Un dilemme colonial allemand Habiller ou non le " nègre " ?
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Revue Ibla • Tunis • 1/2012 • n° 209 • pp. 111-128 Un dilemme colonial allemand Habiller ou non le « nègre » ? Jonas Bakoubayi BILLY Jusqu'à présent, l’habillement des peuples soumis à la colonisation occidentale n'a pas encore fait l'objet d'études. Ce sujet permettrait pourtant de mieux comprendre certains aspects de l’occupation européenne, notamment allemande, de l’Afrique. En 1919, suite à la première guerre mondiale, l’Allemagne avait perdu, par décision du Traité de Versailles, toutes ses possessions d’outre-mer. Pour autant, les ethnologues allemands n'étaient pas restés inactifs. De plus, le parti national-socialiste arrivait au pouvoir en 1933. Dans ses folles ambitions de conquérir le monde, le Troisième Reich avait notamment dans son programme la reconquête de ses anciens protectorats et l’acquisition de nouvelles colonies, essentiellement en Afrique. Se posait alors la question du traitement des peuples qu’il allait coloniser. Parmi les multiples problèmes que devait résoudre le prétendant à de nouvelles colonies figurait celui de l’habillement des « indigènes »1. Ainsi s’ouvrit, pendant le Troisième Reich, un débat autour de l’habillement du colonisé. Fallait-il laisser les colonisés dans leurs « costumes d’Adam et Eve » (c’est-à-dire nus) ou devait-on les habiller autrement ? Cette question divisa les prétendants à l’aventure coloniale. Certains soutenant l’idée de laisser ces indigènes déambuler nus, dans leur état de nature, d’autres étant partisans de les habiller pour des raisons liées au travail. 1 Le mot « indigène » (Eingeborener) désigne, selon le vocabulaire nazi, les Noirs en général et les métis issus d’au moins un parent noir. Voir Archives fédérales allemandes, NS 52/65, NS 52/66, NS 52/67 ; Jonas Bakoubayi BILLY, Musterkolonie des Rassenstaats : Togo in der kolonialpolitischen Propaganda und Planung Deutschlands 1919-1943, Dettelbach, J.H. Röll Verlag, 2011, pp. 147 ff. Pour les nazis, les métis étaient des Noirs et non des Blancs. Il en va de même aujourd'hui. 111
Jonas Bakoubayi BILLY Pour les « conservateurs », laisser les indigènes se vêtir signifierait d’abord les hausser au même niveau que les « êtres civilisés ». Les illustrations de l’annexe I (a et b) témoignent du parallèle qu'établissaient les nazis entre les peuples et les « races » au sens nazi du terme1. Parmi les défenseurs de la thèse selon laquelle les indigènes devaient continuer à vivre nus se trouvaient les Docteurs Hugo Adolf Bernatzik, Felix Speiser, Ludwig Ferdinand Clauß, Diedrich Westermann et bien d’autres. Ceux-ci considéraient l’introduction de vêtements européens comme un facteur de « régression démographique » dans les colonies. Selon eux, les maladies et les épidémies qui décimaient les populations indigènes avaient leur source dans les vêtements. L’ethnologue H. A. Bernatzik expliquait même ce fait comme suit : « Il a été souvent signalé l’effet pernicieux de l’habillement des indigènes. La gale, d’autres maladies de la peau et le typhus se manifestent uniquement chez les indigènes habillés. D’autres maladies, telle le “tinea circinata“, sont l’objet d’une vive propagation à travers les habits. L’habillement inadéquat provoque souvent aussi de graves affections de l’appareil respiratoire (poumon). »2. A Christoph von Fürer-Haimendorf d'ajouter: « Là où les peuples primitifs ont adopté cependant des vêtements étrangers sans les habitudes correspondantes, là surviennent particulièrement et en grande proportion des dermatoses et aussi la lèpre. »3. 