Sondages en ligne : une méthodologie éprouvée
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Sondages en ligne : une méthodologie éprouvée Les critiques à l’encontre des sondages comme outils de connaissance et d’analyse des ressorts de l’opinion publique ne sont pas chose nouvelle. Toutefois, celles adressées aux instituts d’études, particulièrement intenses en période électorale avec la réalisation de sondages d’intentions de vote, ont récemment pris une tournure nouvelle avec la publication d’études quantitatives réalisées via un nouveau mode de recueil : Internet. Par une conjonction d’intérêts parfois contradictoires, des journalistes, des personnalités politiques et des citoyens contestent la fiabilité des résultats issus des données collectées grâce à ce nouveau mode d’interrogation. Selon eux, il y aurait les « bons sondages » réalisés en face-à- face ou par téléphone et les « mauvais sondages » réalisés par Internet. Dit autrement, pour leurs détracteurs, les sondages réalisés en ligne ne seraient pas de « vrais » sondages. A les écouter, il y aurait tromperie méthodologique, ce nouveau mode de recueil n’apportant pas des garanties comparables aux autres (téléphone et face-à-face principalement). Les critiques entendues ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celles réservées aux premières enquêtes réalisées par téléphone, elles aussi accusées à leurs débuts de déroute méthodologique. Certes, parmi les reproches entendus, nombreux sont ceux qui relèvent plus généralement des débats – déjà anciens – autour de la mesure des opinions. L’objectif de notre propos n’est pas d’entrer à nouveau dans cette discussion sans fin mais d’apporter une réponse aux doutes et aux craintes exprimées à propos des enquêtes réalisées par Internet. En l’absence de données comparatives rendues publiques sur cette problématique, nos interlocuteurs s’interrogent à juste titre : quel crédit accorder aux données collectées grâce à ce nouveau mode de recueil ? Les enseignements tirés des enquêtes réalisées en ligne sont-ils valides ? 1. Les échantillons interrogés par les instituts sont-ils représentatifs de la population étudiée ? En l’absence de définition légale, on postulera ici qu’un sondage est un outil statistique visant à évaluer en proportions les caractéristiques ou les préférences (et donc les opinions) d'une population donnée à partir de l'étude d'une fraction (un échantillon) de cette population. En France, les échantillons interrogés par sondage sont généralement constitués par la méthode des quotas. Ce procédé – auquel les anglo-saxons préfèrent habituellement la méthode aléatoire – consiste à respecter au sein de la fraction de la population interrogée les proportions de la population mère sur un certain nombre de critères particulièrement caractéristiques de cette dernière1. Sur ce point, rien ne distingue une enquête réalisée par Internet d’une enquête effectuée par téléphone ou en face-à-face : quel que soit le mode de recueil, le recours à la méthode des quotas permet de disposer d’échantillons dont la structure socio-démographique, professionnelle et éventuellement culturelle est semblable, en proportions, à celle de la population mère. 1 Les critères habituellement utilisés pour la constitution d’un échantillon représentatif de la population française sont le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, la région et la catégorie d’agglomération. Le niveau de diplôme est également utilisé par l’Ifop dans de nombreuses études, notamment pour son Tableau de bord politique réalisé pour Paris Match. 1
