Trouver un équilibre entre représentation effective et parité électorale - Commission de délimitation des circonscriptions électorales / Rapport ...

 
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Trouver un équilibre entre représentation
             effective et parité électorale

                           Commission de délimitation
des circonscriptions électorales / Rapport préliminaire
                          Dr. J. Colin Dodds, président
                                         Novembre 2018
Trouver un équilibre entre représentation
             effective et parité électorale

                           Commission de délimitation
des circonscriptions électorales / Rapport préliminaire
                          Dr. J. Colin Dodds, président
                                         Novembre 2018
Table des matières

Introduction.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 1

Structure et fonctionnement.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 3

Mandat .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 5

Contexte.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 6
      Questions clés : parité des électeurs et représentation effective .  .  .  .  .  .  .  . 6
            La représentation effective en Nouvelle-Écosse.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 7
            Représentation effective des communautés minoritaires .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 7
            Représentation effective et parité des électeurs.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 8
      Controverse liée à la Commission de délimitation
      des circonscriptions électorales de 2012. .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 8
            Contestation devant les tribunaux du rapport de la Commission
            de délimitation des circonscriptions électorales de 2012 .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 9
            La Commission Keefe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
            Représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais.  .  .  .  . 10
            Représentation effective des électeurs des régions rurales.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 11
      Commission de délimitation des circonscriptions
      électorales 2018-2019.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 11
            Représentation effective des populations minoritaires.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 12
            Représentation effective des Néo-Écossais des régions rurales.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 12

Pour une représentation plus effective :
méthodes et stratégies .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                                           13
      Représentation effective dans le contexte néo-écossais .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 13
            Géographie.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 14
            Modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques,
            et démarcations politiques .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 14
      Gouvernance .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 18
      Maintien des circonscriptions électorales exceptionnelles .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 19
      Circonscriptions électorales non contiguës. .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 22

ii                               Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Circonscriptions administratives, représentation générale,
    sièges réservés.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 23
         Circonscriptions électorales à deux membres .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 25
         Représentation désignée ou générale dans une circonscription
         électorale à deux membres : deux membres avec représentation élargie.  .  . 27

Données démographiques et électorales.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                                                                  29

Le processus de consultation publique. .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                                                             30

Propositions relatives aux limites
des circonscriptions électorales .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                                           32
    Cinquante et une (51) circonscriptions électorales . .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 33
    Cinquante-cinq (55) circonscriptions électorales
    comprenant les quatre anciennes circonscriptions protégées . .  .  .  .  .  .  .  . 39
    Cinquante-cinq (55) circonscriptions électorales,
    56 sièges à l’Assemblée législative.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 43
    Cinquante-six (56) circonscriptions électorales .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 44

Cartes illustrant les circonscriptions proposées .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .                                                                                 49
    51 circonscriptions électorales .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 50
    55 circonscriptions électorales .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 49
    56 circonscriptions électorales .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 49

    Annexe A : Audiences publiques .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 77
    Annexe B : Présentateurs (par ordre de présentation).  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 78
    Annexe C : Observations écrites .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 81
    Annexe D : Résumé des observations écrites.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 82
    Annexe E : Composition de la Commission de délimitation des
    circonscriptions électorales .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 83
    Annexe F : Bibliographie .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . 84

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse                                                                                      iii
Commission de délimitation des circonscriptions électorales
 C. P. 2246 • Halifax (N.-É.) B3J 3C8 • ElectoralBoundariesCommission@novascotia.ca • nselectoralboundaries.ca/fr

L’honorable Mark Furey
Procureur général et ministre de la Justice
Ministère de la Justice
1690, rue Hollis, C. P. 7
Halifax (N.-É.) B3J 2L6

Le 28 novembre 2018

Monsieur le Ministre,
Je suis heureux, au nom de la Commission de délimitation des circonscriptions
électorales 2018-2019, de présenter notre rapport préliminaire (intérimaire) à la
demande du Comité spécial pour l’établissement d’une Commission de délimitation
des circonscriptions électorales.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute
considération.

Dr J. Colin Dodds, président

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse                                   v
Introduction

Le 27 mars 2018, l’Assemblée législative a adopté une résolution visant à créer
le Comité spécial pour l’établissement d’une Commission de délimitation des
circonscriptions électorales. Notre rôle consiste à recommander des modifications
aux limites des circonscriptions électorales ainsi que les noms des circonscriptions
qui composent l’Assemblée législative. La loi sur la Chambre d’assemblée (House of
Assembly Act) exige que ce processus ait lieu au moins une fois tous les dix ans.
Le dernier examen de ce type a eu lieu en 2011-2012. La Commission de délimitation
des circonscriptions électorales 2018-2019 a été créée à la suite de circonstances
particulières présentées dans la partie Contexte du présent rapport, à la page 8.
La commission a été créée par le comité spécial, sous la présidence de l’honorable
Geoff MacLellan. Le comité a nommé neuf commissaires ainsi que défini le mandat
de la commission, qui se trouve à la page 5 du présent rapport.
Le rapport intermédiaire présente les propositions relatives à la modification des
limites des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse, en tenant compte de ce
qui suit :
•   Le mandat;
•   Le rapport préparé par le Dr J. Bickerton;
•   La consultation publique sur les limites proposées par la commission.
Le comité spécial nous a demandé de fournir, dans le présent rapport, les limites de
51 circonscriptions électorales et les limites d’un nombre différent de circonscriptions
(paragraphe 7 du mandat). Nous avons respecté cette demande. Cette demande
découle du Rapport et des recommandations de la Commission sur la représentation
effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais, c’est-à-dire du rapport Keefe.
En recommandant 51 circonscriptions (c’est-à-dire le nombre actuel) au comité
spécial, le rapport Keefe indique que cela « orientera le débat pour savoir si 51 sièges
permettraient d’assurer une représentation effective à l’avenir » (Keefe 2018, p. 7).
Le rapport Keefe propose également la possibilité de fournir un nombre différent
de circonscriptions électorales, bien que celui-ci ne mentionne qu’un « nombre
plus élevé » et donne l’exemple de 54 circonscriptions. Le fondement de cette
recommandation est le suivant : « Plus le nombre de circonscriptions sera important,
plus les commissions de délimitation auront de latitude pour établir des limites
conformément aux principes de la représentation effective » (Keefe 2018, p. 7).