1 Ludwig Ferdinand CLAUSS, Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, Berlin, Büchergilde Gutenberg, 1935, pp. 168 f. Bien qu’ils ne soient pas de race germanique (la race suprême), les Italiens étaient considérés comme appartenant à la race supérieure. Egon Leuschner, chargé de cours à l’Office politique des races, justifiait cette appartenance par les liens politiques et économiques qui existaient entre le Troisième Reich et l’Italie. Voir : Archives fédérales allemandes, NS 52/37. 2 Hugo Adolf BERNATZIK, Die große Völkerkunde. Sitten, Gebräuche und Wesen fremder Völker. Band I Europa–Afrika, Leipzig, Bibliographisches Institut AG, 1939, p. 28. 3 Christoph VON FÜRER-HAIMENDORF, « Die Stellung der Naturvölker in Indien und Südostasien », Diedrich WESTERMANN (dir.), Die heutigen 112
HABILLER LE « NÈGRE » ? Von Fürer-Haimendorf poursuit en faisant remarquer « que la lèpre aussi bien que la tuberculose sont des maladies de semi- civilisation. C'est dans les zones de contact que ces maladies ont la plus grande propagation. Là où des mœurs primitives entrent en rapport avec celles d'un niveau avancé, là où des coutumes modestes sont modifiées cependant que l'accommodation n'est pas complète, c'est là que la lèpre trouve un nouveau terrain. Les coolies et les manœuvres présentent le plus gros des cas. »1. La faute en était imputée aux commerçants européens qui avaient introduit des vêtements occidentaux et surtout aux missionnaires qui distribuaient gratuitement des vêtements aux fidèles.2 L’image de l’annexe II montre une catholique de la station de mission de Tonga portant des vêtements offerts par cette dernière. Ces vêtements sont qualifiés ici par Bernatzik de « lambeaux nuisibles à la santé » 3. L’on attribua le recul démographique dans les colonies au port du vêtement. Non seulement les habits transmettent des épidémies et des maladies qui provoquent la perte du potentiel de procréation, mais ils confrontent aussi l'indigène à un problème d’adaptation. Ceci entraîne le découragement, la dépression et des suicides4. En conclusion, « L’indigène devrait de nouveau se promener nu, habillé d'un tablier de peau et de sandales ; ceci correspondait à sa particularité. »5. Ainsi fallait-il laisser les indigènes nus pour préserver leur santé et leur potentiel de procréation. Car les indigènes étaient indispensables pour la mise en valeur des colonies et devaient travailler chez leurs maîtres blancs. Bernatzik va plus loin en Naturvölker im Ausgleich mit der neuen Zeit, Stuttgart, Ferdinand Enke Verlag, 1940, p. 146. 1 Ibid. 2 Hans NEVERMANN, « Die Südsee und der Kontinent Australien », D. WESTERMANN (dir,), Op. cit., p. 209. 3 H. A. BERNATZIK, Op. cit., p. 29. 4 H. A. BERNATZIK, Op. cit., p. 19 ff; Idem, « Die Begegnung der Naturvölker mit der Zivilisation », Heinz ZEISS et Karl PINTSCHOVIUS (dir.), Zivilisationsschäden am Menschen, München/Berlin, J. F. Lehmanns, 1940, p. 17. 5 Archives fédérales allemandes, NS 52/107. 113
