ÉTAT DES LIEUX DU MARCHÉ FRANÇAIS DE L'INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL - Édition 2018, données 2017 - Finansol
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ÉDITO Le comité consultatif français pour l’investissement à impact social a été créé fin 2013 sous l’impulsion du Ministre délégué chargé de l’Economie sociale et solidaire et de la Consommation Benoît Hamon et de Hugues Sibille vice-président du Crédit Coopératif. Cette création s’inscrivait dans le cadre de travaux d’une Taskforce sur l’investissement à impact social des sept pays du G7 présidée par Sir Ronald Cohen. Une trentaine d’experts français de l’investissement à impact social en France et à l’international, de l’entrepreneuriat social, de l’intermédiation auprès des acteurs de l’économie sociale et solidaire ont ainsi travaillé pendant un an à faire des propositions pour développer le marché français de l’IIS qui ont été regroupées dans un rapport publié en septembre 2014 sous le titre « comment et pourquoi favoriser les investissements à impact social ? innover financièrement pour innover socialement ». Ce rapport a été l’occasion de réaliser une cartographie des acteurs de l’écosystème français de l’IIS et de quantifier le marché. Quatre ans après la publication du rapport, il nous a semblé utile et nécessaire de mettre à jour ces chiffres pour constater que le marché s’était bien développé sur la période et que nous avions besoin de préciser davantage ses contours en restant fidèle à la définition de l’IIS français figurant dans le rapport 2014. Le comité consultatif français s’est rapproché d’une universitaire, Amélie Artis, maître de conférences en économie à l’Université Grenoble Alpes et au CNRS, responsable de la chaire ESS et du Parcours « Développement et expertise de l’économie » à Sciences Po Grenoble, qui n’a pas ménagé son temps et ses efforts pour développer une méthodologie d’analyse du marché en collaboration étroite avec les principaux acteurs. Cette étude permet à la France de montrer les spécificités de son marché et son savoir-faire dans le domaine de l’IIS à l’heure où l’investissement à impact se développe fortement à l’international (le Global Steering Group for Impact Investment qui a pris la suite de la taskforce compte aujourd’hui 22 pays) mais aussi où les contours de ces investissements sont plus flous et sujets à discussion. Cyrille Langendorff Président de l’Impact Invest Lab et du Comité consultatif français pour l’investissement à impact social « Regroupant des financiers d’horizons différents, l’investissement à impact cristallise aujourd’hui les aspirations de notre société : orienter l’investissement dans des projets ayant des impacts sociaux et/ou environnementaux afin de construire une société plus durable. Cependant cette finance à visée sociétale reste encore en construction. Dans cette perspective, l’écosystème de l’IIS en France a plusieurs spécificités à faire connaître et reconnaître sur la scène internationale, objectif auquel répond cette étude. » Amélie Artis Responsables de publication : Amélie ARTIS Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE, France Cyrille Langendorff Président de l’Impact Invest Lab et du Comité consultatif français pour l’investissement à impact social 3
ÉTAT DES LIEUX DU MARCHÉ FRANÇAIS DE L’INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL ÉDITION 2018, DONNÉES 2017 INTRODUCTION Cette étude a été commanditée par le Comité Consultatif national sur l’Investissement à Impact social composé des principaux acteurs engagés dans ce champ. Il succède au premier rapport réalisé en 2014 intitulé « Comment et pourquoi favoriser les investissements à impact social. Innover financièrement pour innover socialement ». Pour la première fois, ce rapport intégrait une estimation du marché de l’investissement à impact social (IIS) en France et des recommandations pour le soutenir. Aujourd’hui, de nouveaux acteurs ont émergé, des acteurs historiques ont confirmé et amplifié leurs engagements dans l’IIS, mais la visibilité de l’IIS reste à améliorer. La présente étude n’est pas une simple mise à jour. Elle propose une méthodologie nouvelle dans la mesure de l’IIS et une analyse spécifique de l’écosystème français de l’IIS. Le périmètre de l’étude est l’ensemble des acteurs qui déclarent développer des IIS. D’un point de vue méthodologique, cette étude s’appuie sur des données secondaires produites par des collectifs d’acteurs professionnels de l’IIS ou par les investisseurs eux-mêmes. Les résultats ne sont pas strictement comparables car les bases de calcul ont été affinées. Les objectifs de cette étude sont : 1 Mesurer le poids de l’investissement à impact social par des indicateurs, et cartographier les acteurs et les produits de l’investissement à impact social ; 2 Inscrire ces résultats dans une approche internationale et comparative Nous souhaitons remercier l’ensemble des acteurs qui ont contribué à ce rapport par la participation au comité de pilotage et par la communication d’informations : AFD - SelvanPajaniradja, Bpifrance - Thomas Saleh, Banque des territoires / Caisse des Dépôts - Marylène Viala-Claude, INCO - Jean-Michel Lécuyer, Crédit Coopératif - Cyrille Langendorff et Ony Razafintsalama, France Invest Commission Impact - Mathieu Cornieti, Finansol - Frédéric Fourrier et Guillaume Viandier, Impact Invest Lab - Raphaëlle Sebag et Pauline Boulanger et Simandef - Gaspard Verdier. 5
