UNE APPROCHE DYNAMIQUE DU TAUX DE CHANGE REEL D'EQUILIBRE

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UNE APPROCHE DYNAMIQUE DU TAUX DE CHANGE
                REEL D’EQUILIBRE

                                            Yannick Bineau∗
                                            Bernard Dupont*

L’objectif de l’article est de développer un modèle théorique d’un taux de change réel
d’équilibre de moyen terme. L’un des principaux apports de l’article est de présenter une
approche dynamique du taux de change réel. Le soubassement théorique de l’approche
adoptée est un modèle où la croissance économique domestique est à long terme contrainte
par le dynamisme de la demande. Ce modèle est progressivement amendé. L’accent est
d’abord mis sur les modalités de l’équilibre de la balance des paiements et sur les
ajustements dynamiques en présence de déséquilibres extérieurs. Ce modèle est modifié en
y introduisant un bloc interne qui décrit les modalités de formation des prix et des salaires
sur le marché du travail.

Mots clés : Taux de change réel, Dynamique, Equilibre externe, Equilibre interne,
Classification J.E.L. : F31, F43

∗
 MEDEE, Université de Lille, 59655 Villeneuve d'Ascq Cedex, France.
E mail: yannick.bineau@univ-lille1.fr, (correspondant) ; bernard.dupont@univ-lille1.fr
1

    UNE APPROCHE DYNAMIQUE DU TAUX DE CHANGE
                REEL D’EQUILIBRE

INTRODUCTION

La détermination d’une valeur adéquate du taux de change constitue la préoccupation tant
des économistes intéressés par les problèmes de macroéconomie internationale que celle
des banquiers centraux que préoccupent les risques d’inflation importée et pour lesquels les
fluctuations nominales conditionnent fortement leur choix de politique économique à
moyen terme. L’évolution récente de la parité de l’euro/dollar depuis janvier 1999 est là
pour rappeler l’extrême difficulté à prévoir le taux de change et l’origine de la récurrence
de cette thématique. Pourtant les théories du taux de change d’équilibre nominal ou réel
sont nombreuses. Très schématiquement, ces approches se divisent en deux courants. Le
premier, à la fois le plus ancien, le plus connu et le plus testé empiriquement, car le plus
aisé à manipuler est la fameuse parité des pouvoirs d’achat (PPA), qui depuis Cassel a fait
l’objet de nombreuses revues, avatars théoriques et tests économétriques. Sa pertinence
théorique ne fait aucun doute lorsqu’il s’agit de constituer une référence nominale à long
terme, ce qui n’est plus le cas quand l’accent est mis sur le taux de change réel dans le
moyen terme.

Le second courant, plus récent, porte sur les taux de change réel d’équilibre en des termes
plus macroéconomiques. Originalement développés par le FMI (FMI 1984 ; Clark,
Bartoloni, Bayoumi et Symansky 1994), popularisés par les travaux certes normatifs du
Taux de Change d’Equilibre Fondamental1 (noté Tcef par la suite) de Williamson (1983,
1994), ces modèles de taux change réel d’équilibre se sont depuis diversifiés selon des
courants théoriques différents, (Naturel Real Exchange Rate selon Stein ; Behavourial
Equilibrium Exchange Rate selon McDonald2) tout en gardant l’idée commune que la
balance courante doit être compensée par des flux de capitaux.

L’objectif de l’article est de développer un modèle théorique d’un taux de change réel
d’équilibre de moyen terme. La proposition fait explicitement appel aux propositions de
Tcef de Williamson. Cependant, l’approche de statique comparative développée n’offre par
construction pas la possibilité d’étudier les voies d’ajustements du taux de change à moyen
terme. L’un des principaux apport de l’article est de présenter une approche dynamique du
taux de change réel.

Le soubassement théorique de l’approche adoptée est un modèle où la croissance
économique domestique est à long terme contrainte par le dynamisme de la demande. Cette
classe de modèle (balance-of-payment constraint growth model), qui conclut que la
croissance économique domestique dépend d’une part de la croissance économique du
reste du monde d’autre part de la qualité de la spécialisation, à travers les élasticités du
commerce extérieur a été développé par Thirlwall en 1979. Cependant, l’échéance
temporelle de long terme du modèle initial n’est pas compatible avec le cadre temporel de
moyen terme qui est retenu pour proposer un modèle dynamique d’un taux de change réel
d’équilibre. La modification du cadre temporel remet alors en cause l’ensemble des

1
 Fundamental Equilibrium Exchange Rate.
2
 MacDonald et Stein (1999) pour une présentation récente.
2

hypothèses conditionnant sa validité initiale qui deviennent ainsi les aspects clés sur
lesquels le modèle s’appuie.

Le modèle de croissance contrainte par l’équilibre extérieur est d’abord mis en avant en
mettant l’accent sur ces insuffisances (1). Le modèle est alors progressivement amendé en
deux étapes. L’accent est d’abord mis sur les modalités de l’équilibre de la balance des
paiements et les ajustements dynamiques en présence de déséquilibres extérieurs (2). Ce
modèle revisité est de nouveau modifié en y introduisant un bloc interne qui décrit les
modalités de formations des prix et des salaires sur le marché du travail et dont l’absence
constituait une insuffisance majeure du modèle de Thirwall (3). Cet apport contribue alors
à la définition d’un taux de change réel d’équilibre. Constituant une référence, celui-ci
correspond à la valeur du change réel qui assure un équilibre entre une balance des
paiements et la situation sur le marché du travail à travers la correspondance entre les
exigences des salariés et des entrepreneurs. La dernière section conclut.

