Symptômes musculaires associés aux statines : quelle prise en charge en 2018 ? - Revue ...
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REVUE MÉDICALE SUISSE Symptômes musculaires associés aux statines : quelle prise en charge en 2018 ? Drs CHRISTOPHE KOSINSKI a, CHRISTEL TRAN b, Prs THIERRY KUNTZER c, NICOLAS RODONDI d et Dr TINH-HAI COLLET a Rev Med Suisse 2018 ; 14 : 462-9 Les statines représentent la première ligne de traitement en cas Depuis plusieurs décennies, les inhibiteurs de la 3-hydroxy- d’hypercholestérolémie, que ce soit en prévention primaire ou 3-méthylglutaryl coenzyme-A (HMG-CoA) réductase, appelés secondaire des maladies cardiovasculaires. C’est l’une des communément statines, sont le traitement de première ligne classes médicamenteuses les plus prescrites au monde, mais qui de l’hypercholestérolémie, que ce soit en prévention primaire fait l’objet de controverses médiatisées. De nombreux effets ou secondaire des maladies CV. Malgré les bénéfices démon- indésirables ont été attribués à la prise de statines, notamment trés par des études robustes, avec une réduction à long terme les symptômes musculaires associés aux statines (SMAS). On de la mortalité CV et non CV, ainsi que des événements CV,1 relève différents types d’atteinte, d’intensité croissante (de les statines font l’objet d’une controverse menant souvent les myalgies fréquentes à une myosite sévère mais rare, voire une patients à l’arrêt du traitement. Dans une récente étude rhabdomyolyse), pouvant mener à l’arrêt du traitement. Au vu italienne, seuls 55 % des patients à haut risque CV, traités en du défi que représentent les SMAS dans la pratique courante prévention primaire, prenaient encore leur statine après six ambulatoire, cet article donne au praticien un aperçu de la litté- mois.2 Une des raisons principales de l’arrêt est la présence rature récente, ainsi qu’une proposition de prise en charge à d’effets indésirables à prédominance musculaire,3 touchant partager avec le patient. de 5 à 20 % des patients selon les études.4 Le degré d’atteinte varie de douleurs ou crampes musculaires, parfois des fai- blesses musculaires, à des myalgies invalidantes, jusqu’à de Statin-associated muscle symptoms : Current rares atteintes systémiques (rhabdomyolyse), hépatique et/ management in 2018 ou rénale.5 Statins are the first line treatment in hyperlipidemia, either in primary or secondary prevention of cardiovascular diseases. One Les statines ont également souvent mauvaise réputation of the most prescribed drug class worldwide, this drug class is dans la population générale, phénomène probablement vé- often the focus of highly publicized drug controversies. Various hiculé par certains médias et Internet, ainsi que l’avis néga- adverse effects have been attributed to statins, in particular sta- tif de certains professionnels de santé, renforçant des tin-associated muscle symptoms (SAMS ). This condition varies in craintes et un certain ressentiment. Cependant, une adhé- severity (from frequent isolated myalgia to rare severe myositis, rence diminuée au traitement est associée à un moins bon even rhabdomyolysis) and often leads to treatment termination. pronostic CV.6 Because SAMS are a daily challenge in clinical practice, we review here the recent medical literature on this topic and suggest a Cet article propose une mise à jour sur les symptômes muscu- management strategy to be shared with the patient as an active laires associés aux statines (SMAS), ainsi qu’une proposition partner. de prise en charge de cette problématique fréquente dans la pratique ambulatoire. INTRODUCTION DÉFINITION DES SYMPTÔMES MUSCULAIRES L’hypercholestérolémie est l’un des facteurs de risque ma- jeurs d’événements et de mortalité cardiovasculaires (CV). ASSOCIÉS AUX STATINES Les atteintes musculaires peuvent être d’intensité variable et touchent de préférence les groupes musculaires proxi- maux. Différentes définitions existent ; nous retiendrons la classification plus récente et détaillée du groupe d’experts a Consultation spécialisée des lipides, Service d’endocrinologie, diabétologie de l’European Atherosclerosis Society (EAS, tableau 1).7 Le et métabolisme, CHUV, Avenue de la Sallaz 8, 1011 Lausanne, diagnostic de SMAS est souvent difficile en raison du carac- b Service