Certains objecteront alors qu’il est plus difficile de constituer un échantillon représentatif de la population par Internet que par tout autre mode de recueil. C’est méconnaître les instruments dont dispose un institut comme l’Ifop pour mener à bien ses enquêtes. Nous utilisons en effet un logiciel puissant, dédié à l’administration des questionnaires et à la collecte des données. Ce logiciel assure de nombreuses fonctionnalités, au premier rang desquelles une gestion automatisée des quotas permettant d’assurer la représentativité des échantillons constitués2. Parallèlement, une idée reçue veut qu’il serait difficile d’interroger en ligne certaines catégories de population au motif qu’elles n’auraient pas accès à Internet. C’est oublier la considérable résorption des inégalités d’accès à Internet opérée ces dernières années. Entre juin 2002 et 2008, la pénétration d’Internet dans les seuls foyers français (c’est-à-dire hors entreprises et lieux publics) a progressé de plus de 35 points, passant de 23% à 58%3. A l’échelle des individus, tous lieux et modes de connexion confondus, les données disponibles s’avèrent encore plus éloquentes. Les résultats d’une enquête menée fin 2008 par l’Ifop l’attestent4 : ce sont désormais près de sept individus sur dix âgés de 15 ans et plus qui déclarent se connecter au moins une fois par mois à Internet. Avec un tel niveau de diffusion, nul doute que les disparités observées jusqu’à très récemment se sont sensiblement estompées, ce que confirment les données présentées ci- dessous (tableau 1). - Tableau 1 - L’évolution du profil des internautes français entre 2000 et 2008 Profil Profil Evolution Internautes Internautes observée 15 ans et plus 15 ans et plus 20015 2nd semestre 2008 2001 /2008 Ifop Ifop ENSEMBLE 100 100 - SEXE DE L’INTERVIEWE(E) Homme 66 50,1 -15 ,9 Femme 34 49,9 +15,9 AGE DE L’INTERVIEWE(E) 15 à 24 ans 28 20,8 -7,2 25 à 34 ans 31 20,5 -10,5 35 à 49 ans 31 30,0 -1 50 ans et plus 10 28,7 +18,7 CSP DU CHEF DE MENAGE CSP+ et intermédiaires 47 43,6 -3,4 CSP- 17 33,7 +16,7 Inactifs 36 22,7 -13,3 2 Ce logiciel dédié aux terrains d’enquête en ligne permet ainsi de ne plus interroger les individus appartenant à une catégorie sociale dès lors que le nombre de répondants ou d’interviewés attendu pour cette catégorie a été atteint. 3 Source CREDOC, « La diffusion des technologies de l’information dans la société française (2008) », Décembre 2008 4 Enquête semestrielle de profiling des internautes français réalisée par téléphone auprès d'un échantillon de 2008 individus représentatif de la population française métropolitaine âgée de 15 ans plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef du ménage) après stratification par région et catégorie d'agglomération. Au sein de cet échantillon 1495 internautes (personnes se connectant au moins une fois par mois à internet, quel que soit leur mode et/ou lieu de connexion) ont été interrogés. Terrain d'enquête du 9 au 23 décembre 2008. 5 Enquête Ifop pour Yahoo ! Internet Life réalisée du 18 au 25 janvier 2000 à partir d’un échantillon représentatif de la population française de 4016 individus. 2
En près de neuf ans, la structure sociodémographique et professionnelle de la population internaute française s’est donc considérablement transformée. Elle présente désormais d’importantes similitudes avec la population française, que ce soit pour le genre, la région de résidence ou bien la catégorie d’agglomération. Les distorsions observées en termes de professions et de catégories socioprofessionnelles s’expliquent désormais pour l’essentiel par une inégalité d’accès générationnelle. Ainsi, la sous-représentation des seniors (et donc des retraités) parmi les internautes engendre une surreprésentation de toutes les composantes de la population active, y compris des catégories populaires (tableau 2). Les inégalités d’accès générationnelles apparaissent toutefois en net reflux : une majorité des plus de 50 ans se connectent désormais régulièrement à Internet. Aujourd’hui, ces écarts structurels n’empêchent plus d’y trouver en grand nombre des individus issus de chacune des catégories sociales recherchées pour constituer nos échantillons représentatifs de la population française. - Tableau 2 - Le profil comparé des internautes en 2008 quels que soient le lieu et le mode de connexion. TOTAL Internautes 15 ans et France entière 15 ans et plus Ecart plus – Données Ifop 2006 - Données INSEE observé (%) (%) - SEXE DE L’INTERVIEWE(E) Homme 50,1 (*) 48 +2.1 Femme 49,9 52 -2.1 AGE DE L’INTERVIEWE(E) 15 à 24 ans 20,8 16,1 +4.7 25 à 34 ans 20,5 16,1 +4.4 35 à 49 ans 30,0 26,1 +3.9 50 à 64 ans 20,4 22,4 -2 65 ans et plus 8,3 19,3 -11 CHEF