Un nouvel essor AVINEWS AVRIL 2021 - Vogelwarte Sempach
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Fauvette grisette (photo : Marcel Burkhardt) AV I N E W S AV R I L 2 0 2 1 Un nouvel essor Par une stratégie proactive, la Sta- tain », dont le but est de récupé- constate que la mesure consis- aussi respecter le souhait de la tion ornithologique entend don- rer des terres cultivées au profit tant à « assurer la conserva- population, qui a montré pen- ner à l’avifaune suisse un nouvel de la nature. tion des surfaces particulière- dant la fermeture liée au coro- essor et rendre ainsi notre pays Et chez nous ? Selon le plan ment importantes pour la biodi- navirus un besoin croissant de plus accueillant. d’action de la Stratégie Biodi- versité » ne fait que partie des nature. Les réserves naturelles versité, la Suisse devra dispo- « mesures à étudier ». Voilà un ont été des destinations d’ex- Le recul de la biodiversité s’ac- ser d’ici 2040 d’une infrastruc- plan qui paraît bien peu ambi- cursion et des espaces de res- célère dans le monde entier, et ture écologique opérationnelle, tieux pour protéger nos derniers sourcement très prisés l’an der- seule une action résolue peut ar- en zone rurale aussi bien qu’ur- paradis naturels ! Pourquoi sacri- nier. Des études montrent d’ail- rêter ce mouvement. Le nouveau baine. Dans l’immédiat, les zones fions-nous définitivement et sans leurs que sortir dans la nature est président des États-Unis, Joe Bi- protégées existantes doivent être limites des terres pour des lotis- bénéfique pour notre santé phy- den, a annoncé quelques jours revitalisées. Mais ce n’est pas sements et des infrastructures, sique et mentale. La Station, avec après son investiture un objec- suffisant. L’augmentation de mais peinons-nous tant à conser- son nouveau projet « Un nouvel tif ambitieux : d’ici 2030, 30 % l’activité de construction et le ver des surfaces pour la biodiver- essor pour l’avifaune », veut ren- de la superficie du pays devra morcellement croissant des ha- sité, alors même que notre exis- verser la tendance et créer dans être protégée afin d’enrayer la bitats ainsi qu’une agriculture de tence en dépend ? tout le pays des habitats accueil- perte de biodiversité, contre seu- plus en plus intensive, y compris L’avifaune a besoin d’une lants. Les oiseaux ne seront pas lement 12 % aujourd’hui. Dans en montagne, vont encore ac- stratégie proactive pour dis- seuls à en profiter ! le même esprit, la Grande-Bre- croître une pression déjà consi- poser des habitats nécessaires. tagne, de plus en plus consciente dérable sur la biodiversité. Le Un habitat de qualité et suffi- Matthias Kestenholz, que la faune sauvage a besoin de plan d’action propose ainsi de samment vaste est aussi impor- président de la direction davantage d’espace, a vu naître créer davantage de zones pro- tant que de l’air pur et de l’eau le mouvement « Rewilding Bri- tégées. C’est très bien. Mais on propre. Sans compter que c’est
AVINEWS AVRIL 2021 : SOUS LA LOUPE Un nouvel essor pour l’avifaune, avec votre aide ! diversité – des habitats proches de l’état naturel, mais façonnés par l’humain. Des projets phares qui montrent le chemin La Station ornithologique a déjà procédé à plusieurs mises en valeur écologiques dans dif- férentes régions du pays. Dans le Klettgau schaffhousois, puis dans la Champagne genevoise, elle a aidé à aménager haies et jachères fleuries à large échelle dans les grandes cultures. Sur les surfaces de compensation éco- logique, dont le nombre croît, les effectifs de la fauvette gri- sette, du tarier pâtre et de l’hy- polaïs polyglotte se sont redres- sés. Dans la plaine de Wauwil, des prairies fleuries et des sites temporairement inondés nou- Cette surface de la plaine de Wauwil LU a été renaturée pour le vanneau huppé. Les sites temporairement inondés sont vellement aménagés ont permis aussi très précieux pour le repos des migrateurs et pour l’entier de la biodiversité. Il n’en reste plus beaucoup : depuis 1850, de renforcer les dernières popu- plus de 90 % des zones humides de Suisse ont été détruites (photo : Station ornithologique suisse). lations d’alouettes des champs et de vanneaux huppés du Pla- teau lucernois. Dans tous ces Les oiseaux ont besoin d’espace L’atlas des oiseaux nicheurs 11 mesures prioritaires urgentes. projets phares, la collaboration en quantité et qualité suffisantes. de Suisse 2013-2016 a clai- La mise à disposition des oi- fructueuse entre la Station, les C’est l’objectif du projet « Nouvel rement montré que de nom- seaux d’habitats plus vastes et agriculteurs conscients des en- essor pour l’avifaune » que la Sta- breuses espèces d’oiseaux indi- de qualité suffisante en consti- jeux écologiques et les autori- tion ornithologique réalisera avec gènes dont les exigences quant tue un thème central. Conser- tés a été décisive. ses partenaires ces prochaines an- à leur habitat sont élevées conti- ver ce qui existe ne suffit plus, il Ces succès ouvrent la marche. nées. nuaient à reculer. De ce constat, faut créer de nouveaux habitats Du lac de Constance au Léman, la Station ornithologique a tiré qui donnent la priorité à la bio- il faut davantage de refuges Chaque jour, la nature disparaît un peu plus en Suisse. Les ha- bitats de la faune et de la flore sauvages s’amenuisent, de nom- breuses populations d’oiseaux déclinent. Près d’un tiers de toutes les espèces végétales, ani- males et de champignons indi- gènes est menacé – ce chiffre at- teint 40 % chez les oiseaux. L’être humain occupe une surface tou- jours croissante, ce qui pose des questions sérieuses pour la pro- tection de la nature : lorsque les légumes sont de plus en plus cultivés sous plastique ou sous serre, où l’alouette des champs trouve-t-elle encore de la place pour nicher ? Lorsque dans les prés ne fleurissent plus que des pissenlits, puis plus rien, de quoi les insectes et le pipit des arbres vivent-ils ? Lorsque le réseau de chemins devient toujours plus dense et donne accès aux forêts les plus reculées, où le grand té- La commune et la bourgeoisie de Saint-Gingolph VS, en collaboration avec la Station ornithologique suisse pour le concept tras trouve-t-il encore des es- de biodiversité et avec le soutien financier de différents contributeurs, revalorisent une châtaigneraie jadis exploitée de manière traditionnelle (photo : Station ornithologique suisse). paces de tranquillité ? 2
