et résultats auprès du forum des
     signataires
☞ Un conseil scientifique et technique (CST)
   – CST international et interdisciplinaire
   – CST commun au plan d’action
                                                                      20
Thèmes du programme international de recherche

• La connaissance spatialisée du potentiel de séquestration de carbone organique dans les sols :
    – Cartographie des stocks et de leur évolution,
    – Potentiel de stockage selon les systèmes et les pratiques, risques de perte de carbone, mécanismes de
      séquestration
    – Effets associés sur les rendements et sur les bilans environnementaux (azote, phosphore, eau)
• La définition et la co-construction à différentes échelles (individuel à collectif) de stratégies agronomiques
  et forestières visant l’objectif 4‰ :
    –   Conception se systèmes, modélisation des effets des pratiques et des transitions dans les systèmes,
    –   Suivi des impacts des pratiques et mise en place de sites de démonstration,
    –   Coûts de mise en œuvre, effets économiques et sociaux,
    –   Compatibilité avec les objectifs du développement durable (SDGs) ;
• Méthodologies de suivi, rapportage et vérification (MRV) de la séquestration de carbone des sols à faible
  coût par tonne évitée de CO2 :
    – Méthodologie générique combinant des inventaires de stocks de carbone des sols, des statistiques spatialisées sur
      les pratiques agricoles ou forestières, des données avancées de télédétection et des estimations (ensemble de
      modèles, ou coefficients) du taux de stockage de carbone,
    – Méthodologie en mode projet permettant de certifier la variation des stocks de carbone (objectif : coût de
      quelques dollars par tonne de CO2 évitée),
• Evaluation des barrières à l’adoption, formation, appui aux politiques publiques, instruments de
  financement.
Mise en œuvre du programme
            international de recherche
• S’appuyer sur des stratégies existantes pour établir des
  référentiels et diagnostics planétaires
   – GRA : Integrative research group (5 réseaux de recherche)
   – CGIAR : Land and Water; Agriculture, Food Security & Climate Change (CCAFS)
• Structurer les interactions avec des réseaux régionaux
  (spécificité des différents agroécosystèmes)
   – FARA : forum pour la recherche agricole en Afrique
   – CASA : carbone des sols pour une agriculture durable en Afrique
• Ancrer les équipes de recherche dans les projets de terrain
   – Dispositifs en partenariat (Cirad) et laboratoires mixtes internationaux (IRD)
   – Sites ateliers
• Développer des mécanismes de financement de la recherche
   – ‘International Research Consortium’ (Commission européenne)
                                                                                      22
Déclinaison nationale
              du programme de recherche 4 pour mille

• Etude nationale sur le potentiel, les co-bénéfices et les coûts de la séquestration de
  carbone dans les sols français (en projet Ademe - Inra)

• Financement ANR : thème du TAP (Thematic Annual Programing) Sol de FACCE JPI
   – Centrage sur mécanismes et potentiel de stockage ; ANR : unité d’évaluation des projets sol 2016

• Réseaux de sites d’étude et de démonstration (LIFE – CLIMA ?)
   – A monter (avec Italie notamment)

• Projets territoriaux de stockage de carbone dans les sols (CGI PIA3 ?)

• Infrastructure numérique (national et international)
Les prochaines étapes d’ici à la COP22
                     (Marrakech, Novembre 2016)
• Structurer le programme international de recherche
  – Préciser les 4 grands domaines avec les partenaires (fin mai)
  – Mettre en place le secrétariat (juillet – septembre)
  – Créer des réseaux internationaux de recherche pour chaque axe
  – Mettre en place un centre de ressources numériques

• Soutenir la mise en place du CST
   – Proposer des principes, critères et indicateurs pour les projets de
     l’initiative

• Proposer un dispositif de partage des bonnes pratiques et de co-
  construction de systèmes innovants

                                                                           24
Rencontres professionnelles de RITMO

Merci de votre attention

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