Traitement des adénocarcinomes de la jonction oeso-gastrique
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
POST’U (2021) Traitement des adénocarcinomes de la jonction œso-gastrique Rosine GUIMBAUD Oncologie Médicale Digestive - CHU de Toulouse / Institut Universitaire de Cancérologie de Toulouse (IUCT) Rangueil/Larrey 1 avenue du Professeur Jean Poulhès - 31400 Toulouse guimbaud.r@chu-toulouse.fr Cette revue sur le traitement des terminaison de l’œsophage) et occi- adénocarcinomes de la jonction dentaux (fin des plis longitudinaux œso-gastrique exclut la probléma- gastriques). Elle peut être également tique des rares tumeurs superfi- définie de manière histologique : tran- cielles (Tis, T1a : envahissement de sition entre l’épithélium pavimenteux la lamina propria ou de la musculaire de l’œsophage et de la muqueuse de muqueuse, sans atteinte de la sous- l’estomac (ligne Z repérable endosco- muqueuse) pouvant faire l’objet d’un piquement) mais la transition histolo- traitement limité à une résection gique est altérée en cas de métaplasie endoscopique et des formes métas- (elle-même facteur de risque de l’adé- tatiques ou régionalement avancées nocarcinome de la JOG)… relevant d’un traitement non curatif dont la prise en charge ne diffère Du fait du caractère « frontière » des CANCÉROLOGIE pas de celle des adénocarcinomes tumeurs de la JOG, l’analyse de la litté- gastriques de mêmes stades. rature et la standardisation thérapeu- tique est restée difficile par manque de classification standard unique. Une définition anatomo-clinique des Définition tumeurs de la JOG a été proposée dès 1996 par Siewert : il s’agit d’un adéno des adénocarcinomes de carcinome dont le centre est situé au la jonction œso-gastrique plus à 5 cm au-dessus et au-dessous et classifications de la jonction œso-gastrique (1). OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES La classification de Siewert et Hölscher — C onnaître la classification de (2), reposant sur la topographie ana- Les adénocarcinomes de la jonction Siewert des tumeurs de la jonction tomique, divise les tumeurs de la JOG œsogastrique (JOG) sont des tumeurs œso gastrique, en trois types en fonction de la posi- qui se développent à proximité de la — Connaître le bilan préthérapeu- jonction anatomique entre l’œso- tion de l’épicentre de la tumeur par tique, phage et l’estomac. rapport à la jonction œsogastrique — Connaître les indications thérapeu- anatomique : tiques en fonction de la classifica- Il s’agit d’une pathologie de « zone • Type I : adénocarcinome de l’œso tion de Siewert frontière » plutôt que d’un organe et phage distal. Le centre de la tumeur leur prise en charge emprunte aux se trouve entre 1 et 5 cm au-dessus principes de la prise en charge des de la JOG. LIEN D’INTÉRÊTS cancers de l’œsophage et de ceux de l’estomac. • Type II : « vraie tumeur du cardia » : Aucun Le centre se trouve entre 1 cm au- La définition même de la jonction dessus et jusqu’à 2 cm au-dessous MOTS CLÉS œsogastrique reste variable. Elle de la JOG. peut être définie de manière anato- • Type III : tumeur de la région sous- JOG ; Classification de Siewert ; mique comme le passage du hiatus cardiale. Le centre de la tumeur se Œsogastrectomie diaphragmatique (mais cette défi- trouve entre 2 à 5 cm au-dessous nition est mise en échec en cas de de la JOG. hernie hiatale) ou anatomo-endos- ABRÉVIATIONS copique avec des définitions discor- Ces trois types ne se comportent pas JOG : jonction œso-gastrique dantes entre asiatiques (la définissant de la même manière en termes de RCT : Radiochimiothérapie concomi- comme la zone de terminaison des pronostic et d’envahissement lympha- tante vaisseaux dits « palissadiques » de la tique. 183
Sur 1 002 tumeurs consécutives sur mesure et plus de cohérence dans produit de contraste pour apprécier rapportées par Siewert (3), de stade la présentation des résultats associés l’extension locorégionale et surtout localement avancé pour la majorité aux interventions thérapeutiques. éliminer une extension métasta- (30 à 60 % pT3/4 en fonction du tique. Depuis 2016, une définition plus res- type et 65 à 80 % pN+), si la plupart trictive des adénocarcinomes de la JOG • Une écho-endoscopie (dans les des métastases ganglionnaires se a été proposée puisque la 8e édition de formes non métastatiques et fran- situaient pour les 3 types dans la la classification IUCC définit le cancer chissables) afin d’évaluer l’infiltra- région paracardiale, la