Un trait d'union plutôt qu'un "Röschtigraben"
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Cinq biens culturels du canton de Fribourg Un trait d’union plutôt qu’un «Röschtigraben» Ivan Andrey «F ribourg, situé au cœur de l’Europe, est un pont entre le nord et le sud, l’ouest et l’est, la Suisse romande et alémanique, la tradition et le modernisme, l’héritage historique et le patrimoine culturel contempo- rain, l’artisanat séculaire et l’industrie moderne, une communauté urbaine et son merveilleux environnement campagnard.» C’est ce que l’on peut lire sur la page d’accueil du site Internet de la Promotion économique fribourgeoise. Pour ce canton bilingue, la culture semble unir plutôt que séparer. Château de Chenaux, Estavayer-le-Lac Construit sur le modèle du «carré savoyard», le château de Chenaux a été bâti vers 1285-1290 par de la main-d’œuvre venue de Grandson pour Pierre et Guillaume d’Estavayer. A l’origine, ses angles étaient défendus par des tourelles à deux étages et par une grande tour commandant l’entrée, côté campagne. Entre 1433 et 1443, les tourelles du côté du lac ont été remplacées par deux tours de brique, édi- fiées par des maîtres «carronniers» piémontais, à la demande Photo, p. 64, d’Humbert le Bâtard, demi-frère du Grand Amédée VIII de en haut: Savoie. L’accès du faubourg voisin de la Battiaz était alors Le château de Chenaux a été défendu par un châtelet à deux portes latérales piétonnes, fondé sous la précédées de ponts-levis. Incendié en 1475, à l’époque des domination guerres de Bourgogne, le château fut remis sous toit dès savoyarde. 1503 par l’Etat de Fribourg, qui en fit la résidence de son bailli, puis de son préfet à partir de 1804. Quelques beaux www.estavayer- le-lac.ch/ aménagements de la seconde moitié du XVIIIe siècle presentation/ témoignent de l’importance artistique de la période bailli- histoire.htm vale. 63
Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg Dominant le quartier du Bourg du haut de ses 80 mètres, la tour de la cathédrale Saint- Nicolas marque fortement le site de la vieille ville de Fribourg. Dotée de deux portails sculptés (XIVe et XVe siècles), cette église gothique a été construite entre 1283 et 1490. De type basilical, l’édifice compte trois nefs, ouvertes sur des chapelles laté- rales établies entre les contreforts. Le chœur polygonal, de style postgothique, a été reconstruit entre 1627 et 1631. Très pré- coce, la restauration néogothique a été conduite par l’architecte Weibel, formé à Munich, durant le deuxième quart du XIXe siècle. L’intérieur contient un très riche mo- bilier, montrant pour chaque époque des réalisations majeures: grilles, stalles, chaire, fonts baptismaux et groupe sculpté de style gothique tardif, cycle de tableaux baroques, 64
Photo p. 64, en bas: Le clocher de la cathédrale de Fribourg fait partie de l’image de la ville. A droite: Représentation du Jugement dernier sur le portail de la cathédrale. www. geniedulieu.ch/ article. php3?id_ article=21 retables d’autel rococo, grandes orgues et maître-autel néogothiques, sans compter les vitraux du Polonais Jozef Mehoffer, l’une des plus importantes réalisations de l’Art nouveau européen dans le domaine religieux. Château de la Poya, Fribourg Construit entre 1698 et 1701 pour François-Philippe de Lanthen-Heid, avoyer de Fribourg, le château de la Poya est «l’une des toutes premières manifestations européennes du néopalladianisme» (A. Corboz). L’auteur des plans de cette œuvre majeure n’a cependant pu être identifié jusqu’à maintenant. La pièce maîtresse du bâtiment, le grand sa- lon, contient par ailleurs l’un des plus grands ensembles de stucs profanes de Suisse dont les sources sont, elles, borrominiennes. Le stucateur lui aussi est pour l’instant de- meuré anonyme. Conçue comme résidence estivale et comme lieu de réception, cette villa suburbaine est au- jourd’hui immergée dans la verdure, au milieu d’un grand parc, avec allée centrale et jardin néoclassique. L’adjonc- 65
A gauche: Le château de la Poya disparaît presque dans la verdure. www. swisscastles. ch/Fribourg/ poya.html En bas: L’abbaye d’Hauterive demeure un havre de paix. www. swisscastles. ch/aviation/ Fribourg/ hauterive.html 66