DE MENAGE Agriculteurs 2,4 2 +0.4 Artisans ou commerçants 6,9 5,5 +1.4 Professions libérales, cadres supérieurs 15,6 12 +3.6 Professions intermédiaires 18,7 14,7 +4 Employés 12,5 10,7 +1.8 Ouvriers 21,2 19,9 +1.3 Retraités 20,1 32 -11.9 Autres inactifs (dont étudiants) 2,6 3,2 -0.6 REGION Ile-de-France 19,6 18,5 +1.1 Nord-est 23,3 23,1 +0.2 Nord-ouest 22,9 22,8 +0.1 Sud-ouest 10,5 11 -0.5 Sud-est 23,7 24,6 -0.4 CATEGORIE D’AGGLOMERATION Communes rurales 26,8 26 +0.8 Communes urbaines de province 56,1 58 -1,9 Agglomération parisienne 17,1 16 +1.1 (*)Note de lecture : les hommes représentent 50,1% des internautes contre 49,9% pour les femmes. 3
On le pressent avec ces données : la critique selon laquelle il serait aujourd’hui impossible d’interroger des échantillons représentatifs de la population constitués selon la méthode des quotas n’apparaît pas soutenable. D’autant plus que cette méthode a pour avantage de compenser les biais induits par tout mode de recueil. Sans l’instauration de quotas, les échantillons constitués par téléphone, en face-à-face ou dorénavant par Internet comporteraient des distorsions sur les principaux paramètres servant à la constitution de nos échantillons. Ceci pour une raison très simple : la population accessible via chacun de ces modes de recueil présente naturellement des distorsions par rapport à la structure connue de la population Française. La méthode aléatoire massivement employée aux Etats-Unis ne permet d’ailleurs pas de compenser avec une efficacité équivalente ces distorsions. Enfin, les sondages d’instituts réalisés par Internet n’ont aucun point commun avec les enquêtes d’opinion réalisées à la fin des années 1980 par minitel lors d’émissions d’actualité ou de divertissement6. Ils n’en ont pas davantage avec les questions placées en ligne par de grands médias nationaux sur leur site Internet (LeMonde.fr, LeFigaro.fr, LCI.fr, par exemple) et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, ils ne présentent pas les garanties de représentativité assurée par la méthode des quotas que nous avons rappelée plus haut. Surtout, le mode de contact et le profil des répondants à ces enquêtes (en fait les visiteurs des sites internet considérés) n’a aucun rapport avec celui que nous utilisons pour la réaliser nos enquêtes. 2. Qui répond aux enquêtes en ligne des instituts ? Un autre argument régulièrement avancé par les opposants aux enquêtes réalisées par internet porte sur l’identité des personnes interrogées. A les écouter, nul ne sait qui répond à nos enquêtes et l’Ifop comme les autres instituts d’études et de sondages serait bien incapable de vérifier les informations fournies par les personnes interrogées. Lorsque nous réalisons un sondage, notre objectif n’est ni de mener une enquête policière ni de sombrer dans le voyeurisme. Aussi, c’est notre capacité à établir autant que faire se peut une relation de confiance avec les personnes sollicitées pour répondre à nos questions qui permet de garantir la fiabilité des informations recueillies. Qu’une enquête soit réalisée en face-à-face, par téléphone ou par Internet, les personnes interrogées restent à tout moment maîtres des informations qu’elles acceptent ou non de nous transmettre. A charge ensuite pour les responsables de l’étude de s’assurer de la cohérence des informations recueillies en réalisant toute une série de contrôles, notamment en croisant certaines questions entre elles. Où l’Ifop trouve-t-il les personnes qui participent à ses enquêtes en ligne ? Contrairement aux questionnaires placés en ligne sur les sites Internet des grands médias, nous ne réalisons pas ce que les anglo-saxons appellent les "Click-me surveys". Les recrutements clandestins et le spamming sont évidemment des pratiques bannies. S’il n’existe pas d’annuaires recensant les internautes7, l’Ifop, tout comme les autres instituts, a désormais accès à d’importantes bases de 6 La Cinq faisait ainsi appel à ses téléspectateurs pour qu'ils donnent leurs avis à l’issue d'un débat quotidien entre deux personnalités s'opposant sur un sujet choisi. On se remémora également L’Heure de Vérité et son téléquestionnaire administré en temps réel auprès d’un panel de téléspectateurs et dont les résultats étaient rendus publics et commentés à l’issue de l’émission par Jérôme Jaffré, alors responsable des études politiques à la SOFRES. 7 La base téléphonique de France Telecom a longtemps servi et sert encore fréquemment pour la réalisation d’enquêtes téléphoniques. Toutefois, les mutations intervenues ces dernières années dans le domaine des télécoms nous ont conduit à recourir de plus en souvent à la génération aléatoire de numéros de téléphone afin de s’assurer la 4
