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Trouver un équilibre entre représentation effective et parité électorale Commission de délimitation des circonscriptions électorales / Rapport préliminaire Dr. J. Colin Dodds, président Novembre 2018
Trouver un équilibre entre représentation effective et parité électorale Commission de délimitation des circonscriptions électorales / Rapport préliminaire Dr. J. Colin Dodds, président Novembre 2018
Table des matières Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Structure et fonctionnement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Mandat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Contexte. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Questions clés : parité des électeurs et représentation effective . . . . . . . . 6 La représentation effective en Nouvelle-Écosse. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Représentation effective des communautés minoritaires . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Représentation effective et parité des électeurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Controverse liée à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2012. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Contestation devant les tribunaux du rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2012 . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 La Commission Keefe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais. . . . . 10 Représentation effective des électeurs des régions rurales. . . . . . . . . . . . . . . 11 Commission de délimitation des circonscriptions électorales 2018-2019. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Représentation effective des populations minoritaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Représentation effective des Néo-Écossais des régions rurales. . . . . . . . . . . 12 Pour une représentation plus effective : méthodes et stratégies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Représentation effective dans le contexte néo-écossais . . . . . . . . . . . . . . 13 Géographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques, et démarcations politiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Gouvernance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Maintien des circonscriptions électorales exceptionnelles . . . . . . . . . . . . 19 Circonscriptions électorales non contiguës. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 ii Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Circonscriptions administratives, représentation générale, sièges réservés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Circonscriptions électorales à deux membres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Représentation désignée ou générale dans une circonscription électorale à deux membres : deux membres avec représentation élargie. . . 27 Données démographiques et électorales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Le processus de consultation publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Propositions relatives aux limites des circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Cinquante et une (51) circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Cinquante-cinq (55) circonscriptions électorales comprenant les quatre anciennes circonscriptions protégées . . . . . . . . . 39 Cinquante-cinq (55) circonscriptions électorales, 56 sièges à l’Assemblée législative. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Cinquante-six (56) circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 Cartes illustrant les circonscriptions proposées . . . . . . . . . . . . 49 51 circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 55 circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 56 circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Annexe A : Audiences publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77 Annexe B : Présentateurs (par ordre de présentation). . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Annexe C : Observations écrites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 Annexe D : Résumé des observations écrites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Annexe E : Composition de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83 Annexe F : Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse iii
Commission de délimitation des circonscriptions électorales C. P. 2246 • Halifax (N.-É.) B3J 3C8 • ElectoralBoundariesCommission@novascotia.ca • nselectoralboundaries.ca/fr L’honorable Mark Furey Procureur général et ministre de la Justice Ministère de la Justice 1690, rue Hollis, C. P. 7 Halifax (N.-É.) B3J 2L6 Le 28 novembre 2018 Monsieur le Ministre, Je suis heureux, au nom de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales 2018-2019, de présenter notre rapport préliminaire (intérimaire) à la demande du Comité spécial pour l’établissement d’une Commission de délimitation des circonscriptions électorales. Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération. Dr J. Colin Dodds, président Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse v