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse      1
Au cours de nos délibérations et conformément au mandat, nous avons dû concilier la
représentation effective de tous les Néo-Écossais avec la parité des électeurs, ce que
nous avons fait en examinant les trois aspects suivants :
•   Le statut des anciennes circonscriptions électorales protégées;
•   Des solutions de rechange aux circonscriptions protégées pour assurer la
    représentation des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais;
•   Les changements liés à la répartition de la population de la Nouvelle-Écosse
    depuis la création des circonscriptions actuelles en 2012.
Avant de présenter notre rapport définitif d’ici le 1er avril 2019, nous tiendrons d’autres
audiences pour obtenir l’avis du public. Comme l’exige le mandat, nous fournirons
une seule recommandation relative à la délimitation des circonscriptions électorales
(paragraphe 8 du mandat).

2               Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Structure et fonctionnement

Le 13 juillet 2018, le Comité spécial sur l’établissement d’une commission de
délimitation des circonscriptions électorales a mis en place une Commission
indépendante de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse,
avec pour responsabilité de recommander des modifications aux circonscriptions de
la province. Le comité a nommé neuf personnes :
•   Dr Colin Dodds, président (Halifax);
•   Angela Simmonds, vice-présidente (Westphal);
•   Michael J. Baker (Hammonds Plains);
•   Paul Gaudet (Saulnierville);
•   Dr Glenn Graham (Antigonish);
•   Michael J. Kelloway (Sydney);
•   Léonard Lefort (Chéticamp);
•   Dr. Peter M. Butler (Halifax);
•   Carlotta Weymouth (Dartmouth).
La commission avait deux employées à temps plein, Callee Robinson et
Julia Kinsman, toutes deux agissant à titre d’administratrices de bureau. Pierre Gareau
et Andrew Cameron, d’Élections Nouvelle-Écosse, ont fourni une aide technique pour
cartographier et analyser les données spatiales.
Nous souhaitons remercier deux personnes en particulier :
•   Paul Read (Télévision législative et Services d’enregistrement), qui a supervisé les
    enregistrements faits pendant chacune des audiences publiques;
•   Gabriel Comeau (Échovoix) pour le service d’interprétation simultanée lors des
    audiences publiques à Argyle, Chéticamp, Clare et Richmond.
Nous souhaitons également remercier les personnes qui ont fourni des services de
transcription et audiovisuels ainsi que celles qui ont préparé les salles.
La commission, dont les bureaux se trouvaient dans les locaux d’Élections Nouvelle-
Écosse, a tenu neuf réunions de travail :
•   Les 23, 24, 27 et 28 août;
•   Le 26 septembre;
•   Les 10, 11, 16 et 22 octobre.

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse          3
Nous avons, avec l’aide de Communications Nouvelle-Écosse, publié un site Web en
anglais et en français afin de donner des informations sur ce qui suit :
•   Dates et lieux des audiences publiques;
•   Ressources visant à aider le public à comprendre le travail de la commission, y
    compris les rapports de la commission précédente et le projet de modification des
    limites pour 2018;
•   Informations sur le processus d’inscription pour prendre la parole lors d’une
    audience publique ainsi que pour envoyer des commentaires à la commission.
Nous avons de plus créé une page Facebook pour annoncer les audiences publiques
et publier des cartes et des ressources.
Nous avons convenu que le président serait notre porte-parole officiel et que la vice-
présidente assumerait cette responsabilité si le président ne pouvait pas le faire.