AVINEWS AVRIL 2021 : SOUS LA LOUPE Il pousse dans une prairie fleurie de montagne 50 espèces de graminées et de fleurs Les marais, hauts lieux de la biodiversité et réservoirs de carbone, font aujourd’hui – garantissant une floraison pendant tout le printemps. Les insectes y trouvent ainsi à nouveau l’objet d’une attention accrue. La Station ornithologique soutient la de la nourriture pendant plusieurs mois et les insectivores, comme le tarier des prés, renaturation et la remise en eaux des marais, et s’engage ainsi non seulement pour en profitent également. En revanche, l’agriculture intensive engendre des prairies la conservation des espèces, mais également pour la protection du climat (photo : artificielles pauvres en espèces végétales, offrant donc une durée de floraison courte, Station ornithologique suisse). attirant de ce fait aussi moins d’insectes (photo : Roman Graf). pour les oiseaux et la biodiver- rables pour les oiseaux menacés On recherche : de l’espace et Si les partenaires viennent de sité. En terres agricoles et dans et pour la biodiversité en géné- des idées ! tous horizons, il en ira de même les zones humides, en particu- ral. Grâce aux legs et héritages Ce n’est qu’ensemble que nous pour les projets et leur stade de lier, il reste beaucoup à faire. Des généreux qu’elle reçoit, la Sta- pourrons sauver l’avifaune. Ce développement. Les conditions paysages où les champs et les tion va pouvoir investir plusieurs projet n’a pas vocation à rem- suivantes doivent être réunies : (1) prés alterneraient avec des ver- millions de francs dans des pro- plir les missions importantes de Le terrain qui peut être revalorisé gers hautes-tiges, des jachères jets de ce type au cours des an- protection des oiseaux que sont et garanti durablement pour l’avi- fleuries et des pâturages exten- nées à venir. Les habitats créés la création de parcs à nichoir ou faune et la nature fait au moins 3 sifs se font rares. De nombreuses doivent compter au minimum 3 de petits biotopes, des projets de hectares et son emplacement se zones humides manquent aussi hectares. « Un nouvel essor pour sensibilisation, des campagnes ou prête à la promotion de la biodi- de larges ceintures de roseaux l’avifaune » est aussi le prélude des événements. En revanche, à versité. (2) La réalisation intègre et de prairies marécageuses au jubilé de la Station, qui fê- toutes celles et ceux qui ont un un contrôle des résultats, et le non fertilisées attenantes. Ce tera ses 100 ans en 2024. En pouvoir de décision (de près ou projet garantit une utilisation ou type d’infrastructure écologique créant des paradis pour les oi- de loin) quant à l’utilisation d’une un entretien durable et ciblé de doit être créé aujourd’hui, pour seaux, nous souhaitons remer- surface adéquate de bonne taille : la surface. Les spécialistes de la offrir un habitat aux oiseaux et cier le peuple suisse pour sa fi- nous avons besoin de vous ! Que Station apportent volontiers leur autres animaux sauvages, mais délité à la Station depuis de lon- vous soyez propriétaire de forêt soutien pour faire passer le pro- aussi des espaces de ressour- gues années. Les projets doivent ou de gravière, association de jet de l’idée à la mise en œuvre. cement agréables pour les hu- être durables et pouvoir être protection du paysage, corpora- L’objectif est d’offrir à l’avi- mains. Ces derniers mois ont contractuellement garantis à tion, commune ou bourgeoisie, faune, et à l’entier de la biodiver- justement montré l’importance long terme, afin qu’ils conti- agriculteur ou agricultrice, entre- sité, un nouvel essor durable dont pour chaque commune de dis- nuent de profiter aux oiseaux prise, organisation de protection les générations futures pourront poser d’oasis de nature. bien après l’année du jubilé. de la nature, autorité communale, profiter encore longtemps ! La Station ornithologique a cantonale ou nationale, proprié- Un « nouvel essor pour pour cela besoin de partenaires. taire privé ou parc naturel régio- Petra Horch l’avifaune » partout en Suisse Si vous faites partie des autori- nal : nous recevons avec plaisir Pour stimuler la création de tés d’une commune et que vous vos idées, vos plans, vos projets ! ces oasis, la Station ornitho- souhaitez aménager écologique- logique lance « Un nouvel es- ment un bien communal, si vous sor pour l’avifaune ». Elle sou- êtes un agriculteur innovant et haite ainsi fournir une contri- voulez contribuer au nouvel es- Annoncer un projet bution durable en menant de sor de l’avifaune, si vous réalisez nombreux projets dans tout le un grand projet de protection de Décrivez-nous votre idée ou envoyez-nous votre dossier, si possible conte- pays, avec la collaboration de la nature au sein de votre asso- nant des données sur la parcelle et son emplacement, la situation de dé- partenaires très divers. Il s’agit ciation locale, ou que vous êtes part, le potentiel pour la biodiversité et le processus prévu, ainsi que, le de valoriser des surfaces adap- propriétaire d’une forêt et que cas échéant, une estimation des coûts et une indication de la manière tées ou d’en créer de nouvelles, vous aimeriez l’exploiter le plus dont la surface doit être protégée à long terme. Apportez votre aide au et de les protéger à long terme naturellement possible – prenez « Nouvel essor de l’avifaune » ! aufschwung@vogelwarte.ch afin de créer des habitats favo- contact avec nous. 3