Introduction Le 27 mars 2018, l’Assemblée législative a adopté une résolution visant à créer le Comité spécial pour l’établissement d’une Commission de délimitation des circonscriptions électorales. Notre rôle consiste à recommander des modifications aux limites des circonscriptions électorales ainsi que les noms des circonscriptions qui composent l’Assemblée législative. La loi sur la Chambre d’assemblée (House of Assembly Act) exige que ce processus ait lieu au moins une fois tous les dix ans. Le dernier examen de ce type a eu lieu en 2011-2012. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales 2018-2019 a été créée à la suite de circonstances particulières présentées dans la partie Contexte du présent rapport, à la page 8. La commission a été créée par le comité spécial, sous la présidence de l’honorable Geoff MacLellan. Le comité a nommé neuf commissaires ainsi que défini le mandat de la commission, qui se trouve à la page 5 du présent rapport. Le rapport intermédiaire présente les propositions relatives à la modification des limites des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse, en tenant compte de ce qui suit : • Le mandat; • Le rapport préparé par le Dr J. Bickerton; • La consultation publique sur les limites proposées par la commission. Le comité spécial nous a demandé de fournir, dans le présent rapport, les limites de 51 circonscriptions électorales et les limites d’un nombre différent de circonscriptions (paragraphe 7 du mandat). Nous avons respecté cette demande. Cette demande découle du Rapport et des recommandations de la Commission sur la représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais, c’est-à-dire du rapport Keefe. En recommandant 51 circonscriptions (c’est-à-dire le nombre actuel) au comité spécial, le rapport Keefe indique que cela « orientera le débat pour savoir si 51 sièges permettraient d’assurer une représentation effective à l’avenir » (Keefe 2018, p. 7). Le rapport Keefe propose également la possibilité de fournir un nombre différent de circonscriptions électorales, bien que celui-ci ne mentionne qu’un « nombre plus élevé » et donne l’exemple de 54 circonscriptions. Le fondement de cette recommandation est le suivant : « Plus le nombre de circonscriptions sera important, plus les commissions de délimitation auront de latitude pour établir des limites conformément aux principes de la représentation effective » (Keefe 2018, p. 7). Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 1
Au cours de nos délibérations et conformément au mandat, nous avons dû concilier la représentation effective de tous les Néo-Écossais avec la parité des électeurs, ce que nous avons fait en examinant les trois aspects suivants : • Le statut des anciennes circonscriptions électorales protégées; • Des solutions de rechange aux circonscriptions protégées pour assurer la représentation des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais; • Les changements liés à la répartition de la population de la Nouvelle-Écosse depuis la création des circonscriptions actuelles en 2012. Avant de présenter notre rapport définitif d’ici le 1er avril 2019, nous tiendrons d’autres audiences pour obtenir l’avis du public. Comme l’exige le mandat, nous fournirons une seule recommandation relative à la délimitation des circonscriptions électorales (paragraphe 8 du mandat). 2 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Structure et fonctionnement Le 13 juillet 2018, le Comité spécial sur l’établissement d’une commission de délimitation des circonscriptions électorales a mis en place une Commission indépendante de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse, avec pour responsabilité de recommander des modifications aux circonscriptions de la province. Le comité a nommé neuf personnes : • Dr Colin Dodds, président (Halifax); • Angela Simmonds, vice-présidente (Westphal); • Michael J. Baker (Hammonds Plains); • Paul Gaudet (Saulnierville); • Dr Glenn Graham (Antigonish); • Michael J. Kelloway (Sydney); • Léonard Lefort (Chéticamp); • Dr. Peter M. Butler (Halifax); • Carlotta Weymouth (Dartmouth). La commission avait deux employées à temps plein, Callee Robinson et Julia Kinsman, toutes deux agissant à titre d’administratrices de bureau. Pierre Gareau et Andrew Cameron, d’Élections Nouvelle-Écosse, ont fourni une aide technique pour cartographier et analyser les données spatiales. Nous souhaitons remercier deux personnes en particulier : • Paul Read (Télévision législative et Services d’enregistrement), qui a supervisé les enregistrements faits pendant chacune des audiences publiques; • Gabriel Comeau (Échovoix) pour le service d’interprétation simultanée lors des audiences publiques à Argyle, Chéticamp, Clare et Richmond. Nous souhaitons également remercier les personnes qui ont fourni des services de transcription et audiovisuels ainsi que celles qui ont préparé les salles. La commission, dont les bureaux se trouvaient dans les locaux d’Élections Nouvelle- Écosse, a tenu neuf réunions de travail : • Les 23, 24, 27 et 28 août; • Le 26 septembre; • Les 10, 11, 16 et 22 octobre. Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 3
Nous avons, avec l’aide de Communications Nouvelle-Écosse, publié un site Web en anglais et en français afin de donner des informations sur ce qui suit : • Dates et lieux des audiences publiques; • Ressources visant à aider le public à comprendre le travail de la commission, y compris les rapports de la commission précédente et le projet de modification des limites pour 2018; • Informations sur le processus d’inscription pour prendre la parole lors d’une audience publique ainsi que pour envoyer des commentaires à la commission. Nous avons de plus créé une page Facebook pour annoncer les audiences publiques et publier des cartes et des ressources. Nous avons convenu que le président serait notre porte-parole officiel et que la vice- présidente assumerait cette responsabilité si le président ne pouvait pas le faire. 4 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Mandat Le Comité spécial enjoint à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales d’être guidée par les principes suivants : 1 Il existe un droit à la représentation effective et la parité électorale constitue le premier critère de délimitation des circonscriptions électorales. 