SOMMAIRE ÉTAT DES LIEUX DU MARCHÉ FRANÇAIS DE L’INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL Partie I : Estimation du marché de l’investissement à impact social en France 9 1. Les instruments financiers de l’IIS 10 2. Les thématiques de l’IIS 12 3. La mesure du marché de l’IIS 12 4. Les acteurs de l’écosystème de l’IIS 14 Partie II : Perspectives internationales 17 1. La place de l’IIS dans le monde 18 2. Les spécificités américaines dans l’IIS 18 3. Le marché italien de l’IIS 20 Partie III : Focus 23 L’Investissement à Impact social et les grandes Entreprises 24 Les contrats à impact social dans le cadre de l’IIS 24 Les fondations et l’IIS 25 Le capital investissement à impact social et la finance solidaire 26 Annexes 29 1. Précisions méthodologiques 30 2. Données brutes 31 Tableaux des illustrations Figure 1 : Périmètre des instruments financiers de l’IIS 10 Figure 2 : Le périmètre de l’IIS 11 Figure 3 : Les thématiques de l’IIS 12 Figure 4 : Les circuits directs et indirects de l’IIS 13 Figure 5 : Les canaux de commercialisation de l’IIS 14 Figure 6 : Les acteurs de l’écosystème du marché de l’IIS 15 Figure 7 : Comparaison des définitions de l’IIS existantes aux Etats-Unis 19 7
1. LES INSTRUMENTS FINANCIERS DE L’IIS Le Comité Consultatif national sur l’Investissement à Impact Social définit l’Investissement à Impact social (IIS) comme « un investissement qui allie explicitement retour social et retour financier sur investissement. L’investissement à impact social implique en conséquence l’établissement d’objectifs sociaux prioritaires et spécifiques dont l’impact est mesurable par un processus continu d’évaluation. Ces investissements peuvent être réalisés dans tous types juridiques d’organisations ayant un modèle économique pérenne, et viser des niveaux de rémunération s’étendant de l’absence de rémunération à des rendements proches du marché. » (Comité Consultatif Français sur l’Investissement à Impact Social, 2014). Par conséquent plusieurs critères doivent être observés simultanément : l’intentionnalité d’atteindre des objectifs sociaux, la recherche d’un rendement financier et la mesurabilité de l’impact. De ce fait, par rapport aux instruments financiers de la finance solidaire ou à l’investissement socialement responsable, l’IIS exclut : • Les actifs n’ayant pas de retour financier pour l’investisseur comme les produits d’épargne de partage, les dons privés ou les subventions des acteurs publics ; • Les investissements dont l’intentionnalité et/ ou la mesurabilité de l’impact ne sont pas effectifs (en particulier dans l’ISR). A partir de cette définition, des critères d’inclusion et d’exclusion des instruments financiers de l’IIS sont définis, permettant de les identifier dans l’ensemble des produits d’investissements traditionnels et solidaires. Figure 1 : Périmètre des instruments financiers de l’IIS CRITÈRES D’INCLUSION CRITÈRES D’EXCLUSION Le produit est un investissement Le produit n’est pas un investissement au sens strict Inclusion des encours qui permettent une intervention en fonds propres, quasi fonds Exclusion des produits d’épargne de partage, propres et dette privée des garanties et des subventions (i.e. toutes les ressources de don privé ou public) Inclusion uniquement des encours dans des entreprises solidaires des fonds mixtes Il n’y a pas d’objectifs sociaux (90/10 ou autres produits compilés) et spécifiques Inclusion des engagements avec une mesure Exclusion des produits sans mesure d’impact d’impact régulière et spécifique et/ou alimenté ou labellisation. par de l’épargne solidaire (labellisation par Finansol) 1 La labellisation par Finansol s’appuie sur un processus de contrôle annuel établi selon les critères du label : solidarité, transparence et financement d’activités à forte utilité sociale et/ou environnementale. Cette labellisation vérifie le respect de critères stricts sur ces 3 dimensions. 10
Les instruments financiers de l’IIS se caractérisent par l’intentionnalité recherchée par le financeur à impact social et environnemental et par la mesure réelle de ces impacts. De ce fait, le financeur explicite les impacts recherchés et leurs outils de mesure dans les documents d’informations. Ces caractéristiques distinguent ces outils financiers des prêts bancaires et investissements en fonds propres traditionnels. Le champ de l’IIS est en fort développement. La méthodologie choisie dans cette étude s’appuie sur les réseaux professionnels de l’IIS institutionnalisés et en capacité à produire des chiffres sur les engagements de leurs membres. Nous n’avons pas pu intégrer de façon systématique les acteurs non affiliés et les segments de l’IIS en construction. Plusieurs segments de l’IIS sont donc partiellement absents de la mesure du marché dans cette étude. Par exemple, nous n’avons pas intégré les montants de la finance participative orientée vers l’IIS. Les fondations, de manière générale, ont peu d’actions organisées et mesurables dans l’IIS. De même, du fait de leur émergence et du manque de données, nous n’avons pas intégré tous les fonds d’investissements et les fondations des grandes entreprises dédiés à l’IIS. Ce segment2 tend à se développer par la création de fonds d’investissements, dont certains sont alimentés par l’épargne salariale solidaire (ex : Renault, Schneider). Ces fonds sont gérés par l’entreprise ou sous la gestion d’un financeur spécialisé dans l’IIS. De même, les contrats à impact social ne sont pas pris en compte dans leur intégralité3. À date d’écriture de ce rapport, un seul contrat à impact social a été contractualisé en 2017. Ce type d’instrument a toutefois vocation à se développer et plusieurs contrats sont en cours de contractualisation en 2018. Ces segments de l’IIS sont en développement et leur prise en compte sera à intégrer dans l’actualisation de l’état des lieux de l’IIS en France pour les années à venir. Figure 2: Le périmètre de l’IIS INSTRUMENTS EXCLUS PÉRIMÈTRE DE L’IIS DE L’ISS L’investissement à impact social : Produits d’épargne de partage Investissements en fonds propres et quasi fonds Garanties propres et en dette privée Subventions + solidaires / impact social et/ou environnemental Tous produits sans mesure d’impact + avec une mesure d’impact Contrats à impact social Finance participative Ces instruments de l’IIS ne sont pas inclus dans cette étude, Investissements des fondations par manque de données Les fonds IIS des grandes entreprises 2 Les informations sur l’IIS et les grandes entreprises ont été peu abordées dans cette étude. Les informations utilisées sont issues de Christine et Al (2018), Investissement à impact social et grandes entreprises, Sciences Po et Le comptoir de l’Innovation. 3 Pour la BDT/CDC les contrats à impact social sont intégrés dans le montant annuel des investissements 11