de médecine génétique, CHUV, Avenue de Beaumont 29, 1011 tère subjectif des symptômes, mais également du jugement Lausanne, c Unité Nerf-Muscle, Service de neurologie, CHUV, Rue du Bugnon 46, du clinicien dont le biais cognitif peut influencer son éva- 1011 Lausanne, d Consultation des Lipides, Policlinique médicale, Clinique luation. De plus, le seul paramètre de laboratoire facile- universitaire de médecine interne générale, Hôpital de l’Ile, et Berner Institut für Hausarztmedizin (BIHAM), Université de Berne, 3000 Berne ment évaluable (créatine kinase, CK) est le plus souvent Christophe.Kosinski@chuv.ch | Tinh-Hai.Collet@chuv.ch normal chez les patients avec des SMAS, alors que d’autres Christel.Tran@chuv.ch | Thierry.Kuntzer@chuv.ch | Nicolas.Rodondi@insel.ch patients asymptomatiques peuvent présenter une élévation WWW.REVMED.CH 462 28 février 2018
REVUE MÉDICALE SUISSE TABLEAU 1 Définition des symptômes musculaires associés aux statines (SMAS) Adaptée du consensus 2015 du groupe d’experts de l’EAS.7 CK : créatine kinase (taux total par opposition aux CK-MB spécifiques, anciennement utilisées dans le diagnostic d’infarctus du myocarde) ; EAS : European Atherosclerosis Society ; LSN : limite supérieure de la norme ; ↓ : diminution. Entité Myalgies Myopathie modérée Myopathie sévère Myosite Rhabdomyolyse Symptôme(s) Symptômes variables : Symptômes : Symptômes musculaires associé(s) douleurs musculaires, crampes, raideur douleurs généralisées, typiquement similaires proximales, crampes, raideur, faiblesse, fatigue ± symptômes liés à l’atteinte rénale Biomarqueur(s) CK CK élevée : CK élevée : CK élevée : CK très élevée : et leur suivi normale 1 à 4 × LSN 4 à 10 × LSN > 10 × LSN > 40 × LSN et Suivi des CK Suivi des CK Compléter par un bilan rénal ↓ de la fonction rénale ± myoglobinurie/-émie Commentaires Souvent liée Souvent liée Appelée « myopathie » par d’autres classifica- à une activité physique à une activité tions, l’EAS propose cette appellation augmentée, travail physique pour en distinguer la sévérité de force augmentée, travail de force Incidence estimée à 1:10 000 Incidence estimée < 1:10 000 Eventuel bilan thyroïdien Stop statine Parfois maladie musculaire sous-jacente, pour le diagnostic (au moins biopsie pas obligatoire pour ce diagnostic différentiel, autres causes transitoirement) Arrêt définitif de la statine utilisée Hospitalisation urgente des CK pour d’autres raisons (activité physique, travail de Facteurs de risque force ou hypothyroïdie). Un autre groupe d’experts pro- TABLEAU 3 de développer un SMAS pose un score clinique qui permet d’explorer la probabilité de myalgies due aux statines, mais qui n’est pas validé IMC : indice de masse corporelle (kg/m2) ; CK : créatine kinase (taux total par opposition aux CK-MB spécifiques, anciennement utilisées dans le diagnostic (tableau 2).8 d’infarctus du myocarde). Finalement, il existe de nombreux facteurs de risque pour Facteurs liés au traitement les SMAS (tableau 3).9‑11 Relevons surtout que le risque de X Posologie élevée de statines développer des SMAS augmente avec le dosage de statine X Interactions avec d’autres médicaments, surtout les inhibiteurs ou les substrats et l’âge. du CYP3A4 : - Autres hypolipémiants : fibrates, acide nicotinique - Médicaments cardiaques : amiodarone, vérapamil, diltiazem - Anti-infectieux : antifongiques, macrolides, inhibiteurs de la protéase Score clinique de symptômes - Warfarine TABLEAU 2 musculaires associés aux - Ciclosporine X Polypharmacie (risque d’interactions augmenté) statines (SMAS ) Score proposé dans une revue,8 purement indicatif et non validé, mais Facteurs liés au patient permettant d’explorer les symptômes musculaires nouveaux ou augmentés de façon inexpliquée. X Facteurs démographiques - Age avancé (prudence après 75 ans) Caractéristiques Points - Sexe féminin - IMC bas Localisation des myalgies - Origine asiatique X Cuisses, symétrique 3 X Mollets, symétrique 2 X Maladies X Membre supérieur, proximale, symétrique 1 - Myopathies préexistantes X Non spécifique, asymétrique, intermittente 0 - Maladie aiguë ou systémique - Atteinte de la fonction hépatique ou rénale, y compris cholestase Temporalité - Hypothyroïdie, diabète, déficit en vitamine D X Début < 4 semaines 3 - Chirurgie importante ou traumatisme sévère