AVINEWS AVRIL 2021 : LA PROTECTION DES OISEAUX EXPLIQUÉE Cormoran et pêche : pris dans les mailles du conflit ? Le cormoran reste un sujet de débats houleux. La Station or- nithologique s’engage pour que ces discussions reposent sur des faits, et que les interlocuteurs traitent ensemble les problèmes auxquels font face poissons et oi- seaux. Les poissons figurent parmi les animaux les plus menacés de Suisse. Les activités humaines détériorent leurs habitats natu- rels, et leurs déplacements sont entravés par digues et ouvrages. Pour compenser ces pertes, les eaux ont été empoissonnées avec des espèces exotiques qui concurrencent les poissons indi- gènes. Les pesticides, les traces tels que les résidus de médica- ments et les microplastiques, Un cormoran sèche ses ailes après une plongée (photo : Marcel Burkhardt). ainsi que les conséquences du changement climatique im- pactent gravement certaines coup de grands oiseaux, sa po- dologiques. Même un effort de poissons ou des poissons de pe- espèces. En outre, il est scien- pulation est limitée avant tout recensement très important ne tite taille. Or, ce sont justement tifiquement établi que l’exploi- par la disponibilité de nourri- permet qu’une estimation im- ces poissons que consomment tation piscicole de certains de ture et des sites de nidification, précise des effectifs piscicoles les cormorans. La simultanéité nos lacs n’est pas durable. Or, donc par la concurrence avec réels. Généralement, le rende- de l’augmentation des oiseaux malgré le recul des effectifs de ses congénères et non pas par ment de la pêche profession- piscivores et de la diminution nombreux poissons et la chute les prédateurs. La faiblesse de nelle est utilisé comme mesure des prises de pêche ne suffit du rendement des pêcheurs l’augmentation annuelle des de l’effectif piscicole. Mais cette pas à prouver que les popula- professionnels et amateurs, le effectifs nicheurs observée de- valeur est influencée par l’effort tions de poissons sont altérées nombre de cormorans reste puis 2016 indique que ces fac- de pêche, les tailles de capture ou menacées par les oiseaux. élevé. Le conflit va encore s’ac- teurs commencent à jouer un minimales, ainsi que par les Les cormorans préfèrent les centuer si l’on occulte les im- rôle. Le fait que toutes les co- préférences économiques pour poissons mesurant entre 10 pacts anthropiques prépondé- lonies nicheuses de Suisse se un petit nombre d’espèces. Le et 15 cm, exceptionnellement rants sur nos eaux. trouvent dans des zones proté- rendement de la pêche ne per- jusqu’à 40 cm. La simplicité de gées suggère que c’est surtout met pas de tirer de conclusions capture et la disponibilité des Croissance des effectifs le nombre de sites de nidifica- sur les populations de poissons poissons sont les principaux limitée tion adéquats qui est limitant. moins intéressants économique- critères de consommation. Cela Le grand cormoran est une es- ment, ni sur celles des jeunes peut aussi concerner des es- pèce indigène qui hiverne chez Des liens complexes nous depuis longtemps. La po- Longtemps, les prises de pêche pulation qui passe l’hiver en et les effectifs du cormoran ont Suisse, après un maximum at- augmenté simultanément. Mais teint dans les années 1990, s’est depuis quelques années, seul le stabilisée autour de 5500 indi- nombre de cormorans croît. À vidus. Persécutée depuis des certains endroits, les cormo- siècles, l’espèce s’est retrou- rans prennent désormais au- vée au bord de l’extinction en tant de poissons que les pê- Europe dans les années 1960. cheurs professionnels. Sont-ils Ses effectifs se sont redres- responsables de l’effondrement sés après sa mise sous protec- des prises de pêche ? La relation tion. Le dernier recensement de entre le rendement de la pêche 2012 fait état d’environ 370 000 et la population de cormorans couples de la sous-espèce si- est plus complexe. Une crois- nensis qui niche dans les zones sance, sur des années, des ef- non côtières d’Europe. Depuis fectifs d’oiseaux piscivores si- 2001, elle se reproduit égale- gnifie que l’offre alimentaire est ment en Suisse sans interven- suffisante. La contradiction ap- Manquant de structures naturelles, les rivières canalisées hébergent des effectifs tion humaine avec un effectif de parente avec la forte chute des piscicoles très réduits. De plus, les poissons n’y trouvent pas de quoi se mettre à l’abri des cormorans. Ici le canal de la Linth (photo : Parpan05 | CC BY-SA 3.0 | 2468 couples selon les recense- rendements de la pêche s’ex- wikimedia.org). ments de 2020. Comme beau- plique par des difficultés métho- 4
AVINEWS AVRIL 2021 : LA PROTECTION DES OISEAUX EXPLIQUÉE pèces rares dans leurs frayères. 2500 Les besoins alimentaires journa- Autres lacs liers d’un cormoran dépendent Lac de Greifen de sa taille, de son sexe et de 2000 Lac de Zoug son âge, mais aussi de la valeur Nombre de couples nicheurs nutritive des proies. Son appé- Lac de Sempach tit se creuse si l’air et l’eau sont Lac Majeur 1500 froids, et en cas de dérange- Léman ments qui le forcent à prendre Lac de Neuchâtel la fuite. En moyenne, un cor- 1000 moran a besoin d’environ 300 à 500 g de poisson par jour. Il peut voler à 100 km de distance pour 500 trouver sa pitance quotidienne. Beaucoup de poissons, beaucoup de consommateurs 0 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 Les analyses de la Station orni- thologique montrent une cor- Les effectifs nicheurs du grand cormoran a très peu augmenté ces dernières années. En 2020, ils étaient même et pour rélation positive entre le rende- la première fois inférieurs – certes de très peu – à ceux de l’année précédente. Le lac de Neuchâtel et le Léman accueillent les trois quarts de la population nicheuse (graphique : Station ornithologique suisse). ment de la pêche et le nombre de cormorans. On le comprend aisément puisqu’il s’agit de l’uti- lisation d’une ressource com- mune. Cependant, cela ren- 9000 force le sentiment de concur- rence et la demande de mesures. 