2 Un écart par rapport à la parité électorale peut être justifié par des motifs géographiques. 3 Un écart par rapport à la parité électorale peut être justifié par des motifs liés aux types de peuplement, sous l’angle historique, culturel ou linguistique, et aux limites territoriales. 4 Sous réserve du point 5, le nombre estimatif d’électeurs dans chaque circonscription électorale peut s’écarter de 25 p. 100 au maximum, à la hausse ou à la baisse, du nombre moyen estimatif d’électeurs par circonscription électorale. 5 Il peut y avoir une ou plusieurs circonscriptions électorales d’exception où, dans des circonstances exceptionnelles, le nombre estimatif d’électeurs dans la circonscription électorale est supérieur ou inférieur de plus de 25 p. 100 au nombre moyen estimatif d’électeurs par circonscription électorale. 6 Les circonscriptions électorales peuvent être non contiguës. 7 Le rapport préliminaire doit comprendre une délimitation pour 51 circonscriptions électorales et pour au moins un autre nombre total de circonscriptions électorales. 8 Il demeure entendu que le rapport final doit contenir une seule recommandation de délimitation des circonscriptions électorales. 9 Le rapport préliminaire doit être présenté au premier ministre ou à son représentant désigné le 30 novembre 2018 au plus tard. 10 Sous réserve du point 11, le rapport final doit être présenté au premier ministre ou à son représentant désigné le 1er avril 2019 au plus tard. 11 À la demande de la Commission, celle-ci et le premier ministre ou son représentant désigné peuvent, de commun accord, repousser la date limite de présentation du rapport final. La loi sur l’Assemblée législative (House of Assembly Act) prévoit que : a) le mandat a force obligatoire pour la Commission; b) la Commission doit préparer un projet de révision des limites des circonscriptions avant ses premières audiences publiques; c) la Commission doit tenir des audiences publiques, après quoi elle doit préparer un rapport préliminaire; d) une fois le rapport préliminaire produit, la Commission doit tenir d’autres audiences publiques avant de préparer son rapport final. Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 5
Contexte La Nouvelle-Écosse possède actuellement un système majoritaire uninominal à un tour (scrutin majoritaire). Ce système repose sur des circonscriptions électorales qui sont justement délimitées. Chaque circonscription élit un membre de l’Assemblée législative (député). Pour assurer la création de circonscriptions équitables, la loi sur la Chambre d’assemblée (House of Assembly Act) stipule qu’une commission indépendante de délimitation des circonscriptions électorales soit créée au moins tous les dix ans. Cette commission a pour rôle d’examiner les limites des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse et de recommander, s’il y a lieu, des modifications. Questions clés : parité des électeurs et représentation effective Les Commissions de délimitation des circonscriptions électorales consultent le public et formulent des recommandations depuis 1991. Leur travail repose sur deux concepts clés : Parité électorale : Chaque vote a le même poids. Nous atteignons la parité des électeurs en créant des circonscriptions électorales possédant à peu près le même nombre d’électeurs; Représentation effective : Nous reconnaissons que la parité des électeurs peut limiter la voix des électeurs appartenant à des minorités, ce qui autorise la création de circonscriptions électorales possédant moins d’électeurs afin de permettre à ces minorités de bénéficier d’une représentation effective à l’Assemblée législative. Nous parvenons à la parité des électeurs en déterminant quel devrait être le nombre moyen d’électeurs dans chaque circonscription. Pour ce faire, nous divisons le nombre total d’électeurs de la province par le nombre de circonscriptions électorales. Nous tenons ensuite compte de spécificités comme la géographie, les démarcations politiques et les modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques, et permettons au nombre d’électeurs par circonscription de s’écarter de la moyenne de plus ou moins 25 %. Dans le cas des électeurs issus des minorités, comme les Acadiens et les Afro- Néo-Écossais, nous sommes autorisés, en vertu du mandat (page 5), à créer des circonscriptions dans lesquelles le nombre estimé d’électeurs est inférieur de plus de 25 % au nombre moyen estimé d’électeurs par circonscription. Ce type de circonscription, qui est appelée « circonscription électorale exceptionnelle », vise à assurer une représentation effective, à l’Assemblée législative, des électeurs issus des minorités. 6 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
La représentation effective en Nouvelle-Écosse La représentation effective constitue le principe directeur du redécoupage des circonscriptions électorales depuis 1991, lorsque la Cour suprême du Canada a rendu une décision historique connue sous le nom de décision Carter. La juge Beverley McLachlin a indiqué dans cette décision que l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit aux citoyens canadiens le droit de vote, constitue en réalité une garantie relative à la représentation effective : « Notre démocratie est représentative, a écrit la juge McLachlin. Chaque citoyen a donc le droit d’être représenté au gouvernement » (cité dans Landes 1992, 7). La juge McLachlin a ensuite expliqué qu’être représenté signifiait à la fois « avoir une voix dans les délibérations du gouvernement » et avoir « le droit de porter ses griefs et ses préoccupations à l’attention de son