tion d’annexes assez discrètes, au début du XXe siècle, a rendu la maison habitable toute l’année. Fait rarissime, le domaine n’a jamais été vendu en trois siècles d’histoire. Abbaye cistercienne, Hauterive Nichée dans un méandre de la Sarine, dans un splendide isolement, l’abbaye cistercienne d’Hauterive a été fondée entre 1131 et 1137 par Guillaume, seigneur de Glâne. Cons- truite vers 1150-1160, l’église, et particulièrement la nef, couverte d’un berceau brisé continu, est un très important témoin de l’architecture cistercienne primitive, telle que le souhaitait saint Bernard. Pour lui, le sanctuaire ne devait être qu’un atelier de prière, austère et privé de tout décor. Mais, vers 1320-1330, l’abbé Petrus Dives fit reconstruire le chœur, pourvu dès lors de vitraux multicolores, et le cloître, dont les superbes remplages géométriques dérivent des principes de division du cercle énoncés par Euclide. Au XVIIIe siècle, les bâtiments conventuels ont été entière- ment rebâtis, d’après un plan d’ensemble conçu par Franz Beer du Vorarlberg. L’abbaye ayant été supprimée par l’Etat en 1848, les bâtiments abritèrent l’Ecole normale, avant que les moines ne reviennent en 1939. Villa gallo-romaine, Vallon sur Dompierre A proximité d’Avenches, ancienne capitale de l’Helvétie romaine, le site de Vallon conserve les plus grandes mosaï- ques de l’Antiquité demeurées in situ au nord des Alpes. Liée à un domaine agricole, la maison de maître se compo- sait de trois corps de bâtiments, formant un L de 160 m de long sur 20 de large. Un portique à arcades desservait plus de trente pièces dont une partie était agrémentée de pein- tures murales. Dans le courant du IIe siècle, le propriétaire aménagea un cabinet de travail orné de mosaïques, repré- sentant Bacchus et Ariane, entourés de masques de théâtre et de portraits. Puis, au début du IIIe siècle, la grande salle de réception, située dans l’aile nord, fut décorée d’une vas- te mosaïque représentant des scènes de chasse en amphi- théâtre, la «venatio». Le musée du site, ouvert en 2000, présente un choix d’objets regroupés par thèmes (la cons- 67
La «venatio»: scènes de chasse et de combat. www.pro- vallon.ch/ truction, la cuisine, etc.), Pour toute question concernant la protection ainsi que les statuettes en des biens culturels dans le canton de Fribourg bronze d’un autel domes- tique (le laraire). Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport Service des biens culturels Monsieur Ivan Andrey Chemin des Archives 4 1700 Fribourg Tél.: +41 (0)26 305 13 01 68
Thème Ordonner et mettre en œuvre des mesures visant à proté- ger les biens culturels implique des bases juridiques. La protection des biens culturels repose non seulement sur une loi fédérale ad hoc, mais également sur des disposi- tions internationales à caractère contraignant. Bases internationales: la Convention de La Haye (1954) et le Deuxième Protocole (1999) La Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé et son Premier Protocole ont été adoptés sous la conduite de l’Unesco le 14 mai 1954 à La Haye (Pays-Bas), en réaction aux destructions massives de biens culturels durant la Seconde Guerre mondiale. A l’heure ac- tuelle, plus de 100 Etats ont ratifié cette convention dont les deux exigences majeures sont la protection du patri- moine culturel (en temps de paix) et le respect de ce patri- moine (en cas de conflit armé; cf. la liste des Etats signatai- res, pp. 229 ss). Les événements qui ont marqué les conflits de l’ex-Yougoslavie au début des années 1990 – tout parti- culièrement le bombardement de Dubrovnik, ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco, ou la destruction du vieux pont de Mostar – ont cependant mis en évidence d’inquiétantes défaillances quant à l’observation de la Con- vention de La Haye. L’anéantissement systématique du pa- trimoine culturel de groupes ethniques s’affichait comme une nouvelle méthode de guerre. Loin d’être protégés par le signe distinctif de la protection des biens culturels, des objets à sauvegarder en vertu de la Convention de La Haye étaient au contraire pris pour cible dans le dessein de dé- pouiller