2. LES THÉMATIQUES DE L’IIS L’IIS se caractérise par l’identification et la mesure d’impacts sociaux et environnementaux. Une typologie des actions financées par l’IIS est produite à partir des catégories d’impacts utilisées par les acteurs. Il est possible de regrouper les actions soutenues par l’IIS dans les thématiques suivantes : Figure 3 : Les thématiques de l’IIS Impact Environnement / Activités écologiques Impact Social et territoire incluant Impact Inclusions & Emploi Citoyenneté / Lutte contre exclusion / Culture, lien social, et Impact pour éducation populaire le développement local IIS Impact Santé Impact / Actions sanitaires Solidarité et sociales Internationale 3. LA MESURE DU MARCHÉ DE L’IIS Les encours sous gestion de l’IIS fin 2017 En France, les encours sous gestion des produits de l’IIS représentent 3 227 millions d’euros au 31/12/20174. Ce montant comptabilise l’ensemble des investissements et des engagements des financeurs privés et publics de l’IIS, par des circuits directs et intermédiés (par exemple : gestion pour des tiers, ou gestion hors mandats) qui sont collectés et disponibles pour l’IIS, et/ou en cours d’investissements. Ces 3 227 millions d’euros sont issus en grande majorité (96%) d’encours gérés par les membres de France Invest Impact ou d’encours collectés sur des produits labelisés Finansol. Les souscriptions de Bpifrance dans les fonds gérés par des sociétés de gestion spécialisées dans l’IIS sont comprises dans ces 96% et s’élèvent à 86 millions d’euros à fin 20175. Une estimation des encours gérés par le Groupe Agence Française de Développement et la Banque des Territoires / Groupe Caisse des Dépôts est également comprise dans l’encours IIS à fin 2017. 4 Les chiffres sont arrondis. 5 Attention, pour éviter un doublon dans les encours sous gestion , ce chiffre n’est pas ajouté aux contributions des autres acteurs de l’IIS. En effet, la Banque Publique d’Investissement investit dans des fonds d’investissement dont les encours sont compatibilités dans les chiffres fournis par Finansol et/ou membres de France Invest Impact. 12
Une des caractéristiques de l’IIS en France est que la majorité des ressources financières est commercialisée et collectée par le biais des réseaux bancaires et financiers généralistes et de proximité, et par des acteurs spécialisés. Les produits de collecte commercialisés peuvent être exclusivement dédiés à l’IIS ou être des produits dits « mixtes » car ils associent du financement à impact social et du financement ordinaire. Une part importante des ressources sur lesquelles s’appuie l’IIS provient de l’épargne solidaire. Au sein de cette épargne, les placements d’épargne salariale constituent une part majeure. Ces produits ont la particularité d’être « hybride » et de n’orienter que 10% de la collecte vers des investissements à impact social (les chiffres publiés ci-dessus ne prennent en compte, pour ce type de fonds, que ces 10%). Les montants investis en IIS pendant l’année 2017 Les investissements réalisés sur l’année 2017 représentent 408 millions d’euros. Pour l’année 2017 uniquement, les produits labélisés par Finansol6 ont permis de financer pour un montant total de 286 millions d’euros. Les agences et institutions financières publiques sont aussi engagées dans l’IIS à travers les contributions des trois organismes principaux : l’Agence Française de Développement, la Banque Publique d’Investissement7 et la Banque des Territoires / Groupe Caisse des Dépôts. L’Agence Française de Développement contribue environ à hauteur de 60 millions d’euros en IIS à travers ses prêts et son fonds FISEA pour l’année 2017. La contribution de la Banque des Territoires / Caisse des Dépôts en 2017 s’élève à hauteur de 62 millions d’euros (hors mandats PIA, FCS). Figure 4 : Les circuits directs et indirects de l’IIS Épargants Investisseurs / Investisseurs institutionnels Banques Sociétés financières COLLECTE GLOBALE IIS Autres investissements Entreprises à impact social 6 Parmi les produits labélisés par Finansol, plusieurs membres de France Invest Impact sont présents. Ils ont été intégrés dans les chiffres Finansol pour les montants investis, ils ont été déduits des chiffres de Finansol pour les encours sous gestion. En effet, France Invest Impact produit ses propres chiffres pour les encours sous gestion. Voir les annexes sur la méthodologie et sur les données pour plus de détail. 7 Comme indiqué au paragraphe précédent, les chiffres de Bpifrance sont déjà inclus dans les chiffres d’autres acteurs. 13