petite courbure de la JOG comme toute tumeur dont le tion pariétale (et à moindre degré gastrique, l’artère gastrique gauche centre, sur pièce opératoire, se trouve ganglionnaire) de la tumeur et et le bas médiastin, l’atteinte du bas dans les 2 centimètres proximaux ou d’évaluer précisément l’extension de médiastin concernait essentiellement distaux de la JOG. Cette classification la lésion sur l’œsophage, fondamen- les types I (32 %) et diminuait avec post-opératoire restreint donc la défi- tale pour guider le geste chirurgical. les types II (16 %) et types III (12 %). nition des adénocarcinomes de la JOG L’atteinte ganglionnaire du moyen et • Un TEP scan au 18-FDG à la recherche aux Siewert II et quelques Siewert I haut médiastin (évaluable unique- d’une extension métastatique à (ceux avec un épicentre situé entre 1 ment pour des types I) était présente distance non visible au scanner dans et 2 cm de la JOG). Ainsi les tumeurs dans 10 et 5 % des cas dans cette série 15 à 20 % des cas (6) et afin d’objec- Siewert III s’assimilent aux adéno et l’atteinte ganglionnaire gastrique tiver l’atteinte ganglionnaire dont la carcinomes gastriques et la majorité distale (aire supra-pylorique, grande topographie doit guider le type de des Siewert I à des adénocarcinomes courbure et région infra-pylorique) geste chirurgical +/- le traitement œsophagiens. n’était présente que dans 2 % des préopératoire. types II et 15 % des types III. Cette Néanmoins dans la littérature c’est topographie d’extension lympha- la classification de Siewert qui a été Enfin, un bilan général, l’évaluation tique a été confirmée par des études utilisée dans les études actuellement de l’état nutritionnel et du pourcen- asiatiques incluant également des disponibles et qui prévaut dans nos tage de perte de poids, l’évaluation tumeurs de plus bas stade avec un recommandations thérapeutiques. des pathologies associées et un bilan risque proportionnellement moindre d’opérabilité (notamment cardio- d’atteinte ganglionnaire (4, 5). pulmonaire) sont bien sûr nécessaires L’impact de la classification de Siewert en vue de la prise en charge médico- chirurgicale qui doit être envisagée sur la décision du geste chirurgical, Bilan pré-thérapeutique pour la prise en charge optimale de en vue d’une résection R0 et d’un curage adapté au risque d’extension cette pathologie. ganglionnaire, apparaît donc évident. La fibroscopie œso-gastro-duodénale Ce bilan de base peut être complété en est l’examen diagnostique fonda- En revanche ces trois types de la fonction des cas par une cœlioscopie mental : classification de Siewert ne semblent en cas de forte suspicion de carcinose pas correspondre à des entités molé- • Elle doit décrire la lésion, préciser péritonéale, une IRM hépatique en cas culaires distinctes. En effet, des (en centimètres) la localisation de suspicion de lésion hépatique non études de profilage moléculaire ont de son épicentre par rapport à la caractérisée au TDM, etc. clairement différencié les carcinomes JOG et la hauteur de son extension épidermoïdes de l’œsophage des proximale vers l’œsophage et de son lésions « Siewert I » qui ressemblent extension distale vers l’estomac. principalement au sous-type chro- • E lle permet la réalisation de Indications et modalités mosomique instable (CIN) que l’on biopsies : au moins huit biopsies sur thérapeutiques trouve dans la majorité des lésions de les anomalies de relief muqueux en type « Siewert II/III » et dans environ atteignant autant que possible la 50 % des adénocarcinomes gastriques sous-muqueuse. Les biopsies sont La chirurgie reste la principale moda- distaux. Par conséquent, bien qu’il utilisées pour la définition du type lité de traitement curatif des adéno- existe des distinctions chirurgicales histologique, de la différenciation carcinomes de la JOG. Toutefois, le entre les types I-II et III de Siewert, et la classification de Lauren, mais pronostic global de cette maladie ceux-ci sont considérés comme assez également pour la recherche d’une reste médiocre en raison de la réci- similaires sur le plan moléculaire. surexpression de HER2 en immuno dive locale et à distance, avec des histochimie (IHC). Les données taux de survie à 5 ans d’environ Il existe bien sûr des limites à cette récentes incitent à demander systé- 30 % en moyenne avec la chirurgie classification de Siewert et il est matiquement le statut MMR (insta- seule. Par conséquent, des straté- parfois difficile