4              Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Mandat

Le Comité spécial enjoint à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales
d’être guidée par les principes suivants :
1   Il existe un droit à la représentation effective et la parité électorale constitue le
    premier critère de délimitation des circonscriptions électorales.
2   Un écart par rapport à la parité électorale peut être justifié par des motifs
    géographiques.
3   Un écart par rapport à la parité électorale peut être justifié par des motifs liés aux
    types de peuplement, sous l’angle historique, culturel ou linguistique, et aux limites
    territoriales.
4   Sous réserve du point 5, le nombre estimatif d’électeurs dans chaque
    circonscription électorale peut s’écarter de 25 p. 100 au maximum, à la hausse ou
    à la baisse, du nombre moyen estimatif d’électeurs par circonscription électorale.
5   Il peut y avoir une ou plusieurs circonscriptions électorales d’exception où,
    dans des circonstances exceptionnelles, le nombre estimatif d’électeurs dans
    la circonscription électorale est supérieur ou inférieur de plus de 25 p. 100 au
    nombre moyen estimatif d’électeurs par circonscription électorale.
6   Les circonscriptions électorales peuvent être non contiguës.
7   Le rapport préliminaire doit comprendre une délimitation pour 51 circonscriptions
    électorales et pour au moins un autre nombre total de circonscriptions électorales.
8   Il demeure entendu que le rapport final doit contenir une seule recommandation
    de délimitation des circonscriptions électorales.
9   Le rapport préliminaire doit être présenté au premier ministre ou à son
    représentant désigné le 30 novembre 2018 au plus tard.
10 Sous réserve du point 11, le rapport final doit être présenté au premier ministre ou
   à son représentant désigné le 1er avril 2019 au plus tard.
11 À la demande de la Commission, celle-ci et le premier ministre ou son représentant
   désigné peuvent, de commun accord, repousser la date limite de présentation du
   rapport final.

La loi sur l’Assemblée législative (House of Assembly Act) prévoit que :
a) le mandat a force obligatoire pour la Commission;
b) la Commission doit préparer un projet de révision des limites des circonscriptions
   avant ses premières audiences publiques;
c) la Commission doit tenir des audiences publiques, après quoi elle doit préparer un
   rapport préliminaire;
d) une fois le rapport préliminaire produit, la Commission doit tenir d’autres
   audiences publiques avant de préparer son rapport final.

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse           5
Contexte

La Nouvelle-Écosse possède actuellement un système majoritaire uninominal à un
tour (scrutin majoritaire). Ce système repose sur des circonscriptions électorales qui
sont justement délimitées. Chaque circonscription élit un membre de l’Assemblée
législative (député).
Pour assurer la création de circonscriptions équitables, la loi sur la Chambre
d’assemblée (House of Assembly Act) stipule qu’une commission indépendante de
délimitation des circonscriptions électorales soit créée au moins tous les dix ans.
Cette commission a pour rôle d’examiner les limites des circonscriptions électorales
de la Nouvelle-Écosse et de recommander, s’il y a lieu, des modifications.

Questions clés : parité des électeurs et représentation
effective
Les Commissions de délimitation des circonscriptions électorales consultent le
public et formulent des recommandations depuis 1991. Leur travail repose sur deux
concepts clés :

    Parité électorale : Chaque vote a le même poids. Nous atteignons la parité des
    électeurs en créant des circonscriptions électorales possédant à peu près le
    même nombre d’électeurs;

    Représentation effective : Nous reconnaissons que la parité des électeurs peut
    limiter la voix des électeurs appartenant à des minorités, ce qui autorise la création
    de circonscriptions électorales possédant moins d’électeurs afin de permettre
    à ces minorités de bénéficier d’une représentation effective à l’Assemblée
    législative.

Nous parvenons à la parité des électeurs en déterminant quel devrait être le nombre
moyen d’électeurs dans chaque circonscription. Pour ce faire, nous divisons le
nombre total d’électeurs de la province par le nombre de circonscriptions électorales.
Nous tenons ensuite compte de spécificités comme la géographie, les démarcations
politiques et les modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques, et
permettons au nombre d’électeurs par circonscription de s’écarter de la moyenne de
plus ou moins 25 %.
Dans le cas des électeurs issus des minorités, comme les Acadiens et les Afro-
Néo-Écossais, nous sommes autorisés, en vertu du mandat (page 5), à créer des
circonscriptions dans lesquelles le nombre estimé d’électeurs est inférieur de
plus de 25 % au nombre moyen estimé d’électeurs par circonscription. Ce type de
circonscription, qui est appelée « circonscription électorale exceptionnelle », vise à
assurer une représentation effective, à l’Assemblée législative, des électeurs issus des
minorités.

6              Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
La représentation effective en Nouvelle-Écosse
La représentation effective constitue le principe directeur du redécoupage des
circonscriptions électorales depuis 1991, lorsque la Cour suprême du Canada a rendu
une décision historique connue sous le nom de décision Carter. La juge Beverley
McLachlin a indiqué dans cette décision que l’article 3 de la Charte canadienne
des droits et libertés, qui garantit aux citoyens canadiens le droit de vote, constitue
en réalité une garantie relative à la représentation effective : « Notre démocratie
est représentative, a écrit la juge McLachlin. Chaque citoyen a donc le droit d’être
représenté au gouvernement » (cité dans Landes 1992, 7). La juge McLachlin a ensuite
expliqué qu’être représenté signifiait à la fois « avoir une voix dans les délibérations
du gouvernement » et avoir « le droit de porter ses griefs et ses préoccupations à
l’attention de son représentant gouvernemental » (cité dans Landes 1992, p. 7).
Cette décision signifie que toute modification apportée aux limites des
circonscriptions après 1991 peut être jugée inconstitutionnelle si elle ne respecte pas
la notion de représentation effective.