8000 En Suisse, le cormoran peut être 7000 chassé en hiver. Selon la sta- tistique fédérale de la chasse, Nombre d’individus 6000 1 509 cormorans par année ont été tirés en moyenne entre 5000 2010 et 2019, y compris tirs spé- ciaux. Cette pratique pose pro- 4000 blème si elle nuit à des espèces 3000 d’oiseaux hivernants sensibles aux dérangements et si elle me- 2000 nace les objectifs de protection des réserves d’oiseaux d’eau et 1000 migrateurs. Le cormoran béné- ficie d’une période de protec- 0 1967 1970 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 tion du 1er février au 31 août, mais il se reproduit encore en septembre. De plus, les cantons La population hivernante du grand cormoran a fortement augmenté entre le début des recensements en 1967 et les peuvent ordonner ou autori- années 1990, avant de diminuer à nouveau puis de se stabiliser autour de 5500 individus il y a plus de 20 ans (graphique : Station ornithologique suisse). ser en tout temps des mesures contre des individus provoquant des dommages importants. L’es- pèce est au contraire protégée sitent par le défilé de l’Écluse ment menacé par le réchauffe- Station ornithologique adopte toute l’année dans les pays li- en France, tous précédemment ment climatique, pourrait s’en cette position après examen de mitrophes, où elle ne peut être passés par la Suisse. Ce chiffre trouver artificiellement accen- tous les facteurs connus. Elle ne tirée qu’avec une autorisation montre l’absurdité de vouloir tuée. déroge pas à son engagement exceptionnelle, mais régulière- obtenir un recul des effectifs pour des discussions et des me- ment délivrée. en Suisse par des tirs hivernaux. Importance des mesures de sures efficaces et basées sur des Des tirs de dispersion pour- protection des espèces faits. Qu’apportent les mesures de raient avoir un effet (un oiseau La Station ornithologique ne En outre, la Station ornitho- prévention des dommages ? est tiré, le reste du groupe s’en- s’oppose pas à des mesures ci- logique appelle tous les acteurs Une majorité des cormorans qui vole). Une intervention consé- blées contre le cormoran pour de la discussion à ne pas laisser nichent chez nous migre en hi- quente permettrait de réduire protéger l’ombre durant sa pé- un conflit potentiel les détour- ver dans la péninsule ibérique. localement la présence des cor- riode de frai. Par le tir de disper- ner de leur objectif commun : D’après les reprises de bagues, morans, mais il faut soigneuse- sion ciblé de quelques cormo- améliorer les conditions de vie nos hivernants viennent sur- ment peser le pour et le contre : rans, il est ainsi possible d’as- des poissons et des oiseaux sur tout des mers du Nord et Bal- les cormorans chassés des lacs surer la protection de l’ombre les lacs et cours d’eau suisses. tique. Des recensements sys- se dispersent rapidement sur dans les quelques frayères qui tématiques pendant la migra- les plans d’eau et les rivières, subsistent sur les cours d’eau Stefan Werner tion automnale montrent que où la pression de prédation sur rectifiés, sans menacer d’autres jusqu’à 20 000 cormorans tran- l’ombre commun, déjà forte- objectifs de conservation. La 5
AV I N E W S AV R I L 2 0 2 1 : C O N S E R VAT I O N D E S O I S E A U X D’une disparition annoncée à un retour gagnant ? Alors qu’il avait presque disparu canton du Valais, s’est impliquée de Suisse, le petit-duc scops est pour compenser la perte de ces en phase de reconquête. Seule habitats et la diminution de leur une action ciblée sur les grands qualité. Des recherches menées insectes et les prairies extensives conjointement par la Station or- permettra de maintenir sa popu- nithologique suisse et les universi- lation. tés de Lausanne et Berne ont per- mis de mieux comprendre les be- Il retentissait en Valais, dans le soins écologiques de l’espèce et bassin genevois, sur la rive sud du de cibler ainsi les meilleures me- lac de Neuchâtel et dans quelques sures pour sa conservation. Le ter- vallées des Grisons et du Tessin : ritoire d’un petit-duc fait entre 10 le chant du petit-duc a bien failli et 30 hectares. Sur les sites avec disparaître de nos campagnes à une forte densité de population, l’aube du 3ème millénaire. En ef- on compte de 150 à 250 m entre fet, ce petit hibou migrateur, pré- les mâles chanteurs (ce qui re- sent sous nos latitudes d’avril à présente des territoires circulaires septembre, a vu ses effectifs for- moyens de 20 ha) pour une den- tement régresser dès les années sité de 3 à 4 chanteurs au km2. Grâce à son plumage couleur écorce, le petit-duc scops se fond parfaitement 1970. Jusqu’aux années 2000, sa Des études sur l’habitat utilisé dans son environnement. Il se révèle principalement par son cri typique, que l’on entend de plus en plus souvent en Suisse (photo : Peter Keusch). distribution s’est restreinte au Va- par les petits-ducs et sur la nour- lais, où un seul couple a été re- riture qu’ils y trouvent nous per- censé sur le coteau de Sion. Ce mettent de voir deux tendances : recul est imputable à deux effets les prairies gérées de façon exten- tures doivent être présentes en lais afin de remettre à jour des antagonistes. Le premier est l’in- sive, avec peu de fumure, peu ou petite quantité (10-20 % du ter- prairies ou pâturages devenus dé- tensification du paysage urbain et pas d’arrosage et des fauches tar- ritoire). Un habitat trop fermé par favorables en raison de la reprise agricole menant à la disparition dives abritent plus de biomasse la forêt réduit le nombre de prai- de la forêt. C’est ainsi que plus des mosaïques de prairies exten- en insectes que les steppes ou les ries tout en augmentant la pro- de 5 hectares ont pu être rou- sives riches en biodiversité et des prairies intensives. Face au déclin babilité d’abriter un prédateur verts ces dernières années. En vieux arbres à cavité au profit de actuel des insectes, ces milieux comme la chouette hulotte ou parallèle, un effort tout particu- cultures intensives homogènes, sont donc très importants pour le hibou moyen-duc. Nos actions lier est fourni pour replanter des de vignes ou d’habitations. Le fournir de la nourriture en suffi- ciblent donc ces deux aspects : fruitiers haute-tige afin de créer second est l’abandon des zones sance aux insectivores. Un terri- des mesures forestières pour fa- de nouveaux vergers ou d’antici- plus difficiles d’accès où la forêt toire de petit-duc doit comporter voriser le petit-duc tout en préser- per le renouvellement des vieux reprend ses droits, à nouveau aux au minimum 30 % de ces prairies vant