pour les endosco- bilité microsatellite) en raison de gies multimodales néo-adjuvantes ou pistes d’identifier avec précision l’impact prochain possible sur le péri-opératoires intégrant la chimio- l’épicentre de la tumeur car la masse traitement péri-opératoire. thérapie, la radiothérapie ou la combi- intra-luminale peut s’étendre au-delà naison des deux ont émergé au cours de ces frontières de type I-III, la Le bilan d’extension comporte : des dernières décennies. présence d’une hernie hiatale ou la • L’examen clinique complet (notam- Exérèse chirurgicale déformation par la tumeur elle-même ment aires ganglionnaires cervi- peuvent rendre difficile ce classement. Le but est de choisir la modalité cales et sus-claviculaires). Cependant, même si elle n’a pas réglé chirurgicale permettant de retirer en tous les problèmes, cette classification • Un scanner thoraco-abdomino- bloc la tumeur primaire ainsi que les a permis une approche chirurgicale pelvien spiralé avec injection de ganglions lymphatiques impliqués, en 184
marge proximale, distale et latérale 1) par l’estimation de l’extension de la Dans l’étude rétrospective multi- saine (R0). Ceci doit dicter le choix de tumeur sur l’œsophage et/ou l’es- centrique française compilant les cas l’approche chirurgicale. Le principal tomac afin, d’une part, d’assurer de la cohorte FREGAT, les tumeurs de facteur pronostique est, en effet, le une résection en marges saines et, type II semblaient être mieux traitées caractère R0 de la résection : dans une d’autre part, d’éviter la résection par gastrectomie totale (et résection étude rétrospective de 1 602 patients, inutile d’un œsophage ou d’un trans-hiatale de l’œsophage distal) la survie à cinq ans était de 43,2 % estomac normal ; que par œso-gastrectomie polaire pour les marges négatives en compa- supérieure, seulement en cas de résec- raison de 11 % pour les marges posi- 2) par l’estimation du risque ganglion- tion R0. Cette étude suggère donc que, tives (7). Ce facteur pronostique a été naire (justifiant ou non un curage si le geste est susceptible de produire largement confirmé dans d’autres médiastinal). des marges de résection saines, une séries. Le second facteur pronostique approche de type gastrectomie totale est l’envahissement ganglionnaire Concernant l’étendue de la résection, devrait être privilégiée. justifiant un curage étendu à la fois à la décision ne peut pas se réduire à la seule notion de type II de la tumeur Idéalement, la réponse devrait être visée de « staging » mais aussi à visée puisque la classification se réfère au apportée par un essai randomisé curative. Enfin l’impact du volume du centre de la tumeur, mais ne prend incluant des patients avec adéno- centre a également été démontré sur pas en compte l’étendue proximale et carcinome de type II de Siewert, la diminution de la mortalité post- distale du cancer. L’étendue de l’in- dont la résection complète de la opératoire et l’augmentation de la filtration œsophagienne est la plus tumeur semble possible par ces deux survie. déterminante puisque l’approche approches chirurgicales, en utilisant Compte tenu des capacités d’exten- trans-hiatale de l’œsophage par voie des critères de localisation standar- sion tumorale pariétale proximale abdominale est limitée, alors que l’es- disés basés sur les bords des tumeurs (vers l’œsophage) et/ou distale (vers tomac est beaucoup mieux exposé. Or plutôt que sur leur épicentre. l’estomac) des tumeurs de la JOG l’exposition de l’œsophage distal est ainsi que des caractéristiques de la Traitements complémentaires essentielle pour obtenir une marge de diffusion lymphatique en fonction de résection œsophagienne appropriée Le pronostic des adénocarcinomes la localisation de ces tumeurs, deux et pour construire une anastomose de la JOG reste médiocre malgré le principales approches chirurgicales sûre dans le médiastin inférieur. Si traitement chirurgical. Près de 25 à sont possibles : l’une ou l’autre de ces conditions 30 % des patients présentent des CANCÉROLOGIE (ou les deux) ne sont pas possibles, marges de résection microscopique- - L’œsophagectomie trans-thora- l’approche trans-hiatale n’est pas ment positives, y compris la marge de cique avec gastrectomie polaire indiquée et l’approche trans-thora- résection circonférentielle, près de la supérieure (œsogastrectomie cique doit être privilégiée. moitié des patients développent des polaire supérieure) métastases à distance et près de 40 % - La gastrectomie totale avec résec- Concernant le drainage lympha- des récidives locorégionales. Plusieurs tion trans-hiatale de l’œsophage tique, les tumeurs de type II posent thérapeutiques néo-adjuvantes ont distal. problème puisqu’elles sont exacte- donc été testées afin de diminuer le ment localisées à la jonction de la taux de résection incomplète ainsi Pour les tumeurs de la JOG de type cavité thoracique et abdominale, que les risques de récidive locale ou Siewert I, l’œsophagectomie trans-tho- et entre l’œsophage et l’estomac. à distance. Ces traitements complé- racique avec gastrectomie polaire supé- Il semble maintenant établi que la mentaires sont justifiés dès le stade rieure et anastomose œso-gastrique propagation lymphatique dépend IB (T1N1M0 ou T2N0M0) compte tenu haute est recommandée. Les marges de la distance entre la JOG et le des risques ; ce qui correspond à la de résection distale et proximale bord proximal et distal de la tumeur large majorité des adénocarcinomes doivent être de 5 centimètres, avec un respectivement pour les ganglions de la JOG diagnostiqués dans notre curage ganglionnaire thoracique et lymphatiques médiastinaux et abdo- pays. abdominal. minaux. Kurokawa et al. ont en effet Comme déjà évoqué, étant donné Pour les tumeurs de la JOG type récemment démontré qu’une distance leur localisation anatomique fron- Siewert III, l’approche chirurgicale entre la JOG et le bord proximal de la tière, les adénocarcinomes de la standard est la gastrectomie totale tumeur supérieure à 3 cm était le seul JOG ont souvent été regroupés dans avec résection trans-hiatale de l’œso- facteur de pronostic indépendant pour les essais cliniques avec les cancers phage distal qui consiste en une les ganglions lymphatiques médiasti- de l’œsophage (incluant parfois des gastrectomie totale avec un curage naux métastatiques moyens chez les carcinomes épidermoïdes) ou de l’es- ganglionnaire de type D2 (le curage patients atteints de tumeurs de type tomac, et ont rarement été évalués ganglionnaire thoracique est limité) Siewert II (5). Dans ce sous-groupe comme une entité distincte. Les essais avec anastomose œso-jéjunale. de patients, une approche trans- de phase III incluant les adénocar- thoracique pourrait donc apporter un Pour les tumeurs de la JOG type cinomes de la JOG, et à partir desquels bénéfice thérapeutique. À l’inverse, Siewert II, « véritables tumeurs du nous établissons nos recommanda- chez les patients dont la distance cardia », l’approche chirurgicale tions, ont donc des critères d’inclu- entre la JOG et le bord distal de la optimale reste controversée et varie sion variables et, de plus, il est très tumeur est inférieure à 3 cm, l’inci- selon les habitudes des équipes souvent difficile de séparer clairement dence des ganglions lymphatiques chirurgicales et des chirurgiens. les tumeurs de la JOG de type I, II et III. métastatiques dans la zone de grande Le choix entre les deux types de geste courbure gastrique ou dans la région Principalement deux standards de doit être guidé : infra-pylorique n’est que de 2,2 % (4). prise en charge complémentaire à 185
la chirurgie des cancers gastro-œso- thérapeutique des adénocarcinomes ressemblent aux adénocarcinomes phagiens localement avancés sont de l’estomac distal et de la JOG. œsophagiens distaux (et sont clas- validés : la chimiothérapie péri-opé- sées dans la classification TNM de ratoire et la radio-chimiothérapie Plus récemment, l’essai allemand l’AJCC comme des tumeurs œsopha- préopératoire. Étant donné l’absence FLOT4-AIO a renforcé les arguments giennes) et en partagent le pronos- d’études comparant directement ces en faveur d’une approche par chimio- tic avec un taux élevé d’échec local deux stratégies pour les adénocar- thérapie péri-opératoire et a démontré après une œsophagectomie seule cinomes de la JOG localement avancés, la supériorité d’une trichimiothérapie et le rôle déterminant du caractère il est difficile d’affirmer quelle pour- à base de docétaxel selon le schéma R0 de la résection. rait être la stratégie préopératoire la FLOT (associant 5-FU, oxaliplatine et plus efficace pour ces patients. docétaxel), par rapport au schéma ECF Si l’intérêt de la RCT pré-opératoire (ou son équivalent ECX dans lequel le apparaît clairement, les essais cli- Chimiothérapie péri-opératoire 5FU est remplacé par la pro-drogue niques ayant évalué cette modalité La chimiothérapie péri-opératoire a Capecitabine) établi par l’étude