Représentation effective des communautés minoritaires
La décision Carter a abouti à un accord multipartite visant à établir, en Nouvelle-
Écosse, la première commission indépendante de délimitation des circonscriptions
électorales. La commission a remis son rapport en 1992.
Le mandat confié à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales
de 1991-1992 comprenait « la représentation des minorités, notamment des peuples
acadiens, noir et mi’kwaw de la Nouvelle-Écosse » (Landes 1992, p. 13).
En analysant le mandat, la Commission de 1991-1992 a conclu que la représentation
des groupes minoritaires pourrait être favorisée en créant des circonscriptions
possédant une population ou un nombre d’électeurs quelque peu inférieur afin de
favoriser la représentation effective de ces groupes. La commission a qualifié ces
circonscriptions de « circonscriptions protégées ».
Elle a donc décidé de créer la circonscription protégée de Preston « afin de promouvoir
une représentation plus effective de la communauté noire à l’Assemblée législative »
(Landes 1992, p. 28). Elle a également décidé de conserver les circonscriptions de
Clare, d’Argyle et de Richmond « afin de promouvoir la représentation effective de la
communauté acadienne à l’Assemblée législative » (Landes 1992, p. 29).
La Commission de 1991-1992 a consulté la communauté mi’kmaw et n’a, à sa
demande, formulé aucune recommandation concernant la représentation de cette
dernière. Elle a toutefois recommandé que l’Assemblée législative s’engage à
poursuivre les consultations avec les Mi’kmaq.
Dix ans plus tard, en 2002, la nouvelle Commission de délimitation des
circonscriptions électorales a recommandé de continuer à protéger les
circonscriptions de Preston, de Clare, d’Argyle et de Richmond. Cela reposait en partie
sur le mandat de cette commission, qui incluait « la représentation des minorités,

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse         7
notamment des peuples acadien et noir de la Nouvelle-Écosse » comme « facteur
primordial à prendre en compte » (Dodds 2002, p. 5).
La commission a également fondé sa recommandation de maintenir la protection
des quatre circonscriptions concernées sur les données démographiques
disponibles à l’époque. Selon ces données, les communautés acadienne et afro-
néo-écossaise avaient une population plus importante que la population moyenne
des circonscriptions; elles étaient de plus concentrées dans certaines régions.
Par exemple, « à Clare, dans le comté de Digby, 70 % de la population a le français
comme langue maternelle », et non loin, à Argyle, « ce pourcentage est de 54 % »
(Dodds 2002, p. 36).
La commission a constaté, à partir de ces mêmes données, que 66 % de la population
afro-néo-écossaise de la Nouvelle-Écosse résidait dans le comté d’Halifax, la plupart
vivant soit dans la circonscription de Preston, soit à Needham, dans le nord d’Halifax.
En outre, le pourcentage d’Afro-Néo-Écossais était plus élevé à Preston qu’à Needham.

Représentation effective et parité des électeurs
Le mandat de la commission de 2002 comportait deux autres aspects importants :
•   Elle devait tracer les limites de 52 circonscriptions électorales;
•   Elle devait veiller à ce que le nombre d’électeurs de chaque circonscription ne soit
    pas de plus ou moins 25 % de la moyenne, sauf circonstances exceptionnelles.
Étant donné que les circonscriptions de Preston, d’Argyle, de Clare et de Richmond
étaient considérées comme des circonstances extraordinaires, le nombre d’électeurs
pouvait donc être inférieur de plus de 25 % au nombre d’électeurs de la circonscription
moyenne.
La Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2002 a également
examiné toutes les régions de la Nouvelle-Écosse pour déterminer si l’une ou l’autre
était surreprésentée ou sous-représentée. En raison d’un déplacement important de
la population des zones rurales vers la région d’Halifax, la commission a constaté
que le comté d’Halifax était sous-représenté et que le Cap-Breton était surreprésenté.
Elle a donc recommandé la suppression d’une des circonscriptions du Cap-Breton
(Cape Breton–The Lakes) et la création d’une circonscription dans le comté d’Halifax
(Waverly–Fall River).

Controverse liée à la Commission de délimitation
des circonscriptions électorales de 2012
Conformément à la loi sur la Chambre d’assemblée (House of Assembly Act), une
nouvelle commission indépendante de délimitation des circonscriptions électorales a
été créée en 2011 afin de recommander les limites et les noms des circonscriptions
électorales composant l’Assemblée législative. Cette commission devait remettre son
rapport en 2012.

8               Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Le mandat confié à la commission de 2012 comportait trois points qui ont suscité la
controverse :
•   Le paragraphe 2(a) limitait la commission à un maximum de 52 circonscriptions
    électorales;
•   Le paragraphe 2(c) permettait à la commission de s’écarter de la parité des
    électeurs pour des raisons géographiques, p. ex. si une circonscription était trop
    étendue pour permettre une représentation effective pour des raisons historiques
    ou liées aux intérêts d’une communauté, en particulier les communautés
    acadienne et afro-néo-écossaise;
•   Le paragraphe 2(d) stipulait que nonobstant le paragraphe 2(c), aucune
    circonscription ne pouvait dévier de plus ou de moins de 25 % par rapport au
    nombre moyen d’électeurs par circonscription (MacNeil 2012, p. 6).
La commission avait alors conclu que les paragraphes 2(c) et 2(d) du mandat étaient
contradictoires et qu’elle ne pouvait pas promouvoir la représentation effective des
Acadiens et des Afro-Néo-Écossais en respectant la règle de l’écart de plus ou de
moins de 25 %.