Figure 5 : Les canaux de commercialisation de l’IIS Banques Privées Spécificités des canaux Institutions de diffusion de l’IIS : Gré à gré financières De nature publique et privée Marché privées Avec une expérience français et une expertise historique de l’IIS Spécialisés et généralistes De proximité Une place importante de Institutions l’épargne solidaire et salariale bancaires Entreprises et financières publiques 4. LES ACTEURS DE L’ÉCOSYSTÈME DE L’IIS La caractérisation de l’écosystème du marché français de l’IIS met en lumière plusieurs spécificités françaises. D’abord les investisseurs peuvent financer directement des entreprises à impact social ou s’appuyer sur des sociétés financières et des banques via un financement intermédié. Le financement intermédié est le plus important en volume en France. Cela s’explique par les pratiques d’investissement des français (habitude d’une gestion de l’épargne collective – épargne salariale et individuelle via leurs banques ou des gestionnaires d’actifs classiques), et par la faible connaissance de l’investissement direct dans les entreprises à impact social. Ensuite, la typologie des acteurs engagés dans l’IIS met en lumière la présence d’intermédiaires financiers et bancaires généralistes commercialisant des produits d’IIS et des intermédiaires spécifiques de commercialisation et de gestion d’IIS. En effet, les principaux acteurs financiers et bancaires traditionnels commercialisent des produits d’IIS à leurs clients afin de répondre à leurs attentes. En parallèle, des sociétés financières spécialisées commercialisent l’IIS dans une logique de niche de marché avec l’apport d’une expertise spécifique. Ces derniers sont des acteurs plus récents. Parmi les acteurs traditionnels, les banques, notamment les banques coopératives, commercialisent des produits d’IIS à leurs clients, gérés par des sociétés financières spécifiques. Cette offre bancaire a pour conséquence de rendre l’IIS accessible à un plus grand nombre d’investisseurs et de développer une offre de proximité. Les profils des investisseurs, les outils et les montants d’investissements sont très variés. Les produits financiers peuvent proposer un engagement financier en intégralité dans l’IIS ou des engagements mixtes entre IIS et investissements classiques (fonds mixtes). Les gestionnaires d’actifs généralistes et les gestionnaires d’épargne salariale sont aussi en capacité à proposer des investissements à impact social. Cette intégration de l’IIS dans ces canaux de distribution à grande échelle a été encouragée par des dispositifs législatifs spécifiques comme les lois sur l’intégration de produits solidaires dans l’épargne salariale. Les gestionnaires d’épargne salariale privilégient les produits financiers mixtes tels que les fonds « 90/10 » qui associent des investissements dans l’IIS et d’autres plus traditionnels. Bien que seule une part mineure de la collecte soit orientée vers l’IIS, le fait que ce produit soit essentiellement géré classiquement permet, en générant de la rentabilité, de s’adresser à un grand nombre d’épargnants, tout en ne faisant peser aucune exigence de rendement sur la partie solidaire. 14
Les acteurs financiers de l’économie sociale et solidaire, engagés dans le financement solidaire depuis plusieurs années, sont aussi présents dans le marché de l’IIS. Il n’y a pas une coïncidence8 stricte entre l’IIS et le financement solidaire, mais une partie des financeurs sont les mêmes. Les institutions financières publiques sont aussi des actrices de ce marché en finançant directement des entreprises à impact social via des dispositifs dédiés à l’IIS, et indirectement en finançant les acteurs précédemment cités, en particulier les gestionnaires d’actifs spécifiques à l’IIS ou les acteurs financiers du financement solidaire. Les principaux acteurs sont la Banque des Territoires / Caisse des Dépôts, la Banque Publique d’Investissement et le groupe Agence Française de Développement. Ces acteurs font évoluer leurs pratiques de financement pour se renforcer vers l’IIS. A noter que leurs contributions en subventions sont non négligeables, mais elles ne sont pas prises en compte dans cette étude. Les fondations sont aussi des acteurs du marché de l’IIS mais elles restent peu engagées à l’heure actuelle. Plusieurs réflexions et une volonté de participer sont observables. Selon le Centre français des Fonds et Fondation (CFF), « les perspectives sont relativement ouvertes », et « la frilosité des fondations / associations / fonds de dotation à réaliser ce type d’investissement serait donc davantage liée à une culture de l’investissement en « bon père de famille » et aux difficultés liées au lissage du risque en cas de prise de participation importante ». A l’avenir, selon le CFF, « les fondations et fonds de dotation pourraient se positionner comme investisseur, caution de l’investisseur dans certains cas très limités ou porteur de projet »9. Figure 6 : Les acteurs de l’écosystème du marché de l’IIS ECOSYSTÈME DU MARCHÉ FRANÇAIS DE L’IIS } Particuliers Entreprises } Commercialise et/ou gère IIS Banques - Traditionnelles - Sociales et coopératives Sociétés de gestion d’épargne salariale Sociétés de gestion d’actifs classiques Entreprises à impact social Sociétés de gestion d’actifs spécifiques Fondations Intermédiaires de finance participative Agences publiques et institutions financières publiques Financement indirect Financement direct De nouveaux acteurs émergent. Du côté du financement direct, l’IIS via la foule (« crowdfunding ») se développe sous différents formats : prêt, capital et royalties10. Du côté du financement intermédié, des fonds orientés vers les investisseurs institutionnels se créent avec des thématiques spécifiques. A titre d’exemple, le fonds Hémisphère est réservé aux investisseurs institutionnels qui souhaitent investir dans le logement d’urgence. Ainsi, l’écosystème de l’IIS en France se caractérise par la diversité des acteurs engagés, entre opérateurs généralistes et opérateurs spécifiques, par la présence de circuits courts et des circuits intermédiés, et par la diversité des outils financiers. L’IIS est intégré dans les offres de placements proposés par les opérateurs bancaires et financiers permettant de répondre aux attentes d’une large palette d’investisseurs mais la part dédiée à l’IIS peut être plus ou moins faible en fonction des produits financiers. 8 Par exemple dans le cadre de cette étude, les produits d’épargne de partage qui ne correspondent pas à la définition de l’IIS ne sont pas pris en compte dans les chiffres de cette étude. 9 Contribution du Centre français des Fonds et Fondation à la réflexion sur l’accélérateur d’innovation sociale (AIS) 10 Voir par exemple une des premières plateformes de financement par la foule avec des royalties : wedogood.co 15