Jonas Bakoubayi BILLY demandant une stricte interdiction de l’importation dans les colonies des textiles européens qu'il considère comme un préjudice imposé à l'être humain par la civilisation1. Or, cette doctrine de Bernatzik et d'autres coïncidait avec la période où le commerce des textiles progressait dans les colonies. C’était au Togo l’époque des « Nana Benz », nom donné aux célèbres et riches revendeuses de tissus de Lomé qui roulaient en Mercedes Benz. En effet, dès les années 1930, des femmes entrepreneurs de Lomé avaient favorisé le développement de l’habillement de la population à travers le commerce des tissus. Avant même l'apparition de ces commerçantes, l’importation et le commerce du textile était déjà développés au Togo et dans les colonies en général et une grande partie de leurs populations avaient pris goût aux tissus imprimés et autres. Selon Andrea Reikat, le début de l'importation du textile en Afrique de l'Ouest remonte au XVIe siècle.2 Le tissage artisanal qui date du XIVe siècle3, n'était pas en reste, comme le reconnaissent l'ethnologue et pasteur D. Westermann4, spécialiste nazi de l'Afrique, et Hans Schomburgk5. Cette période était l'époque du boom de l'industrie textile en Europe, ce qui impliquait aussi l'exportation dudit textile dont le premier débouché était les colonies. 1 H. A. BERNATZIK, « Die Begegnung der Naturvölker... », art. cit., p. 17; voir aussi Idem., « Zur Frage der Europäisierung », H. A. BERNATZIK (dir.), Afrika. Handbuch der angewandten Völkerkunde, Innsbruck, Schlüsselverlag, 1947, p. 53. 2 Andrea REIKAT, Handelsstoffe. Grundzüge des europäisch- westafrikanischen Handels vor der industriellen Revolution am Beispiel der Textilien, Köln, Köppe, 1997, p. 15 ff. 3 Brigitte MENZEL, Textil-Handwerk in Nord-Nigeria, Berlin, Stiftung Preußischer Kulturbesitz, 1963. 4 Diedrich WESTERMANN, Geschichte Afrikas. Staatenbildungen südlich der Sahara, Köln, Greven-Verlag, 1952, pp. 9 f. (La rédaction du livre fut commencée en 1939. Pour des raisons liées à la guerre, il ne fut édité qu'en 1952). 5 Hans SCHOMBURGK, Frauen, Masken und Dämonen, Berlin, H. WIGANKOW, 1947, p. 59. 114
HABILLER LE « NÈGRE » ? Déjà au XIXe un journaliste britannique écrivait au sujet de l’Afrique, comme le rapporte Hilde Eynikel, « Le continent est si vaste et peuplé que c’est sur lui que nous devons bâtir notre politique économique. Pourquoi ne pas habiller les indigènes de nos tissus, leur construire des maisons où installer nos meubles et vivre à l’européenne ? Ce commerce est plus lucratif que ne l’a jamais été la traite des esclaves »1. Nous n'évoquerons pas ici les importations par les colonies du textile anglais, qui occupait la première place. Nous prendrons plutôt l'exemple du Portugal qui est peu connu. En 1939, 3 251 tonnes de textile portugais étaient exportés dans ses colonies contre 2 950 tonnes en 1935. Ainsi, malgré la guerre, l'importation du textile en Afrique n'avait pas chuté, mais au contraire avait étonnamment gardé son importance, voire même avait augmenté2. Le textile à lui seul constituait plus de la moitié du commerce entre l'Occident et l'Afrique de l'Ouest3. Au Togo également (Togo britannique et Togo français) l’importation du textile occupait en 1937 une place prépondérante dans le commerce. Les pays exportateurs étaient l'Angleterre (environ 20 à 25 % de l'importation totale du Togo), le Japon (environ 10 à 15 %), les États-Unis (environ 10,2 %), la Hollande (environ 6 à 7 %) et l’Allemagne (environ 5 à 7 %).4 Ainsi, l'interdiction de l'importation du textile dans les colonies était-elle 1 Hilde EYNIKEL, Congo Belge. Portrait d’une société coloniale, Paris- Gembloux, Duculot, 1984, p. 24. 2 M. Anne PITCHER, Politics in the Portuguese empire. The State, Industry, and Cotton, 1926-1974, Oxford, Clarendon Press, 1993, pp. 97 f. & pp. 284 ff. 3 A. REIKAT, Op. cit., p. 161. 4 Archives fédérales allemandes, R 1001/3833, feuillet n° 68; voir aussi: August FULL, Fünfzig Jahre Togo, Berlin, Dietrich Reimer, 1935, pp. 258 ff.; Robert CORNEVIN, Histoire du Togo, Paris, Berger-Levrault, 1962, pp. 258 ff. De 1928 à 1933, l'importation du textile au Togo occupait la première place avec une valeur de 70 367 FF. Voir : Otto MARTENS et Oskar KARSTEDT, Afrika. ein Handbuch für Wirtschaft und Reise, 1. Band Wirtschaft, 3. Aufl., Berlin, Dietrich Reimer, 1936, p. 95. 115