    Le paragraphe 2(d) du mandat posait un défi considérable, en particulier pour les quatre
    circonscriptions (Argyle, Clare, Preston et Richmond) qui étaient protégées depuis vingt
    ans. En effet, accroître le nombre d’électeurs de chacune d’elles pour atteindre 75 % du
    nombre moyen d’électeurs entraînerait la perte des limites qui avaient été définies en
    1991. (MacNeil 2012, p. 7)

Dans son rapport initial, la commission avait recommandé de conserver les
circonscriptions protégées d’Argyle, de Clare, de Richmond et de Preston, voyant dans
son mandat des directives plutôt que des règles obligatoires.
Le procureur général avait alors refusé d’accepter le rapport intermédiaire de la
commission, au motif que celle-ci n’avait pas respecté son mandat. Il avait chargé
la commission de rédiger un nouveau rapport intermédiaire conforme à la règle de
la parité des électeurs [paragraphe 2(d)], ce que la commission a fait. Le nouveau
rapport recommandait l’élimination des quatre circonscriptions électorales protégées.

Contestation devant les tribunaux du rapport de la Commission
de délimitation des circonscriptions électorales de 2012
À la suite du rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales
de 2012, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) a intenté une action en
justice contre la province, ce qui a conduit cette dernière à demander l’avis de la Cour
d’appel de la Nouvelle-Écosse. En janvier 2017, la cour a jugé que l’intervention du
procureur général avait empêché la Commission de délimitation des circonscriptions
électorales de 2012 de s’acquitter de son mandat, conformément à l’article 3 de la
Charte canadienne des droits et libertés. Elle a décidé que le gouvernement devait
laisser la commission indépendante mener ses travaux librement. La cour a de plus
décidé que la commission devait présenter son rapport non modifié à l’Assemblée

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse         9
législative sous la forme d’un projet de loi. Enfin, la cour a évoqué la possibilité que
le droit constitutionnel des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais à une représentation
effective avait été limité ou refusé de manière injustifiée.

La Commission Keefe
À la suite de la décision de la Cour d’appel, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse
a mis en place, en avril 2017, la Commission sur la représentation effective des
électeurs acadiens et afro-néo-écossais, également appelée Commission Keefe. Cette
commission s’est vu demander de recommander au gouvernement les meilleurs
moyens d’assurer la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais
en allant dans le sens de la décision Carter. On l’a également chargée de demander
conseil aux Acadiens et aux Afro-Néo-Écossais et d’examiner diverses options,
notamment la création de sièges désignés.

Représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais
La commission a publié en 2017 le rapport intitulé Représentation : Pour
une représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais, Rapport et
recommandations, appelé également rapport Keefe. La commission y reconnaît « la
tendance de notre système électoral à noyer le vote des minorités » (Keefe 2018,
p. 5). Elle aborde également les avantages liés à la création de « circonscriptions
exceptionnelles », terme qu’elle utilise pour qualifier les circonscriptions électorales
autrefois protégées de Clare, d’Argyle, de Preston et de Richmond. Selon la
commission, les circonscriptions sont exceptionnelles « en raison de leur population
exceptionnellement petite par rapport à celle des autres circonscriptions »
(Keefe 2018, 5).
« Les circonscriptions exceptionnelles favorisent la représentation en augmentant
les chances qu’un Afro-Néo-Écossais s’identifie à un député et qu’un Acadien puisse
parler avec un député dans sa langue maternelle » (Keefe 2018, p. 5).
Après avoir examiné plusieurs options, la commission a conclu qu’il existait deux
moyens d’améliorer la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-
Écossais :
1    Améliorer les chances de faire élire des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais;
2    Renforcer les autres moyens de représentation. (Keefe 2018, p. 6)

Afin d’améliorer les chances de faire élire des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais, le
rapport fait quatre recommandations à la prochaine commission de délimitation des
circonscriptions électorales :
•    Maintenir la règle de l’écart de plus ou de moins de 25 %, sauf dans des
     circonstances exceptionnelles (recommandation 4);
•    Permettre aux futures commissions de délimitation de créer des circonscriptions
     dépassant l’écart maximal (plus ou moins de 25 %) dans des circonstances
     exceptionnelles, sans toutefois préciser ces circonstances (recommandation 5);

10               Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
•   Permettre aux futures commissions de délimitation de créer des circonscriptions
    non contiguës, c’est-à-dire pouvant être composées d’au moins deux régions non
    limitrophes (recommandation 6);
•   Permettre aux futures commissions de délimitation de créer plus de
    51 circonscriptions électorales (recommandation 7).

