Tour de jardin Thérèse Romer - Continuité - Érudit
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Document generated on 08/08/2022 7:20 a.m. Continuité Chroniques - Côté cour Tour de jardin Thérèse Romer Number 95, Winter 2002–2003 Les ponts : d’art et de génie URI: https://id.erudit.org/iderudit/15536ac See table of contents Publisher(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (print) 1923-2543 (digital) Explore this journal Cite this article Romer, T. (2002). Tour de jardin. Continuité, (95), 13–15. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 2002 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
p a r Thérèse Romer Le Québec, comme chacun sait, compose sa culture des influences l_ image nous vient de la litté- rature. Elle se faufile dans les françaises, anglaises et américaines qu 'il amalgame à sa réalité propre. livres qu'on aimait enfant, un peu empoussiérés, la Comtesse Qu avons-nous gardé des typiques jardins de curéfrançais, de Ségur et la Bibliothèque rose, plus tard Bernanos, Mauriac, des romanciers des cottage gardens anglais P Comment y mêlons-nous le goût très U.S. menacés d'oubli. Il faut savoir que dans la vraie vie, les jar- de la décoration et la simplicité naturelle du jardin de grand-mère ? dins de curé sont en voie de disparition dans leur patrie, la France. Au Québec, ils n'ont murs, empreints du simple- simples médicinaux, de roses, guère pris racine. amour des plantes. Sans de lis et de fleurs tradition- Le mot demeure cependant recherche ni prétention, ils nelles, de fruits mûrissants au une expression vivante. Il sont riches en imagination et parfum appétissant. Un endroit Faciles, accommodants et à évoque de petits havres de en diversité. Le Petit Robert est à la fois secret et accueillant, longue floraison, les rudbeckies paix, humbles jardins au cœur laconique: «Jardin de curé, où conçu pour y trouver refuge, et les campanules d'un village en pierre, coincés poussent toutes sortes de méditer, s'émerveiller. À mille se ressèmeront à volonté dans entre l'église et le presbytère, plantes». Percevons un méli- lieues des jardins d'agrément, un coin q u i leur convient. peut-être entourés de vieux mélo d'herbes potagères, de impressionnants, classiques et Photos : Thérèse Romer i3i i numeiv quat/r-vingt'-quinze 0
C ô t é c o u r disciplinés, des nobles ou Évangiles ou de la Bible. communauté, celle des élèves même des évêques. Seule l'expression, jardin de du collège, des malades de De tels jardins de curé sont curé, éveille l'imaginaire. l'hôpital et parfois même des devenus rares en Erance. Au pauvres. Quant aux jardins XIXe siècle, il y avait quelque QU'EN ÉTAIT-IL AU QUÉBEC ? ornementaux, autrement plus 30 000 paroisses avec cure et Ici, le contexte était différent. ambitieux que de simples jar- jardin. Aujourd'hui, il en reste Après la Conquête, les com- dins de curé, ils étaient l'apa- une poignée. Les fonctions du munautés religieuses et les nage autant de certaines com- prêtre ont changé, son emploi paroisses ont gardé leur statut munautés religieuses que de du temps aussi. Des presby- social. Au XIX1 siècle (et pen- domaines seigneuriaux. Ils ont tères ont été démolis, d'autres, dant une partie du XX e ), le été délaissés après la Seconde avec leur jardin, sont devenus curé restait un notable du vil- Cuerre mondiale. des gentilhommières ou des lage, bien logé au presbytère, Par ailleurs, ici comme en résidences secondaires. Y encadré par la fabrique, rece- France, des membres du clergé dominent les plantes orne- vant dîme des paroissiens ont été chefs de file en bota- mentales, oublions les utili- (souvent en nature), donc peu nique et en agriculture, trans- taires. La voiture à cheval porté à cultiver un potager mettant de génération en n'existe plus (ni le fumier sauf si le bedeau s'en char- génération les meilleures pour engraisser le jardin), pas geait. Là où jardin il y avait, connaissances de l'époque. question de ruches, bannie la les pelouses sont apparues Pensons à l'abbé Provancher, modeste basse-cour qui agré- vers le milieu du XXe siècle. à l'abbé Brunet, au père mentait l'ordinaire du curé. Pour leur part, les communau- Louis-Marie ou au frère Les stationnements d'auto, tés religieuses, imposantes et Marie-Victorin. l'urbanisation et la télévision généralement prospères, dis- Jardinières et grimpantes ont balayé mœurs et paysages. posaient de grands terrains en PAR-DELÀ LA MANCHE animent encore de nombreuses C'est chose classée pour les culture, où la main-d'œuvre Dans l'autre grande tradition façades d'habitations générations actuelles, peu sen- bon marché permettait d'assu- des jardins, les vicarage gardens anciennes. sibles aux