Tour de jardin Thérèse Romer - Continuité - Érudit

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Tour de jardin Thérèse Romer - Continuité - Érudit
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Continuité

Chroniques - Côté cour

Tour de jardin
Thérèse Romer

Number 95, Winter 2002–2003
Les ponts : d’art et de génie

URI: https://id.erudit.org/iderudit/15536ac

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Publisher(s)
Éditions Continuité

ISSN
0714-9476 (print)
1923-2543 (digital)

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Romer, T. (2002). Tour de jardin. Continuité, (95), 13–15.

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Tour de jardin Thérèse Romer - Continuité - Érudit
p a r Thérèse Romer           Le Québec, comme chacun sait, compose sa culture des influences
l_ image nous vient de la litté-
rature. Elle se faufile dans les   françaises, anglaises et américaines qu 'il amalgame à sa réalité propre.
livres qu'on aimait enfant, un
peu empoussiérés, la Comtesse      Qu avons-nous gardé des typiques jardins de curéfrançais,
de Ségur et la Bibliothèque
rose, plus tard Bernanos,
Mauriac, des romanciers            des cottage gardens anglais P Comment y mêlons-nous le goût très U.S.
menacés d'oubli. Il faut savoir
que dans la vraie vie, les jar-    de la décoration et la simplicité naturelle du jardin de grand-mère ?
dins de curé sont en voie de
disparition dans leur patrie, la
France. Au Québec, ils n'ont       murs, empreints du simple-          simples médicinaux, de roses,
guère pris racine.                 amour des plantes. Sans             de lis et de fleurs tradition-
Le mot demeure cependant           recherche ni prétention, ils        nelles, de fruits mûrissants au
une expression vivante. Il         sont riches en imagination et       parfum appétissant. Un endroit     Faciles, accommodants et à
évoque de petits havres de         en diversité. Le Petit Robert est   à la fois secret et accueillant,   longue floraison, les rudbeckies
paix, humbles jardins au cœur      laconique: «Jardin de curé, où      conçu pour y trouver refuge,       et les campanules
d'un village en pierre, coincés    poussent toutes sortes de           méditer, s'émerveiller. À mille    se ressèmeront à volonté dans
entre l'église et le presbytère,   plantes». Percevons un méli-        lieues des jardins d'agrément,     un coin q u i leur convient.
peut-être entourés de vieux        mélo d'herbes potagères, de         impressionnants, classiques et     Photos : Thérèse Romer

                                                                                                                                                 i3i i
                                                                                                                           numeiv quat/r-vingt'-quinze 0
Tour de jardin Thérèse Romer - Continuité - Érudit
C ô t é          c o u r