Représentation effective des électeurs des régions rurales
La Commission Keefe a également relevé l’écart croissant entre la population des
villes et celle des régions rurales, l’essentiel de la croissance démographique « se
limitant à un rayon d’une heure d’Halifax » (Keefe 2018, p. 79).
Elle a indiqué que si la Nouvelle-Écosse conservait ses 51 circonscriptions, les
circonscriptions rurales seraient moins nombreuses, mais plus étendues, ce qui
limiterait l’accès des habitants des régions rurales à leurs députés, et « certaines
communautés sans lien entre elles seraient regroupées contre leur gré »
(Keefe 2018, p. 79).
L’autre solution, selon la commission, consiste à créer un plus grand nombre de
circonscriptions électorales. « Elle donnerait de la latitude aux commissions de
délimitation des circonscriptions et cadrerait avec les autres mesures adoptées pour
assurer la représentation effective des électeurs en région rurale, en particulier les
Acadiens et les Afro-Néo-Écossais » (Keefe 2018, p. 79).
La commission a affirmé qu’elle ne recommandait pas la création d’un plus grand
nombre de circonscriptions, mais qu’elle voulait que les commissions de délimitation
soient autorisées à « produire au moins deux cartes électorales – une selon les
51 sièges actuels, une selon un nombre plus élevé – afin d’orienter les discussions sur
l’opportunité de maintenir 51 sièges pour assurer la représentation effective des
Néo-Écossais » (Keefe 2018, p. 7).
« Plus les circonscriptions sont nombreuses, plus les commissions sont en mesure
de les délimiter en tenant compte des principes de la représentation effective »
(Keefe 2018, p. 7).

Commission de délimitation des circonscriptions
électorales 2018-2019
La commission actuelle a été créée à la suite des recommandations du rapport Keefe.
Nous sommes chargés de recommander des modifications conformes aux principes
énoncés dans la décision Carter et dans la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle-
Écosse de janvier 2017.
James Bickerton, professeur à l’Université St. Francis Xavier et membre de la
commission de 2012, a étudié l’histoire des commissions de délimitation des
circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse et nous a présenté un certain
nombre d’options.

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse      11
Représentation effective des populations minoritaires
Selon James Bickerton, nous « [n’avons] d’autre option raisonnable que de proposer
des modifications qui reprennent à tout le moins une certaine version des quatre
circonscriptions protégées (circonscriptions électorales exceptionnelles) »
(Bickerton 2018, p. 12). Cela pourrait se faire à l’aide d’un des trois moyens suivants :
•    Rétablir les limites initiales des circonscriptions de Preston, d’Argyle, de Clare et de
     Richmond;
•    Modifier les limites des quatre circonscriptions protégées en fonction des
     déplacements de population et des consultations publiques;
•    Améliorer la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais
     en incluant « les individus ou les communautés précédemment exclus »
     (Bickerton 2018, p. 12), par exemple en créant des circonscriptions non
     contiguës « reliant deux ou plusieurs “îlots” d’une même population minoritaire »
     (Bickerton 2018, p. 12).

Représentation effective des Néo-Écossais des régions rurales
James Bickerton a souligné que beaucoup de personnes s’étaient manifestées
pour demander une réduction du nombre des circonscriptions électorales, ce qui
entraînerait une diminution du nombre de députés à l’Assemblée. Elles ont de plus
parlé d’une réduction du nombre des conseillers dans la Municipalité régionale
d’Halifax, conformément à ce qu’avait demandé la Commission des services publics et
d’examen de la Nouvelle-Écosse. Elles ont fait valoir le fait qu’avoir moins de députés à
l’Assemblée permettrait d’économiser l’argent des contribuables.
James Bickerton a souligné qu’il existe une différence entre la gouvernance
municipale et la gouvernance provinciale.

     Étant donné que le gouvernement provincial est l’ordre de gouvernement qui est
     principalement responsable de la prestation de la plupart des services publics et
     sociaux, il est essentiel que les électeurs de la Nouvelle-Écosse soient représentés
     à l’Assemblée. Les électeurs doivent en particulier pouvoir tenir leur gouvernement
     responsable en matière de politiques, de programmes et de pratiques de gouvernance,
     ce qui constitue l’essence même de la « représentation effective » que la Cour suprême
     tient comme étant le droit de tous les citoyens canadiens. (Bickerton 2018, p. 16)

La Commission de délimitation des circonscriptions électorales 2018-2019 a pour
tâche de recommander des modifications aux délimitations des circonscriptions ainsi
que les noms des circonscriptions qui composent l’Assemblée législative, tout en
tenant compte des aspects susmentionnés.

12               Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Pour une représentation
plus effective : méthodes et
stratégies

Représentation effective dans le contexte néo-écossais
Comme nous l’avons indiqué dans la partie intitulée Contexte (page 6), la parité des
électeurs est devenue un aspect fondamental de l’égalité politique. Cependant,
comme nous l’avons également indiqué dans la partie intitulée Contexte (page 7), la
décision Carter a fortement influencé la façon dont les limites des circonscriptions
électorales sont modifiées au Canada. Pour rappel, la Cour suprême a décidé en
1991 que la consécration du droit de vote énoncé à l’article 3 de la Charte ne visait
pas simplement à assurer la parité du pouvoir des électeurs, mais également à
assurer une représentation effective : « Les dérogations à la parité électorale absolue
peuvent se justifier (...). Des facteurs comme la géographie, l’histoire et les intérêts
de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être
pris en considération afin de garantir que nos assemblées législatives représentent
réellement la diversité de notre mosaïque sociale » (Saskatchewan c. Roger Carter,
c.r. [1991] RCS 158). En raison de cette décision, toute modification apportée à la
délimitation des circonscriptions électorales en Nouvelle-Écosse et au Canada doit
respecter la décision Carter ou risquer d’être contestée et éventuellement déclarée
inconstitutionnelle.
Depuis 1991, mise à part la controverse de 2012 (page 8), les Commissions de
délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse ont travaillé à
partir de mandats conformes à la décision Carter, reflétant la nécessité d’équilibrer la
parité des électeurs avec d’autres facteurs. Pour rappel, notre mandat (page 5) met
l’accent sur la parité des électeurs en tant que facteur principal de l’établissement
des limites des circonscriptions électorales, tout en autorisant un écart en vertu des
justifications suivantes :
•   Géographie;
•   Modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques, et démarcations
    politiques comme les limites des municipalités, les limites des collectivités
    (Statistique Canada) ou les limites des comtés traditionnels.
Notre tâche est donc difficile et subjective. En respectant le mandat, nous faisons
de notre mieux pour prévoir et prendre en compte les éventuelles conséquences
indirectes susceptibles d’avoir une incidence sur les circonscriptions adjacentes
lorsque les limites sont modifiées. Les conséquences indirectes peuvent être jugées
bénéfiques ou néfastes. Il peut s’agir de toucher aux limites de communautés
d’intérêts, aux démarcations politiques traditionnelles ou de ne pas aller dans le sens
de l’indice établi.