l’adversaire de son identité, de l’humilier et de le démoraliser. Cette évolution a amené la communauté internationale à adopter le Deuxième Protocole à la Convention de 1954 lors d’une conférence diplomatique qui s’est tenue à La Haye le 16 mars 1999. Ce protocole prévoit des nouveau- tés fondamentales, notamment le renforcement de la pro- tection d’objets culturels d’une valeur particulière, la pré- paration et l’application de mesures de sauvegarde dans le domaine civil (art. 5) ou la possibilité de poursuivre en jus- tice toute personne ayant délibérément porté atteinte à des biens culturels. Le Deuxième Protocole est entré en vigueur 164
Thème au mois de mars 2004, à la suite de l’adhésion d’une ving- tième nation (le Costa Rica), 20 dépôts de ratification, ac- ceptation, approbation ou adhésion étant nécessaires pour que le protocole puisse prendre effet. La Suisse a elle aussi ratifié les deux documents internatio- naux: la Convention de La Haye et son Premier Protocole en 1962, le Deuxième Protocole en 2004. Article 5: Sauvegarde des biens culturels Les mesures préparatoires prises en temps de paix pour la sauvegarde des biens culturels contre les effets prévisibles d’un conflit armé con- formément à l’article 3 de la Convention comprennent, le cas échéant, l’établissement d’inventaires, la planification de mesures d’urgence pour assurer la protection des biens contre les risques d’incendie ou d’écroulement des bâtiments, la préparation de l’enlèvement des biens culturels meubles ou la fourniture d’une protection in situ adéquate desdits biens, et la désignation d’autorités compétentes responsables de la sauvegarde des biens culturels. Bases légales fédérales En adhérant à la Convention de La Haye en 1962, la Suisse s’est engagée à assurer et à respecter la protection des biens culturels sur son propre territoire et sur celui d’autres parties contractantes. La loi fédérale du 6 octobre 1966 sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé (LPBC) fixe les conditions générales, tandis que l’ordon- nance correspondante du 17 octobre 1984 (OPBC) en règle l’exécution. La ratification du Deuxième Protocole (dépôt de l’acte auprès de l’Unesco après expiration du délai référendaire le 9 juillet 2004, et entrée en vigueur définitive le 9 octobre 2004) atteste clairement de la volonté de la Suisse de ren- forcer l’échange d’informations et la collaboration au ni- veau international. La Suisse applique depuis longtemps déjà les mesures de protection exigées par l’art. 5 du Deuxième Protocole – un effort que la communauté inter- 165
Thème nationale ne manque pas de relever régulièrement. Le patrimoine culturel de la Suisse est également protégé au travers d’autres lois fédérales, dont en premier lieu la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur la protection de la popula- tion et sur la protection civile (LPPCi). Entrée en vigueur le 1er janvier 2004, cette loi remplace celle de 1994 sur la pro- tection civile. Par ailleurs, la loi fédérale sur le transfert des biens culturels (LTBC), qui prendra effet en 2005, et la loi fé- dérale de 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN) contribuent pour une part importante à la protection des biens culturels. A ces diverses normes, s’ajoutent de nombreux arrêtés cantonaux et communaux, ainsi que des dispositions dont il convient de tenir compte en fonction de chaque situa- tion. Plus importantes bases légales sur Internet Loi sur la protection des biens culturels www.admin.ch/ch/f/rs/520_3/index.html Ordonnance sur la protection des biens culturels www.admin.ch/ch/f/rs/c520_31.html Convention de La Haye www.admin.ch/ch/f/rs/c0_520_3.html Deuxième Protocole www.unesco.org/culture/laws/hague/html_fr/protocol2.shtml Loi sur la protection de la population et sur la protection civile www.admin.ch/ch/f/gg/cr/2001/20011872.html Loi sur la protection de la nature et du paysage www.admin.ch/ch/f/rs/c451.html Loi sur le transfert des biens culturels www.kultur-schweiz.admin.ch/arkgt/files/kgtg2_d.pdf (en allemand) www.kultur-schweiz.admin.ch/bak/files/kgtv/f_kgtv_300604.pdf (ordonn.) 166
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