représentant gouvernemental » (cité dans Landes 1992, p. 7). Cette décision signifie que toute modification apportée aux limites des circonscriptions après 1991 peut être jugée inconstitutionnelle si elle ne respecte pas la notion de représentation effective. Représentation effective des communautés minoritaires La décision Carter a abouti à un accord multipartite visant à établir, en Nouvelle- Écosse, la première commission indépendante de délimitation des circonscriptions électorales. La commission a remis son rapport en 1992. Le mandat confié à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 1991-1992 comprenait « la représentation des minorités, notamment des peuples acadiens, noir et mi’kwaw de la Nouvelle-Écosse » (Landes 1992, p. 13). En analysant le mandat, la Commission de 1991-1992 a conclu que la représentation des groupes minoritaires pourrait être favorisée en créant des circonscriptions possédant une population ou un nombre d’électeurs quelque peu inférieur afin de favoriser la représentation effective de ces groupes. La commission a qualifié ces circonscriptions de « circonscriptions protégées ». Elle a donc décidé de créer la circonscription protégée de Preston « afin de promouvoir une représentation plus effective de la communauté noire à l’Assemblée législative » (Landes 1992, p. 28). Elle a également décidé de conserver les circonscriptions de Clare, d’Argyle et de Richmond « afin de promouvoir la représentation effective de la communauté acadienne à l’Assemblée législative » (Landes 1992, p. 29). La Commission de 1991-1992 a consulté la communauté mi’kmaw et n’a, à sa demande, formulé aucune recommandation concernant la représentation de cette dernière. Elle a toutefois recommandé que l’Assemblée législative s’engage à poursuivre les consultations avec les Mi’kmaq. Dix ans plus tard, en 2002, la nouvelle Commission de délimitation des circonscriptions électorales a recommandé de continuer à protéger les circonscriptions de Preston, de Clare, d’Argyle et de Richmond. Cela reposait en partie sur le mandat de cette commission, qui incluait « la représentation des minorités, Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 7
notamment des peuples acadien et noir de la Nouvelle-Écosse » comme « facteur primordial à prendre en compte » (Dodds 2002, p. 5). La commission a également fondé sa recommandation de maintenir la protection des quatre circonscriptions concernées sur les données démographiques disponibles à l’époque. Selon ces données, les communautés acadienne et afro- néo-écossaise avaient une population plus importante que la population moyenne des circonscriptions; elles étaient de plus concentrées dans certaines régions. Par exemple, « à Clare, dans le comté de Digby, 70 % de la population a le français comme langue maternelle », et non loin, à Argyle, « ce pourcentage est de 54 % » (Dodds 2002, p. 36). La commission a constaté, à partir de ces mêmes données, que 66 % de la population afro-néo-écossaise de la Nouvelle-Écosse résidait dans le comté d’Halifax, la plupart vivant soit dans la circonscription de Preston, soit à Needham, dans le nord d’Halifax. En outre, le pourcentage d’Afro-Néo-Écossais était plus élevé à Preston qu’à Needham. Représentation effective et parité des électeurs Le mandat de la commission de 2002 comportait deux autres aspects importants : • Elle devait tracer les limites de 52 circonscriptions électorales; • Elle devait veiller à ce que le nombre d’électeurs de chaque circonscription ne soit pas de plus ou moins 25 % de la moyenne, sauf circonstances exceptionnelles. Étant donné que les circonscriptions de Preston, d’Argyle, de Clare et de Richmond étaient considérées comme des circonstances extraordinaires, le nombre d’électeurs pouvait donc être inférieur de plus de 25 % au nombre d’électeurs de la circonscription moyenne. La Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2002 a également examiné toutes les régions de la Nouvelle-Écosse pour déterminer si l’une ou l’autre était surreprésentée ou sous-représentée. En raison d’un déplacement important de la population des zones rurales vers la région d’Halifax, la commission a constaté que le comté d’Halifax était sous-représenté et que le Cap-Breton était surreprésenté. Elle a donc recommandé la suppression d’une des circonscriptions du Cap-Breton (Cape Breton–The Lakes) et la création d’une circonscription dans le comté d’Halifax (Waverly–Fall River). Controverse liée à la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2012 Conformément à la loi sur la Chambre d’assemblée (House of Assembly Act), une nouvelle commission indépendante de délimitation des circonscriptions électorales a été créée en 2011 afin de recommander les limites et les noms des circonscriptions électorales composant l’Assemblée législative. Cette commission devait remettre son rapport en 2012. 