Jonas Bakoubayi BILLY de nature à porter atteinte à l'économie des puissances colonisatrices elles-mêmes. Comme le montrent les photos ci- dessous, le commerce du textile avait déjà eu des effets progressistes sur les mentalités et l’idée du port de l’uniforme était ancrée dans la mentalité des Togolais ainsi que dans celle des autres peuples colonisés. Christoph von Fürer-Haimendorf affirme en 1940 que l'indigène ne travaille chez le colonisateur que pour payer les impôts, les vêtements et organiser des fêtes. Il écrit : « Aussitôt son besoin immédiat en argent liquide pour des impôts, des vêtements ou pour des dépenses de fêtes satisfait, il retourne de nouveau dans son village »1. Pour vaquer à leurs tâches quotidiennes, les indigènes s'habillaient d'une manière rustique (comme ils le font encore aujourd'hui) ; en revanche, ils s'efforçaient d'être élégants – à l'occidentale – les jours de marché, les fêtes ou les dimanches pour fréquenter l'église (Annexe III a et b). Les missionnaires exigeaient d'ailleurs de leurs fidèles le port de cet accoutrement festif. La dernière photographie montre un fidèle d'une communauté chrétienne de l'ex-Afrique Orientale Allemande à la sortie de la messe. Bien qu'il fasse soleil et donc chaud, le fidèle, influencé par la mode et la civilisation européenne, a son cache-col noué autour 1 C. von FÜRER-HAIMENDORF, « Die Stellung der Naturvölker in Indien und Südostasien », D. WESTERMANN (dir.), Die heutigen Naturvölker im Ausgleich... op. cit. p. 154. Cette affirmation semble être un constat que l'historien togolais Pierre Ali Napo confirme en 1997 dans le cas de son pays. En effet, sous l'administration coloniale allemande ainsi que sous le mandat français et britannique, les indigènes mobilisés au service du colonisateur ne rentraient à la fin de leur contrat qu'avec des objets à peu de chose près tels que sel de cuisine, bouteilles de boissons alcoolisées (rhum et schnaps), mallettes fermant à clef, foulards, couteaux, miroirs, ceintures, etc. ainsi que des objets dits de parure pour leurs femmes: boucles d'oreilles, colliers, bracelets, bagues et autres. Voir, Pierre ALI- NAPO, Histoire des travailleurs-manœuvres et soldat du Nord-Togo au temps colonial (1884-1950). Livre I. La main-d'œuvre forcée pour le Sud-Togo : du début de la colonisation au mandat français, Lomé, Presse de l’Université, 1997 p. 127. 116
HABILLER LE « NÈGRE » ? du cou. L’habillement des colonisés à l’occidentale, encouragé par les missions chrétiennes, irritait les Nazis. Notons que tous les missionnaires n'approuvaient pas forcément l'habillement des Noirs à l'occidentale. Dans les années 1930, la plupart des jeunes missionnaires allemands en Afrique étaient sous l’influence du « Nouveau Romantisme » ; ils tenaient donc en haute estime la culture allemande et adhéraient à l'idéologie nazie. Ces jeunes missionnaires allemands s’opposaient à l’habillement des colonisés à l’occidentale pour éviter de les hisser au même « niveau culturel que les Blancs ». Citons ici le