X Début 4‑12 semaines 2 - Post-transplantation X Début > 12 semaines 1 - Antécédents personnels ou familiaux de myopathies (en lien avec les hypolipémiants ou pas) ou tendinopathies Evolution à l’arrêt du traitement (dechallenge) - Antécédents d’augmentation des CK X Amélioration à l’arrêt en < 2 semaines 2 - Crampes inexpliquées X Amélioration à l’arrêt en 2‑4 semaines 1 X Pas d’amélioration à l’arrêt 0 X Variations génétiques (polymorphismes) des cytochromes Nouvel essai avec une autre statine (rechallenge) X Récidive des mêmes symptômes en < 4 semaines 3 X Habitudes de vie X Récidive des mêmes symptômes en 4‑12 semaines 1 - Consommation excessive d’alcool - Consommation de jus de pamplemousse ou de canneberge (induction de Score clinique cytochromes, voir ci-dessous) X 9‑11 points = SMAS probable - Activité physique intense X 7‑8 points = SMAS possible - Usage de drogues (cocaïne, amphétamines, héroïne) X < 7 points = SMAS peu probable (Adapté des réf.9‑11). WWW.REVMED.CH 464 28 février 2018
REVUE MÉDICALE SUISSE PHYSIOPATHOLOGIE de statine permet d’atteindre une baisse de 21,3 % du LDL- cholestérol (vs 8,3 % chez les patients l’ayant arrêtée), pas si Plusieurs hypothèses sont proposées pour la pathogenèse des éloignée de l’effet de la prise quotidienne (baisse de 27,7 %).16 SMAS, mais aucune ne se démarque pour l’instant. Parmi les plus fréquemment avancées, la dysfonction mitochondriale L’intolérance aux statines est également coûteuse : en cas ou l’altération de l’utilisation de l’énergie cellulaire par d’arrêt du traitement, les patients à haut risque CV sont déplétion en coenzyme Q10 (CoQ10) pourrait être induite susceptibles de développer des événements CV non fatals, par la prise de statine. La CoQ10 agit comme transporteur entraînant un coût moyen augmenté de 20 % dans les 24 mois d’électrons dans la chaîne respiratoire, étape essentielle de la suivant l’événement.17 Dans les analyses de sous-groupes, ce synthèse d’ATP (adénosine triphosphate). Cependant, le lien ratio était significativement plus élevé chez les patients avec entre déplétion en CoQ10 et SMAS n’est pas clairement un syndrome coronarien aigu (59 %), mais aussi en préven- établi. La dysfonction mitochondriale liée à la prise de statine tion primaire (13 %). Finalement, dans une étude récente de apparaîtrait aussi chez le sujet sain ou asymptomatique, près de 105 000 patients sous statines d’intensité modérée à remettant en question cette association.12,13 haute, suite à un infarctus du myocarde, 1,65 % ont présenté une intolérance aux statines.18 Comparés aux patients avec D’autres pistes intéressantes sont la diminution du contenu une bonne adhérence aux statines (définie par ≥ 80 % de en cholestérol dans les myocytes résultant en une déstabilisa- prise), ceux avec une intolérance avaient un plus haut risque tion des membranes, une altération de l’homéostasie calcique de récurrence d’événement CV. augmentant l’expression des ryanodine receptor 3 localisés dans la membrane des tubules T musculaires, ou une diminu- En raison de leur caractère très subjectif, les SMAS sont par- tion de la biodisponibilité des isoprénoïdes (farnésyl-pyro- fois mis en doute, évoquant un potentiel effet nocebo (effet phosphate et géranyl-pyrophosphate) lesquels diminuent le négatif non directement lié à la molécule). Dans une méta- risque d’apoptose ainsi qu’une augmentation de l’expression analyse ne comprenant que les études randomisées de > 1000 de l’atrogine-1, associée à l’atrophie musculaire.14 patients suivis pendant > 1 an, les 125 000 patients sous sta- tines versus placebo ont eu des taux d’arrêt de traitement et Les interactions médicamenteuses jouent un rôle important. de myopathies similaires entre les deux groupes.19 Néan- Certaines statines (simvastatine, atorvastatine, lovastatine) moins, ces résultats ne doivent pas inciter le clinicien à bana- sont métabolisées par le cytochrome 3A4 (CYP3A4), une voie liser la symptomatologie rapportée par le patient. Un effet métabolique empruntée par de nombreux médicaments et nocebo peut être suspecté en cas de localisation ou de symp- donc source d’un plus grand risque d’effets indésirables, tomatologie atypique, en l’absence d’anomalie biologique surtout en cas de polypharmacie. La rosuvastatine et la flu- concomitante. Il