MAGIC thérapeutique sont néanmoins d’ef- été évaluée et validée par deux études (10). Un total de 716 patients atteints fectifs plus limités et comportent une princeps randomisant une chimio- d’adénocarcinome gastrique ou de la hétérogénéité de patients. thérapie péri-opératoire versus la JOG, localement avancé et résécable, L’essai princeps de RCT pré-opératoire chirurgie seule : l’essai britannique ont été randomisés entre 4 cures est l’essai néerlandais CROSS (11). MAGIC et l’essai français FNCLCC/ de FLOT pré et post-opératoires et Cette étude, incluant 366 patients, FFCD 9703 démontrant un impact 3 cures d’ECF/ECX pré et post-opéra- portait principalement sur l’adéno- bénéfique sur la survie globale. toires. La plupart des patients (56 %) carcinome œsophagien de type I et avaient un adénocarcinome de la JOG La première étude à se concentrer certains cancers de la JOG de type II, (24 % de type I de Siewert, 32 % de principalement sur les adénocar- mais également sur des carcinomes type II/III), tandis que 44 % avaient un cinomes de la JOG a été l’essai français épidermoïdes œsophagiens (25 %). adénocarcinome gastrique. La surgie de chimiothérapie péri-opératoire Elle a démontré un bénéfice de la RCT globale médiane était significative- FNCLCC/FFCD 9703 évaluant l’intérêt (41,4 Gy + Carboplatine - Paclitaxel ment améliorée par le FLOT (50 mois de 2 à 3 cures de 5FU-Platine en hebdomadaire) par rapport à la vs. 35). Cette efficacité thérapeutique pré-opératoire et 3 à 4 cures en chirurgie seule en termes de taux de s’accompagnait d’une amélioration post-opératoire (8). La majorité des résection chirurgicale R0 et de survie. significative de la survie médiane 224 patients inclus étaient atteints Néanmoins, bien que la survie globale sans maladie, d’un taux accru de d’adénocarcinome de la JOG (64 %), médiane était significativement résection R0 (85 % vs. 78 %), d’un 11 % de l’œsophage distal et 25 % améliorée par la RCT (HR 0,66 ; « down-staging » tumoral significatif d’adénocarcinome gastrique. Le béné- [0,495-0,871]) le sous-groupe des et d’une majoration du taux de fice en survie globale était net et les adénocarcinomes (75 % de la popu- réponse pathologique complète (pCR) tumeurs de la JOG en tiraient le plus lation globale) en bénéficiait moins atteignant 16 % dans le bras FLOT grand bénéfice. Le bénéfice se tradui- (HR 0,741 [0,536-1. 024]) que (vs. 6 %) et même 23 % dans le sous- sait également en termes de survie le groupe des épidermoïdes (HR type histologique intestinal qui est le sans récidive et taux de résection R0. 0,422 [0,226-0,788]) ; cependant les sous-type le plus souvent associé aux résultats spécifiques des sous-groupes adénocarcinomes de la JOG. Enfin L’essai britannique MAGIC évaluait d’adénocarcinome de type I et de la qualité de la chirurgie n’était pas l’intérêt de 3 cures d’ECF (Epirubicine type II ne sont pas connus et le suivi altérée par le FLOT. L’ensemble de + 5FU-Platine) en pré et post-opéra- à long terme a confirmé le bénéfice ces résultats a donc renforcé la place toire (9). À l’inverse de l’étude fran- thérapeutique de la RCT préopéra- de la chimiothérapie péri-opératoire çaise, la majorité des 503 patients toire tant pour les carcinomes épider- comme traitement complémentaire inclus présentait un adénocarcinome moïdes que pour les adénocarcinomes du traitement chirurgical des adéno- gastrique et seuls 26 % un adéno (12). Par ailleurs, aucune différence carcinomes gastriques et de la JOG carcinome de la JOG et de l’œsophage n’a été constatée en termes de morbi- et a établi le schéma FLOT comme distal (JOG : 11,5 % et œsophage dité ou de mortalité opératoire. nouveau standard. distal : 14,5 %). Une amélioration significative de la survie sans progres- Sur la base de ces résultats, la RCT Radio-chimiothérapie sion et de la survie globale était pré-opératoire a été établie comme pré-opératoire démontrée par rapport à la chirurgie standard thérapeutique des adéno seule. Toutes les localisations anato- L’intérêt de la radio-chimiothérapie carcinomes de l’œsophage distal ou miques (œsophage, JOG et estomac) concomitante (RCT) pré-opératoire de la JOG. en retiraient un bénéfice ; le sous- tient aux caractéristiques anato- miques de la JOG. Comme l’œsophage Critères de choix entre groupe JOG semblant en tirer le plus chimiothérapie péri-opératoire grand bénéfice. n’est pas recouvert d’une membrane séreuse et se trouve à proximité de et RCT pré-opératoire Ces