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PARTIE II PERSPECTIVES INTERNATIONALES 17
L’IIS est en développement à travers le monde et quelques estimations du marché existent au niveau mondial et dans certains pays. A noter que les études citées ci-dessous s’appuient sur une méthodologie très différente : elles sont basées sur des questionnaires auto remplis par les professionnels du secteur, de façon déclarative et sur un échantillon parfois restreint. De même, la construction des indicateurs est fondée sur la déclaration des répondants, sans précision sur les instruments et les modes de calcul. 1. LA PLACE DE L’IIS DANS LE MONDE Le rapport annuel sur l’investissement à impact 201811, édité par le GIIN, propose une analyse des IIS au niveau mondial12. En 2018, l’IIS13 représente 228,1 milliards de dollars collectés à travers le monde, principalement par des sociétés de gestion commerciales (46%), des sociétés de gestion sans but lucratif (13%) et des fondations (13%)14. 67% des répondants sont des investisseurs à impact uniquement, tandis que les 33% restants ont aussi des activités conventionnelles. 80% du capital est investi directement dans les entreprises, des projets ou des « real assets »15, tandis que les 20% restants sont investis dans des fonds de fonds via des intermédiaires financiers comme des banques. 41% sont des montants investis sont sous forme de « private debt »16 (soit environ 57,81 milliards de dollars), puis 18% en « private equity »17 (soit environ 25,38 milliards de dollars), suivi de 14% de « public equity »18 (soit environ 19,74 milliards de dollars)19. Cette dernière a connu une croissance annuelle moyenne de 57% entre 2013 et 2017, tandis que le taux de croissance annuel moyen est de 19% pour le « private equity » et 17% pour la « private debt ». Sur la base de 228,1 milliards de dollars dédiés à l’IIS dans le monde, les Etats-Unis et le Canada représentent 20% de l’IIS total sous gestion20. L’Europe21, quant à elle, représente 11% des montants globaux, derrière l’Amérique latine et les Caraïbes (16%) et l’Afrique Sub-Saharienne (12%). Le groupe Europe de L’Est, Russie et Asie Centrale arrive en cinquième position avec 10% des actifs d’IIS sous gestion. 2. LES SPÉCIFICITÉS AMÉRICAINES DANS L’IIS La version moderne de l’IIS a été initiée aux Etats-Unis, principalement portée par des investisseurs individuels fortunés, des fondations (par exemple la Fondation Rockefeller) et des organismes bancaires (JP Morgan par exemple). Ces acteurs se sont structurés et plusieurs collectifs professionnels existent dans le but de développer ces investissements (par exemple le GIIN). L’IIS américain se distingue de l’écosytème français sur plusieurs points : • Des financements directs importants émanant des fondations et des investisseurs individuels fortunés, • Un pilotage stratégique du marché par ces acteurs, • Des investissements moins accessibles à l’ensemble des investisseurs, et peu de lien avec une épargne citoyenne, • L’importance de la thématique environnementale dans la définition du marché. 11 La base des répondants est de 229 répondants. 2018 Annual Impact Investor Survey, GIIN 12 La base de l’échantillon est de 229 répondants. Comme indiqué en page 22, il y a environ 20% des montants investis qui peuvent être compté deux fois. De plus, les données sont estimées sur des échantillons différents. Ainsi, le montant total est précis chaque fois que possible. 13 Le vocabulaire et les définitions des outils financiers sont parfois différents en fonction des sources, nous avons choisi de garder la terminologie anglaise et de préciser les définitions de l’auteur du rapport en note de bas de page. 14 2018 Annual Impact Investor Survey, GIIN, p.1 15 Selon le glossaire, Real assets: An investment of physical or tangible assets as opposed to financial capital, e.g. real estate, commodities. 16 Selon le glossaire, Private debt: Bonds or loans placed to a select group of investors rather than being syndicated broadly. 17 Selon le glossaire, Private equity: A private investment into a company or fund in the form of an equity stake (not publicly traded stock). 18 Selon le glossaire, Public equity: Publicly traded stocks or shares. 19 Attention, l’échantillon est de 141 milliards de dollars gérés dans le monde 2018. Annual Impact Investor Survey, GIIN, p. 27. 20 Sur une base de 228,1 milliards de dollars. Annual Impact Investor Survey, GIIN 21 Europe de l’Ouest, Europe du Nord et Europe du Sud 18
Figure 7 : Comparaison des définitions de l’IIS existantes aux Etats-Unis DÉFINITIONS SOURCES Impact investing is an exciting and rapidly growing industry powered by investors who are determined to generate Site GIIN social and environmental impact as well as financial returns Impact investing is investing with a goal of making a financial return as well as generating a measurable, Bank of America, 2017 beneficial social or environmental impact The impact investing movement is a growing force in driving social and environmental change in the US and Cochrane, 2017 around the world Au niveau des acteurs, les principaux acteurs de l’IIS aux Etats-Unis sont : • Les fondations (Rockefeller, Bill Gates, mais aussi des fondations de sociétés existantes comme Kellogg), • Les investisseurs individuels fortunés, • Les sociétés de gestion et les fonds de pensions, gérant les fonds pour des grandes fortunes, pour des grandes entreprises ou associations caritatives ou religieuses, • Des banques, • Des compagnies d’assurances. Ces acteurs proposent soit des instruments financiers spécifiques à l’IIS soit des fonds hybrides intégrant quelques investissements à impact. Le financement direct, porté par les deux premières catégories, est important et structurant aux Etats-Unis. Les Etats-Unis ont un dispositif institutionnel particulier qui contribue au développement de l’IIS, en particulier avec le « Community Reinvestment Act » adopté en 1977 puis modifié en 1997 ou encore le « New Markets Tax Credit » adopté en 2000. A la différence du contexte français, le soutien au développement de projets communautaires peut faire l’objet de produits financiers particuliers. 19