cas des missionnaires allemands de l’Eglise morave (Unitas Fratrum) en Tanzanie.1 Parmi ceux-ci figurent les pasteurs Franz Rietzsch, Joseph Busse, Walter Marx, Hermann Schnabel pour ne citer que ceux-là2. Franz Rietzsch (1902-1978), le porte-flambeau de cette idéologie, arriva en Tanzanie en 1931. Il désapprouvait le port des pantalons, des chemises, des chaussures ou des cravates3 par les Africains. Il ne trouvait pas normal que les cultures soient mélangées. Le pantalon, la chemise, les chaussures et la cravate étaient exclusivement européens. Ainsi voulait-il conserver la suprématie et la culture blanches. Cependant il n'approuvait pas la théorie qui voulait laisser les indigènes à leur nudité. Il exigeait donc une tenue simple mais correcte pour tous les membres de la chorale de sa communauté. Quiconque était mal habillé, n’était pas autorisé à chanter dans la chorale.4 1 Unitas Fratrum est peu répandue et n'est pas connue dans toute l’Afrique. 2 Constance HARTUNG, Der « Weg der Väter ». Ostafrikanische Religionen im Spiegel früher Missionarsberichte, Münster, Lit-Verlag, 2005, pp. 442-446. 3 Klaus FIEDLER, Christentum und afrikanische Kultur. Konservative deutsche Missionare in Tanzania, 1900-1940, Gütersloh, G. Mohn, 1983, p. 119. 4 Ibid., p. 119. 117
Jonas Bakoubayi BILLY D'ailleurs certains théoriciens - au contraire de ceux que nous avons précédemment cités - réfutèrent aussi l'idée de laisser les indigènes en costume d’Adam et Ève. A leurs yeux, la doctrine de Bernatzik pouvait avoir des conséquences regrettables dans la mesure où les nazis voulaient éviter les affrontements directs entre les fonctionnaires coloniaux et les colonisés, affrontements qui n'auraient pas manqué de se produire si on contraignait ces derniers à abandonner leurs vêtements. Effectivement, un conflit à propos de vêtement se déclencha à Old Moshi (Tanzanie) en 1930. Le pasteur Bruno Gutmann avait travaillé de 1902 à 1920 chez les Chagga1. Il tolérait et même encourageait le port des vêtements européens par les fidèles de sa communauté2. Les vêtements européens se substituèrent peu à peu au kanzu (l’habillement introduit au XIXe siècle par les Arabes). En 1930, alors que le missionnaire Bruno Gutmann (1876-1966) était en vacances en Europe, il fut remplacé par le pasteur Georg Fritze (1889-1944). Au cours de la distribution de la communion, ce dernier ôta le casque colonial de la femme de Joseph Merinyo, l’un des hommes influents des Chagga, ce qui provoqua la colère et l'opposition de celui-ci. Il envoya une lettre de protestation à la maison mère à Leipzig et demanda l’ordination de 13 Noirs. Il n’y eut pas de réponse de Leipzig, mais sa lettre eut finalement gain de cause. Les autochtones purent être ordonnés pasteurs. L’habillement qui était auparavant soumis à des lois fut laissé au libre choix de chacun et Leipzig rappela aux missionnaires que l’habillement est adiaphore ; ainsi donc légiférer était inopportun3. Parmi ceux qui étaient pour l'habillement de l'indigène, se trouvait Maximilan von dem Hagen, un des intellectuels membres influents du parti national-socialiste. Il suggéra : 1 Jürgen Christoph WINTER, Bruno Gutmann 1876-1966. A German Approach to Social Anthropology, Oxford, Clarendon Press, 1929, pp. 41 ff. 2 K. FIEDLER, Op. cit., pp. 110 ff. 3 Ibid., , p. 112. 118