deux études démontrant égale- nombreux organes et structures, la Le seul essai randomisé de phase III ment l’absence de majoration de la propagation par extension directe visant à comparer la RCT néoadjuvante morbidité, la mortalité ou la durée est fréquente. En outre, le riche et la chimiothérapie pré-opératoire d’hospitalisation de la chimiothérapie réseau lymphatique sous-muqueux de dans les cancers de la JOG est l’étude pré-opératoire par rapport à la l’œsophage et de la JOG entraîne un allemande POET de Stahl (13). Dans chirurgie seule, ont permis d’établir risque élevé d’atteinte des ganglions cette étude déjà ancienne et de petite la chimiothérapie péri-opératoire à lymphatiques. Anatomiquement, taille, fermée en raison d’un défaut base de 5U-Platine comme standard les tumeurs de la JOG de type I/II de recrutement, 126 patients atteints 186
d’un adénocarcinome de l’œsophage d’un adénocarcinome gastrique, du composante post-opératoire (incluse distal (55 %) ou de la JOG type II/ cardia ou du bas œsophage résé- dans la modalité de « chimiothérapie III (45 %) ont été randomisés entre cables seront inclus. Actuellement, péri-opératoire ») mérite également chimiothérapie pré-op (5FU-platine) seuls les résultats de la phase II de d’être évaluée. et chimiothérapie suivie d’une l’étude ont été publiés, concernant L’étude européenne CRITICS a évalué RCT pré-op (15 x 2 Gy + Cisplatine 120 patients dont un peu plus de la l’intérêt d’une RCT post-opératoire – Etoposide). On constatait une moitié avec une tumeur de la JOG chez les patients traités par chimio- tendance statistique à l’amélioration ou du tiers inférieur de l’œsophage, thérapie pré-op puis gastrectomie des taux de survie globale sur trois et ont démontré la faisabilité et (ou résection œso-cardiale) pour un ans dans le groupe RCT. De plus le l’acceptabilité des traitements adénocarcinome gastrique ou de la taux de réponse histologique complète notamment sur la morbidité chirur- JOG de types II/III (19). Le bras de (16 % vs. 2 %) et le statut ganglion- gicale (17). référence était la chimiothérapie naire négatif étaient en faveur du Dans l’attente d’essais de phase III péri-opératoire selon le schéma bras comprenant la RCT. Néanmoins, concluants, plusieurs méta-analyses MAGIC (3 cures d’ECF en pré et post- même si les résultats à longs termes ont tenté d’évaluer la place de la opératoire) et les patients du bras RCT suggèrent toujours un avantage à la RCT par rapport à la chimiothérapie post-opératoire (45 Gy + 5FU-Platine) RCT (14), l’étude POET est un essai pré-opératoire. Aucune n’a permis recevaient le même schéma de chimio- négatif et présente plusieurs limites de répondre clairement à la question thérapie pré-op (ECF 3 cures). Un total importantes, notamment le fait que puisque d’une part elles ont inclus de 788 patients a été inclus dont seuls l’analyse n’a pas été effectuée en des essais concernant les cancers 17 % avaient une tumeur de la JOG intention de traiter car seulement 119 de l’œsophage et non exclusivement (II/III) et 20 % un adénocarcinome des 126 patients ont été analysés. De de la JOG, dont une grande part de de l’estomac proximal. Outre une plus cette étude ancienne a étudié un carcinomes épidermoïdes, et d’autre observance médiocre du traitement schéma de chimiothérapie limité au part elles recensent des modalités post-opératoire, aucune différence du 5FU-platine surpassé maintenant pas thérapeutiques qui ont largement taux de survie à 5 ans n’était notée et le standard actuel FLOT. évolué au cours de ces dernières l’analyse en sous-groupes (limitée par Plusieurs essais de phase III sont en années que ce soit dans l’approche l’effectif faible) n’était pas en faveur cours pour tenter de déterminer le chirurgicale ou les modalités médi- de la RCT post-op dans les tumeurs meilleur schéma thérapeutique entre cales (techniques de radiothérapie et de la JOG. CANCÉROLOGIE RCT pré-opératoire et chimiothérapie schémas de chimiothérapie). Enfin l’amélioration des traitements péri-opératoire : Plus récemment une méta-analyse de radiothérapie des cancers de l’œso- - L’essai allemand ESOPEC compare a tenté de se centrer sur les cancers phage localisés (majoration de la dose, directement le schéma « CROSS » de la JOG en sélectionnant les essais association aux immunothérapies…) (RCT pré-op) versus le schéma (randomisés ou non, prospectifs ou et des traitements médicaux des FLOT (chimiothérapie péri-opéra- rétrospectifs) dont