Transparence et pouvoir local - Salah Boussatà Rabat, Juin 2011
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Transparence et pouvoir local Salah Boussatà Ancien directeur général des collectivités locales et du C.F.A.D. Rabat, Juin 2011 بسم اهلل الرحمن الرحيم
La décentralisation constitue un des éléments essentiel d’une gouvernance car c’est à travers elle que les citoyens s’intéressent de plus en plus au développement de leur collectivité locale et recherchent par conséquent une adéquation des services publics locaux à leurs besoins légitimes ce qui entraîne une rationalisation de l’exploitation des ressources financières et humaines dont on pourrait disposer. Les collectivités locales de part les missions qui leur ont été confiées sont devenues des acteurs économiques non négligeables et se sont fait reconnaitre une place non moins importante dans l’économie nationale au sein de laquelle sa contribution est mise en relief par le volume de leurs recettes et dépenses dans le produit intérieur brut. Même si ce volume ne représente pas surtout dans les pays en développement une part significative par rapport à celle de l’état, il y a lieu de signaler que l’activité des collectivités locales constitue un facteur de croissance pour l’économie du pays par la place que devraient accorder les collectivités locales à l’investissement. Mais ce rôle que devraient assumer les collectivités décentralisées ne devrait négliger la réalité de la situation plus ou moins précaire d’un bon nombre d’entre elles à cause d’une conjoncture économique et sociale spécifique à chacune d’elles ce qui engendre une inégalité caractérisée entre collectivités locales en matière de ressources et par conséquent au niveau de l’investissement et de la qualité des services ce qui devrait entraîner une charge de plus en plus croissante pour le budget de l’état qui ne cesse d’accroitre d’un plan à un autre les transferts financiers vers ces collectivités . A ces difficultés d’ordre financier il ne faut pas oublier d’ajouter les effets du statut des élus locaux et celui de l’administration technique .En effet, on ne peut actuellement situer uniquement la décentralisation ou le gouvernement local par rapport au principe du désengagement de l’état ou bien encore par rapport au souci d’affranchir les collectivités locales du contrôle strict exercé sur celles-ci par les services de l’état, mais il importe de mettre en relief les liens étroits de la décentralisation avec la démocratie qui se traduisent par le principe du libre choix des élus locaux par les citoyens : un libre choix effectif que le monopartisme ne peut affecter ou mettre à un classement non digne de sa noblesse. La démocratie ne se limite pas d’autre part à l’exercice de ce choix à des intervalles bien déterminés mais à faire de la décentralisation un moyen de rapprocher le pouvoir du citoyen en permettant au citoyen d’intervenir dans la vie locale et de pouvoir contrôler ses élus locaux, car le renforcement des pouvoirs des élus locaux surtout les organes exécutifs peut créer des risques de dérapages sans les outils qui puissent l’équilibrer par la garantie de l’efficacité de la productivité , la qualification professionnelle et de l’évaluation de la qualité des services publics. Bref, l’activité de l’électeur local avec l’administration devient une suite d’actes d’un manager public qui dans une multitude de domaines : administratif ou financier urbain ou
environnemental, ce qui exige un niveau de qualification adéquat et engendre un haut degré de responsabilité. Le mouvement de décentralisation étant irréversible, il ya lieu d’édicter un certain nombre de règles pour ces activités pourquoi pas une stratégie cohérente qui pourrait assurer une transparence et garantit le développement(1) ce dessein méritant une grande étude, je me limiterai dans cette intervention à un domaine que je qualifie de prioritaire dans la gestion locale à savoir le recouvrement des ressources (II). I-La stratégie : Les difficultés dans lesquelles se trouvent un bon nombre de collectivités locales n’ont pas une origine unique. Je ne traiterai pas la rareté structurelle de leurs ressources et de l’inadéquation des moyens dont elles disposent aux compétences qu’elles devraient exercer mais je me limiterai aux raisons d’ordre humain qui se rapportent à l’activité des ressources humaines : élus locaux et personnel administratif. Dans une multitude de cas de collectivités locales, il est évident de dire que la mauvaise qualification de ressources humaines a des effets négatifs sur la qualité des services et on essaye de la surmonter par des efforts de sensibilisation et de formation. Des structures permanentes de formation ont été créées avec l’élaboration de programmes de formation issus d’un travail d’identification de besoins et d’évaluation permettant une amélioration relative. Mais les effets de pratiques volontairement utilisés sont aussi redoutables que les précédentes. Il s’agit d’actes malhonnêtes désignés par les concepts de corruption ou de concussion, les deux termes n’étant pas identiques. La concussion, faudrait-il le rappeler, est le fait pour un agent public d’exiger, de recevoir ou de faire percevoir sciemment à titre de droits, taxes ou salaires des sommes non dûes alors que la corruption est le fait de rémunérer par des dons, promesses ou offres la complaisance de l’agent public. Analysons tout d’abord le phénomène et les domaines qui le concernent avant de proposer une stratégie et un scénario de mise en œuvre. A- Le phénomène : Il se traduit par un ensemble d’actes passifs ou actifs qui concernent un certain nombre de domaines dont les plus signalés et les plus fréquents sont : -l’attribution de pots-de-vin aux élus ou aux agents à l’occasion du lancement d’opérations d’acquisition publique : approvisionnement, travaux ou services.