données nous permettant d’entrer en contact avec eux. Ces bases sont généralement constituées par des opérateurs extérieurs (Acces panels). A l’Ifop, les enquêtes en ligne sont ainsi réalisées auprès d’internautes extraits aléatoirement d’une base de donnée actualisée quotidiennement, recensant plusieurs centaines de milliers d’individus, ces derniers ayant préalablement donné leur accord pour être sollicités et répondre à des enquêtes en ligne. Compte-tenu de l’importance de son activité études en ligne et de son développement (près de 800 études en ligne réalisées sur la période 2007-2008), l’Ifop a estimé que son propre panel (panel propriétaire) risquerait d’être trop sollicité. Or, le recours à son propre panel, par définition de taille restreinte (quelques dizaines de milliers d’individus), engendre une professionnalisation des répondants qui nuit en retour à la spontanéité des réponses et à la fiabilité des résultats. D’ailleurs, nombreux sont les instituts qui, tout en affichant des panels « en propre », les ont constitués à partir d’access panels ou les utilisent régulièrement en complément, ce qui démontre l’intérêt déontologique à annoncer en toute transparence nos partenariats avec ces prestataires. La qualité des Access panels et la diversité des profils recrutés sont garanties par un recrutement multi-sources et un renouvellement permanent de la base. A titre d’exemple, le recrutement des panélistes de la principale base sollicitée par l’Ifop est assuré via une centaine de sites partenaires issus de secteurs d’activité très variés (voyages, locations, hôtellerie, beauté, nouvelles technologies, textile, sites d’information, etc.) et via des liens sponsorisés, des parrainages ou encore des échanges de bases de données. La gestion des bases de données d’internautes fait également appel à des règles particulièrement strictes. Une même adresse électronique ne peut être enregistrée qu’une seule fois et l’inscription d’un individu n’est acceptée qu’après vérification de l’adresse électronique. Une fois inscrite, une personne ne peut participer à plus de deux enquêtes par mois. Des mesures dites de maintenance et des mises à jour des données sont régulièrement assurées pour garantir un niveau de qualité constant du panel. A titre d’exemple, toute adresse électronique générant un message d’erreur est vérifiée et supprimée de la base si nécessaire. De même, les panélistes inactifs plus de douze mois sont systématiquement exclus. Enfin, ils sont invités à réactualiser régulièrement leurs informations personnelles afin de garantir la qualité des sollicitations. Le recours à des bases de données qualifiées ne dispense pas pour autant chaque institut de s’assurer que les personnes interrogées correspondent effectivement au profil de population recherché. Pour constituer ses échantillons, l’Ifop impose systématiquement aux internautes sélectionnés aléatoirement de préciser leur profil pour l’ensemble des critères servant à la constitution de ses échantillons (comme nous le faisons pour les enquêtes réalisées par téléphone et en face-à-face). En s’assurant que les personnes interrogées présentent effectivement les caractéristiques recherchées, l’Ifop reste ainsi totalement maître de la sélection des répondants à ses études en ligne tout en garantissant un haut niveau de qualité des informations collectées. capacité d’interroger les individus ayant quitté l’opérateur historique et ceux uniquement joignables par téléphone portable (il n’existe pas d’annuaire officiel pour les téléphones portables). 5