la population adénocarcinomes gastriques localisés toire) (15). Un total de 438 patients comprenait plus de 80 % de patients (inhibition HER2, immunothérapie avec adénocarcinome œsopha- avec adénocarcinome de l’œsophage des adénocarcinomes d-MMR, EBV+ gien (incluant toutes les tumeurs ou de la JOG et excluant ceux avec ou à charge mutationnelle élevée), en de la JOG de type I ainsi que les plus de 20 % de patients avec un cours d’évaluation actuellement, nous types II et III en cas d’infiltration carcinome épidermoïde œsophagien amènerait, en cas d’effet concluant, œsophagienne) seront inclus avec (18). Au total, 22 études (publiées au à évaluer leur impact dans la prise un objectif portant sur la survie plus tard mi-2018, n’incluant donc en charge des adénocarcinomes de globale afin de détecter une supé- pas les résultats de l’essai FLOT-AIO) la JOG. riorité du FLOT. comprenant 18 260 patients ont Au total, les adénocarcinomes de été prises en compte pour l’analyse la JOG restent une pathologie de - L’essai Neo-AEGIS compare égale- finale. Les résultats montrent que la « zone frontière » et empruntent aux ment le schéma « CROSS » (RCT RCT pré-opératoire, par rapport à la principes de la prise en charge des pré-op) versus la chimiothérapie chimiothérapie pré-opératoire, n’ap- cancers de l’œsophage et de ceux péri-opératoire selon le schéma porte pas de bénéfice en termes de de l’estomac. Si la classification de MAGIC ou le schéma FLOT chez survie globale médiane, malgré une Siewert a permis de mieux cerner 594 patients atteints d’un adéno- majoration du taux de réponse histo- cette pathologie et harmoniser les carcinome de l’œsophage ou de la logique complète et une diminution conduites à tenir et les résultats des JOG avec un objectif portant sur la du risque de récidive locorégionale. En études, leur prise en charge ne peut survie globale afin de détecter une dehors d’une sélection des études plus pas se résumer à leur type, parfois supériorité de la RCT pré-opératoire centrée sur la JOG cette « méta-ana- difficile à établir, et chaque cas doit (16). lyse » se heurte aux mêmes critiques être attentivement discuté en RCP - L’essai international TOPGEAR que les précédentes notamment en avec des équipes entraînées tenant évalue la RCT néo-adjuvante (45 Gy termes d’obsolescence des modalités compte de leur extension locale, associé au 5FU, précédée de 2 cures thérapeutiques. distale et proximale pour adapter le d’ECX ou ECF) puis une chimio geste chirurgical et la stratégie pré et Autres modalités thérapeutiques post-opératoire vs. la chimiothé- post-opératoire. Leur pronostic reste rapie péri-opératoire (3 cures d’ECX Si l’approche pré-opératoire s’impose malgré tout médiocre et de nouvelles ou ECF pré- et post-opératoire). dans le traitement complémentaire stratégies thérapeutiques doivent Un total de 752 patients porteurs des cancers de la JOG résécables, la continuer à être recherchées. 187
9. Cunningham D. Perioperative Chemo- 15. Hoeppner J, Lordick F, Brunner T, Glatz T, Bibliographie therapy versus Surgery Alone for Resectable Gastroesophageal Cancer. Bronsert P, Röthling N, et al. ESOPEC: prospective randomized controlled n engl j med. 2006;10. multicenter phase III trial comparing 1. Siewert JR, Stein HJ. Carcinoma of the perioperative chemotherapy (FLOT gastroesophageal junction - classi- 10. Al-Batran S-E, Homann N, Pauligk C, protocol) to neoadjuvant chemoradi- fication, pathology and extent of Goetze TO, Meiler J, Kasper S, et al. ation (CROSS protocol) in patients with resection. Diseases of the Esophagus. 1 Perioperative chemotherapy with adenocarcinoma of the esophagus juill 1996;9(3):173‑82. fluorouracil plus leucovorin, oxaliplatin, (NCT02509286). BMC Cancer. déc and docetaxel versus fluorouracil or 2016;16(1):503. 2. Siewert JR, Hölscher AH, Becker K, capecitabine plus cisplatin and epiru- Gössner W. [Cardia cancer: attempt at 16. ICORG 10-14: NEOadjuvant trial in bicin for locally advanced, resectable a therapeutically relevant classification]. Adenocarcinoma of the oEsophagus gastric or gastro-oesophageal junction Chirurg. janv 1987;58(1):25‑32. and oesophagoGastric junction Inter- adenocarcinoma (FLOT4): a randomised, national Study (Neo-AEGIS) - PubMed 3. Siewert JR, Feith M, Werner M, Stein HJ. phase 2/3 trial. The Lancet. mai [Internet]. [cité 7 déc 2020]. Disponible Adenocarcinoma of the esophago- 2019;393(10184):1948‑57. sur: https://pubmed-ncbi-nlm-nih-gov. gastric junction: results of surgical proxy.insermbiblio.inist.fr/28578652/ therapy based on anatomical/ 11. v a n H a g e n P, H u l s h o f M C C M , topographic classification in 1,002 van Lanschot JJB, Steyerberg EW, 17. Leong T, Smithers BM, Haustermans K, consecutive patients. Ann Surg. sept Henegouwen MI van B, Wijnhoven BPL, Michael M, Gebski V, Miller D, et al. 2000;232(3):353‑61. et al. Preoperative Chemoradio- TOPGEAR: A Randomized, Phase III Trial therapy for Esophageal or Junctional of Perioperative ECF Chemotherapy 4. Mine S, Kurokawa Y, Takeuchi H, Kishi K, C a n c e r. N E n g l J M e d . 