3. LE MARCHÉ ITALIEN DE L’IIS Le marché italien, caractérisé par des expériences intéressantes et pionnières, reste à sa forme embryonnaire. Le centre de recherche de l’École de gestion de Politecnico di Milano (Tiresia) propose en 2018 et 2017 une estimation de ce marché22. L’étude 2017 a été organisée en deux phases. Dans une première étape, une enquête en ligne a été adressée à 1393 organisations, y compris des banques, des sociétés de gestion, des sociétés de capital-risque, des fondations, des compagnies d’assurance, des sociétés de microcrédit etc. Le taux de réponse était de 8%. Parmi les répondants, seulement 60 ont déclaré faire des investissements à impact social et seulement la moitié respectait les critères d’inclusion / exclusion établis pour la recherche. Parmi ceux-ci, 20 ont accepté d’être interviewés de façon plus approfondie. Au cours de la deuxième étape de la recherche, des entretiens semi-structurés ont été effectués avec un ou plusieurs membres des organisations sélectionnées. Les questions sont en lien avec les stratégies et l’intentionnalité des acteurs de l’IIS. L’étude montre que l’IIS s’appuie « principalement sur une approche philanthropique et des instruments traditionnels [« subventions, prêts, capital »], dans des organisations qui opèrent dans l’ESS italienne ». Les principales limites du développement de l’IIS en Italie sont « la recherche d’opportunités d’investissement dans divers secteurs », l’« absence de politiques spécifiques », les « rendements trop bas, le profil de risque élevé, absence de pipeline d’investissements, taille de ticket trop bas, etc». Les résultats de l’étude montrent que le secteur de l’investissement à impact social est toujours dans une phase d’innovation non coordonnée et s’oriente lentement vers la construction de marché (Institut Monitor, 2009). Cela se manifeste dans une tentative des opérateurs d’organiser leurs activités d’une manière plus structurée, tant en termes de sources de crédit qu’en termes d’engagements. Cependant le marché de l’IIS reste balbutiant car il y a peu de produits financiers spécifiques et peu de gestionnaires d’actifs spécialisés. L’offre de l’IIS reste confinée à la sphère d’investisseurs engagés et informés. Les acteurs financiers qui développent l’IIS en Italie constatent plusieurs freins : un profil défavorable de risque-rendement, le manque d’expertise dans la mesure des impacts par les projets à financer, un niveau élevé d’asymétrie d’information sur le marché et, par conséquent, des coûts de transaction élevés. Pour l’édition 2018, l’étude a interrogé 46 institutions financières et étudié 479 questionnaires (12% de réponses) : « Le total estimé des actifs sous gestion dans la catégorie strictement impact est de 210,5 millions. Sur les 210 millions qui entrent dans la catégorie strictement impact, environ 23% entrent dans la catégorie des prêts (dette) et 77% dans la catégorie des investissements (capitaux propres). Dans la catégorie impact, le total des actifs sous gestion s’élève à 1 475 millions d’euros. La catégorie de quasi-impact, en termes d’actif total sous gestion, est de 6,457 millions d’euros », selon VeronocaChiodo di Tiresia23. 22 TIRESIA (2017), Regard sur l’impact investing en Italie, http://www.tiresia.polimi.it/wp-content/uploads/2017/04/report.compressed.pdf 23 http://www.vita.it/it/article/2018/04/20/social-impact-la-finanza-chiama-con-300-milioni-ma-il-terzo-settore-de/146614/ Le rapport différencie les produits à impact équivalent à la définition de l’IIS utilisé dans l’état des lieux, et intègre les produits à quasi impact, qui dans notre périmètre équivaut à l’ensemble de la finance solidaire. 20
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PARTIE III FOCUS 23
L’INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL ET LES GRANDES ENTREPRISES Les grandes entreprises sont des acteurs de la finance depuis longtemps. Plusieurs grandes entreprises participent à la vie de la Cité par la création d’unefondation d’entreprise. Aujourd’hui, les modalités de participation des grandes entreprises peuvent prendre une orientation originale avec l’IIS24. En effet, l’IIS constitue une opportunité pour les grandes entreprises de financer des projets à impacts sociaux et environnementaux tout en s’assurant un retour sur investissement. Plusieurs stratégies sont possibles : • La création d’un fonds d’investissements à impact social par l’entreprise, en gestion directe ; • La participation dans des fonds d’investissements à impact social déjà existants et gérés par une société de gestion spécialisée ; • L’encouragement des salariés à souscrire à un plan d’épargne salariale solidaire, notamment par le biais de l’abondement ; • La création d’une fondation qui investit en partie dans l’IIS. Parmi les grandes entreprises engagées dans ces démarches, plusieurs d’entre elles associent leurs salariés par la mobilisation de l’épargne salariale. Cette dernière dispose en France d’un cadre juridique stable. Pour l’entreprise, la combinaison de l’épargne salariale et de ses propres fonds permet de créer un effet levier et de déclencher une mobilisation des salariés en interne. Pour renforcer des effets et la cohérence de la stratégie de l’entreprise, les fonds à impact social crées s’inscrivent dans le cœur de métier de l’entreprise (par exemple énergie, mobilité, etc.). Les grandes entreprises pionnières dans ce champ s’associent avec des acteurs de l’écosystème existant, autant avec des gestionnaires spécialisés dans l’IIS que des gestionnaires de la finance solidaire. 24 Christine S, Delcroix M, Franck S, Norten S, Peter V. et Younes S (2018), Investissement à impact social et grandes entreprises, Sciences Po et Le comptoir de l’Innovation. 24