Précisons également que les invitations à participer à une enquête ne sont adressées qu’à une fraction limitée d’internautes. Cette pratique permettant d’offrir à chacun des individus contactés une chance égale de participer à l’enquête. A ce propos, il incombe aux instituts, et donc à l’Ifop, de faire œuvre de pédagogie auprès de ces clients : plus les délais accordés pour la réalisation des terrains d’enquête sont courts et plus le nombre d’invitations envoyées sera important, ce qui peut nuire en retour à la qualité des résultats. D’abord en raison d’une capacité à respecter les quotas d’enquête sensiblement altérée mais aussi parce que les premiers internautes à répondre sont aussi ceux qui se connectent le plus fréquemment et présentent, à catégorie socioprofessionnelle comparable, des spécificités pouvant influer sur les résultats. Internet est un mode de recueil peu intrusif et nettement plus dépendant que les autres de la bonne volonté des personnes que l’on cherche à interroger. L’accessibilité du questionnaire 24 heures sur 24 permet toutefois de compenser cette difficulté et offre à des individus peu ou pas joignables par téléphone ou en face-à-face aux heures ouvrées de la journée la possibilité d’être interrogés. Ainsi, le temps utile pour la réalisation d’une enquête par téléphone ou en face à face n’excède pas un tiers d’une journée… contre 100% par Internet. Au cours du terrain d’enquête, des garde-fous sont également mis en place grâce au logiciel d’enquête utilisé. L’ergonomie des sites dédiés au recueil de l’information, dont l’accès est protégé et sécurisé, fait l’objet de soins particulièrement importants. Ils permettent d’assurer le confort des répondants et facilite leur navigation en cours de questionnaire. L’insertion d’aiguillages (filtres) permet également de diriger chaque répondant selon son profil et ses réponses au questionnaire. Parmi leurs nombreuses fonctionnalités, le logiciel utilisé permet également d’établir une rotation aléatoire d’items dans une liste à choix multiples ou des rotations aléatoires de questions ou de blocs de questions (pour éviter les effets d’ordre). Les contraintes pour chaque question sont également programmées : réponse obligatoire, choix multiple, nombre maximum de réponses autorisé, etc. Une fois chaque terrain d’enquête terminé, d’autres contrôles sont réalisés. Le temps moyen de réponse enregistré pour chaque questionnaire est ainsi comparé avec le temps moyen observé pour l’ensemble des répondants. Par précaution, sont annulés les questionnaires dont les temps de réponse apparaissent atypiques. De plus, les successions de codes enregistrés dans les bases de données pour chaque questionnaire sont contrôlées. La détection de certaines combinaisons (1.1.1.1.1.1 ou 1.2.3.4.5, etc.) entraîne l’annulation du questionnaire en cas de doute. L’ensemble de ces précautions techniques et méthodologiques atteste du sérieux et de la rigueur du travail assuré par l’Ifop et permet d’apporter un haut niveau de garantie sur la fiabilité des informations recueillies. 6
3. Les informations collectées par Internet sont-elles fiables ? Au-delà des précautions méthodologiques mises en œuvre, chaque mode de recueil comporte intrinsèquement ses avantages et ses inconvénients. L’objectif de notre propos n’est donc pas de présenter le recours a Internet comme le nouvel eldorado des études quantitatives – ce qu’il n’est pas : aucun mode de recueil n’est parfait – mais de démontrer l’intérêt d’y recourir. A écouter les détracteurs des enquêtes réalisées en ligne, leurs résultats seraient sensiblement différents de ceux que l’on obtiendrait par les autres modes de recueil, au premier rang desquels le téléphone, fréquemment utilisé pour les enquêtes d’opinion. Au cœur de cette critique sur la fiabilité des études en ligne réside également le soupçon que les échantillons constitués via Internet seraient politiquement atypiques. Pour répondre à ces critiques, l’Ifop a mené au cours de l’année 2008 plusieurs enquêtes comparatives. Ainsi, des sondages réalisés par téléphone l’ont aussi été par Internet (et inversement), l’objectif étant, à partir