3 1 m a i with or Without Preoperative Chemora- Ito Y, Ohi M, et al. Distribution of involved 2012;366(22):2074‑84. diation for Resectable Gastric Cancer: abdominal lymph nodes is correlated Interim Results from an International, with the distance from the esophago- 12. Shapiro J, van Lanschot JJB, Intergroup Trial of the AGITG, TROG, gastric junction to the distal end of the Hulshof MCCM, van Hagen P, van Berge EORTC and CCTG. Ann Surg Oncol. août tumor in Siewert type II tumors. Eur J Surg Henegouwen MI, Wijnhoven BPL, et al. 2017;24(8):2252‑8. Oncol. oct 2015;41(10):1348‑53. Neoadjuvant chemoradiotherapy plus 18. Petrelli F, Ghidini M, Barni S, Sgroi G, 5. Kurokawa Y, Takeuchi H, Doki Y, Mine S, surgery versus surgery alone for oesoph- Passalacqua R, Tomasello G. Neoad- Terashima M, Yasuda T, et al. Mapping of ageal or junctional cancer (CROSS): juvant chemoradiotherapy or chemo- Lymph Node Metastasis From Esophago- long-ter m results of a randomised therapy for gastroesophageal junction gastric Junction Tumors: A Prospective controlled trial. Lancet Oncol. sept adenocarcinoma: A systematic review Nationwide Multicenter Study. Ann Surg. 2015;16(9):1090‑8. and meta-analysis. Gastric Cancer. mars 8 août 2019. 2019;22(2):245‑54. 13. S t a h l M , Wa l z M K , S t u s c h k e M , 6. Wu AJ, Goodman KA. Positron emission Lehmann N, Meyer H-J, Riera-Knorren- 19. Cats A, Jansen EPM, van Grieken NCT, tomography imaging for gastroesoph- schild J, et al. Phase III Comparison of Sikorska K, Lind P, Nordsmark M, et al. ageal junction tumors. Semin Radiat Preoperative Chemotherapy Compared Chemotherapy versus chemoradio- Oncol. janv 2013;23(1):10‑5. With Chemoradiotherapy in Patients With therapy after surgery and preoperative Locally Advanced Adenocarcinoma of chemotherapy for resectable gastric 7. Feith M, Stein HJ, Siewert JR. Adenocar- cancer (CRITICS): an international, the Esophagogastric Junction. JCO. 20 cinoma of the esophagogastric junction: open-label, randomised phase 3 trial. The févr 2009;27(6):851‑6. surgical therapy based on 1602 consec- Lancet Oncology. mai 2018;19(5):616‑28. utive resected patients. Surg Oncol Clin N Am. oct 2006;15(4):751‑64. 14. Stahl M, Walz MK, Riera-Knorrenschild J, Stuschke M, Sandermann A, Bitzer M, et 8. Ychou M, Boige V, Pignon J-P, Conroy T, al. Preoperative chemotherapy versus Bouché O, Lebreton G, et al. Perioper- chemoradiotherapy in locally advanced ative Chemotherapy Compared With adenocarcinomas of the oesophago- Surgery Alone for Resectable Gastro- gastric junction (POET): Long-ter m esophageal Adenocarcinoma: An results of a controlled randomised trial. FNCLCC and FFCD Multicenter Phase III European Journal of Cancer. août Trial. JCO. 1 mai 2011;29(13):1715‑21. 2017;81:183‑90. 188
5 Les cinq points forts ● Les adénocarcinomes de la Jonction Œso-Gastrique (JOG) sont des tumeurs dont l’épicentre est au plus à 5 cm au-dessus ou 5 cm au-dessous de la JOG selon la définition de Siewert (Siewert I, II ou III). ● Le caractère R0 de la résection chirurgicale est le principal facteur pronostique, suivi de l’envahissement ganglionnaire. ● L’œsophagectomie trans-thoracique avec gastrectomie polaire supérieure et la gastrectomie totale avec résection trans-hiatale de l’œsophage distal sont les 2 types d’exérèse possibles ; le choix dépend de la topographie et du degré d’extension œsophagienne. ● Dès le stade IB, un traitement complémentaire à la chirurgie doit être proposé en pré-opératoire : chimiothérapie péri-opératoire ou radio-chimiothérapie concomitante pré-opératoire. ● Le standard de chimiothérapie péri-opératoire est le FLOT (4 cures pré et 4 cures post-opératoires) ; le standard de radio-chimiothérapie concomitante pré-opératoire est le schéma « CROSS » (41,4 Gy + Carbo-Paclitaxel hebdomadaire concomi- tant). CANCÉROLOGIE 189
190
Vous pouvez aussi lire