I. APPORT D’UN MODELE DE CROISSANCE PAR LA DEMANDE

Durant une large partie des années 60 à 80, de nombreux économistes tentèrent d’expliquer
pourquoi les rythmes de croissance étaient différents suivant les pays. Le socle tant
théorique qu’empirique dominant était le modèle de Solow (1956). Largement approfondi
depuis avec les progrès récents de la théorie néo-classique de la croissance endogène, ce
modèle conclut qu’à long terme la croissance dépend exclusivement de l’offre de facteurs
de production. La demande n’a qu’un effet temporaire.

En 1979, Thirlwall a proposé un modèle de croissance alternatif. Il l’amende très
légèrement en 1982 avec Hussain. L’argumentation du modèle se fonde pour partie sur les
schémas théoriques de croissance cumulative de Kaldor (1970), sur le lien dynamique
entre croissance économique et croissance de la productivité, décrit par Verdoorn ainsi que
sur la dynamisation du multiplicateur statique du commerce extérieur décrit par Harrod
(1933), selon lequel le niveau du revenu domestique serait égal au ratio du niveau des
exportations et de la propension marginale à importer. Les travaux de Prebish (1950) et
Seers (1962)1 qui portaient sur les problèmes de croissance de nombreux pays en voie de
développement en élaborant la problématique du centre-périphérie faisaient déjà référence
aux écarts de croissance entre nations selon des modalités similaires, avec des hypothèses
semblables à celles que proposera Thirwall et procurant des résultats proches.

La présentation, puis l’analyse approfondie de ce modèle permettent de mettre en avant ses
limites. Les principales faiblesses inhérentes au modèle sont ainsi mises en exergue. Elle se
placent alors au cœur de notre proposition du modèle dynamique du taux de change réel
d’équilibre.

1.1. Le modèle de croissance par la demande.

L’idée centrale de l’approche de Thirwall (1979) est extrêmement simple et intuitive. Le
taux de croissance d’équilibre de l’économie est celui qui assure une stricte compensation
entre le rythme de croissance des exportations avec celui des importations et du taux de
change réel. A long terme, une économie ne peut réaliser un rythme de croissance qui
induirait un déséquilibre croissant de sa balance courante.
1
    Pour les liens théoriques entre le modèle de Thirlwall et ces auteurs, cf. Thirlwall (1983).
3

La demande exerce un rôle prépondérant puisqu’elle conditionne les niveaux des flux
commerciaux. A l’inverse des approches néo-classiques, l'offre est exogène et s'ajuste aux
évolutions de la demande, en raison des valeurs supposées infinies des élasticités de l'offre.
Les prix dans cette petite économie ouverte sont fixes. Les éléments spécifiquement
financiers sont exogènes. Il n’y a pas de secteur financier et seul le secteur réel est pris en
considération. Ce modèle comprend dans la formulation générale qui fut présentée par
Thirlwall et Hussain (1982), trois équations.

Les deux premières sont les fonctions de demande en volume du commerce extérieur. Les
exportations en volume, X t dépendent positivement du revenu du reste du monde
                                                                             (      )
considéré en un seul bloc, noté Z t , et du taux de change réel S t = Et Pt e Pt , lorsque E t ,
           e
Pt et Pt sont respectivement les indices du taux de change nominal à l’incertain, des prix
domestiques et des prix étrangers. Le volume des importations, M t dépend du revenu
national Yt et de S t . Leurs expressions s’écrivent1 :

x& t = α 0 z&t + α 1 s&t                                                                     (1)

m& t = β 0 y& t − β 1 s&t                                                                    (2)

Les paramètres, strictement positifs, α 0 , α 1 , β 0 et β 1 s'interprètent tous comme des
élasticités. Elles permettent une analyse dynamique de la spécialisation en exerçant un rôle
multiplicatif sur les variables de revenu et de prix du commerce extérieur. Elles se
dissocient en élasticité-revenu et en élasticité-prix.

Les paramètres α 0 et β 0 sont les élasticité-revenu des flux d'exportations et
d'importations. Elles sont l'un des moyens d'évaluer la qualité de la spécialisation par
produit, l'adéquation de la spécialisation à la demande mondiale et implicitement l'état de
la spécialisation géographique, donc l'impact multiplicatif qu'exerce sur les volumes des
exportations et des importations respectivement toute variation unitaire, des revenus
étranger et domestique. L'élasticité-revenu des exportations est d'autant plus élevée que le
pays est spécialisé dans des produits à forte croissance de la demande où les gains de parts
de marchés sont élevés. L'accroissement de parts de marchés, notamment parce que
l'orientation sectorielle de la production est cohérente avec l'évolution de la demande
mondiale améliore la qualité des spécialisations, grâce à l'effet entraînant du commerce
extérieur. A l'inverse, l'élasticité-revenu des importations est d'autant plus forte qu’une
nation peut difficilement réduire, à brève échéance sa dépendance vis-à-vis de l'étranger.
Dans ce cas, le pays subit fortement les conséquences défavorables de l'évolution du
revenu domestique sur le solde extérieur.

1
 Dans l’ensemble de l’article, les conventions suivantes sont adoptées :
Les variables écrites en majuscules correspondent à des niveaux, en valeur ou en volume. Les variables
correspondantes en minuscules sont les logarithmes népériens de leur valeur absolue. Les variables en
minuscules surmontées d’un point sont des taux de croissance instantanés (dérivées du logarithme népérien
de la valeur absolue des variables par rapport au temps) ; les variables en minuscules surmontées de deux
points sont des accélérations instantanées.
4

Cette approche de la qualité de la spécialisation ne peut suffire en elle même. Elle est
complétée par une analyse en terme de compétitivité-prix que reflètent les termes α 1 et β 1 .
Ce sont les élasticité-prix de la demande d'exportation et d'importation qui informent sur le
niveau de concurrence par les prix qui existe sur les marchés dans le cas où il n'y aurait pas
de discrimination entre les prix de vente sur le marché domestique et sur les marchés
concurrents. Elles permettent ainsi d'apprécier l'impact de toute variation des prix relatifs
sur le taux de couverture ou celui d'une politique de modification du change nominal sur
les conditions d'équilibre des comptes extérieurs. Des valeurs réduites des élasticité-prix
suggèrent que les entreprises disposent d’un pouvoir de marché sur leurs marchés dont
elles tirent partie en adoptant une stratégie de conquête ou de stabilisation de leurs parts de
marchés en différenciant leur offre de biens, qui constitue ainsi une source potentielle de
dépendance technique et commerciale vis-à-vis des consommateurs.