-l’attribution de pots-de-vin à l’occasion de l’exercice par l’autorité publique de ses pouvoirs de police administrative générale ou spéciale dans le domaine de la voirie ou dans le domaine de l’urbanisme pour obtenir des permis. L’initiative dans ce cas peut émaner du bénéficiaire non pour résoudre un problème de principe mais pour faire accélérer une procédure bloquée indument par l’agent public. -la complaisance de l’agent public moyennant une contre partie à l’occasion de la procédure d’une perception de taxes locales ce qui entraîne un manque à gagner en ressources financières de la collectivité locale concernée. La classification de ces actes de corruption repose parfois sur le critère de la valeur de l’opération concernée de telle manière qu’elle s’identifie au niveau de l’autorité publique dans la hiérarchie. Ainsi il s’agit de « petites corruptions » lorsque l’acte délictuel émane du bas de la hiérarchie moyennant une contrepartie relativement faible et il s’agit de « la grande corruption » lorsque les affaires touchent de hauts dirigeants élus ou personnels administratifs. Mais cette classification n’est pas à mon sens très significatif car l’élément essentiel dans ce genre d’actes c’est celui de la répétitivité et de la fréquence de telle façon que les actes soient érigés en système qui touche la crédibilité des structures. Un autre élément non moins important mais il influe sur le degré de puissance de l’autorité et accentue plus ou moins la pression sur l’usager c’est celui du caractère lié ou discrétionnaire de la compétence dévolue à l’autorité décentralisée. Rappelons, s’il y en a besoin, que si la règle de droit à appliquer par l’agent public impose à celui-ci la décision qui découle de la réunion des conditions définies par elle, il ya compétence liée et il ya compétence discrétionnaire lorsque l’autorité chargée de l’appliquer jouit d’une liberté d’appréciation. Dans un cas comme dans un autre la tentation est partout présente. Dans le premier des deux cas et en dépit de la réunion des conditions juridiques, l’agent qui est tenu de fournir la prestation n’agit qu’après avoir obtenu une contrepartie qui joue le rôle d’accélérateur à défaut de quoi l’agent userait de moyens dilatoires ou fournira au client de précieuses informations (par exemple en matière de marchés publics : communiquer des informations confidentielles sur les soumissions des concurrents.) En matière de compétences discrétionnaires l’agent public retrouvera sa liberté que lui confère la loi ou la réglementation. Les effets de ces actes sont plus graves en l’absence de contrôle à exercer sur les gestionnaires publics. B- Les effets de la corruption au niveau local :
Il y a lieu de rappeler ici que l’étude de la corruption et les actes voisins sont étudiés ici à une échelle locale, même si l’addition de ces actes dans les différentes collectivités locales aboutit à un phénomène à impact national. D’abord l’effet premier direct se traduit par un manque à gagner en ressources pour les collectivités locales c'est-à-dire des difficultés pour financer le fonctionnement et l’investissement. Dans le cas où les fonds sont extorqués au soumissionnaire sélectionné le risque évident est que celui-ci fera supporter le poids sur les contribuables ou bien sur l’administration locale acquéreur par un gonflement mesuré des prix proposés. La volonté d’avoir des pots-de-vin incite, en outre, l’administration publique à créer le besoin en acquérant des biens et services inutiles pour elle. Toutes les pratiques influent indirectement sur le tissu économique en écartant les entreprises honnêtes qui ne peuvent supporter l’enjeu de cette concurrence déloyale, avec comme corollaire l’incidence sur la productivité et l’amélioration de la qualité. Les lois du marché se trouvent aussi bafouées. A ces considérations d’ordre économique il convient de signaler que, sur le plan politique, une dévolution démocratique du pouvoir local constitue un cadre solide pour l’exercice d’une activité économique saine et indépendante. Mais il s’agit de se méfier de deux positions extrêmes diamétralement opposées d’une part, en l’absence de compétition politique réelle (monopartisme) la corruption peut être très développée dans ce climat propice. D’autre part, dans un climat de compétition caractérisée par une instabilité politique et par une insécurité des situations ceci pourrait constituer un facteur d’incitation à profiter avant les bouleversements imprévus. En revanche dans un cadre de vraie démocratie stable caractérisée par une compétition saine, les occasions de corruption, sans qu’elles disparaissent complètement, se réduisent avec l’existence de la sanction du bureau de vote En effet, le régime démocratique ne repose pas uniquement sur les élections mais aussi des institutions de contrôle indépendantes de manière à ce que le pouvoir arrête le pouvoir : le contrôle financier, le pouvoir de la presse et tous les moyens de l’information, un système d’information transparent, les composantes de la société civile comme autorité de veille. Le problème de l’administration communale est lié au problème du personnel politique local. En effet, les rapports des élus locaux ou plus précisément celui de l’exécutif local restent à déterminer, vis-à-vis de l’administration. Celle-ci convient-il de jouir d’une liberté vis-à-vis du chef de la collectivité locale au niveau du recrutement, de la carrière, cette liberté étant nécessaire pour faire
valoir l’intérêt supérieur de la collectivité contre tout intérêt privé et de la maintenir en dehors des calculs politiques et partisans ? Le niveau de la rémunération du personnel des collectivités locales peut constituer aussi un facteur qui favorise les actes malhonnêtes. La détermination de la rémunération pour chaque catégorie d’agents publics et de corps autrement dit l’éventail des salaires doit correspondre au principe de l’équité par rapport au secteur parapublic ou privé pour parer à la tentation qu’aurait l’agent public de compenser le décalage par le recours à la corruption ou aux actes voisins. C- Comment réformer ? Il faudrait, de prime abord ,s’éloigner de l’approche, je dis bien naïve ,qui fait que la lutte contre la corruption et les actes voisins se ramènent à la persistance dans l’application de la loi et de la réglementation et de punir ceux qui les enfreignent parce que le mal peut dans une multitude de cas être général et atteindre aussi bien les décideurs que les subordonnés ou du moins parce qu’il ya résistance à la réforme et le reflexe de sauvegarder les privilèges acquis demeure vif voir agressif. La stratégie devrait faire appel à toutes les parties intéressées par l’activité locale et toucher par conséquent aussi bien l’administration et les élus que les usagers ainsi que tout l’environnement humain de la localité : le pouvoir de l’information et les différentes structures de la société civile. Il s’agit en outre de réformer l’organisation des statuts et des procédures dans l’administration. Enfin, l’autocontrôle à l’intérieur de la structure administrative étant insuffisant et non entièrement efficace, une structure de surveillance externe indépendante et loyale a à assurer le rôle de veille attentif et efficace de manière à ce que tout fautif doive être sanctionné. 1-L’adhésion collective au mouvement de lutte contre la corruption : Il s’agit pour l’autorité publique élus et personnel administratif, citoyens et autres d’affirmer leur engagement dans ce mouvement et de déclarer l’éradication du phénomène comme un objectif collectif et prioritaire, c’est comme le préambule d’une constitution qui a à développer l’ensemble des mesures à prendre : des mesures préventives et des mesures coercitives. Cette volonté se traduirait par un travail collectif de diagnostic et d’évaluation avec une approche participative. 2-La réforme des statuts de l’organisation et des procédures :