d’exemples concrets, de démontrer la validité de notre démarche et du recours à ce nouveau mode de recueil. Le soupçon d’échantillons politiquement atypiques peut être rapidement contré. Le tableau 3 présente la reconstitution du vote au premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2007 obtenue par Internet et par téléphone auprès d’échantillons représentatifs, constitués selon la méthode des quotas. Les données obtenues (avant redressement) sont comparées à celles enregistrées le 22 avril 2007. Quel que soit le mode de recueil, les grands équilibres politiques s’avèrent extrêmement proches avec toutefois une légère prime à droite pour l’enquête réalisée par téléphone. Il n’empêche, quel que soit le mode de recueil considéré, les électeurs de droite apparaissent sous-représentés par rapport à leur poids réel observé le 22 avril 2007. Ceci s’explique notamment par la difficulté, désormais bien connue, à reconstituer le vote en faveur de Jean-Marie Le Pen… une partie de ses électeurs indiquant probablement un vote en faveur de Nicolas Sarkozy (dont le score s’avère surévalué) ou ne se prononçant pas. A ce propos, on relèvera que, sur des thématiques sensibles, certaines pratiques ou opinions semblent plus facilement reconnues par Internet que par téléphone ou en face-à-face. Il en va ainsi avec le vote pour Jean-Marie Le Pen ou la proximité au Front National, nettement plus affirmés et reconnus en l’absence d’un enquêteur. Sur ce point, la reconstitution des votes au premier tour de la présidentielle 2007 est particulièrement éclairante. Les données présentées dans ce tableau appellent d’autre observations, essentielles pour notre démonstration : - Quel que soit le mode de recueil, les écarts observés avec le score réellement obtenu par chacun des candidats en lice le 21 avril 2007 s’avèrent minimes, la hiérarchie des votes pour les principaux candidats étant proche voire conforme à celle observée le jour du scrutin ; - Les données recueillies par Internet sont globalement comparables à celles du téléphone voire légèrement plus proches de la réalité : la moyenne des écarts observés s’établit à 1,4 point par Internet contre 1,8 par téléphone ; - Ceci s’explique notamment par une meilleure reconstitution du vote d’extrême droite par Internet, dont on peut supposer, à la lecture des résultats, qu’une partie se « cache » artificiellement sur le nom de Nicolas Sarkozy lors des enquêtes téléphoniques. 7
Tableau 3 – Le souvenir déclaré du vote au premier tour de l’élection présidentielle 2007 Résultats enregistrés Résultats enregistrés sur Internet avant par téléphone avant Résultats réels redressement redressement le 21/04/2007 (n=1781) (n=1509) 1 - Nicolas SARKOZY 33,0 35,8 31,1 2 - Ségolène ROYAL 28,7 29,5 25,7 3 - François BAYROU 20,5 17,2 18,5 4 - Jean-Marie LE PEN 4,8 3,4 10,6 5 - Olivier BESANCENOT 5,1 6,1 4,1 6 - Philippe DE VILLIERS 1,0 0,8 2,3 7 - Marie-George BUFFET 2,2 2,3 1,9 8 - Dominique VOYNET 1,4 1,4 1,6 9 - Arlette LAGUILLER 1,5 1,1 1,3 10 - José BOVE 1,0 1,4 1,3 11 - Frédéric NIHOUS 0,5 0,7 1,2 12 - Gérard SCHIVARDI 0,4 0,5 0,3 TOTAL GAUCHE 40,3 42,3 36,2 TOTAL DROITE 39,3 40,7 45,2 Pour évaluer la fiabilité des résultats obtenus par Internet, nous avons également mené d’autres expériences. Par exemple, deux interrogations parallèles ont été menées lors de la mesure des indices de popularité de l’exécutif en janvier 2008. L’enquête de référence est ici celle réalisée par téléphone pour Le Journal du Dimanche (seconde vague d’interrogation), l’enquête miroir ayant été réalisée par internet. Enquête par Enquête par Ecarts observés Question : Etes-vous satisfait ou mécontent de téléphone Internet Nicolas Sarkozy comme président de la (n=933) (n=1008) République ? (%) (%) Total Satisfaits ......................................................... 44,5 45,1 +0,6 Très satisfaits ....................................................... 8,4 9,0 +0,6 Plutôt satisfaits .................................................... 36,1 36,1 = Total Mécontents ..................................................... 54,2 54,9 +0,7 Plutôt mécontents ............................................... 30,7 29,6 -1,1 Très mécontents .................................................. 23,5 25,3 +1,8 - Ne se prononcent pas .............................................. 1,3 - -1,3 TOTAL .......................................................................... 100 100 - Ici encore, les écarts observés s’avèrent minimes voire négligeables, de quelques dixièmes de point seulement pour les pôles satisfaits et mécontents. Ils apparaissent en revanche un peu plus forts en intensité – quoique compris dans l’intervalle de confiance – parmi les personnes se déclarant mécontentes du chef de l’Etat. 8