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse      13
L’indice se rapporte à la règle relative à la parité des électeurs, selon laquelle le
nombre estimé d’électeurs dans chaque circonscription soit d’au plus 25 % supérieur
ou inférieur au nombre moyen d’électeurs par circonscription.
Il est donc logique d’examiner de plus près le mandat de 2018 et la représentation
effective dans le contexte de la Nouvelle-Écosse.

Géographie
Dans une province comptant de nombreux villages côtiers et de vastes régions
peu peuplées, s’écarter de la parité des électeurs sur la base de considérations
géographiques peut susciter des points de vue conflictuels entre zones urbaines et
régions rurales. Au Canada et en Nouvelle-Écosse, la tendance est à l’urbanisation
de la population. À mesure que les habitants des circonscriptions électorales rurales
partent s’installer dans les centres urbains, il devient plus difficile de conserver des
circonscriptions rurales qui respectent la règle relative à la parité des électeurs.
En essayant de maintenir la parité des électeurs, le nombre de circonscriptions
électorales rurales diminue souvent lors des redécoupages. Les circonscriptions
électorales alors redécoupées risquent de devenir difficiles à gérer, pouvant signifier,
pour les députés et leurs électeurs, de plus longues distances à parcourir et donc
une augmentation des frais nécessaires. Par ailleurs, à mesure que la population des
centres urbains augmente, les circonscriptions se multiplient dans les villes. Il est
possible d’avancer que le redécoupage des circonscriptions accentue indirectement
le déclin des régions rurales. Les électeurs des centres urbains affirment en revanche
que leur vote est dilué lorsque les régions rurales bénéficient d’un traitement
préférentiel ne respectant pas la parité des électeurs. Nous avons examiné les deux
points de vue et estimons que, dans la décision Carter et l’article 2 du mandat, les
considérations d’ordre géographique sont justifiées. Nous avons par exemple cherché
des moyens de réduire la taille géographique de la circonscription de Guysborough-
Eastern Shore-Tracadie, qui s’étend bien au-delà de 200 kilomètres de son point le plus
au sud, dans la Municipalité régionale d’Halifax, jusqu’à son extrémité nord-est, près
du village de Canso. Tout comme la Commission de délimitation des circonscriptions
électorales de 1992 avait jugé nécessaire d’accorder à la circonscription de Victoria
un statut exceptionnel pour des raisons géographiques, nous avons redécoupé la
circonscription de Guysborough-Eastern-Shore-Tracadie pour la même raison. Bien
que ce changement s’écarte de façon marquée de la règle relative à la parité des
électeurs, nous estimons qu’il ne nuira pas au droit de vote d’autres Néo-Écossais.
Grâce à la nouvelle délimitation, la circonscription (Guysborough-Tracadie) est plus
facile à gérer, favorisant ainsi la représentation effective.

Modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques,
et démarcations politiques
Dans le contexte de la Nouvelle-Écosse, nous interprétons les termes « modes
d’établissement historiques, culturels ou linguistiques » et « démarcations politiques »
comme étant conformes à l’esprit de la décision Carter, dans laquelle le tribunal

14             Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
concilie la parité des électeurs et « l’histoire et les intérêts de la collectivité et la
représentation des groupes minoritaires » (Saskatchewan c. Roger Carter, c.r. [1991]
RCS 158). Soulignons que la juge McLachlin a indiqué dans l’opinion majoritaire que
« la liste n’est pas exhaustive » (Saskatchewan c. Roger Carter, c.r. [1991] RCS 158).
Dans sa description des communautés d’intérêts, le politologue John Courtney montre
à quel point la parité des électeurs et certaines autres considérations sont à la fois
importantes et étroitement liées; il montre également qu’elles sont compatibles avec
une représentation effective :

    « La communauté d’intérêts repose sur la reconnaissance et l’acceptation du principe
    selon lequel un groupe de personnes vivant sur un territoire partage des attributs.
    On peut la définir selon la situation géographique, tels une certaine proximité ou un
    ensemble de frontières municipales; en fonction d’un objectif commun, tel un intérêt
    économique; en fonction de la présence d’une caractéristique commune de nature
    sociale, raciale, religieuse ou linguistique. La délimitation d’une circonscription en
    fonction de sa communauté d’intérêts est un moyen de promouvoir la communication
    entre les citoyens et leur représentant, et d’améliorer le processus de représentation en
    général. » (Courtney 2002, p. 9-10)