-Les procédures : il s’agit de mettre en place des règles claires, rationnelles qui ne supposent pas des interprétations différentes et de manière à réduire dans ses justes limites le pouvoir discrétionnaire de l’autorité compétente. Ces règles qui fixent les délais, les pièces justificatives requises ,le montant des redevances figureront obligatoirement sur un manuel de procédure spécifique valable aussi bien pour l’administration que pour l’usager. Des règles de contrôle et d’évaluation y figurent également. -L’organisation : elle doit être transparente pour éviter que l’administration soit un rempart derrière laquelle se déroulent les manœuvres frauduleuses. La lutte contre la corruption doit porter plus sur le système lui-même que sur les personnes. Des systèmes de contrôle devraient être développés pour veiller sur la bonne gestion financière. -Le statut de l’élu local et du personnel : on vise par là le recrutement ou la nomination, le système de rémunération, le développement de la carrière et la responsabilité. .Au niveau des recrutements : enfreindre les règles de la sincère compétition pour entrer dans la fonction publique locale touchera nécessairement au niveau des agents publics et par conséquent influerait sur la qualité des services, et si et si ce n’est pas le niveau professionnel qui confère à l’agent une protection contre la tentation à la corruption c’est la cooptation des agents publics qui facilite la création des réseaux. Une politique de recrutement qui a pour but essentiellement l’emploi ou le clientélisme sans aucun rapport avec les besoins réels de l’administration ne fait qu’engendrer l’oisiveté et faire courir le risque de la corruption outre le gaspillage des ressources des collectivités locales encore rares. .Le déroulement de la carrière de l’agent public par l’avancement et la promotion doit suivre les mêmes principes de l’équité ,de la motivation et de la récompense personnalisée par l’établissement d’un système d’avancement. .La rémunération :un salaire bas peut constituer un facteur poussant à la corruption mais un salaire à un niveau élevé n’exclut pas qu’un agent soit envahi par la tentation. .Les indemnités et primes ne devraient en aucun cas être un complément de salaire généralisé mais elles s’inscrivent dans un système basé sur le mérite. . La rémunération est à maintenir à un niveau assez voisin de celui du secteur privé.
.La responsabilité : Tout agent public élu ou agent administratif devrait ressentir l’existence éventuelle de la punition et préalablement l’existence de vrais structures de contrôle et d’inspection internes et externes comme il sera développé ultérieurement. A ces structures il y a lieu d’ajouter la mesure de l’obligation pesant sur l’agent public de déclarer ses biens, ses revenus et les cadeaux et d’instituer l’action publique préliminaire qui vise à connaître les origines de ces biens : d’où sont provenus ? 3-L’autorité permanente et indépendante de lutte contre la corruption : .La formation du personnel des collectivités locales : l’activité administrative financière et technique au sein des collectivités locales est diversifiée et basée sur des connaissances, des législations et règlementations variées et complexes. Un système de formation touchant les différents domaines s’impose, tout en l’axant sur les différentes procédures et règles à respecter pour éviter les fraudes et autres actes réprimables. Egalement les règles de bonne conduite. 4-L’autorité permanente et indépendante de contrôle et de lutte contre la spéculation: .Laisser l’initiative de lutte aux structures internes de l’administration risque d’être peu efficace. Il est préférable et même impérieux qu’une institution externe, indépendante et jouissant d’une autorité morale et juridique de par sa composition et ses compétences soit instituée : au niveau de la collectivité locale concernée ou à un niveau national. Elle devrait jouir de prérogatives lui permettant d’éviter tout blocage d’information et lui conférant la liberté d’investigation et de poursuite judiciaire et de prendre toutes les mesures nécessaires appropriés .Les représentants des usagers et des composantes de la société civile devraient disposer d’une place convenable dans cette institution. Celle-ci pouvait profiter des activités (rapports, informations, investigations) d’autres structures de contrôle. 5-Le rôle des autres composantes de la société : Il s’agit tout d’abord des citoyens individuellement et des associations et structures similaires qui doivent être la cible d’actions permanentes de sensibilisation et de vulgarisation pour mener à bien leur rôle de veille et de suivi.