8 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Le mandat confié à la commission de 2012 comportait trois points qui ont suscité la controverse : • Le paragraphe 2(a) limitait la commission à un maximum de 52 circonscriptions électorales; • Le paragraphe 2(c) permettait à la commission de s’écarter de la parité des électeurs pour des raisons géographiques, p. ex. si une circonscription était trop étendue pour permettre une représentation effective pour des raisons historiques ou liées aux intérêts d’une communauté, en particulier les communautés acadienne et afro-néo-écossaise; • Le paragraphe 2(d) stipulait que nonobstant le paragraphe 2(c), aucune circonscription ne pouvait dévier de plus ou de moins de 25 % par rapport au nombre moyen d’électeurs par circonscription (MacNeil 2012, p. 6). La commission avait alors conclu que les paragraphes 2(c) et 2(d) du mandat étaient contradictoires et qu’elle ne pouvait pas promouvoir la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais en respectant la règle de l’écart de plus ou de moins de 25 %. Le paragraphe 2(d) du mandat posait un défi considérable, en particulier pour les quatre circonscriptions (Argyle, Clare, Preston et Richmond) qui étaient protégées depuis vingt ans. En effet, accroître le nombre d’électeurs de chacune d’elles pour atteindre 75 % du nombre moyen d’électeurs entraînerait la perte des limites qui avaient été définies en 1991. (MacNeil 2012, p. 7) Dans son rapport initial, la commission avait recommandé de conserver les circonscriptions protégées d’Argyle, de Clare, de Richmond et de Preston, voyant dans son mandat des directives plutôt que des règles obligatoires. Le procureur général avait alors refusé d’accepter le rapport intermédiaire de la commission, au motif que celle-ci n’avait pas respecté son mandat. Il avait chargé la commission de rédiger un nouveau rapport intermédiaire conforme à la règle de la parité des électeurs [paragraphe 2(d)], ce que la commission a fait. Le nouveau rapport recommandait l’élimination des quatre circonscriptions électorales protégées. Contestation devant les tribunaux du rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2012 À la suite du rapport de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2012, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) a intenté une action en justice contre la province, ce qui a conduit cette dernière à demander l’avis de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. En janvier 2017, la cour a jugé que l’intervention du procureur général avait empêché la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 2012 de s’acquitter de son mandat, conformément à l’article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle a décidé que le gouvernement devait laisser la commission indépendante mener ses travaux librement. La cour a de plus décidé que la commission devait présenter son rapport non modifié à l’Assemblée Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 9
législative sous la forme d’un projet de loi. Enfin, la cour a évoqué la possibilité que le droit constitutionnel des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais à une représentation effective avait été limité ou refusé de manière injustifiée. La Commission Keefe À la suite de la décision de la Cour d’appel, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a mis en place, en avril 2017, la Commission sur la représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais, également appelée Commission Keefe. Cette commission s’est vu demander de recommander au gouvernement les meilleurs moyens d’assurer la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais en allant dans le sens de la décision Carter. On l’a également chargée de demander conseil aux Acadiens et aux Afro-Néo-Écossais et d’examiner diverses options, notamment la création de sièges désignés. Représentation effective des électeurs acadiens et afro-néo-écossais La commission a publié en 2017 le rapport intitulé Représentation : Pour une représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais, Rapport et recommandations, appelé également rapport Keefe. La commission y reconnaît « la tendance de notre système électoral à noyer le vote des minorités » (Keefe 2018, p. 5). Elle aborde également les avantages liés à la création de « circonscriptions exceptionnelles », terme qu’elle utilise pour qualifier les circonscriptions électorales autrefois protégées de Clare, d’Argyle, de Preston et de Richmond. Selon la commission, les circonscriptions sont exceptionnelles « en raison de leur population exceptionnellement petite par rapport à celle des autres circonscriptions » (Keefe 2018, 5). « Les circonscriptions exceptionnelles favorisent la représentation en augmentant les chances qu’un Afro-Néo-Écossais s’identifie à un député et qu’un Acadien puisse parler avec un député dans sa langue maternelle » (Keefe 2018, p. 5). Après avoir examiné plusieurs options, la commission a conclu qu’il existait deux moyens d’améliorer la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo- Écossais : 1 Améliorer les chances de faire élire des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais; 2 Renforcer les autres moyens de représentation. (Keefe 2018, p. 6) Afin d’améliorer les chances de faire élire des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais, le rapport fait quatre recommandations à la prochaine commission de délimitation des circonscriptions électorales : • Maintenir la règle de l’écart de plus ou de moins de 25 %, sauf dans des circonstances exceptionnelles (recommandation 4); • Permettre aux futures commissions de délimitation de créer des circonscriptions dépassant l’écart maximal (plus ou moins de 25 %) dans des circonstances exceptionnelles, sans toutefois préciser ces circonstances (recommandation 5); 10 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