faut toutefois aborder ce sujet avec tact, au vastatine étant métabolisées par le CYP2A9, elles seraient risque de remettre en question la relation thérapeutique avec théoriquement moins à risque d’interactions médicamen- les patients. teuses,15 ainsi que la pravastatine et la pitavastatine qui sont éliminées sans l’action des cytochromes ; cependant, toutes La communication est cruciale, les patients étant assaillis par les statines ont été associées à des cas de rhabdomyolyse. divers avis dans leur entourage, les médias et les réseaux Enfin, notons l’émergence d’aspects pharmacogénétiques, sociaux. Une étude danoise de 675 000 patients sous statines notamment des polymorphismes des cytochromes précités.15 a analysé l’impact des nouvelles relayées par les médias sur les statines.20 En cas d’informations négatives, les auteurs ont noté un arrêt précoce du traitement (odds ratio (OR) : 1,09 ; APERÇU DE LA LITTÉRATURE RÉCENTE IC 95 % : 1,06‑1,12), ce qui n’était pas le cas lors d’informations à caractère positif (OR : 0,92 ; IC 95 % : 0,90‑0,93). Les auteurs Longtemps ignorés, plusieurs études ont récemment exploré relèvent également que le nombre d’articles par année sur les les effets secondaires associés aux statines, dont les SMAS. statines dans les médias danois a plus que décuplé en 15 ans, Dans un collectif de 110 000 patients,4 les symptômes étaient passant de 30 par an en 1995 à 400 par an en 2009. Une autre très variables avec environ 5 % de myalgies ou myopathies, étude récente en Grande-Bretagne21 a montré que chaque mais seulement 0,9 % d’élévation des CK et 0,006 % de rhab- parution controversée dans la presse (médicale et grand domyolyse. Les autres causes principales d’arrêt étaient mus- public) sur les risques et bénéfices des statines était suivie culosquelettiques (spasmes musculaires, arthralgies, 2,5 %), d’une augmentation transitoire de l’arrêt des statines, qu’elles générales (asthénie, douleurs, 2,3 %), hépatobiliaires (2,1 %) soient prescrites en prévention primaire ou secondaire. ou gastro-intestinales (1,6 %). Cependant, la grande majorité des patients (> 90 %) ayant eu un effet indésirable avec une statine ont pu en tolérer une autre par la suite.4 ALTERNATIVES THÉRAPEUTIQUES En cas d’intolérance menant à l’arrêt complet des hypolipé- Coenzyme Q10 (CoQ10 ou Q10) miants, le risque d’événement CV est augmenté.11 Il est donc La réduction en CoQ10 a été proposée comme possible méca- nécessaire de bien informer les patients des potentiels effets nisme dans le développement des SMAS (voir ci-dessus). Elle indésirables et surtout de l’attitude à adopter. En effet, la existe sur le marché sous différentes formes galéniques pour statine incriminée ne doit pas forcément être complètement la substitution, mais aucun effet bénéfique n’a été trouvé dans arrêtée : le dosage peut être diminué ou la prise se faire de une récente méta-analyse.22 De plus, ce traitement n’est pas façon intermittente sur une courte période. Une étude rétro pris en charge par les caisses maladie et son prix peut avoisi- spective de 1 600 patients a montré que la prise intermittente ner une centaine de francs par mois. WWW.REVMED.CH 466 28 février 2018
PRÉVENTION CARDIOVASCULAIRE Vitamine D PROPOSITION DE PRISE EN CHARGE Un déficit en vitamine D pouvant induire des myalgies En cas de SMAS, il est nécessaire d’effectuer une anamnèse aspécifiques, plusieurs études se sont penchées sur l’éven- détaillée (chronologie des symptômes par rapport à l’intro- tuel lien avec les SMAS avec des résultats contradictoires. duction et l’arrêt de(s) statine(s), historique des posologies, Certaines études ont montré que la plupart de ces patients caractéristiques des douleurs, impact dans la vie quoti- avaient des taux de vitamine D abaissés,23 alors que d’autres dienne…) et un examen clinique ciblé. Un bilan biologique est n’ont pas montré de lien entre déficit en vitamine D et nécessaire, afin d’évaluer la fonction rénale et hépatique, les SMAS.24 De ce fait, en l’absence de comorbidité avec une CK et la TSH. La vitamine D peut également être mesurée au indication validée (rénale, osseuse, malabsorption…), nous cas par cas. ne proposons pas de mesurer, ni de substituer la vitamine D de routine. En l’absence de diagnostic différentiel mis en évidence avec