HABILLER LE « NÈGRE » ? « Autrefois, il s’habillait ainsi quand il ne devait sortir de son pantok [hutte] qu’après que le soleil eût cessé de chauffer le monde ; dès qu’il devenait très chaud, il allait à l’ombre ; les soirs, lorsque la fraîcheur de la nuit arrivait, il retournait dans sa chaude habitation. Mais il laissait le travail aux femmes ! Si l’indigène doit régulièrement et ponctuellement accomplir son travail, il doit bien sûr porter des vêtements qui le protègent contre les intempéries. Si, ensuite, les dimanches, ils [les indigènes] se font plaisir, je ne vois en cela aucune contradiction culturelle. Pendant le jour, comme les Blancs dans le monde entier, les indigènes doivent travailler. Il est clair qu’ils sont autant aptes aux travaux physiques en Afrique que les Blancs. Les soirs, les dimanches et les jours fériés, s’il [l’indigène] mène sa vie de clan de la manière qu’il veut, nous, les Allemands, ne le lui avons autrefois pas interdit et ne le ferons pas à l’avenir. »1. Ainsi donc, pour von dem Hagen, c'était pour des raisons économiques qu'il était nécessaire d’habiller les Noirs. C'est pourquoi il proposa une tenue qui leur serait spécifique : « Elle doit se composer d’un pantalon et d'une chemise résistants, ainsi que de chaussures solides pour le besoin du travail ; un chapeau de feutre sert de coiffure. Pour les femmes, les habits imprimés bleus et rouges ou multicolores et des foulards, de plus également des chaussures solides, conviennent. »2. Cependant, le problème de l’hygiène demeurait. Ainsi, Auslands-Organisation (Organisme national-socialiste pour l’étranger), proposa-t-elle la construction d'habitations adaptées à la nature et aux conditions de vie des indigènes. Les huttes devraient être construites avec de l’argile et couvertes « d’herbes » (chaume) et elles devraient être périodiquement incendiées pour détruire les parasites3. 1 Archives fédérales allemandes, NS 52/107. 2 Ibid. 3 Ibid., NS 9/280, f° n° 82. 119
Jonas Bakoubayi BILLY Ainsi donc, si les indigènes devaient s’habiller, c'était pour être le plus efficacement possible au service du fonctionnaire colonial : ils avaient besoin de vêtements pour résister aux intempéries et être réguliers et ponctuels au travail. Une fois le problème vestimentaire résolu, se posait un autre problème : celui de l'alimentation et de la santé des indigènes. Celui-ci faisait également l'objet d'études en vue de rendre l'indigène plus apte au travail. Ainsi pour les nazis, quelle que soit l'approche des théoriciens sur les conditions d'existence des indigènes, ces derniers ne pouvaient être considérés que sous l'angle de la force de travail qu'ils représentaient. Jonas Bakoubayi BILLY Archiv Grünes Gedächtnis 120
HABILLER LE « NÈGRE » ? Abréviations : - FF : Francs français - NS : Nationalsozialismus - R : Reichskolonialamt Sources archivistiques - Documents des Archives fédérales allemandes, Berlin- Lichterfelde : NS 9/280, NS 52/37, NS 52/65, NS 52/66, NS 52/67, NS 52/107, R 1001/3833. Bibliographie - Pierre ALI-NAPO, Histoire des travailleurs-manœuvres et soldat du Nord-Togo au temps colonial: 1884-1950. Livre premier. La main-d'œuvre forcée pour le Sud-Togo : du début de la colonisation au mandat français, Lomé, Presse de l’Université, 1997. - Hugo Adolf BERNATZIK (dir.), Afrika. Handbuch der angewandten Völkerkunde, Innsbruck, Schlüsselverlag, 1947. - H. A. BERNATZIK, « Die Begegnung der Naturvölker mit der Zivilisation », Heinz ZEISS et Karl PINTSCHOVIUS (dir.), Zivilisationsschäden am Menschen, München/Berlin, J. F. Lehmanns, 1940, pp. 14-25. - H. A. BERNATZIK, Die große Völkerkunde. Sitten, Gebräuche und Wesen fremder Völker. Band I, Europa-Afrika, Leipzig, 1939. - H. A. BERNATZIK, Gari-Gari. Leben und Abenteuer bei den Negern am Oberen Nil, München, Verlag F. Bruckmann, 1951. - H. A. BERNATZIK, Im Reich der Bidjogo. geheimnisvolle Inseln in Westafrika, München, Verlag F. Bruckmann, 1951. - H. A. BERNATZIK, Südsee: ein Reisebuch, München, Verlag F. Bruckmann, 1951. 121