Enfin, la dernière relation est l’identité décrivant l’équilibre extérieur. Par construction, il
n’y a pas de transferts, ni de revenus du travail ou du capital. Les entrées nominales nettes
de capitaux en monnaie domestique, Ft , sont exogènes.

Pt X t + Ft = Pt Et M t
                    e

L’expression dynamique de l’équilibre extérieur se déduit de cette expression :

γ x ( p& t + x& t ) + (1 − γ x ) f&t = p& t + e&t + m& t
                                           *
                                                                                     (3)

Le terme γ x qui demeure par hypothèse constant est la part des exportations en proportion
des recettes totales, γ x = Pt X t (Pt X t + Ft ) . Lorsque ce taux de déséquilibre financier γ x
est nul, les importations sont totalement financées par des flux de capitaux. Il n’y a pas
d’exportations. A l’inverse, le solde net des capitaux est nul lorsque γ x =1. L'équilibre
extérieur est un équilibre commercial.

1.2. Le rythme de croissance compatible avec l’équilibre extérieur.

Ce modèle comprend les équations (1), (2) et (3). L’évaluation du rythme de croissance
compatible avec l'équilibre extérieur noté y& tB se réalise en associant les fonctions du
commerce international à la précédente relation :

           γ xα 0        (1 − γ x ) & & γ xα 1 + β 1 − 1 &
 y& tB =
             β0
                  z& t +
                            β0
                                   (f −p +   ) β0
                                                         st                          (4)

Ce rythme de croissance résulte du jeu combiné des effets suivants :

• Le taux de croissance réel du reste du monde z&t est le premier effet. Le rythme de
croissance interne peut être accru si celui de l'étranger s'améliore. Son impact total dépend
de la qualité de l'insertion dans la division internationale du travail, qui est le deuxième
effet.
5

• Le rapport des élasticité-revenu pondéré par le taux de déséquilibre financier γ x (α 0 β 0 )
constitue l'expression de la qualité de l'insertion internationale de l'économie. Sans
détériorer ses comptes extérieurs, l’économie domestique pourra opter pour un rythme de
croissance qui sera d'autant plus élevé que γ x (α 0 β 0 ) excèdera strictement l'unité. Si le
taux de croissance étranger se modifie, son impact final sur la croissance domestique est
d'autant plus faible que le rapport des élasticité-revenu est lui aussi faible. Mais, l'impact
total peut être fortement réduit si la part des exportations dans les recettes totales est faible,
c'est à dire si γ x est proche de zéro.

• Le rythme de croissance domestique peut être accéléré sans qu'il y ait de détérioration
des comptes extérieurs si le pays accepte une modification tendancielle de son taux de
change réel, s&t . Bien qu’il n’y ait aucune limite théorique à une telle dévaluation pour
augmenter le rythme de croissance domestique, l’économie prend le risque de subir un
appauvrissement si elle est durablement contrainte de suivre une telle stratégie.

• Le coefficient multiplicateur du taux de change réel, (γ xα 1 + β 1 − 1) β 0 est le quatrième
effet. Il résulte soit d'une somme des élasticité-prix du commerce extérieur supérieure à
l'unité, soit d'une élasticité-revenu des importations de faible valeur, soit des deux
simultanément. Il augmente d'autant plus l'impact total des variations du taux de change
réel sur le rythme de croissance que γ xα 1 + β 1 excède strictement l’unité. L'effet final est
accru ou réduit selon que β 0 qui reflète l'effet d'absorption interne, est inférieur ou
supérieur à γ x α 1 + β 1 - 1 . Un important effet d'absorption réduit l'impact des gains de
compétitivité sur la croissance interne. Mais le théorème des élasticités critiques est
d'autant plus difficile à respecter que le pays se fonde sur la mobilité internationale du
capital pour lui permettre de financer ses déséquilibres extérieurs, puisque dès que γ x est
strictement inférieur à l'unité, le coefficient multiplicateur du change réel se réduit.

• L'effet financier est le dernier effet. Il s'exprime par l'intermédiaire de
             (        )
[(1 − γ x ) β 0 ] f&t − p& t . L'entrée nette de capitaux réels a nécessairement un impact sur
l'activité économique, car (1- γ x ) et β 0 sont positifs. Cet impact est d'autant plus grand
que γ x et β 0 sont simultanément faibles, c'est à dire que la mobilité internationale de
capital est importante et que l'absorption réelle est réduite. Mais cet indicateur ne concerne
que les nations qui s'endettent. Par conséquent, il n'y a théoriquement pas de limites au
déséquilibre extérieur. L'effet d'entraînement de l'activité économique étrangère est
complémentaire à l’effet financier, puisque leur somme est une moyenne pondérée par le
taux de déséquilibre rapporté à l'élasticité-revenu des importations.

Thirlwall se préoccupe des effets qui se réalisent sur le long terme. Cela a deux
implications sur l’équation (4). D’abord, le respect de l'équilibre extérieur à long terme
implique que l’équilibre courant soit systématiquement vérifié puisque les nations ne
peuvent pas s’endetter. Le terme γ x est unitaire.