une intolérance à la statine prescrite, différentes alternatives Levure de riz rouge (Monascus purpureus) thérapeutiques se présentent. Il est possible de diminuer la dose, de prendre le traitement de manière intermittente (un Il n’est pas rare que les patients sollicitent l’avis des prati- jour sur deux ou deux fois par semaine) sur une courte ciens quant à l’utilisation de la levure de riz rouge, considé- période (pas de bénéfice CV démontré à long terme) ou de rée comme un « produit naturel ». En effet, cette levure a changer de molécule. En prévention primaire, il est aussi montré une baisse de 20‑30 % du LDL-cholestérol à court possible de proposer une fenêtre thérapeutique durant deux à terme,25 dû à la présence de monacoline K, similaire à la six semaines, afin que les symptômes récupèrent et que le lovastatine, une des anciennes statines. Ce produit est patient puisse distinguer d’éventuels nouveaux symptômes associé aux mêmes effets indésirables que les statines. De lors d’un futur essai avec une autre statine. En cas de rhabdo- plus, il n’est plus disponible en Suisse depuis 2014, notam- myolyse, ou en cas de CK supérieures à 5 fois la limite supé- ment en raison du risque de néphrotoxicité due à des rieure de la norme, le traitement devrait être stoppé jusqu’à contaminants et de la variabilité de sa concentration et de normalisation des CK. L’apparition d’un déficit moteur avec ses effets. limitation à la montée ou descente des escaliers devrait faire rechercher les auto-anticorps anti-HMG-CoA-réductase asso Chélateurs des acides biliaires, niacine et fibrates ciés aux myopathies nécrosantes auto-immunes. L’exposition Les deux premières classes de molécules n’étant quasiment Proposition d’algorithme de prise plus utilisées dans notre pratique courante, et les fibrates FIG 1 en charge en cas de SMAS surtout en cas d’hypertriglycéridémie, nous n’aborderons pas ce sujet dans cet article. Symptômes musculaires associés aux statines Ezétimibe Anamnèse, examen clinique, bilan biologique (créatinine, tests hépatiques, CK, TSH) L’ézétimibe est souvent utilisé en adjonction aux statines, avec une baisse attendue du LDL-cholestérol d’environ 24 % en association avec la simvastatine.26 En monothérapie, cette CK normales ou < 5 x la norme CK > 5 x la norme ± rhabdomyolyse baisse est plus modérée (diminution de 18,5 %),27 mais le bé- néfice CV n’est pas démontré en monothérapie. La fréquence et le type d’effets indésirables dus à ce traitement ne sont pas Essai avec une posologie réduite clairement documentés. Arrêt de la statine incriminée jusqu’à normalisation des CK et des symptômes Persistance de symptômes Inhibiteurs de la PCSK9 Essai avec une nouvelle statine à dose réduite Les inhibiteurs de la proprotéine convertase subtilisine/ (ou jours alternés pour une courte période) kexine de type 9 (PCSK9), évolocumab et alirocumab,28 sont une nouvelle classe de molécules ayant montré une baisse importante du profil lipidique. Ces nouveaux traitements ont échec ? Majoration progressive de la dose de la nouvelle statine jusqu’à la dose maximale tolérée pour atteindre été évoqués comme alternative pour les patients avec intolé- la cible de LDL-cholestérol rance à de multiples statines, car ils seraient moins associés avec les myalgies.29 Néanmoins, au vu de l’absence de données échec ? Ajout de l’ézétimibe 10 mg si la cible sur la prévention des événements CV avec des inhibiteurs de de LDL-cholestérol n’est pas atteinte la PCSK9 sans statine et de leur coût très élevé (CHF 7000.- par an en Suisse), la charge pour le système de santé d’une prescription trop large est actuellement très controversé.30 Si intolérance à 2, voire 3 statines et cible de LDL-cholestérol toujours Toute prescription doit être faite par un médecin spécialisé pas atteinte référer à une consultation spécialisée, avec une demande de prise en charge auprès de l’assurance par exemple pour discuter d’inhibiteur de la PCSK9 maladie, que ce soit en prévention primaire ou secondaire, ou en cas d’une hypercholestérolémie familiale, comme détaillé (Adaptée des recommandations des experts de l’European Atherosclerosis Society7 dans une revue récente.31 et de notre pratique clinique en consultation spécialisée). WWW.REVMED.CH 28 février 2018 467