                                         disciplinés, des nobles ou         Évangiles ou de la Bible.           communauté, celle des élèves
                                         même des évêques.                  Seule l'expression, jardin de       du collège, des malades de
                                         De tels jardins de curé sont       curé, éveille l'imaginaire.         l'hôpital et parfois même des
                                         devenus rares en Erance. Au                                            pauvres. Quant aux jardins
                                         XIXe siècle, il y avait quelque    QU'EN ÉTAIT-IL AU QUÉBEC ?          ornementaux, autrement plus
                                         30 000 paroisses avec cure et      Ici, le contexte était différent.   ambitieux que de simples jar-
                                         jardin. Aujourd'hui, il en reste   Après la Conquête, les com-         dins de curé, ils étaient l'apa-
                                         une poignée. Les fonctions du      munautés religieuses et les         nage autant de certaines com-
                                         prêtre ont changé, son emploi      paroisses ont gardé leur statut     munautés religieuses que de
                                         du temps aussi. Des presby-        social. Au XIX1 siècle (et pen-     domaines seigneuriaux. Ils ont
                                         tères ont été démolis, d'autres,   dant une partie du XX e ), le       été délaissés après la Seconde
                                         avec leur jardin, sont devenus     curé restait un notable du vil-     Cuerre mondiale.
                                         des gentilhommières ou des         lage, bien logé au presbytère,      Par ailleurs, ici comme en
                                         résidences secondaires. Y          encadré par la fabrique, rece-      France, des membres du clergé
                                         dominent les plantes orne-         vant dîme des paroissiens           ont été chefs de file en bota-
                                         mentales, oublions les utili-      (souvent en nature), donc peu       nique et en agriculture, trans-
                                         taires. La voiture à cheval        porté à cultiver un potager         mettant de génération en
                                         n'existe plus (ni le fumier        sauf si le bedeau s'en char-        génération les meilleures
                                         pour engraisser le jardin), pas    geait. Là où jardin il y avait,     connaissances de l'époque.
                                         question de ruches, bannie la      les pelouses sont apparues          Pensons à l'abbé Provancher,
                                         modeste basse-cour qui agré-       vers le milieu du XXe siècle.       à l'abbé Brunet, au père
                                         mentait l'ordinaire du curé.       Pour leur part, les communau-       Louis-Marie ou au frère
                                         Les stationnements d'auto,         tés religieuses, imposantes et      Marie-Victorin.
                                         l'urbanisation et la télévision    généralement prospères, dis-
       Jardinières et grimpantes         ont balayé mœurs et paysages.      posaient de grands terrains en          PAR-DELÀ LA MANCHE
       animent encore de nombreuses      C'est chose classée pour les       culture, où la main-d'œuvre         Dans l'autre grande tradition
       façades d'habitations             générations actuelles, peu sen-    bon marché permettait d'assu-       des jardins, les vicarage gardens
       anciennes.                        sibles aux évocations des          rer, outre l'alimentation de la     faisaient partie, depuis le
                                                                                                                XVIII e siècle, des paysages
                                                                                                                ainsi que du mode de vie des
                                                                                                                collectivités rurales. De nos
                                                                                                                jours, dans un contexte social
                                                                                                                de plus en plus laïque et
                                                                                                                urbain, les Anglais voient dis-
                                                                                                                paraître leurs beaux vicarage
                                                                                                                gardens ruraux, marqués autant
                                                                                                                par le vicar que par son épouse,
                                                                                                                responsable du prestige de la
                                                                                                                demeure cléricale entourée
                                                                                                                d'un jardin, généralement à
                                                                                                                l'orée des autres habitations
                                                                                                                du village. Quelques livres en
                                                                                                                chantent encore la tradition et
                                                                                                                l'histoire. Mais ces jardins
                                                                                                                anglais de presbytère, au fond
                                                                                                                très divers, ne laissent derrière
                                                                                                                eux ni style ni mode.
                                                                                                                Aujourd'hui, c'est plutôt le
                                                                                                                cottage garden qui évoque cette
                                                                                                                image de jardin modeste,
                                                                                                                charmant, composé d'un
                                                                                                                mélange de plantes diverses.
                                                                                                                Comme celle de jardin de
                                                                                                                curé, la notion de cottage garden
                                                                                                                dérive du XIX e siècle, cette
                                                                                                                période où l'Angleterre con-
                                                                                                                naît une prospérité nouvelle