• Permettre aux futures commissions de délimitation de créer des circonscriptions non contiguës, c’est-à-dire pouvant être composées d’au moins deux régions non limitrophes (recommandation 6); • Permettre aux futures commissions de délimitation de créer plus de 51 circonscriptions électorales (recommandation 7). Représentation effective des électeurs des régions rurales La Commission Keefe a également relevé l’écart croissant entre la population des villes et celle des régions rurales, l’essentiel de la croissance démographique « se limitant à un rayon d’une heure d’Halifax » (Keefe 2018, p. 79). Elle a indiqué que si la Nouvelle-Écosse conservait ses 51 circonscriptions, les circonscriptions rurales seraient moins nombreuses, mais plus étendues, ce qui limiterait l’accès des habitants des régions rurales à leurs députés, et « certaines communautés sans lien entre elles seraient regroupées contre leur gré » (Keefe 2018, p. 79). L’autre solution, selon la commission, consiste à créer un plus grand nombre de circonscriptions électorales. « Elle donnerait de la latitude aux commissions de délimitation des circonscriptions et cadrerait avec les autres mesures adoptées pour assurer la représentation effective des électeurs en région rurale, en particulier les Acadiens et les Afro-Néo-Écossais » (Keefe 2018, p. 79). La commission a affirmé qu’elle ne recommandait pas la création d’un plus grand nombre de circonscriptions, mais qu’elle voulait que les commissions de délimitation soient autorisées à « produire au moins deux cartes électorales – une selon les 51 sièges actuels, une selon un nombre plus élevé – afin d’orienter les discussions sur l’opportunité de maintenir 51 sièges pour assurer la représentation effective des Néo-Écossais » (Keefe 2018, p. 7). « Plus les circonscriptions sont nombreuses, plus les commissions sont en mesure de les délimiter en tenant compte des principes de la représentation effective » (Keefe 2018, p. 7). Commission de délimitation des circonscriptions électorales 2018-2019 La commission actuelle a été créée à la suite des recommandations du rapport Keefe. Nous sommes chargés de recommander des modifications conformes aux principes énoncés dans la décision Carter et dans la décision de la Cour d’appel de la Nouvelle- Écosse de janvier 2017. James Bickerton, professeur à l’Université St. Francis Xavier et membre de la commission de 2012, a étudié l’histoire des commissions de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse et nous a présenté un certain nombre d’options. Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 11
Représentation effective des populations minoritaires Selon James Bickerton, nous « [n’avons] d’autre option raisonnable que de proposer des modifications qui reprennent à tout le moins une certaine version des quatre circonscriptions protégées (circonscriptions électorales exceptionnelles) » (Bickerton 2018, p. 12). Cela pourrait se faire à l’aide d’un des trois moyens suivants : • Rétablir les limites initiales des circonscriptions de Preston, d’Argyle, de Clare et de Richmond; • Modifier les limites des quatre circonscriptions protégées en fonction des déplacements de population et des consultations publiques; • Améliorer la représentation effective des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais en incluant « les individus ou les communautés précédemment exclus » (Bickerton 2018, p. 12), par exemple en créant des circonscriptions non contiguës « reliant deux ou plusieurs “îlots” d’une même population minoritaire » (Bickerton 2018, p. 12). Représentation effective des Néo-Écossais des régions rurales James Bickerton a souligné que beaucoup de personnes s’étaient manifestées pour demander une réduction du nombre des circonscriptions électorales, ce qui entraînerait une diminution du nombre de députés à l’Assemblée. Elles ont de plus parlé d’une réduction du nombre des conseillers dans la Municipalité régionale d’Halifax, conformément à ce qu’avait demandé la Commission des services publics et d’examen de la Nouvelle-Écosse. Elles ont fait valoir le fait qu’avoir moins de députés à l’Assemblée permettrait d’économiser l’argent des contribuables. James Bickerton a souligné qu’il existe une différence entre la gouvernance municipale et la gouvernance provinciale. Étant donné que le gouvernement provincial est l’ordre de gouvernement qui est principalement responsable de la prestation de la plupart des services publics et sociaux, il est essentiel que les électeurs de la Nouvelle-Écosse soient représentés à l’Assemblée. Les électeurs doivent en particulier pouvoir tenir leur gouvernement responsable en matière de politiques, de programmes et de pratiques de gouvernance, ce qui constitue l’essence même de la « représentation effective » que la Cour suprême tient comme étant le droit de tous les citoyens canadiens. (Bickerton 2018, p. 16) La Commission de délimitation des circonscriptions électorales 2018-2019 a pour tâche de recommander des modifications aux délimitations des circonscriptions ainsi que les noms des circonscriptions qui composent l’Assemblée législative, tout en tenant compte des aspects susmentionnés. 12 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
Pour une représentation plus effective : méthodes et stratégies Représentation effective dans le contexte néo-écossais Comme nous l’avons indiqué dans la partie intitulée Contexte (page 6), la parité des électeurs est devenue un aspect fondamental de l’égalité politique. Cependant, comme nous l’avons également indiqué dans la partie intitulée Contexte (page 7), la décision Carter a fortement influencé la façon dont les limites des circonscriptions électorales sont modifiées au Canada. Pour rappel, la Cour suprême a décidé en 1991 que la consécration du droit de vote énoncé à l’article 3 de la Charte ne visait pas simplement à assurer la parité du pouvoir des électeurs, mais également à assurer une représentation effective : « Les dérogations à la parité électorale absolue peuvent se justifier (...). Des facteurs comme la géographie, l’histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires peuvent devoir être pris en considération afin de garantir que nos assemblées législatives représentent réellement la diversité de notre mosaïque sociale » (Saskatchewan