évocations des rer, outre l'alimentation de la faisaient partie, depuis le XVIII e siècle, des paysages ainsi que du mode de vie des collectivités rurales. De nos jours, dans un contexte social de plus en plus laïque et urbain, les Anglais voient dis- paraître leurs beaux vicarage gardens ruraux, marqués autant par le vicar que par son épouse, responsable du prestige de la demeure cléricale entourée d'un jardin, généralement à l'orée des autres habitations du village. Quelques livres en chantent encore la tradition et l'histoire. Mais ces jardins anglais de presbytère, au fond très divers, ne laissent derrière eux ni style ni mode. Aujourd'hui, c'est plutôt le cottage garden qui évoque cette image de jardin modeste, charmant, composé d'un mélange de plantes diverses. Comme celle de jardin de curé, la notion de cottage garden dérive du XIX e siècle, cette période où l'Angleterre con- naît une prospérité nouvelle l 14 b numéro quatre-vingt-quinze
C ô t é c o u r sous le règne de Victoria. Les « engagés » des grands do- m a i n e s à la c a m p a g n e , aussi bien que les ouvriers dans cer- tains quartiers «progressifs» d e s villes, p o u v a i e n t d é s o r - mais se permettre de cultiver devant leur d e m e u r e un petit lopin de fleurs et d ' h e r b e s potagères pour leur simple a g r é m e n t . S'infiltrait ainsi peu à peu dans le peuple l'en- pas d e d é c o r a t i o n s r e c h e r - Le charme d'un vicarage g o u e m e n t des riches pour chées et coûteuses. Si le ter- garden est recréé au Québec l'exubérance des «nouveaux» rain d o n n e par b o n h e u r sur par ces cosmos dansant au b o r d végétaux exotiques, importés u n e rivière ou sur le fleuve, de digitales. à grands frais d ' o u t r e - m e r ou tant m i e u x ! Sinon, une petite multipliés dans des serres pièce d'eau, rendue abordable s o m p t u e u s e s pour orner de grâce aux t e c h n o l o g i e s m o - splendides jardins de notables. dernes, sera très certainement Par opposition aux excès des au goût du jour. riches, surtout des nouveaux Embelli de cœurs saignants au riches de l'époque, un goût de p r i n t e m p s , de roses, de pi- simplicité auréola les cottage voines, d'iris et de lupins en gardens. De nos jours, le mot é t é , p l u s tard d e roses t r é - d é s i g n e un s t y l e h o r t i c o l e , mières, de phlox et de rudbec- fondé sur un contexte révolu, kies, toutes fleurs entremêlées mais repris dans les banlieues à des fines herbes, à quelques e t les c a m p a g n e s a n g l a i s e s plantes potagères et à cer- tout en s ' e m b o u r g e o i s a n t . t a i n e s e s p è c e s i n d i g è n e s , le Une mode en est née ainsi que j a r d i n de g r a n d - m è r e fait la des copies plus ou moins réus- fierté et le plaisir de ceux qui sies un p e u p a r t o u t d a n s le le créent, le cultivent, le dor- monde, en particulier dans les lotent. A sa façon, il marie une a n c i e n n e s colonies anglaises, s a g e s s e a n c i e n n e avec les n o t a m m e n t en A m é r i q u e du délices de la nouveauté. Nord. La simplicité d'une ou deux Thérèse Romer est interprète de touffes d'hémérocalles se marie ET AU QUÉBEC ? conférence, journaliste horticole et bien avec un jardin à l'ancienne. Devrions-nous parler de jardin p r é s i d e n t e de l a F o n d a t i o n d e c u r é ou de cottage garden M a i s o n et J a r d i n s Chénier- lorsque nous é v o q u o n s c h e z Sauvé. n o u s un j a r d i n d e t a i l l e modeste, simple et beau, mais sans p r é t e n t i o n ? En France, on t r a d u i t cottage garden par POUR EN SAVOIR PLUS jardin champêtre, ce qui rend • Michel Baridon, Les j a r d i n s , Paris, Robert Laffont, 1999, la n o t i o n t r o p f l o u e . P r é f é - 1239 pages (plus particulièrement les pages 1071 à 1096, rerions-nous dire, tout bonne- « Les jardins de notre temps »). ment, jardin de grand-mère ? • M a r i e - T h é r è s e Hadebourg, Au bonheur des jardins d'autrefois. F.ssentiellcn.cnt, un tel jardin Jardins de curé, jardins de grand-mère, Paris, Hachette, 1998, est r e m p l i d ' u n e a b o n d a n c e 224 pages. de vivaces et d'annuelles. Les • C h r i s t o p h e r Lloyd et Richard Bird, Les jardins champêtres, Paris, H.ditions Hatier, 1991, 192 pages. plantes et les graines sont sou- • M i s s Read & Michael Joseph, The English Vicarage Garden, vent échangées entre parents et London, Michael Joseph, 1988, 177 pages. amis. On y trouve une tonnelle, • Michel Tournier et Georges Herscher, Jardins de curé, Paris, une charmille, des tuteurs de Actes Sud, 199.S, 200 pages. fabrication artisanale. Peu ou ml numéro quatre-vingt-quinze G
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