le paysage agricole tradition- arbres en fin de vie. Ces der- dépends des prairies extensives de fauche ou de ces pâturages nel, et des zones refuges pour les niers sont essentiels à la nidifica- de jadis, garde-manger de cet hi- gérés extensivement. insectes, par exemple à l’aide de tion de nombreux oiseaux caver- bou friand de grands insectes. Le petit-duc utilise le plus bandes herbeuses non fauchées. nicoles comme le rougequeue à souvent une cavité de pic vert front blanc, la huppe fasciée, et Des études pour mieux dans un vieil arbre pour nicher. Rouvrir des prairies, planter bien sûr le petit-duc scops. comprendre l’écologie du petit- Les bosquets, cordons boisés ou des arbres De plus, lorsqu’un verger duc scops arbres isolés sont donc très im- Grâce aux résultats encoura- extensif est mis en place, ce sont Très tôt, la Station ornitholo- portants pour sa nidification et geants, des mesures consé- aussi de nombreuses structures gique suisse, avec le soutien du pour la chasse, mais ces struc- quentes sont appliquées en Va- qui sont créées, brisant l’homo- Photos aériennes de la région de Savièse en 1946 (gauche) et en 2019 (droite). Les vignes, les habitations et les zones boisées ont fortement progressé aux dépends des prairies et des vergers qui bordaient les villages (© swisstopo). 6
généité du terrain. Ainsi, les zones non fauchées, les tas de branches ou de cailloux sont autant de pe- tites structures permettant aux in- sectes et aux vertébrés de trouver refuge. Ces actions permettent aussi de maintenir des habitats fa- vorables sur le long terme. Toute- fois, il est nécessaire d’agir aussi à plus large échelle : en période de renouvellement des plans d’affec- tation de zone, la Station ornitho- logique suisse veillera à ce que les habitats du petit-duc soient pris en compte et préservés dans les futurs plans. Des résultats encourageants Ces 20 dernières années, le nombre de petits-ducs a aug- Réouverture d’anciennes terrasses, exploitées il y a encore quelques années en prés ou pâturages et aujourd’hui colonisées menté pour atteindre des effectifs par les ligneux, notamment les cornouillers et les frênes (photo : Jean-Nicolas Pradervand). probablement viables mais tou- jours fortement fragmentés. Les populations se sont renforcées sur invasions plus ou moins impor- les sites du coteau, puis ont co- tantes. En Suisse, ces dernières lonisé la plaine et le Haut-Valais, débouchent régulièrement sur où de nouveaux noyaux de po- des afflux en dehors du Valais et pulations se sont formés locale- du Tessin. Cela ne semble pour- ment, parfois en se rapprochant tant pas être le cas en 2020, du des villes et villages. Les effectifs moins pas de l’amplitude obser- de ces dernières années se situent vée en Valais. Il sera donc intéres- autour d’une trentaine de terri- sant de savoir quelle proportion toires en Valais. Au Tessin, ce sont de ces nouveaux territoires sub- 3 à 5 chanteurs qui sont recensés siste ces prochaines années. annuellement ainsi que 1-2 chan- Les années qui viennent s’an- teurs aux Grisons et parfois dans noncent extrêmement impor- le bassin genevois. Ailleurs en tantes pour le petit-duc. En rai- Suisse, les nidifications sont rares. son des pressions multiples su- En 2020, un suivi plus intense bies par l’espèce, ce dernier doit du petit-duc scops a été mis en être suivi avec attention et son Ouverture d’une zone se refermant au profit de la forêt et plantation d’un verger place. Alors qu’une vingtaine de retour ne doit pas être considéré haute-tige. En attendant que les arbres soient suffisamment grands, des nichoirs sont posés pour proposer des sites de nidification alternatifs (photo : Jean-Nicolas bénévoles sillonnaient le Valais comme acquis. Les tendances eu- de nuit pour recenser l’espèce, ropéennes ne sont d’ailleurs pas Pradervand). Otus scops ce ne sont pas moins d’une sep- encourageantes. Le changement tantaine de territoires qui ont été climatique pourrait jouer un rôle trouvés ! Ces résultats, le double ambivalent avec une hausse po- 500 des effectifs moyens de ces der- tentielle dans les pays de l’Est nières années, ont de quoi sur- ainsi qu’en Suisse, mais avec des 400 prendre. L’effort de recensement baisses de populations en France Indice de l’effectif n’est cependant que peu respon- et en Espagne, principalement sable de cette augmentation. En dans les zones les plus arides. 300 effet, les nouveaux territoires se L’effort de conservation doit donc situent principalement en bor- être maintenu afin de préserver 200 dure des sites traditionnellement des effectifs viables et des habi- occupés, donc recensés régulière- tats de qualité en Suisse et parti- ment, témoignant d’un probable culièrement en Valais pour per- 100 effet d’attraction par les popula- mettre au chant de la Pioute (son tions locales. surnom valaisan) de continuer à 0 De telles années exception- résonner dans nos campagnes. nelles pour le petit-duc sont bien 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 connues. Glutz von Blotzheim dé- Jean-Nicolas Pradervand crivait déjà dans les années 1980 Les mesures de conservation font effet : depuis 20 ans, les effectifs du petit-duc ces prolongations de migra- scops augmentent fortement, avec des fluctuations (graphique : Station ornithologique suisse). tions vers le nord générant des 7