Les moyens d’expression et d’information et généralement les medias ont un rôle important à jouer. Pour leur faciliter l’exercice effectif de leurs responsabilités le droit à l’information et d’accès à ses sources mérite non seulement d’être reconnu mais d’être solennellement institutionnalisé et de figurer parmi les grands principes démocratiques. II-illustration : Dans la vie locale, les villes connaissent un bon nombre d’illustrations de pratiques malsaines, préjudiciables à la qualité des services, à la qualité de la vie et aux ressources des collectivités locales ce qui les empêche de bien mener leur politique de fonctionnement et d’investissement. Les exemples ne manquent pas, de celui des marchés publics, à celui du contrôle des opérations urbaines et sans oublier celui du recouvrement des ressources de la ville. Le temps imparti à l’intervention ne permet de revenir sur l’ensemble de ces exemples. Mais celui des marchés publics, même s’il est toujours le plus cité, a fait l’objet de plusieurs études, je me limiterai à celui du recouvrement des ressources de la ville car le phénomène touche un grand nombre de villes et se traduit par un volume non négligeable de manque à gagner ce qui engendre des difficultés financières aggravant leur situation : le produit de la fiscalité locale et celui de leurs biens ne pouvant couvrir les frais de fonctionnement et assurer une épargne capable de financer les projets et d’effectuer les remboursement des emprunts. Ce manque à gagner en ressources découle d’un ensemble de facteurs des agissements, des omissions et des négligences. Certains actes sont délictuels au sens juridique du terme, d’autres actes se présentent sous la forme de manquements blâmables. Parfois, l’élément moral de l’infraction reste à prouver. Il suffit de comparer le potentiel fiscal et en biens de la ville avec le montant des ressources pour découvrir l’énorme écart et l’ampleur du phénomène. En outre, le recouvrement des rôles déjà incomplets de la ville fait apparaitre un autre écart entre les montants inscrits et les montants réalisés. Ceci se traduit par une évasion fiscale et parafiscale moyennant des contreparties qui partent vers les portefeuilles de quelques agents publics (élu ou personnel administratif). Il suffit de consulter les comptes financiers des villes pour contempler cet écart ce qui entraine un certain nombre d’effets négatifs sur les
finances locales des villes, sur la crédibilité de l’autorité locale et sur la répartition des charges publiques entre les différents citoyens, une répartition qui présente désormais un caractère inéquitable. Il convient d’établir un diagnostic et d’en tirer les enseignements nécessaires à l’élaboration d’un plan d’action et de suivi (contrôle et évaluation). A- Le Diagnostic : Il s’agit de procéder à une analyse financière de la situation financière de la collectivité locale. - Examiner l’évolution des ressources et les projections. -Etablissement de ratios ce qui permet d’arriver à des résultats qui se rapportent à la structures des ressources en faisant intervenir un nombre de facteurs : - Ressources réalisées et prévisions. - Ressources réalisées et rôles d’imposition. - Ressources et nombre d’habitants. - Ressources et nombre des immeubles bâtis et non bâtis. - Nombre d’immeubles enregistrés sur le rôle de l’imposition avec les résultats du recensement national. -La superficie des terrains non bâtis. -Puiser dans les documents de l’état pour avoir des informations pertinentes. La démarche à adopter pour élaborer un diagnostic est une démarche participative qui ferait intervenir les différentes parties concernées : l’administration et l’élu d’une part, un échantillon de contribuables d’autre part et enfin les structures d’accompagnement : le ministère des finances et les structures d’inspection et de contrôle. Le diagnostic fera apparaître : - Les types de fautes ou d’infractions retenus. - L’impact financier.
- Les bénéficiaires. - Les raisons facilitant la commission des infractions. - Les mesures à prendre pour améliorer la situation. a)Les types de fautes sont nombreux. Citons les plus notoires et fréquents : - Retard dans l’établissement des rôles d’imposition et des contrats et commission de négligences qui aboutissent à une diminution appréciable du produit imposable (adresse inconnue de l’immeuble, identité de l’assujettie non complète.) - L’arbitraire dans fixation de l’assiette des taxes et dans son actualisation. - La non réalisation des opérations de recensements de l’assiette des taxes : (les immeubles bâtis et leurs superficies, le chiffre d’affaires des activités commerciales industrielles professionnelles et hôtelières) - Magouilles lors des concessions de taxes. - Des irrégularités au niveau de recouvrement de différentes taxes (exonération totale ou partielle et même renonciation et abstention d’appliquer la législation fiscale et d’effectuer les poursuites administratives et judiciaires afin d’assurer le recouvrement. On retrouve les irrégularités le long de la procédure de recouvrement : depuis la détermination de l’assiette jusqu’au recouvrement en passant par la fixation du taux de l’imposition et ce indifféremment de la nature de la taxe : taxe directe ou taxe indirecte (taxes directes : taxe sur les terrains bâtis, ou sur le chiffre d’affaires des établissements commerciaux, industriels et professionnels, taxe hôtelière, participation pour la substruction de parking. Taxes indirectes : taxe de voirie, droits de marchés.) b) Les raisons : Elles sont de 4 ordres : -D’ordre matériel : elle concerne les moyens de travail nécessaires à la réalisation des différentes opérations successives de l’imposition depuis le recensement jusqu’au recouvrement par le receveur des finances. -Manque dans la nomination des rues et des avenues dans lesquelles se situent les immeubles imposés.