LES CONTRATS À IMPACT SOCIAL DANS LE CADRE DE L’IIS Les contrats à impact social (CIS) sont un instrument financier en émergence dans le champ de l’IIS en France. En plein essor dans d’autres pays européens (on en dénombre 69 en activité sur l’Europe continentale)25 et en Amérique du nord (Etats-Unis et Canada)26, les CIS constituent une réelle rupture par rapport aux modes de financement traditionnels d’activités à vocation sociale. Les contrats à impact social articulent plusieurs logiques : • Une logique d’innovation sociale ; • Une logique financière : il s’agit d’un produit financier offrant un rendement financier modéré et un retour social pour les investisseurs ; • Une logique de réduction des dépenses sociales publiques à venir dans une logique de prévention • Une logique de mesurabilité de l’impact et d’objectifs fixés ex-ante : le projet doit avoir des résultats significatifs et mesurables, qui s’inscrivent dans un horizon temporel raisonnable, et l’atteinte des objectifs permet de mesurer le succès de l’initiative ; • Une logique partenariale qui implique plusieurs acteurs : porteurs de projets sociaux, pouvoirs publics, investisseurs, structurateurs et évaluateurs ; les CIS reposent donc sur un ensemble d’acteurs possédant les compétences et la volonté de répondre au problème social partagé27. Les CIS consistent à faire préfinancer, par des investisseurs, des actions sociales de prévention. Si grâce à ces actions les objectifs sociaux définis en amont par l’ensemble des parties prenantes sont atteints, alors les pouvoirs publics remboursent aux investisseurs le montant mobilisé initialement, avec éventuellement un rendement additionnel. Ceci est permis par le fait que le programme de prévention aura, en principe, permis aux pouvoir publics de réaliser des économies. Le contrat à impact social constitue un outil financier inédit à la fois pour les investisseurs, pour les partenaires publics et pour l’opérateur qui met en œuvre l’action. Il implique une réelle transparence dans la gestion des projets, une rigueur dans la gestion et l’achèvement des objectifs à atteindre, et un renouvellement dans le dialogue entre les partenaires. Les CIS s’adaptent au contexte social, politique et règlementaire de chaque pays, ce qui explique en partie leur développement différencié. Il existe une multitude de projets éligibles reposant sur des montages financiers spécifiques et adaptés aux contextes juridique et culturel locaux. En France, il existe une volonté des acteurs publics et privés de mobiliser les CIS. Depuis 2016, le ministère de l’Économie et des Finances, avec l’appui du Haut-commissariat à l’ESS, s’engage dans la mise en place de CIS. Un CIS a été contractualisé en 2017, plusieurs sont en cours pour 2018. Le CIS de l’Adie, association de microcrédit qui accompagne des personnes éloignées de l’emploi vers la création d’entreprise, finance un programme spécifique pour un public en zones rurales. Un total de 1,3M€ a été mobilisé pour ce CIS auprès de BNP Paribas, la Caisse des dépôts, Renault Mobiliz Invest, AG2Rla Mondiale et la Fondation Avril. 25 Identification sur la plateforme https://sibdatabase.socialfinance.org.uk/ 26 Dear A t al (2016), Social Impact Bonds: The Early Years, Social Finance, 2016 27 Gustafsson-Wright E. et al. (2015)The Potential and Limitations of Impact Bonds: Lessons from the First Five Years of Experience Worldwide Global Economy and Development Program 25
LES FONDATIONS ET L’IIS Les fondations sont des acteurs clés de la philanthropie en France, et à ce titre elles contribuent à l’émergence et au financement de nombreux programmes d’intérêt général. Leur participation dans l’IIS est aujourd’hui peu documentée, bien que souvent stratégique et il y a très peu de données quantitatives sur les engagements financiers des fondations dans l’IIS. Pourtant les points de convergence existent : une connaissance de terrain des impacts sociaux et environnementaux portés par des organisations que les fondations soutiennent depuis longtemps, une professionnalisation rendant possible la mesure de l’impact social et la recherche commune d’une pérennité financière, à la fois pour structurer les programmes et les faire changer d’échelle. La faiblesse des engagements financiers des fondations dans l’IIS s’explique principalement par les outils traditionnels utilisés par les fondations pour soutenir les programmes sociaux et environnementaux. En effet, habituellement, et historiquement, en France, les fondations soutiennent les programmes via la subvention, qui par définition n’est pas un investissement financier et n’a pas de rendements financiers. En France, les dons monétaires constituent la majeure partie des contributions apportées par les fondations et correspondent à la forme la plus évidente de par leur simplicité et leur histoire. La fondation dispose ainsi du choix d’attribuer des subventions régulières, de proposer des bourses sélectives ou de réaliser des versements ponctuels à la cause de son choix. Pourtant, il existe