Ensuite, les gains et les pertes qui surviennent à la suite des modifications de la
compétitivité-prix se compensent. La modification du taux de change oblige les prix
relatifs à s'ajuster à long terme, dans un mouvement compensateur. Il écrit que « plusieurs
6

modèles, et l'évidence empirique suggèrent qu'à long terme, il ne peut y avoir qu'un faible
mouvement des prix relatifs internationaux mesurés en une monnaie commune, soit parce
qu'il y a arbitrage (la loi du prix unique), soit parce que la dépréciation du taux de change
compense équiproportionnellement les prix domestiques »1. Il va même plus loin, lorsqu'il
conclut que la loi du prix unique « égalisera le prix des biens échangeables sur des marchés
fortement concurrentiels [et] si la condition de Marshall-Lerner est satisfaite ou si les prix
relatifs mesurés dans une monnaie commune ne changent pas »2. A long terme, il est licite
d’énoncer que le rythme de croissance interne est contraint par le produit du rapport des
élasticités revenu et l'absorption étrangère imposée par son rythme de croissance de son
activité économique réelle. Le terme s&t est alors écarté.

Sous ces deux hypothèses, la relation (4) se simplifie. Ce nouveau rythme de croissance
compatible avec l’équilibre extérieur s'écrit maintenant3 :

         α0
y& t =
    F
            z& t                                                                                 (5)
         β0

Le rythme de croissance du revenu réel qu'il est possible d'atteindre sans détériorer la
balance courante s'assouplit lorsque le taux de croissance étranger s'accélère alors que le
rapport des élasticité-revenu du commerce extérieur s'élève. Thirlwall nomme cette
relation « une loi fondamentale, qui exprime qu'à l'exception des cas où le taux de
croissance d'équilibre de la balance des paiements excède le taux de croissance maximum
des capacités, le taux de croissance d'un pays sera approximativement égal au rapport du
taux de croissance de ses exportations à l'élasticité revenu de la demande d'importations »4
ou du produit du rapport d'élasticités revenus par le rythme de croissance réel étranger.

1.3. Les limites du modèle.

Ce modèle théorique a fait l’objet d’approfondissements théoriques (Thirlwall, Hussain
1982 ; McCombie et Thirlwall 1992 ; Thirlwall 1997), économétriques5 et d’extensions
dans différentes directions (Lawrence, 1987 ; Krugman, 1989). Bien que ce modèle souffre
de nombreuses limites, il sort du cadre de cet article de présenter en détail les discussions
et les différents travaux réalisés sur ce modèle6.

La première limite tient au caractère pseudo-dynamique du modèle thirlwallien qui relie les
variables explicatives et expliquées prises à la même date. Il n’est donc pas capable de
retracer les logiques d’évolution chronologique au moyen d’équations différentielles ou

1
  Thirlwall (1979), op. cit., p. 50.
2
  Thirlwall (1980), p. 423.
3
   Si on admet que la variation du change réel est nulle et si il n'y a pas de déséquilibre extérieur, il est
conceptuellement identique d’écrire que le produit de l'élasticité revenu des exportations par la croissance
réelle étrangère est égal au rythme de croissance des exportations. La relation (5) s’écrit alors :
 y& t = x& t β 0 . C’est d’ailleurs la formulation retenue dans de nombreux travaux empiriques sur la relation
de Thirlwall.
4
  Thirlwall (1979), op. cit., p. 50.
5
   Bairam 1988 pour des pays développés ; Bairam et Dempster 1991 pour des pays pétroliers et en voie de
développement.
6
   Pour une présentation approfondie de ce modèle, cf Bineau, (1997). Pour un recueil de la discussion
conduite entre 1979 et 1994, voir McCombie et Thirlwall (1994).
7

aux différences finies. Dès lors, les ajustements dynamiques menant à l’équilibre
stationnaire sont systématiquement éludés.

La seconde insuffisance concerne l’hypothèse faite sur l’évolution du taux de change réel.
La validité de la loi fondamentale de Thirlwall dépend uniquement de l’acceptation ou non
de l’hypothèse sur les taux de change réel et implicitement de la validité de la PPA. Or, il y
a une incompatibilité forte entre l’hypothèse de stationnarité du taux de change réel et les
résultats des tests économétriques récents sur la PPA. Le cadre temporel retenu par les
études qui tentent de valider la loi fondamentale porte sur des estimations des fonctions
d’exportation et d’importation sur des périodes de dix à quinze années. A une telle
échéance, il est acceptable de supposer que les élasticités estimées ne varient pas. Or sur
une décennie, voire deux, les tests qui sont conduits sur la PPA et portant sur des périodes
sensiblement identiques indiquent clairement que la stationnarité des taux de change réels
n’est nullement acquise tant pour les pays industrialisés que pour les pays en voie de
développement1. La validité de la PPA se retrouve majoritairement sur des séries
temporelles relativement longues où les échantillons concernent au moins le siècle, (Kim
1990 ; Ardeni et Lubian 1991). Il est nécessaire d’être prudent sur des périodes aussi
longues en raison de la fragilité des données. Mais surtout, l’estimation des fonctions du
commerce extérieur sur des périodes aussi longues impliquerait vraisemblablement des
élasticités du commerce extérieur variables, alors qu’il est implicitement stipulé qu’elles
demeurent inchangées.