Ces observations apparaissent comparables sur d’autres thématiques plus sociétales (et pour lesquelles on pourrait penser que le niveau socioculturel supposé supérieur des internautes conduirait à des écarts significatifs avec les résultats recueillis par téléphone) notamment, par exemple, concernant l’enjeu des OGM et leur éventuelle présence dans les produits alimentaires. Signalons toutefois que les écarts en intensité dans chacun des pôles s’avèrent ici sensiblement plus forts, sans remettre en cause – une fois de plus – l’équilibre observé entre chacun des pôles structurant l’opinion publique. Enquête par Enquête par Ecarts observés Question : A propos de la présence éventuelle téléphone Internet (valeur absolue) d’OGM dans les produits alimentaires, diriez- (n=1008) (n=1000) vous que vous êtes personnellement très inquiet, plutôt inquiet, indifférent, plutôt pas inquiet ou pas inquiet du tout ? (%) (%) Total Inquiet ............................................................ 68 67 -1 Très inquiet .......................................................... 35 29 -6 Plutôt inquiet ....................................................... 33 38 +5 Indifférent ................................................................ 17 16 -1 Total Pas Inquiet ...................................................... 15 17 +2 Plutôt pas inquiet ................................................. 11 10 -1 Pas inquiet du tout............................................... 4 7 +3 - Ne se prononcent pas .............................................. - - = TOTAL .......................................................................... 100 100 - Cette proximité des résultats entre les modes de recueil téléphonique et par internet mis en œuvre à l’Ifop se vérifie-t-elle également par comparaison avec des mesures réalisées par d’autres instituts ? Les post-tests de l’intervention télévisée de Nicolas Sarkozy du 24 avril 2008 réalisés par l’Ifop et CSA abondent dans le sens des observations précédentes. Les résultats enregistrés auprès des téléspectateurs ayant suivi en totalité son intervention s’avèrent en effet extrêmement proches et démontrent à nouveau l’impact minime du mode de recueil en la matière, les écarts observés pouvant s’expliquer par les méthodologies propres à chaque institut. Ces écarts sont également du même niveau que ceux observés régulièrement entre les sondages de deux instituts réalisés avec le même mode de recueil. 9
IFOP CSA Ecarts Question Ifop : Diriez-vous que, lors de son intervention télévisée Enquête par Enquête par observés d’hier soir, Nicolas Sarkozy a été très convaincant, assez Internet téléphone (valeur convaincant, peu convaincant, pas du tout convaincant ? (%) (%) absolue) Question CSA : Estimez-vous que lors de son intervention télévisée ce jeudi 24 avril intervenant un an après son élection à la Présidentielle, Nicolas Sarkozy a été très convaincant, assez convaincant, peu convaincant ou pas du tout convaincant ? Total Convaincant ........................................................................... 60 61 1 Très convaincant ......................................................................... 22 20 2 Plutôt convaincant ...................................................................... 38 41 3 Total Pas convaincant ..................................................................... 40 38 2 Plutôt pas convaincant ................................................................ 21 22 1 Pas du tout convaincant .............................................................. 