John C. Courtney souligne également que « le principe de représentation effective
n’est ni définitif ni exclusif » (Courtney 2001, p. 223), ce qui confirme le numéro
d’équilibre subjectif que doivent entreprendre les Commissions de délimitation des
circonscriptions électorales. En Nouvelle-Écosse, les Commissions de délimitation
qui se sont succédé ont fait leur travail à partir d’un postulat précis : assurer la
représentation effective des Mi’kmaq, des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais.
Ce postulat est raisonnable dans la mesure où les communautés autochtones et
certains groupes ethnoculturels vivent en Nouvelle-Écosse depuis des siècles et
sont considérés comme des entités constitutives du caractère et de l’histoire de la
province.
À partir du 17e siècle, sont venus en Nouvelle-Écosse des Loyalistes noirs, des
Marrons, des esclaves et des réfugiés noirs. Au fil des siècles, des individus et des
familles du monde entier sont venus retrouver les descendants de ces premiers
Afro-Néo-Écossais. Les communautés afro-néo-écossaises ont été séparées
des communautés prospères formées par les blancs. Elles ont été constamment
confrontées à l’oppression, au racisme, à la pauvreté et au manque d’opportunités, ce
qui a empêché la création d’une société juste et égalitaire.
Bien qu’aujourd’hui le racisme soit moins flagrant, les Afro-Néo-Écossais et leurs
communautés restent confrontés à un racisme systémique et à un manque
d’empathie et d’imputabilité. Bien que les lois et les politiques semblent souvent
justes et sont souvent considérées comme étant neutres, les communautés afro-néo-
écossaises perçoivent les choses différemment. Il n’est donc pas surprenant que les
intervenants, lors des audiences publiques, nous aient fait part de leur manque de
confiance dans le gouvernement et dans son autorité.

Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse          15
Les communautés afro-néo-écossaises sont plus que de simples zones
géographiques où un député afro-néo-écossais ou un conseiller municipal peut
être élu. Les premiers Afro-Néo-Écossais sont arrivés il y a plus de 300 ans. Ils ont
développé des traditions culturelles, des expressions artistiques et des pratiques
spirituelles et religieuses uniques. Il ne s’agit pas uniquement de géographie, il s’agit
d’expériences vécues, d’intérêts communautaires et de réconciliation.
Il est donc important de trouver un équilibre entre la représentation effective et la
parité des électeurs ainsi que l’intérêt communautaire des personnes d’ascendance
africaine, et, en particulier, des Afro-Néo-Écossais, afin de ne pas désavantager
continuellement les communautés afro-néo-écossaises.
De la même manière, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse et la communauté gaélique,
dont on parle moins souvent, mais qui est quantitativement plus importante, ont
subi la pression de l’assimilation. En raison de ses modes d’établissement, la
communauté gaélique a bénéficié d’une représentation effective en élisant des
députés s’identifiant à leurs intérêts culturels, sociaux et économiques, en particulier
dans les circonscriptions d’Antigonish, de Victoria et d’Inverness. Cela n’a pas été le
cas des Acadiens. Lors des premières audiences publiques, la FANE et les Acadiens
de Chéticamp et des environs nous ont dit que seuls deux Acadiens avaient été élus
dans les circonscriptions d’Inverness depuis la Confédération. Dans une large mesure,
les Acadiens n’ont donc pas pu parler à leurs députés en français. La population
acadienne est concentrée au sud du parc national du Canada des Hautes-Terres-du-
Cap-Breton, dans une circonscription électorale qui s’étend de Port Hawkesbury à
Meat Cove. Un député peut donc vivre à près de 200 kilomètres du noyau acadien. Il
est cependant toujours possible qu’un député puisse choisir de ne pas avoir un bureau
de circonscription dans la région de Chéticamp ou à proximité.
L’arrivée des Acadiens remonte à 1604, bien avant que notre province ait pris le nom
de Nouvelle-Écosse. Ils ont vécu de la mer et construit un important réseau de digues.
De 1755 à 1760, ils ont été expulsés, et leurs terres ont été confisquées. Bien qu’ils
aient ensuite été autorisés à revenir, ils ont été disséminés dans toute la province.
Cette histoire a façonné l’identité personnelle, communautaire et provinciale des
Acadiens. Les Acadiens sont fiers et résilients et le symbole d’une forte présence
historique et culturelle en Nouvelle-Écosse, tant géographique que politique. Comme
l’a souligné Caroline-Isabelle Caron cependant, de l’Université Queen’s, dans l’édition
de printemps 2008-9 de la revue Port Acadie, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse
constituent une triple minorité :
•    Ce sont des catholiques francophones vivant dans un océan d’anglophones
     occupant la majeure partie du continent nord-américain;
•    Il s’agit d’un petit groupe de francophones dans un Canada dominé par les
     Québécois;
•    Il s’agit d’une minorité dans l’Acadie même, en raison de la population acadienne
     importante au Nouveau-Brunswick.

16              Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
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