de nombreuses possibilités pour développer la présence des fondations dans l’IIS, en agissant sur les actions de financement. Les fondations peuvent soutenir par la subvention des acteurs engagés sur la création de l’infrastructure de l’IIS (incubateurs, structures de mesure d’impact, prix pour l’innovation…). Une fondation peut aussi, au titre de ses placements financiers, devenir investisseur auprès d’acteurs proches de ses programmes, comme des fonds solidaires, et potentiellement, aussi en direct dans les structures de l’IIS en particulier au travers de nouveaux outils financiers de l’IIS (par exemple : le contrat à impact social). La fondation Caritas France se présente ainsi comme un « investisseur solidaire », capable de mobiliser du don et de l’investissement, avec la volonté de donner à chaque euro engagé le meilleur impact possible contre la pauvreté »28. Ces approches nécessitent souvent une appréhension nouvelle du risque et de nouvelles compétences pour investir dans des produits souvent peu liquides, à horizon d’investissement long et pour des rendements (au moins en théorie) inférieurs à ceux du marché. Dans leurs stratégies patrimoniales, et pour des enjeux de cohérence avec leur mission sociale, les fondations s’intéressent de plus en plus aux produits financiers relavant de l’investissement socialement responsable (ISR), intégrant des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG). Si l’IIS assure des rendements stables tout en soutenant des projets ayant des impacts sociaux et/ ou environnementaux avérés, il pourrait s’inscrire de manière plus large dans les stratégies financières des fondations, permettant de déployer plus de moyens pour l’IIS et d’engager un acteur stratégique pour le développement du secteur. La question du rôle des fondations dans l’IIS est un thème d’actualité, dont se saisissent les fondations, comme l’atteste l’étude en cours (étude iiLab / CFF réalisée par Simandefsur les fondations françaises et l’IIS, à paraître en décembre 2018 incluant 7 entretiens avec les fondations pionnières du secteur en France). 26
LE CAPITAL INVESTISSEMENT À IMPACT SOCIAL ET LA FINANCE SOLIDAIRE L’émergence et la diffusion de la finance solidaire et du capital investissement à impact social s’expliquent par une volonté conjointe d’une partie des citoyens et d’une partie de gestionnaires financiers de participer plus activement à la vie économique et de financer des projets économiques socialement innovants. La finance solidaire a principalement répondu à la demande des particuliers en proposant des circuits courts de financement et en créant des produits d’épargne liquide et solidaire. La finance solidaire a la particularité de se baser avant tout sur l’épargne de particuliers, ce qui constitue une spécificité française. D’une part, des entreprises solidaires ont ouvert leur capital aux souscriptions du grand public trouvant ainsi un accès à des fonds propres peu ou pas rémunérés et d’autre part des banques et des sociétés de gestion d’actifs ont créé des produits de collecte d’épargne incluant des mécanismes de solidarité. Lafinancesolidairecompteainsiensonseindesmodesdecollectedelaressourcetrèsdiversdonnantlieuàdesmodes de financement très divers (allant du microcrédit à l’investissement en fonds propres en passant par un ensemble d’outils de dette et de quasi fonds propres). Ces différents « circuits » de finance solidaire se sont ainsi construits en portant, outre leur vocation à soutenir des projets à utilité sociale, un questionnement quant à la citoyenneté économique de l’épargnant. Le capital investissement à impact social, pour sa part, dont les origines sont davantage à chercher dans l’univers du capital-investissement, cible spécifiquement le sujet de l’investissement en fonds propres et quasi fonds propres dans les entreprises générant de l’impact social. Il répond par ailleurs à une demande d’investisseurs institutionnels ou qualifiés qui souhaitent transformer la gestion de leurs patrimoines. La finance solidaire et le capital investissement à impact social convergent dans le financement d’activités d’innovation sociale. La finance solidaire finance principalement les activités mises en œuvre par l’économie sociale et solidaire en France et à l’international. Ces activités sont portées par des organisations de statuts divers (sociétés de capitaux, associations, coopératives) dont les modèles socio-économiques sont créateurs d’impacts sociaux et/ou environnementaux mais pas systématiquement compatibles avec un actionnariat externe. De plus, une part importante des ressources collectées via l’épargne solidaire sont peu ou pas rémunérées à l’origine d’une chaine de solidarité financière entre l’épargnant, l’intermédiaire financier et l’entreprise portant l’activité d’utilité sociale / à impact social. Le capital investissement à impact social oriente ses financements principalement vers des sociétés œuvrant dans la transition environnementale et sociale et compatibles avec un actionnariat externe. Il finance des acteurs à impact social ayant développé des modèles économiques en mesure de générer de la rentabilité car il faut pouvoir proposer aux apporteurs de capitaux des rendements plus proche de ceux du marché que ceux de la finance solidaire. De fait, le capital investissement à impact social implique un univers d’investissement ne comprenant principalement que des acteurs à impact social ayant développé des modèles économiques en mesure de générer une rentabilité de marché. Il propose de recentrer le débat sur la performance extra-financière et les impacts générés par l’investissement. Un débat reste ouvert sur la combinaison entre la recherche de rendements financiers et la recherche d’impacts. 27
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