L’absence de flux internationaux de capitaux est incompatible avec le cadre contemporain
de forte mobilité internationale des capitaux. Les flux de capitaux sont insuffisamment pris
en considération dans la formulation précédente. Certes Thirlwall et Hussain (1982)
introduisent une variable reflétant les flux nets de capitaux. Mais leur analyse est limitée à
un échantillon réduit de pays en voie de développement qui sont structurellement
importateurs de capitaux, excluant par construction toutes les nations créancières nettes. La
variable de flux de capitaux est finalement exclue de l’analyse puisqu’à long terme ces
mouvements de capitaux n’exercent aucune influence sur l’équilibre extérieur. En outre, ce
qu’ils entendent par flux de capitaux n'apparaît pas clairement. En effet, les quelques
travaux empiriques consacrés au modèle qui vient d’être présenté, aucune information
précise n'est donnée sur les caractéristiques temporelles des flux de capitaux, si ce n'est que
leur objectif est de compenser les écarts entre les importations et les exportations. Dans
une étude empirique sur le Canada, Atesoglu (1994) présente le modèle en y introduisant
des flux de capitaux de long terme sans le service de la dette de pays en voie de
développement. Il favorise l'idée des flux autonomes de capitaux à la suite de déséquilibres
de la balance courante, puisqu'il les évalue, dans sa partie empirique, comme étant la
différence entre les importations et les exportations réelles. Pour sa part, McCombie (1993)
dans une analyse théorique du modèle fait référence à des flux de capitaux qui surviennent
pour équilibrer la balance de base sans pour autant mener de vérifications empiriques. Ce
sont nécessairement des mouvements de capitaux de long terme, puisqu'ils résulteraient des
comportements économiques fondamentaux, alors que les flux de capitaux de court terme
sont exclus, en raison de leur haute sensibilité aux variations des différentiels d'intérêts et
aux anticipations du change. Une telle évaluation des flux de capitaux incite alors à
considérer l'équilibre de la balance de base comme l'expression de la contrainte extérieure.

1
  La littérature contemporaine sur la PPA relative converge pour conclure, quand le raisonnement est mené
sur des séries temporelles, qu’elle n’est pas vérifiée, (Froot & Rogoff 1995). Par contre, la conclusion est
plus nuancée quand l’analyse porte sur des données de panel.
8

Or la pertinence économique de ce concept de balance de base n’est plus opportune
puisqu’il ne se retrouve plus dans la méthodologie contemporaine de la balance des
paiements (Pécha 1995).

Bien que la dynamique ne soit pas encore explicitement décrite, l’endettement extérieur est
envisageable dès qu’il existe des flux compensateurs de capitaux, sous réserve qu’ils
demeurent suffisants pour solder le déséquilibre courant et si en présence d’un déficit, la
dynamique d’accumulation de la dette extérieure n’est pas insoutenable à moyen terme.
Pourtant, la dette externe affecte à terme la croissance économique, en raison de la
ponction d’une fraction croissante du PIB pour assurer le service de la dette. Le pays
débiteur risque d’être confronté à une incertitude croissante des investisseurs
internationaux qui doutent de la capacité ultérieure à respecter les engagements pris et
peuvent s’avérer réticents pour accorder des financements supplémentaires au même
rythme. C’est pourquoi, les modalités de l’équilibre extérieur doivent être modifiées afin
d’inclure aussi bien les flux entrants que les flux sortants de capitaux.

Une dernière question demeure. Qu'en est il exactement de la balance des revenus des
facteurs dès l'instant où l'équilibre extérieur n'est plus de mise? Au-delà de son caractère
simplificateur, l'omission par hypothèse, de cette fraction de la balance des paiements
suppose qu'à la fin de chaque période, l'intégralité des capitaux dus soit remboursée,
intérêts compris. Il doit y avoir nécessairement alternance de déséquilibres extérieurs sur
longue période. Evidemment, il est supposé que les créanciers n'annulent pas pour quelque
motif que se soit, tout ou partie non seulement des intérêts, revenus et dividendes, mais
aussi du principal de la dette.

Enfin, à la différence des précédentes remarques qui concernent les aspects intrinsèques du
modèle, la dernière limite concerne l’absence de situation économique interne. Sa présence
modifierait les résultats sur les positions extérieures domestiques, en limitant les marges de
manœuvre disponibles pour les variations des parités. L’équilibre interne peut prendre la
forme d'un équilibre sur le marché du travail, d'un arbitrage entre l'emploi et l'inflation ou
d’un output-gap, voire et c’est la définition retenue, d’une exigence de cohérence entre les
revendications des salariés et des entreprises.

Le schéma analytique doit donc être amendé. Les modifications sont progressives.
L’accent est d’abord mis sur les modalités de l’équilibre dynamique des comptes
extérieurs. Ensuite, les contraintes imposées par la présence d’un équilibre interne sont
introduites pour définir enfin le modèle dynamique d’un taux de change réel d’équilibre.

II. LA DYNAMIQUE DE L’EQUILIBRE EXTERIEUR.

Lorsqu’on raisonne sur le moyen terme, alors le taux de change réel n’est pas
nécessairement stationnaire et la loi fondamentale de Thirlwall n’a plus lieu d’être. Dans
un tel cadre temporel, on est amené à définir non plus le rythme de croissance compatible
avec un équilibre extérieur mais le couple rythme de croissance/variation du taux de
change réel qui est compatible avec d’une part les paramètres macroéconomiques tels que
les performances du reste du monde et les mouvements nets de capitaux internationaux et
d’autre part les paramètres des fonctions du commerce extérieur.

2.1. La dynamique de l’équilibre extérieur : le modèle BB-BC.
9

Le modèle BB-BC comprend quatre relations. Les deux premières reprennent les équations
(1) et (2) des flux du commerce extérieur. Les deux secondes décrivent le comportement
dynamique de l’équilibre extérieur de l’économie.

La troisième relation décrit l’équilibre systématique d’un solde extérieur à la date t. Ce
solde extérieur est noté BBt . C’est la somme algébrique du solde courant, BC t et du solde
des mouvements de capitaux, Pt Ft , Pt étant les prix domestiques et Ft , le volume du solde
des capitaux. Cette définition de l’équilibre extérieur ne peut s’assimiler à la balance de
base même si ce terme sera préféré et ne correspond pas non plus exactement au solde à
financer1 de la balance des paiements.