REVUE MÉDICALE SUISSE aux statines reste un facteur causal majeur de myopathie dations actuelles de prise en charge. S’il faut remettre en nécrosante auto-immune. Le simple arrêt de la prise des question le traitement, différentes stratégies thérapeutiques statines ne suffit généralement pas pour enrayer la maladie et existent, menant parfois à l’arrêt provisoire des statines. le recours à un traitement immunosuppresseur est presque Néanmoins, en changeant de posologie, de s ubstance active toujours nécessaire, nécessitant la collaboration avec un neu- ou transitoirement de fréquence de prise du traitement, il est rologue. En cas d’atteinte rénale et/ou hépatique sévère, une presque toujours possible de trouver une statine tolérée par prise en charge spécialisée conjointe avec les néphrologues et le patient. hépatologues est nécessaire. Pour les traitements adjuvants, il n’y a actuellement pas de Après amélioration des résultats et des symptômes, si le pa- preuves scientifiques pour proposer une supplémentation en tient accepte la démarche, un essai thérapeutique peut se CoQ10 ou vitamine D. L’ézétimibe peut être ajouté à la statine faire avec une statine différente à la plus petite dose. Selon la dans le but d’atteindre la cible de LDL-cholestérol en pré littérature, il serait possible de trouver une statine à dose vention secondaire souhaitée sans devoir majorer de façon tolérable pour presque tous les patients, avec prise intermit- marquée la posologie de la statine. Enfin, il est surtout très tente du traitement à court terme, parfois même d’une à important d’informer le patient de manière ouverte concer- deux fois par semaine.7,16 En effet, une statine prise même à nant les différents effets indésirables et de partager les diffé- dose réduite est toujours meilleure que l’absence de statine rentes étapes de la démarche thérapeutique. chez des patients à (très) haut risque CV. De ce fait, il est également important d’expliquer et d’anticiper les potentiels effets indésirables avec le patient, avec une approche ouverte, en lui précisant qu’il existe plusieurs solutions si une intolé- Conflit d’intérêts : Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation rance devait réapparaître. La figure 1 résume les proposi- avec cet article. tions discutées ci-dessus, basées sur les recommandations des experts de l’European Atherosclerosis Society,7 ainsi que notre pratique courante. IMPLICATIONS PRATIQUES Les symptômes musculaires associés aux statines (SMAS) sont CONCLUSION fréquemment rencontrés dans la pratique médicale ambulatoire L’augmentation des SMAS va de pair avec celle de la prescrip- Ces symptômes sont responsables d’un coût supplémentaire et tion des statines, toujours dans l’optique d’obtenir un meilleur surtout d’un risque cardiovasculaire augmenté en cas d’arrêt du contrôle du LDL-cholestérol et de limiter les complications traitement CV. La prise en charge de cette symptomatologie fréquente Il n’y a actuellement pas de thérapie adjuvante reconnue pour représente un réel défi dans la pratique courante, en raison de diminuer les symptômes musculaires l’hétérogénéité des plaintes. Celles-ci peuvent également être influencées par des perceptions personnelles ou relayées par Plusieurs stratégies thérapeutiques permettent d’éviter l’arrêt d’autres. De ce fait, le praticien devrait être a ttentif à la repré- définitif de statine : soit la réduction de la posologie, une prise intermittente transitoire ou la rotation vers une autre statine sentation des statines qu’a le patient, ainsi que les recomman- 1 Ford I, Murray H, McCowan C, Packard Adherence to cardiovascular therapy: a 12 van Diemen MPJ, Berends CL, Akram 18 Serban MC, Colantonio LD, Manthri- CJ. Long-term safety and efficacy of meta-analysis of prevalence and clinical N, et al. Validation of a pharmacological pragada AD, et al. Statin intolerance and lowering low-density lipoprotein consequences. Eur Heart J model for mitochondrial dysfunction in risk of coronary heart events and cholesterol with statin therapy: 20-Year 2013;34:2940‑8. healthy subjects using simvastatin: A all-cause mortality following myocardial follow-up of West of Scotland Coronary 7 ** Stroes ES, Thompson PD, Corsini A, randomized placebo-controlled proof-of- infarction. 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