c. Roger Carter, c.r. [1991] RCS 158). En raison de cette décision, toute modification apportée à la délimitation des circonscriptions électorales en Nouvelle-Écosse et au Canada doit respecter la décision Carter ou risquer d’être contestée et éventuellement déclarée inconstitutionnelle. Depuis 1991, mise à part la controverse de 2012 (page 8), les Commissions de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse ont travaillé à partir de mandats conformes à la décision Carter, reflétant la nécessité d’équilibrer la parité des électeurs avec d’autres facteurs. Pour rappel, notre mandat (page 5) met l’accent sur la parité des électeurs en tant que facteur principal de l’établissement des limites des circonscriptions électorales, tout en autorisant un écart en vertu des justifications suivantes : • Géographie; • Modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques, et démarcations politiques comme les limites des municipalités, les limites des collectivités (Statistique Canada) ou les limites des comtés traditionnels. Notre tâche est donc difficile et subjective. En respectant le mandat, nous faisons de notre mieux pour prévoir et prendre en compte les éventuelles conséquences indirectes susceptibles d’avoir une incidence sur les circonscriptions adjacentes lorsque les limites sont modifiées. Les conséquences indirectes peuvent être jugées bénéfiques ou néfastes. Il peut s’agir de toucher aux limites de communautés d’intérêts, aux démarcations politiques traditionnelles ou de ne pas aller dans le sens de l’indice établi. Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 13
L’indice se rapporte à la règle relative à la parité des électeurs, selon laquelle le nombre estimé d’électeurs dans chaque circonscription soit d’au plus 25 % supérieur ou inférieur au nombre moyen d’électeurs par circonscription. Il est donc logique d’examiner de plus près le mandat de 2018 et la représentation effective dans le contexte de la Nouvelle-Écosse. Géographie Dans une province comptant de nombreux villages côtiers et de vastes régions peu peuplées, s’écarter de la parité des électeurs sur la base de considérations géographiques peut susciter des points de vue conflictuels entre zones urbaines et régions rurales. Au Canada et en Nouvelle-Écosse, la tendance est à l’urbanisation de la population. À mesure que les habitants des circonscriptions électorales rurales partent s’installer dans les centres urbains, il devient plus difficile de conserver des circonscriptions rurales qui respectent la règle relative à la parité des électeurs. En essayant de maintenir la parité des électeurs, le nombre de circonscriptions électorales rurales diminue souvent lors des redécoupages. Les circonscriptions électorales alors redécoupées risquent de devenir difficiles à gérer, pouvant signifier, pour les députés et leurs électeurs, de plus longues distances à parcourir et donc une augmentation des frais nécessaires. Par ailleurs, à mesure que la population des centres urbains augmente, les circonscriptions se multiplient dans les villes. Il est possible d’avancer que le redécoupage des circonscriptions accentue indirectement le déclin des régions rurales. Les électeurs des centres urbains affirment en revanche que leur vote est dilué lorsque les régions rurales bénéficient d’un traitement préférentiel ne respectant pas la parité des électeurs. Nous avons examiné les deux points de vue et estimons que, dans la décision Carter et l’article 2 du mandat, les considérations d’ordre géographique sont justifiées. Nous avons par exemple cherché des moyens de réduire la taille géographique de la circonscription de Guysborough- Eastern Shore-Tracadie, qui s’étend bien au-delà de 200 kilomètres de son point le plus au sud, dans la Municipalité régionale d’Halifax, jusqu’à son extrémité nord-est, près du village de Canso. Tout comme la Commission de délimitation des circonscriptions électorales de 1992 avait jugé nécessaire d’accorder à la circonscription de Victoria un statut exceptionnel pour des raisons géographiques, nous avons redécoupé la circonscription de Guysborough-Eastern-Shore-Tracadie pour la même raison. Bien que ce changement s’écarte de façon marquée de la règle relative à la parité des électeurs, nous estimons qu’il ne nuira pas au droit de vote d’autres Néo-Écossais. Grâce à la nouvelle délimitation, la circonscription (Guysborough-Tracadie) est plus facile à gérer, favorisant ainsi la représentation effective. Modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques, et démarcations politiques Dans le contexte de la Nouvelle-Écosse, nous interprétons les termes « modes d’établissement historiques, culturels ou linguistiques » et « démarcations politiques » comme étant conformes à l’esprit de la décision Carter, dans laquelle le tribunal 14 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