Le volume du solde extérieur s’écrit : BBt = X t − S t M t + Ft . Celui-ci est équilibré à toute
date si : X t − S t M t + Ft = 0 . La différentielle s’écrit : dX t − M t dS t − S t dM t + dFt = 0 . Si
le solde de la balance des capitaux n’est pas nul, alors on déduit :
 X t x& t − S t M t (s&t + m& t ) + Ft f&t = 0 . Lorsque le solde de la balance des capitaux est nul, la
balance courante est nécessairement équilibrée et le modèle canonique de Thirlwall avec
γ x =1 est retrouvé. Finalement, la condition d’équilibre permanent du solde extérieur
s’écrit :

τ t x& t − (s&t + m& t ) + (1 − τ t ) f&t = 0                                        (6)

Par définition, le taux de couverture d’une économie à la date t correspond au rapport des
exportations et des importations exprimées dans la même unité monétaire, τ t = X t S t M t ,
qui vérifie bien entendu ∀t ≥ 0, τ t > 0 . Par la suite, on suppose que τ t est constant et
exogène. Par conséquent, si le taux de croissance des exportations est systématiquement
égal à la somme des taux de croissance du taux de change réel et des importations en
volume, alors le taux de couverture est constant ( τ&t =0). L’évolution du taux de couverture
s’écrit :

x& t = s&t + m& t                                                                    (7)

La forme structurelle du premier modèle, qu’on appellera BB-BC, est donnée par les
quatre relations structurelles (1), (2), (6) et (7).

La combinaison des relations (1), (2) et (7) permet de déduire une expression d’un taux de
change réel s&tBC compatible avec l’équilibre courant :

    s&tBC =
                   1
                          [β 0 y& t − α 0 z& t ]                                     (BC)
              α1 + β1 − 1

1
  La définition du solde à financer conforme à la nomenclature du 5° manuel de la balance des paiements
introduite en France depuis 1997 cumule la balance des transactions courantes, la balance en capital et la
balance des investissements inclus dans le compte financier de la balance des paiements.
10

Deux effets sont mis en œuvre. Le premier correspond à l'effet de croissance relative entre
les économies pondéré par les élasticité-revenu. Dans un groupe d'économies qui forment
un ensemble fortement intégré, avec un taux d'ouverture intra-groupe élevé, il est d'autant
plus incohérent pour un pays de s'écarter durablement du rythme de croissance moyen de
ses partenaires que ses caractéristiques structurelles comparées à celle de ses partenaires
sont identiques, sous peine de constater une évolution inadéquate de sa monnaie. La
pression sur celle-ci est d'autant plus forte que les valeurs des élasticité-revenu entre ces
nations ont tendance à se rapprocher. La nécessité de coordonner les rythmes de croissance
entre les pays est renforcée.

Le second effet dépend de (1 α 1 + β 1 − 1) . Il correspond à la pente de la droite reliant la
croissance au change réel compatible avec l’équilibre courant. Pour que ce premier affecte
favorablement le second, α 1 + β 1 − 1 doit être strictement positif sinon l’accélération de la
croissance interne favorise l’appréciation réelle.

Une seconde relation entre s&t et y& t se déduit aisément des équations (1), (2) et (6) :

 s&tBB =
                 1
                          [β 0 y& t − τα 0 z&t ] + (1 − τ ) f&t               (BB)
           α 1τ + β 1 − 1                         α 1τ + β 1 − 1

Tout pays peut modifier son taux de change réel s&tBB tout en équilibrant systématiquement
ses comptes extérieurs s'il est en mesure d’affecter le rythme de croissance de son revenu
réel.

La relation (BB) met aussi en avant deux grandes catégories de variables. La première
catégorie de variables reflète la conjoncture économique. Elle ajoute les flux nets de
capitaux aux rythmes de croissance des pays. La seconde catégorie présente l'état des
structures productives, via les élasticités du commerce extérieur qui s'expriment
essentiellement dans le dénominateur. Ce dernier recèle dès lors un fort pouvoir explicatif
car il accroît ou au contraire réduit les effets des écarts de croissance et des flux de
capitaux réels sur l'évolution du change réel.

Le terme 1 (α 1τ + β 1 − 1) est l'expression de l'arbitrage qui existe entre le change réel et la
croissance réelle. Il est conditionné par la souplesse existant dans le mécanisme de
formation des prix. L'expression sera positive si les effets liés aux volumes l'emportent sur
les effets liés aux stratégies de prix. Une variation du taux de change réel améliore la
position des comptes extérieurs si α 1τ + β 1 > 1 est vérifiée.

Par la suite, nous supposerons que les variables exogènes sont constantes : z&t = z t et
 f&t = f& . La figure 1 présente les droites représentatives de (BB) et (BC) dans le même plan
orthonormal. L’axe des abscisses indique le taux de variation du rythme de croissance
domestique et l’axe des ordonnées les variations du change réel. La pente de (BB) est
inférieure (respectivement : supérieure) à celle de (BC) dès que le taux de couverture τ est
supérieur (respectivement : inférieur) à l’unité, autrement dit dès que le solde courant est
excédentaire (respectivement : déficitaire). L’intersection des courbes (BB) et (BC) donne
les valeurs d’équilibre, soit :
11

 * α 1 + β 1 − 1 & α 0 (1 − β 1 )
 y& = α β            f +
                          α1 β 0
                                   z&
           1 0

 s& * = 1 f& − α 0 z&
      α1      α1

Le long de la droite (BC), l’équilibre de la balance courante est systématiquement assuré. Il
peut exister une infinité de couples ( s& , y& ) compatibles avec l’équilibre comptable. Hors de
cette droite, la balance courante est déséquilibrée. L’excédent, (déficit), courant à gauche
(droite) de (BC) implique qu’une appréciation, (dépréciation) réelle associée ou non à une
accélération (réduction), du rythme de croissance réelle assure un retour vers l’équilibre
courant.