Jonas Bakoubayi BILLY - Jonas BAKOUBAYI BILLY, Musterkolonie des Rassenstaats. Togo in der kolonialpolitischen Propaganda und Planung Deutschlands 1919-1943, Dettelbach 2011, 363 p. - Georg BUSCHAN, Illustrierte Völkerkunde, Stuttgart, Strecker und Schröder, 1922. - Ludwig Ferdinand CLAUSS, Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, Berlin, Büchergilde Gutenberg, 1935. - Robert CORNEVIN, Histoire du Togo, Paris, Berger- Levrault, 1962. - Karin ENGEL, Ich bin einfach losgegangen... auf den Spuren weiblicher Arbeit, Norderstedt, Books on Demand GmbH, 2009. - Hilde EYNIKEL, Congo Belge. Portrait d’une société coloniale, Paris-Gembloux, Duculot, 1984. - August FULL, Fünfzig Jahre Togo, Berlin, 1935. - Christoph VON FÜRER-HAIMENDORF, « Die Stellung der Naturvölker in Indien und Südostasien », Diedrich WESTERMANN (dir,), Die heutigen Naturvölker im Ausgleich mit der neuen Zeit, Stuttgart 1940, pp. 126-197. - Gustav Adolf GEDAT, Was wird aus diesem Afrika? Erlebter Kampf um einen Erdteil, Stuttgart, Steinkopf, 1938. - Otto MARTENS & Oskar KARSTEDT, Afrika. Ein Handbuch für Wirtschaft und Reise, 1. Band Wirtschaft, 3. Aufl., Berlin, Dietrich Reimer, 1936. - Brigitte MENZEL, Textil-Handwerk in Nord-Nigeria, Berlin, Stiftung Preussischer Kulturbesitz, 1963. - Hans NEVERMANN, «Die Südsee und der Kontinent Australien », Diedrich WESTERMANN (dir.), Die heutigen Naturvölker im Ausgleich mit der neuen Zeit, Stuttgart, Ferdinand Enke Verlag, 1940, pp. 198-269. 122
HABILLER LE « NÈGRE » ? - M. Anne PITCHER, Politics in the Portuguese empire. The State, Industry, and Cotton, 1926-1974, Oxford, Clarendon Press, 1993. - Andrea REIKAT, Handelsstoffe. Grundzüge des europäisch- westafrikanischen Handels vor der industriellen Revolution am Beispiel der Textilien, Köln, Köppe, 1997. - Hans SCHOMBURGK, Frauen, Masken und Dämonen, Berlin, H. Wigankow, 1947. - D. WESTERMANN (dir.), Die Naturvölker im Ausgleich mit der neuen Zeit, Stuttgart, Ferdinand Enke Verlag, 1940. - D. WESTERMANN, Geschichte Afrikas. Staatenbildungen südlich der Sahara, Köln, Greven-Verlag, 1952. - H. ZEISS & K. PINTSCHOVIUS (dir.), Zivilisationsschäden am Menschen, München/Berlin 1940. 123
Jonas Bakoubayi BILLY Annexe Ia. Parallèle entre une femme bochiman (ou bosjesman) et une Italienne 124
HABILLER LE « NÈGRE » ? Annexe I b. Archers de différentes races 125
Jonas Bakoubayii BILLY Annexee II Une catholique c dans des d vêtements offeerts par la missio on de Tonga 126
HABILLER LE « NÈGRE » ? Annexe III a La chorale d’une communauté de la mission au Togo Source: Gustav Adolf GEDAT, Was wird aus diesem Afrika? Erlebter Kampf um einen Erdteil, Stuttgart, Steinkopf, 1938, p. 280. 127
Jonas Bakoubayii BILLY Annexe III I b La fierté des an nciens fonctionnaires coloniaux aallemands Image inndésirable sous lee Troisième Reich h Source : Pieerre ALI-NAPO, Histoire H des travaillleurs- manœuvres m et sold dat du Nord-Togo o au temps coloniaal (1884- 1950). 1 Livre I. La main-d'œuvre forrcée pour le Sud-T Togo : du début d de la coloniisation au mandatt français, Lomé, Presse de l’Université, 1997 7 p. 127. 128
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