AVINEWS AVRIL 2021 : NOUVELLES DE LA RECHERCHE Différencier fragmentation et perte d’habitat lement une perte de superficie, il superficie, la fragmentation a un est difficile de distinguer les ef- effet négatif. Cela implique que fets de ces deux processus dis- les vignes enherbées devraient tincts. Il est pourtant important être contigües dans le cadre de d’en comprendre les interactions mesures de conservation. En re- afin de pouvoir définir des objec- vanche, les vignes enherbées de- tifs de superficie lors de l’aména- vraient être fragmentées et non gement du territoire. agrégées dès que le territoire est Une étude conduite par Laura constitué d’une grande propor- Bosco et Alain Jacot de l’antenne tion (plus de 30 %) de celles-ci. valaisanne de la Station ornitho- La raison en est que la fragmen- logique suisse à Sion vise juste- tation conduit alors à une mo- ment à déterminer séparément saïque d’habitats diversifiés. Ces l’influence de ces deux fac- recommandations sont donc à teurs sur les choix de l’habitat prendre en compte lors de dé- de l’alouette lulu. Entre 2014 et cisions d’aménagement du ter- 2016, 49 individus ont été bagués ritoire favorables à la conserva- et équipés de transmetteurs pour tion des espèces. pouvoir tracer leur sélection d’ha- L’alouette lulu, espèce considérée comme vulnérable en Suisse, préfère en Valais bitat. La qualité de l’habitat – en Bosco, L., S. A. Cushman, les vignobles présentant de la végétation basse clairsemée (photo : Ralph Martin). l’occurrence, les belles vignes en- H. Y. Wan, K. A. Zeller, R. herbées valaisannes – a été clas- Arlettaz & A. Jacot (2020): sifiée à l’aide d’images satellite. Fragmentation effects on Pour conserver les espèces me- La perte et la fragmentation des Les résultats montrent qu’il est woodlark habitat selection nacées, préserver leur habitat est habitats contribuent fortement pertinent de différencier les deux depend on habitat amount and primordial. Une meilleure compré- au déclin de la diversité biolo- processus : dans les territoires où spatial scale. Anim Conserv 24 : hension des phénomènes influant gique. Comme le phénomène il y a peu de vignes enherbées, 84–94. https ://doi.org/10.1111/ sur ce dernier est donc essentielle. de fragmentation implique éga- c’est-à-dire moins de 20 % de la acv.12604. La Suisse, trop ordonnée pour la chevêche d’Athéna ? Les frontières politiques peuvent branches ou les murs de pierres avoir un impact considérable sur sèches dans le Bade-Wur- la qualité d’une région en tant temberg qu’en Suisse. Ces dif- qu’habitat. La chevêche d’Athéna férences trouvent leurs causes en est un excellent exemple : elle dans les différences sociocultu- colonise la Suisse plus lentement relles, historiques et juridiques que le sud de l’Allemagne. de l’utilisation du sol de part et d’autre des frontières poli- Un modèle de la qualité de l’ha- tiques. Les mesures incitatives bitat établi pour la Suisse et le des politiques agricoles respec- Bade-Wurtemberg montre que tives jouent aussi un rôle : par de larges pans de la zone agri- exemple, nombre de vergers cole dans les deux régions sont haute-tige ont été éliminés en des habitats potentiels pour la Suisse après la Seconde guerre La chevêche d’Athéna colonise les zones rurales riches en structures et peu chevêche d’Athéna. Pourtant, si mondiale lors de campagnes intensivement exploitées (photo : Mathias Schäf). les effectifs ont fortement aug- d’arrachage subventionnées menté ces dernières années par l’État. Ces différences en- dans le sud de l’Allemagne, traînent une exploitation plus tives et l’apparent « désordre » Tschumi, M., P. Scherler, J. ils progressent plus lentement ou moins intensive, et ainsi que représentent vieilles ca- Fattebert, B. Naef-Daenzer & en Suisse malgré des mesures une disponibilité plus ou moins banes et grands arbres isolés M. U. Grüebler (2020): Political de conservation. Une nouvelle grande de nourriture ou de sites porteurs de branches mortes, borders impact associations étude de la Station ornitholo- de nidification. La conservation dont de nombreuses autres es- between habitat suitability gique en explique les raisons. de la chevêche d’Athéna en pèces menacées profiteraient predictions and resource Les experts ont observé bien Suisse passe donc par une re- d’ailleurs aussi. availability. Landscape Ecol plus de prairies extensives, de mise en question de la politique 35 : 2287–2300. https ://doi. vieux vergers haute-tige et de agricole, et plus de tolérance org/10.1007/s10980-020- petits biotopes comme les tas de pour les structures non produc- 01103-8 8
AVINEWS AVRIL 2021 : SOUS LA LOUPE Cohabiter grâce à des sites en suffisance La population et l’aire de répar- leucophée sont stables ou en 1600 tition du goéland leucophée ont léger recul. La limitation de la Reste de la Suisse connu une forte croissance ces nourriture et de la disponibilité 1400 Lac de Neuchâtel dernières années, induisant une des sites de nidification sur les Nichées sur les toits concurrence accrue avec d’autres îles en gravier du fait de l’appa- 1200 laridés pour les sites de nidifica- rition de végétation pourraient Nombre de nichées tion. On peut cependant atténuer jouer un rôle, tout comme la 1000 cette compétition. prédation. De plus, le goéland leucophée se retrouve réguliè- 800 Le goéland leucophée niche rement en concurrence avec la en Suisse depuis 1968, après mouette rieuse ou la sterne pier- 600 une forte croissance de sa po- regarin. Ces deux petits laridés pulation méditerranéenne. Au- nichent régulièrement en Suisse 400 jourd’hui, il a colonisé la plu- et utilisent aussi la zone de tran- part de nos lacs de plaine et sition entre milieux terrestre et 200 quelques tronçons fluviaux. L’ef- aquatique pour se reproduire. fectif nicheur a augmenté pour La disparition de leurs sites de 0 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 2016 2020 atteindre plus de 1400 couples nidification naturels suite aux en 2015, dont 80 % nichent sur aménagements des plans et le lac de Neuchâtel sur quatre cours d’eau inféode désormais Evolution des effectifs du goéland leucophée en Suisse depuis la première grandes îles au Fanel BE/NE et à ces deux espèces aux sites arti- nidification en 1968. La proportion de nidifications sur les toits par rapport à l’effectif total est également indiquée (graphique : Station ornithologique suisse). Cheseaux-Noréaz VD. Une autre ficiels tels que plateformes et ra- grande colonie de 100 couples deaux. Plus compétitif, le goé- se trouve dans le delta de la land leucophée occupe une par- Reuss UR. Les autres sites de ni- tie de ces sites et accapare des couvrant les plateformes qu’en rapporté ces dernières années dification accueillent au maxi- dispositifs prévus pour héberger mars pour la mouette rieuse et notamment pour le milan noir, mum 10 à 30 couples. Depuis