concilie la parité des électeurs et « l’histoire et les intérêts de la collectivité et la représentation des groupes minoritaires » (Saskatchewan c. Roger Carter, c.r. [1991] RCS 158). Soulignons que la juge McLachlin a indiqué dans l’opinion majoritaire que « la liste n’est pas exhaustive » (Saskatchewan c. Roger Carter, c.r. [1991] RCS 158). Dans sa description des communautés d’intérêts, le politologue John Courtney montre à quel point la parité des électeurs et certaines autres considérations sont à la fois importantes et étroitement liées; il montre également qu’elles sont compatibles avec une représentation effective : « La communauté d’intérêts repose sur la reconnaissance et l’acceptation du principe selon lequel un groupe de personnes vivant sur un territoire partage des attributs. On peut la définir selon la situation géographique, tels une certaine proximité ou un ensemble de frontières municipales; en fonction d’un objectif commun, tel un intérêt économique; en fonction de la présence d’une caractéristique commune de nature sociale, raciale, religieuse ou linguistique. La délimitation d’une circonscription en fonction de sa communauté d’intérêts est un moyen de promouvoir la communication entre les citoyens et leur représentant, et d’améliorer le processus de représentation en général. » (Courtney 2002, p. 9-10) John C. Courtney souligne également que « le principe de représentation effective n’est ni définitif ni exclusif » (Courtney 2001, p. 223), ce qui confirme le numéro d’équilibre subjectif que doivent entreprendre les Commissions de délimitation des circonscriptions électorales. En Nouvelle-Écosse, les Commissions de délimitation qui se sont succédé ont fait leur travail à partir d’un postulat précis : assurer la représentation effective des Mi’kmaq, des Acadiens et des Afro-Néo-Écossais. Ce postulat est raisonnable dans la mesure où les communautés autochtones et certains groupes ethnoculturels vivent en Nouvelle-Écosse depuis des siècles et sont considérés comme des entités constitutives du caractère et de l’histoire de la province. À partir du 17e siècle, sont venus en Nouvelle-Écosse des Loyalistes noirs, des Marrons, des esclaves et des réfugiés noirs. Au fil des siècles, des individus et des familles du monde entier sont venus retrouver les descendants de ces premiers Afro-Néo-Écossais. Les communautés afro-néo-écossaises ont été séparées des communautés prospères formées par les blancs. Elles ont été constamment confrontées à l’oppression, au racisme, à la pauvreté et au manque d’opportunités, ce qui a empêché la création d’une société juste et égalitaire. Bien qu’aujourd’hui le racisme soit moins flagrant, les Afro-Néo-Écossais et leurs communautés restent confrontés à un racisme systémique et à un manque d’empathie et d’imputabilité. Bien que les lois et les politiques semblent souvent justes et sont souvent considérées comme étant neutres, les communautés afro-néo- écossaises perçoivent les choses différemment. Il n’est donc pas surprenant que les intervenants, lors des audiences publiques, nous aient fait part de leur manque de confiance dans le gouvernement et dans son autorité. Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse 15
Les communautés afro-néo-écossaises sont plus que de simples zones géographiques où un député afro-néo-écossais ou un conseiller municipal peut être élu. Les premiers Afro-Néo-Écossais sont arrivés il y a plus de 300 ans. Ils ont développé des traditions culturelles, des expressions artistiques et des pratiques spirituelles et religieuses uniques. Il ne s’agit pas uniquement de géographie, il s’agit d’expériences vécues, d’intérêts communautaires et de réconciliation. Il est donc important de trouver un équilibre entre la représentation effective et la parité des électeurs ainsi que l’intérêt communautaire des personnes d’ascendance africaine, et, en particulier, des Afro-Néo-Écossais, afin de ne pas désavantager continuellement les communautés afro-néo-écossaises. De la même manière, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse et la communauté gaélique, dont on parle moins souvent, mais qui est quantitativement plus importante, ont subi la pression de l’assimilation. En raison de ses modes d’établissement, la communauté gaélique a bénéficié d’une représentation effective en élisant des députés s’identifiant à leurs intérêts culturels, sociaux et économiques, en particulier dans les circonscriptions d’Antigonish, de Victoria et d’Inverness. Cela n’a pas été le cas des Acadiens. Lors des premières audiences publiques, la FANE et les Acadiens de Chéticamp et des environs nous ont dit que seuls deux Acadiens avaient été élus dans les circonscriptions d’Inverness depuis la Confédération. Dans une large mesure, les Acadiens n’ont donc pas pu parler à leurs députés en français. La population acadienne est concentrée au sud du parc national du Canada des Hautes-Terres-du- Cap-Breton, dans une circonscription électorale qui s’étend de Port Hawkesbury à Meat Cove. Un député peut donc vivre à près de 200 kilomètres du noyau acadien. Il est cependant toujours possible qu’un député puisse choisir de ne pas avoir un bureau de circonscription dans la région de Chéticamp ou à proximité. L’arrivée des Acadiens remonte à 1604, bien avant que notre province ait pris le nom de Nouvelle-Écosse. Ils ont vécu de la mer et construit un important réseau de digues. De 1755 à 1760, ils ont été expulsés, et leurs terres ont été confisquées. Bien qu’ils aient ensuite été autorisés à revenir, ils ont été disséminés dans toute la province. Cette histoire a façonné l’identité personnelle, communautaire et provinciale des Acadiens. Les Acadiens sont fiers et résilients et le symbole d’une forte présence historique et culturelle en Nouvelle-Écosse, tant géographique que politique. Comme l’a souligné Caroline-Isabelle Caron cependant, de l’Université Queen’s, dans l’édition de printemps 2008-9 de la revue Port Acadie, les Acadiens de la Nouvelle-Écosse constituent une triple minorité : • Ce sont des catholiques francophones vivant dans un océan d’anglophones occupant la majeure partie du continent nord-américain; • Il s’agit d’un petit groupe de francophones dans un Canada dominé par les Québécois; • Il s’agit d’une minorité dans l’Acadie même, en raison de la population acadienne importante au Nouveau-Brunswick. 16 Commission de délimitation des circonscriptions électorales de la Nouvelle-Écosse
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