19 16 3 - Ne se prononcent pas ...................................................................... - 1 1 TOTAL .................................................................................................. 100 100 - La fiabilité d’un mode de recueil, quel qu’il soit, s’évalue également par sa capacité à produire des enquêtes dont les résultats s’inscrivent en cohérence avec ceux précédemment obtenus dans le cadre d’études barométriques. A ce titre, le suivi réalisé par l’Ifop sur le rapport des Français au mariage homosexuel et au droit d’adopter pour les couples de même sexe depuis mai 1995 apporte des éléments complémentaires sur la fiabilité des enquêtes réalisées en ligne. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’impact du changement de mode de recueil (du téléphone vers l’Internet) s’avère inexistant, les écarts observés en 2008 par comparaison avec ceux de 2004 n’étant pas statistiquement significatifs. Graphique 1 – L’adhésion des Français au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels. 64% 62% 56% 55% 51% 48% 49% 51% 39% 37% 37% 33% Mai 1995 Juin 1996 Juin 2000 Juin 2003 Mai 2004 Juin 2008 (téléphone) (téléphone) (téléphone) (téléphone) (téléphone) (Internet) De se marier D'adopter, en tant que couple, des enfants 10
Plus récemment, le suivi du niveau d’inquiétude des Français face à la crise économique et financière réalisé depuis septembre 2008 par l’Ifop abonde dans ce sens (graphique 2). Les tendances observées d’une vague d’enquête à une autre apparaissant pour le moins indépendantes du mode de recueil et davantage liées à l’actualité économique et sociale, particulièrement riche ces derniers mois. Graphique 2 - Le niveau d’inquiétude face à la crise économique et financière. .Le niveau d’inquiétude face à la crise économique et financière. Question : Vous personnellement, en pensant à la crise économique et financière, diriez-vous que vous êtes tout à fait inquiet, plutôt inquiet, plutôt pas inquiet ou pas du tout inquiet pour l’économie française ? Journée de grève puis sommet social du 18 Le discours de Toulon entraîne février 2009 une baisse mais seulement momentanée de l’inquiétude 85% 84% 85% 81% 77% 72% % « très inquiet » 35% 27% 23% 19% 20% 15% 18-19 septembre 2008 7-8 octobre 2008 16-17 octobre 2008 27-28 Novembre 2008 6-9 Janvier 2009 24-26 février 2009 Téléphone Internet Téléphone Téléphone Internet Internet 11
Conclusions. Ces précisions méthodologiques et ces premiers éléments comparatifs attestent donc de la fiabilité des données recueillies à l’occasion d’enquêtes quantitatives réalisées par Internet. Elles contredisent les discours critiques entendus à leur encontre et démontrent de l’intérêt à recourir à ce mode de recueil. Toutefois, il serait dommageable pour un institut comme l’Ifop de remplacer les modes de recueil traditionnels (téléphone, face-à-face) par une solution tout internet. Bien au contraire, ce nouveau mode de recueil doit être appréhendé comme un outil supplémentaire au service de la recherche sociale, politique et marketing. Ni plus, ni moins. Internet, comme tous les autres modes de recueil, présente des avantages et des inconvénients. Particulièrement adaptées pour l’administration de questionnaires courts et des études portant sur des sujets potentiellement sensibles (politiques, intimes), les enquêtes en ligne le sont nettement moins pour des questionnements complexes où l’intervention d’un enquêteur professionnel s’avèrera déterminante pour la réussite du dispositif. Au-delà du mode de recueil, on oublie trop souvent que la qualité des informations recueillies dépend étroitement des protocoles méthodologiques mis en œuvre et du sérieux des équipes en charge de la réalisation des études. A l’Ifop, les sondages réalisés par internet s’appuient sur soixante dix années d’expérience dans le domaine des études, un atout non négligeable dans un monde en perpétuel mouvement. Yves-Marie CANN yves-marie.cann @ ifop.com Directeur d’études au département Opinion et Stratégies d’entreprise Ifop 12
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