                   Cas t>1                                        Cas t
12

(BC) et (BB) dépend en définitive de la structure de la balance des paiements. Mais ce
raisonnement direct occulte le fait que les situations économiques ne sont pas les mêmes
suivant que la pente de la droite (BB) est plus ou moins forte relativement à celle de (BC).
La position relative des deux courbes dans le plan (0 y& ,0s&) a un impact sur la nature stable
ou instable du point d’équilibre stationnaire1.

2.2. Les conditions de la stabilité dynamique du modèle BB-BC.

Comment le processus d’ajustement vers l’équilibre stationnaire se réalise-t-il lorsque
l’économie se situe dans une position initiale où ni le solde courant, ni la balance de base
ne sont équilibrés ? A la manière de Moreno-Brid (1998), l’analyse dynamique qui est
maintenant développée décrit les réactions des deux soldes extérieurs en présence de
déséquilibres. On associe au système (BB)-(BC) le système différentiel suivant, dont
                                           β0              τα z& + (1 − τ ) f&t            β0
l’écriture est allégée en posant a1 =                ; b1 = 0 t                 ; a2 =
                                      τα 1 + β 1 − 1         τα 1 + β 1 − 1            α1 + β1 − 1
             α0
et b2 =              z&t :
         α1 + β1 − 1

&s&t = A(s&t − a1 y& t + b1 )                                                   (bb)

 &y&t = B(s&t − a 2 y& t + b2 )                                                 (bc)

La première fonction de réaction (bb) décrit les modifications du change réel en présence
de déséquilibres de la balance de base. Si un déséquilibre courant en rythme est
insuffisamment couvert par des flux inverses de capitaux dont la valeur demeure exogène,
le change réel s’ajuste pour restaurer l’équilibre de base.

La seconde fonction de réaction (bc) rappelle qu’une économie ne peut ni s’endetter ni
accumuler durablement des excédents extérieurs. Le respect de cette contrainte extérieure
force la nation à adopter une politique de croissance réelle qui soit compatible avec cette
règle d’équilibre intertemporel des comptes courants. A la suite d’un excédent courant, la
croissance s’accélère. Cela réduit à terme ce surplus en raison de l’augmentation des
importations, pour des exportations constantes, tout en laissant inchangé le change réel.

Le processus d’ajustement sous-jacent repose sur l’idée que l’économie réagit
spontanément aux déséquilibres avec les vitesses d’ajustement A et B. Or la matrice
        A − a1 A 
M1 =               est d-stable si et seulement si les deux conditions suivantes sont
        B − a2 B
vérifiées : sa trace est strictement négative : trM1 0 , autrement dit :                             AB > 0 .
                                                    (τα1 + β1 − 1)(α1 + β1 − 1)

Sachant que les paramètres structurels sont strictement positifs et si on admet que la
condition de Marshall-Lerner est vérifiée même en l’absence d’un équilibre initial de la
balance courante, alors, dans le cas d’une nation excédentaire ( τ > 1 ) ou d’une nation

1
    L’analyse exclut le cas où τ=1. Cela correspond à la situation où BB et BC sont confondues.
13

déficitaire ne satisfaisant pas la condition de Marshall-Lerner amendée : τ < 1 et
τα1 + β1 − 1 < 0 , la stabilité globale est assurée dès lors que A et B vérifient la condition :
A0. Ainsi, la réduction d’un déficit courant s’opère grâce à une révision à la baisse
du rythme de croissance conjointement à une appréciation du change réel compatible avec
les apports de capitaux nécessaires au financement du déséquilibre courant. A l’inverse, un
excédent courant et une balance de base négative impliquent des taux de croissance positifs
du taux de change et du produit intérieur. A l’inverse, la configuration A0 n’assure
pas la stabilité globale en toute généralité. En effet, pour une nation dont le taux de
couverture est inférieur à l’unité et pour laquelle la condition de Marshall-Lerner amendée
est validée, il est possible que l’équilibre stationnaire ( s& * , y& * ) corresponde à un point-
selle. La figure 2 illustre les deux situations au moyen des champs de vecteurs
directionnels associés aux orbites suivies par le couple ( s&t , y& t ).

La fonction de réaction (bb) met en relief les modifications de la balance de base avec
celles du change réel. Une valeur négative de A indique qu’un accroissement positif de la
balance de base favorise l’appréciation du change réel et qu’une croissance négative induit
une dépréciation. Simultanément, pour B>0, la fonction de réaction (bc) indique qu’une
économie pourra opter pour une stratégie de croissance accélérée dès lors que les mesures
adoptées assurent la mise en place progressive d’une spécialisation internationale des
structures productives de qualité qui reste compatible avec les positions extérieures réelles.

Dans le cas d’une économie excédentaire, le quadrant I de la figure 2.a associe à l’excédent
courant un excédent de la balance de base. Le surplus courant offre aux autorités la
possibilité d’adopter une politique de croissance plus ambitieuse sans que cela nuise aux
soldes extérieurs qui retrouvent le chemin de l’équilibre. Les flux nets de capitaux,
insuffisants pour rendre négative la balance de base, favorisent l’appréciation réelle.
L’accélération de la croissance domestique ne semble pas affecter défavorablement les flux
nets de capitaux réels qui induisent une appréciation du change réel. Ce gain de parité

                                                                                          L
réelle qui détériore nécessairement la compétitivité-prix, semble de faible importance face
à l’influence exercée par la variable de revenu sur l’équilibre extérieur.