des dizaines de nids des autres à la fin avril pour la sterne pier- la buse variable, le grand-duc 2010, le nombre de nidifications espèces, en plus d’être un pré- regarin. Dès qu’une colonie de d’Europe et la corneille noire. sur les toits a augmenté, une dateur occasionnel de leurs l’une de ces espèces s’est for- Les mesures prises jusqu’ici fois la quasi-totalité des grandes œufs, de leurs jeunes et parfois mée, les couples peuvent dé- pour protéger la mouette rieuse îles de gravier de Suisse occu- aussi des adultes. fendre le site ensemble contre et la sterne pierregarin semblent pées. Les plus grandes de ces Pour réduire la concurrence les goélands. Les grillages mé- couronnées de succès : l’effec- colonies, accueillant chacune entre laridés, il faut entretenir les talliques qui laissent l’accès aux tif de la première s’est plus ou environ 80 couples, se trouvent dispositifs existants et en mettre petites espèces mais empêchent moins stabilisé à un niveau sur des toits plats à Mägenwil de nouveaux à disposition. La le goéland leucophée de se po- faible, tandis que la population AG et à Allaman VD. En 2019, renaturation des milieux aqua- ser ont aussi fait leurs preuves. de la seconde augmente clai- environ un sixième de la popu- tiques et la remise en eau des Une offre suffisamment riche rement depuis des années. De lation nichait sur ces toits qui zones humides peuvent à long en sites de nidification pour les plus, de nouveaux sites artifi- offrent la même protection que terme recréer des sites de nidi- deux petits laridés est égale- ciels sont adoptés. les îles contre les prédateurs ter- fication naturels. À court terme, ment importante pour leur per- restres. on peut laisser inaccessibles les mettre d’en changer si des pré- Claudia Müller Cependant, depuis quelques sites artificiels jusqu’à l’arrivée dateurs nouvellement spéciali- années et pour des raisons peu des oiseaux, en ne mettant à sés s’établissent à proximité de claires, les effectifs du goéland sec les radeaux ou en ne dé- la colonie – comme cela a été Le goéland leucophée niche de préférence sur des îles, mais on constate de plus en Plateforme de nidification à Rapperswil SG, avec structure spéciale offrant un accès plus de nidifications sur les toits plats (photo : Pascal Rapin). pour la mouette rieuse et l’interdisant au goéland leucophée (photo : Klaus Robin). 9
AVINEWS AVRIL 2021 : SOUS LA LOUPE Passagers clandestins en migration Les virus, bactéries et parasites sur la consommation d’oxygène font partie de la vie. Les infec- des oiseaux migrateurs ? Et dans tions qu’ils provoquent ont des quelle mesure les parasites in- impacts très variés. Un projet fluencent-ils le déroulement de de recherche international étu- la migration ? die les effets des parasites san- La migration annuelle des guins sur les oiseaux migrateurs. zones de nidification aux quar- tiers d’hiver et son retour est Beaucoup d’oiseaux hébergent déjà un énorme défi physio- des parasites dans leurs cel- logique pour des oiseaux non lules sanguines. Le cycle de vie parasités. Pour déterminer si de ces parasites nécessite un oi- les « passagers clandestins » lo- seau comme hôte principal et gés dans les cellules sanguines un insecte comme hôte inter- accentuent ce défi, le taux mé- médiaire. Après la piqûre d’un tabolique de rousserolles tur- insecte suceur de sang infecté doïdes a été mesuré. Éton- et la transmission des parasites, namment, juste avant et pen- l’oiseau écope d’une infection dant la migration automnale, la Les parasites sanguins sont transmis à l’oiseau hôte par un insecte suceur de sang chronique, la plupart du temps consommation d’oxygène des (en haut). Les parasites se reproduisent d’abord dans les cellules de l’oiseau (gris clair), puis dans les tissus d’un autre insecte qui a à son tour pris un repas sanguin asymptomatique. rousserolles parasitées se dis- (gris foncé) – et le cycle recommence (graphique : Tamara Emmenegger). Les parasites sanguins sont tingue à peine de celles qui ne présents dans le monde entier. le sont pas. Une étude parallèle Toutefois, un examen plus at- utilisant des données de géolo- tentif de la répartition de cer- calisation et des enregistreurs que les non migrateurs, qu’ils seaux migrateurs. Nous explo- taines lignées de parasites ré- d’activité a cependant mis en possédaient en revanche un rerons les raisons de ces diffé- vèle que certains ne sont trans- évidence que les rousseroles in- cortège parasitaire plus diversi- rences dans de futurs projets. En mis qu’en Europe ou en Afrique, fectées quittent les zones de ni- fié, ce qui s’explique probable- tant qu’hôtes intermédiaires, les par exemple, alors que d’autres dification plus tard en automne ment par le fait qu’ils entrent en insectes suceurs de sang jouent le sont partout. Les recherches et vont moins loin que leurs contact avec une plus grande eux aussi un rôle crucial dans la étudiant l’impact des parasites congénères non infectées. Les variété de pathogènes sur leur transmission et dans la réparti- sanguins sur les oiseaux n’ont oiseaux parasités semblent ce- trajet. Outre la stratégie migra- tion spatiale des parasites san- pas livré de résultats univoques, pendant pouvoir en partie com- toire, l’histoire de la population guins. Nous étudierons donc de constatant d’effets très légers penser leur départ tardif, en ef- semble également jouer un rôle plus près tant leurs interactions à graves. En particulier, l’im- fectuant de plus longues étapes important : ainsi, les populations avec les oiseaux, que les fac- pact des parasites sanguins sur et des escales plus brèves. de guêpiers d’Europe nouvelle- teurs climatiques qui exercent les oiseaux migrateurs reste in- En parallèle à la question de ment établies en Allemagne hé- une influence décisive sur la ré- connu. C’est pourquoi la Sta- l’influence des parasites san- bergent moins de parasites spé- partition et la dynamique tem- tion ornithologique étudie de- guins sur la migration des oi- cifiques à l’espèce que celles qui porelle de ces espèces d’in- puis 2013 les interactions entre