-Manque de moyens matériels de communication et de transport. -Non informatisation des bases de l’imposition. -D’ordre humain : -Manque d’effectifs du personnel ou mauvais emploi de ces effectifs. -Manque d’expertise et absence d’actions de formation. -Absence de motivation des responsables. -D’ordre organisationnel : - La non adoption de la démarche de l’analyse financière. -Manque de coordination entre l’autorité ordonnatrice et l’autorité chargée de la comptabilité. -Inexistence d’un service spécifique responsable exclusivement du recouvrement. -L’absence de manuel de procédures. -L’absence de responsables du contrôle, du suivi et de l’évaluation. -D’ordre juridique : -Complexité de la législation et de la réglementation applicables. -Taux de taxes mal adaptés à la situation financière de personnes assujetties. -Les citoyens sont mal informés et peu sensibilisés. -Le manque de règles coercitives et illusions des sanctions effectives. c)L’identification d’indices de l’existence potentielle d’agissements délictuels ou de négligences. A chaque étape de la procédure de recouvrement correspondent un certain nombre d’indices. - La détermination de la matière imposable en comparant la consistance du parc immobilier avec le nombre d’articles figurant sur le rôle. - L’acquisition des droits de concession des taxes (voirie et marchés) par les mêmes personnes.
- La non évolution des prix de la concession et le cas échéant de leur décroissance. - La tenue incorrecte des documents fiscaux. - La résistance à l’informatisation des procédures des différentes étapes de l’imposition. - L’accaparement des missions des différents responsables par une seule autorité. B- La mise en œuvre de mesures de lutte : L’adoption d’un plan de mise en œuvre de mesures de lutte doit faire l’objet d’un consensus et de l’adhésion de tous les intervenants. L’ensemble de mesures sont de deux ordres : des mesures d’ordre préventif et les autres qui supposent un accroissement de la responsabilité par la motivation et la sanction. Tout acte délictuel doit être puni et la collectivité locale doit être dédommagée. La lutte contre la corruption et les actes voisins a à obéir à une approche rationnelle. Il s’agit de déterminer au préalable les étapes de l’opération de recouvrement des ressources depuis l’acte générateur jusqu’à l’entrée des fonds dans les tiroirs du comptable public : - Le recensement ou la détermination de l’assiette et le calcul du taux. - La délimitation de l’assiette et le calcul du taux. - La validation de l’acte d’imposition ou le titre de perception. - L’information de la personne assujettie. - L’opération matérielle de recouvrement. a) Le recensement ou de la détermination de la matière imposable : Le fait générateur d’un cas à un autre selon qu’il s’agit d’une taxe directe ou d’une taxe indirecte ou d’une concession de taxes. Faudrait-il rappeler qu’il s’agit dans cette étape de cerner le volume de la matière imposable : recensement des immeubles bâtis, des terrains non bâtis de manière à éviter toute omission et de procéder à des recoupements tout en
recourant aux différentes sources d’informations disponibles permettant d’inclure toute matière nouvelle : (service d’autorisation de bâtir et lotissements) ou services fiscaux de l’Etat. Pour la concession des droits et taxes, l’operateur doit couvrir toutes les matières concédées après leur évaluation. Cette étape étant très sensible, elle détermine les résultats dans les étapes ultérieures. Les opérations qui figurent doivent être confiées à des personnes hautement qualifiées ou du moins encadrées par eux. Car il ne s’agit pas uniquement d’une simple opération matérielle. Elles devraient être dotées d’une expertise reconnue par le niveau d’instruction et par un apprentissage confirmé. Un système de valorisation de ces emplois, avec un effort de motivation par la rémunération adéquate (liée à la productivité) est à instituer. Mais une omission d’inscrire un article fiscal n’est pas une simple négligence mais devrait être considérée comme une faute professionnelle lourde donc nécessairement et sévèrement sanctionnée. Le suivi de l’activité de ce personnel élu ou administratif constitue la base de la réussite de cette étape à la lumière des différentes sources d’information. b) La délimitation de l’assiette de la taxe ou de la contrepartie contractuelle et le calcul des taxes : Cette étape va