l 14
b numéro quatre-vingt-quinze
C ô t é       c o u r

sous le règne de Victoria. Les
« engagés » des grands do-
m a i n e s à la c a m p a g n e , aussi
bien que les ouvriers dans cer-
tains quartiers «progressifs»
d e s villes, p o u v a i e n t d é s o r -
mais se permettre de cultiver
devant leur d e m e u r e un petit
lopin de fleurs et d ' h e r b e s
potagères pour leur simple
a g r é m e n t . S'infiltrait ainsi
peu à peu dans le peuple l'en-                   pas d e d é c o r a t i o n s r e c h e r -        Le charme d'un vicarage
g o u e m e n t des riches pour                  chées et coûteuses. Si le ter-                     garden est recréé au Québec
l'exubérance des «nouveaux»                      rain d o n n e par b o n h e u r sur               par ces cosmos dansant au b o r d
végétaux exotiques, importés                     u n e rivière ou sur le fleuve,                    de digitales.
à grands frais d ' o u t r e - m e r ou          tant m i e u x ! Sinon, une petite
multipliés dans des serres                       pièce d'eau, rendue abordable
s o m p t u e u s e s pour orner de              grâce aux t e c h n o l o g i e s m o -
splendides jardins de notables.                  dernes, sera très certainement
Par opposition aux excès des                     au goût du jour.
riches, surtout des nouveaux                     Embelli de cœurs saignants au
riches de l'époque, un goût de                   p r i n t e m p s , de roses, de pi-
simplicité auréola les cottage                   voines, d'iris et de lupins en
gardens. De nos jours, le mot                    é t é , p l u s tard d e roses t r é -
d é s i g n e un s t y l e h o r t i c o l e ,   mières, de phlox et de rudbec-
fondé sur un contexte révolu,                    kies, toutes fleurs entremêlées
mais repris dans les banlieues                   à des fines herbes, à quelques
e t les c a m p a g n e s a n g l a i s e s      plantes potagères et à cer-
tout en s ' e m b o u r g e o i s a n t .        t a i n e s e s p è c e s i n d i g è n e s , le
Une mode en est née ainsi que                    j a r d i n de g r a n d - m è r e fait la
des copies plus ou moins réus-                   fierté et le plaisir de ceux qui
sies un p e u p a r t o u t d a n s le           le créent, le cultivent, le dor-
monde, en particulier dans les                   lotent. A sa façon, il marie une
a n c i e n n e s colonies anglaises,            s a g e s s e a n c i e n n e avec les
n o t a m m e n t en A m é r i q u e du          délices de la nouveauté.
Nord.
                                                                                                                                        La simplicité d'une ou deux
                                                 Thérèse Romer est interprète de
                                                                                                                                        touffes d'hémérocalles se marie
          ET AU QUÉBEC ?                         conférence, journaliste horticole et
                                                                                                                                        bien avec un jardin à l'ancienne.
Devrions-nous parler de jardin                   p r é s i d e n t e de l a F o n d a t i o n
d e c u r é ou de cottage garden                 M a i s o n et J a r d i n s Chénier-
lorsque nous é v o q u o n s c h e z             Sauvé.
n o u s un j a r d i n d e t a i l l e
modeste, simple et beau, mais
sans p r é t e n t i o n ? En France,
on t r a d u i t cottage garden par                                      POUR EN SAVOIR PLUS
jardin champêtre, ce qui rend                      • Michel Baridon, Les j a r d i n s , Paris, Robert Laffont, 1999,
la n o t i o n t r o p f l o u e . P r é f é -       1239 pages (plus particulièrement les pages 1071 à 1096,
rerions-nous dire, tout bonne-                       « Les jardins de notre temps »).
ment, jardin de grand-mère ?                       • M a r i e - T h é r è s e Hadebourg, Au bonheur des jardins d'autrefois.
F.ssentiellcn.cnt, un tel jardin                     Jardins de curé, jardins de grand-mère, Paris, Hachette, 1998,
est r e m p l i d ' u n e a b o n d a n c e          224 pages.
de vivaces et d'annuelles. Les                     • C h r i s t o p h e r Lloyd et Richard Bird, Les jardins champêtres,
                                                     Paris, H.ditions Hatier, 1991, 192 pages.
plantes et les graines sont sou-
                                                   • M i s s Read & Michael Joseph, The English Vicarage Garden,
vent échangées entre parents et
                                                     London, Michael Joseph, 1988, 177 pages.
amis. On y trouve une tonnelle,                    • Michel Tournier et Georges Herscher, Jardins de curé, Paris,
une charmille, des tuteurs de                        Actes Sud, 199.S, 200 pages.
fabrication artisanale. Peu ou

                                                                                                                                                                            ml
                                                                                                                                                        numéro quatre-vingt-quinze G
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