seaux, le cortège des parasites nichent dans leur aire de réparti- sectes. les oiseaux migrateurs et leurs sanguins de plusieurs espèces tion méditerranéenne d’origine. parasites sanguins, en collabo- usant de stratégies de migra- Les résultats que nous Tamara Emmenegger & ration avec des partenaires de tion différenciées est égale- avons obtenus jusqu’à présent Silke Bauer toute l’Europe. Les deux ques- ment analysé. Une étude a mon- montrent que les parasites san- tions principales sont : quel est tré que les moineaux migrateurs guins peuvent avoir des effets l’effet des parasites sanguins étaient moins souvent infectés d’intensité variable sur les oi- À gauche, une rousserolle turdoïde équipée d’un géolocalisateur et enregistreur d’activité et, à droite, une vue microscopique de globules rouges d’une rousserolle turdoïde infectée par les parasites sanguins (colorés en violet) (photos : Tamara Emmenegger, Raffaella Schmid). 10
AV I N E W S AV R I L 2 0 2 1 : C O N S E I L D E F O N D AT I O N Du mouvement au conseil de fondation Kurt Bollmann a repris mi-mars la voir relever les défis liés à la crois- et celle de Richard Maurer sont re- Le conseil de fondation est présidence du conseil de fondation sance de la Station et à une régle- prises par Anna Baumann, direc- l’organe de surveillance de la Sta- de la Station ornithologique suisse, mentation de plus en plus dense. trice du parc animalier de Goldau, tion ornithologique suisse. Six or- fonction assumée jusque-là par Ri- Le conseil de fondation et le per- et Adrian Borgula, conseiller mu- ganisations y sont représentées. chard Maurer. sonnel lui sont profondément re- nicipal lucernois. Le représentant En tant qu’organisation fonda- connaissants pour son formidable de l’Office fédéral de l’environ- trice de la Station, l’Ala nomme Kurt Bollmann a été élu par l’Ala engagement, et pour la part im- nement, Reinhard Schnidrig, dé- 4 membres et occupe la prési- (Société suisse d’ornithologie et mense qu’il a jouée dans l’expan- missionne également. Son siège dence. Les autres organisations de protection des oiseaux) nou- sion de la Station. est pour l’instant vacant. Quant à délèguent chacune une personne. veau président du conseil de Une autre représentante de Raffael Ayé, il a repris en automne Les autres sièges ne sont pas liés fondation de la Station ornitho- l’Ala, Marguerite Trocmé, se retire la succession de Werner Müller à des organisations. logique. Le biologiste d’Effreti- du conseil de fondation. Sa place pour le siège de BirdLife Suisse. kon ZH, 59 ans, est responsable du groupe de recherche Ecologie de la conservation au WSL et en- seigne à l’EPF Zurich. Il a rejoint le conseil de fondation de la Sta- tion en 2017. Il succède à Richard Maurer, qui a été à la tête de l’organe suprême pendant 12 ans, du- rant lesquels la Station a vécu la construction du centre de visite, un changement de génération au niveau de la direction, et la paru- tion du nouvel atlas des oiseaux nicheurs de Suisse. Richard Mau- rer a introduit au conseil de fon- Kurt Bollmann (à gauche) a été élu nouveau président du conseil de fondation. Il hérite d’une Station ornithologique dation de nouvelles compétences florissante. Richard Maurer (à droite) a marqué l’évolution de la Station pendant 12 ans (photos : Station ornithologique suisse). non ornithologiques, afin de pou- AVINEWS AVRIL 2021 : PERSONNEL Ce qui change dans l’équipe de la Station Les collègues que nous présen- seau de relais écologiques dans sateurs. Joanna Wong apportera a décidé de rejoindre un bureau tons dans cette rubrique ne sont le vignoble valaisan ». son soutien pour les analyses. d’études, et Tom Mason, colla- pas toujours des nouveaux et Nous avons aussi pu pourvoir L’engagement d’Hubert borateur du département de re- nouvelles venues à Sempach. plusieurs nouveaux postes ces Schürmann, agriculteur de for- cherche sur les migrations, rentre Arrivée à l’automne 2017 à derniers mois. Irmgard Zwahlen mation à la tête d’une exploi- fin avril en Angleterre, où il a ob- la Station, Raffaella Schmid tra- va ainsi reprendre les travaux en tation, nous permet de renfor- tenu un poste fixe à l’Université vaille sur différents projets relatifs attente dans les projets « Suivi cer notre savoir-faire en matière de Bristol. Tamara Emmenegger, à la santé des oiseaux. Elle étu- démographique de la popula- d’agriculture. Cette expérience également collaboratrice au dé- die notamment des échantillons tion » et « Dynamique des popu- et ses compétences d’ingénieur partement de la migration des sanguins par la microscopie clas- lations de huppes fasciées et de industriel sont un immense atout oiseaux, poursuit sa carrière à sique et l’analyse génétique, afin torcols fourmiliers ». Par ailleurs, pour le conseil aux agriculteurs. l’Université de Lund. de déterminer quels agents pa- Alicia Mabillard vient renforcer Nicolas Sironi a travaillé La Station ornithologique leur thogènes, et combien, sont pré- notre équipe pour le dévelop- jusque-là comme assistant de ter- adresse à tous les trois ses cha- sents chez les migrateurs. pement de l’application en ligne rain pour le projet sur l’effraie des leureux remerciements, et sou- Franz Steffen collabore de- PopMon de surveillance des po- clochers. Il prend aujourd’hui la haite une cordiale bienvenue à puis le printemps 2020 au pro- pulations aviaires. succession de Chiara Scandolara tous les nouveaux et nouvelles jet commun avec le parc natu- Le département de recherche au sein de notre antenne du Tes- arrivés ! rel Pfyn-Finges intitulé « Favoriser sur les migrations a pu récolter sin, où il se consacrera aux pro- la faune dans les vignobles valai- un grand volume de données jets de conservation des espèces. sans ». Il soutient également les sur les routes de migration indi- Nous devons aussi nous sépa- collègues de l’antenne de Sion, viduelles de différentes espèces rer de trois collègues : Luca Pa- par exemple sur le projet « Ré- grâce à l’utilisation de géolocali- gano, de notre équipe tessinoise, 11
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