déterminer le montant de l’imposition en considération des deux facteurs précités : l’assiette et le taux pour les ressources fiscales, la contrepartie contractuelle lorsqu’il s’agit de convention. C’est pendant cette étape aussi que se précise le pouvoir de l’élu ou de l’agent administratif. Le plus sain et si on veut conférer à cette opération les éléments de la transparence, le pouvoir ne peut être discrétionnaire ici. La compétence ferait mieux d’être limitée par une réglementation claire équitable et économique. Le code de la fiscalité locale en Tunisie a opéré en 1997 un changement radical en changeant l’assiette de l’imposition des immeubles bâtis et des terrains non bâtis en remplaçant la valeur locative qui a été sujette à des abus et à des aberrations par la surface couverte pour la ‘’ T.I.B. ’’ et la valeur vénale pour la ‘’ T.N.B. ‘’ ce qui a énormément amélioré la situation. Les statistiques ont enregistré une nette amélioration du produit de cette taxe au niveau national même si cette amélioration n’est pas encore suffisante en
raison des lacunes et insuffisances constatées au niveau du recouvrement, procédures et de l’organisation. c) La validation de l’acte d’imposition ou du titre de perception : Il s’agit de l’élaboration du titre juridique qui permet à la collectivité locale de percevoir les sommes dues. L’établissement de cet acte doit obéir aux règles de fond et de forme exigées. Les mêmes observations concernant l’expertise des personnes responsables déjà signalées dans la première et étape restent valables. d) L’information de la personne assujettie à la taxe : La qualité du titre de perception, en clarté et transparence, provoque l’adhésion de la personne assujettie et confère à la décision prise qui y figure plus de crédibilité et rétrécit les tentations des responsables mal intentionnés. e) L’opération matérielle de recouvrement : Cette opération est imputée au comptable public qui dépend des services de l’Etat en vertu du principe de l’unité de trésorerie publique. Elle a l’avantage de confier le recouvrement à une personne étrangère et non dépendante de l’autorité de la collectivité locale ce qui lui assure une liberté d’action loin des interventions des élus locaux. Mais en revanche, le comptable public peut en profiter pour mener une démarche personnelle et plus libérale ou avec la connivence de certains responsables de la collectivité locale en commettant un certain nombre d’agissements incorrects et d’irrégularités : - Commettre des erreurs dans le titre de perception pour pouvoir reporter le délai de parement. - Ne pas arriver au terme de la procédure de recouvrement le cas échéant l’exécution forcée. - Ne pas envoyer les titres de perception sous le prétexte d’être dépassé par la charge de travail. -Adopter des mesures dilatoires pour faciliter l’évasion fiscale tout en reprenant chaque fois la procédure dès son début
A ces différents agissements, il y a lieu de prévoir des mesures de motivation et aussi des sanctions sévères en cas d’infraction constatée suite aux opérations de suivi et de contrôle. Toutes ces mesures supposent des mesures d’accompagnement et de cadrage dans chacune de ces étapes : - Tout d’abord, il est impérieux d’établir un système de rémunération basé sur le mérite, la productivité et la motivation mais avec un système stricte de sanctions administratives et pénales comme un revers nécessaire et logique avec un système de formation continue et pointue. - La consolidation des institutions de contrôle et d’inspection. Elles sont des deux types, le premier c’est le type classique : enquête, inspection, le second consiste à créer au niveau de la ville un conseil des contribuables qui veille sur la transparence du système. - L’informatisation des procédures et des données pour plus de transparence avec des outputs supplémentaires (tableaux de bord ...) pour assurer le suivi et pour faciliter le contrôle et le rendre plus efficace avec la prise de précautions nécessaires pour parer à toute fraude (mot de passe, responsabilisation des agents chargés de la saisie …) le manuel de procédure est aussi un instrument incontournable. - Codifier et simplifier la législation et la règlementation en vigueur et effectuer des séminaires et des réunions de sensibilisation en direction des contribuables et des composantes de la société civile.
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