              2.a: stabilité t>1                          2.b: instabilité 1-b1 a1
14

Les soldes courants et de base diminuent dans le quadrant III. Les logiques économiques
sont semblables à celles du quadrant I, mais les causalités sont inversées. La dépréciation
réelle induite directement par la réduction du solde courant et indirectement par les flux de
capitaux sortants favorise un retour progressif vers l’équilibre de la balance de base. Cet
effet est renforcé si une action de réduction du dynamisme économique est entreprise.

Les quadrants II et IV associent respectivement une diminution du solde courant avec une
augmentation de celui de la balance de base et une croissance du solde courant avec une
baisse de celui de la balance de base. Dans le quadrant IV, la progression de l’excédent
courant offre l’opportunité d’accroître le revenu réel en combinaison avec une dépréciation
réelle pour limiter le déséquilibre de la balance de base. Dans le quadrant II, la réduction
de l’excédent courant se résout par révision à la baisse du rythme de croissance alors que
l’augmentation du solde de base induit une appréciation du change réel à cause de l’excès
de demande de capitaux. Implicitement, on suppose que la perte de compétitivité-prix liée
à l’appréciation réelle n’affecte pas la position du solde courant et qu’une réduction du
rythme de croissance domestique en favorise le redressement. Les soldes courants et de
base s’opposant, l’excédent croissant de la balance de base favorise l’appréciation réelle et
la détérioration du compte courant engendrée par une croissance forte est aisément
financée par les économies concurrentes.

Les règles comportementales résumées par les fonctions de réaction (bb) et (bc) sont
somme toute intuitives et paraissent garantir la stabilité globale de l’équilibre stationnaire
dans la plupart des cas. Il reste que cette propriété ne concerne pas les économies
déficitaires pour lesquelles la condition de Marshall-Lerner amendée est vérifiée. Plutôt
que de rechercher classiquement les moyens d’éviter de s’engager sur une trajectoire
divergente et ceux permettant de se maintenir sur la séparatrice, on peut se demander plus
profondément si le modèle BB-BC ne souffre pas d’une limitation intrinsèque. Cerner le
poids des équilibres extérieurs sur les performances économiques et les variations du
change réel est certes important, mais demeure insuffisant au regard de l’ensemble des
contraintes auxquelles doivent faire face les économies.

III. LA DETERMINATION D’UN EQUILIBRE INTERNE.

Le modèle précédent ne tient pas compte des conditions d'équilibre à l'intérieur de
l’économie. Il appelle une extension tenant compte du fait que chaque nation fait
simultanément face à la contrainte extérieure, toujours matérialisée par l’équilibre d’une
balance courante, élargie à des flux de capitaux et à une contrainte intérieure, matérialisée
ici par des tensions sur le marché du travail. Au bloc (BB), qui décrit comme dans la
précédente section les conditions de l’équilibre de la balance des paiements, flux de
capitaux inclus, se superpose un second bloc. Ce bloc interne (EI) est endogène, car il
montre que le taux de change réel et la croissance économique dans un contexte de
concurrence imparfaite et de dilemme inflation-chômage sont simultanément déterminés.

3.1. Les modalités de l’équilibre interne.

L’équilibre interne correspond au niveau d’activité économique assurant la cohérence entre
les comportements de formation des prix des entrepreneurs et les comportements salariaux
des ménages. A partir de modèles définissant les modalités de formation des prix et des
15

salaires, l’idée est de définir la famille de couples ( s&t , y& t ) qui assure l’équilibre entre un
comportement de prix et un comportement de salaires.

Le prix intérieur de la production Pt est déterminé dans un cadre de concurrence
imparfaite par l’application du principe du coût majoré, soit : Pt = λ (1 + µ )Wt . L’inverse de
la productivité moyenne du travail, qui est supposée constante s’écrit λ = L Y . le taux de
marge des entreprises également supposé constant est µ . Enfin, les lettres Pt , Pt c et Wt
sont les indices des prix nationaux et des salaires nominaux. A long terme, il y a parfaite
indexation salariale.

p& t = w& t                                                                          (8)

                                                                           1−η
                                                                                 (
Une équation simple fournit le prix à la consommation : Pt = Pt Et Pt . L’exposant η
                                                                     c
                                                                                      )
                                                                                     e η

définit la part des produits d’origine étrangère dans la demande intérieure. On
                            η
tire aisément: Pt / Pt = S t . L’évolution correspondante s’écrit :
                 c

 p& t − p& t = ηs&t                            0 < η < 1,
     c
                                                                                     (9)

Le mode de formation des salaires réels des ménages s’obtient en combinant la courbe de
Phillips augmentée et la loi d’Okun. Par définition, le salaire réel est le salaire nominal
                                                W
déflaté par le prix de la consommation: Wr = c . Il existe un taux de chômage U pour
                                                P
lequel le salaire réel est à son niveau d’équilibre W , c’est à dire égal à la productivité
marginale du travail pour un stock de capital et des techniques de production donnés et
quand la production a atteint son potentiel Y . A toute date, le dilemme entre l’inflation et
                                                                −γ
                                                       U 
le chômage            est   donné      par :   Wr = Wr   , γ > 0 .     D’après     la    loi   d’Okun :
                                                       U 
              −σ                                            ϕ
U Y                          W       Y 
    =   , σ > 0 . D’où : Wr = c = Wr   , ϕ = γσ > 0 . L’équation d’évolution des
U Y                          P       Y 
salaires s’écrit :

w& t − p& t = ϕy& t + w& t − ϕy& t , ϕ > 0
           c
                                                                                     (10)

Les équations (8), (9) et (10) amènent l’expression du taux de change réel compatible avec
l’équilibre interne :

          ϕ       ϕy& − w& t
s&t = −     y& t + t                                                                 (EI)
          η           η

A l’inverse du bloc externe où la dépréciation réelle accélère le rythme de croissance
domestique, l’équilibre interne montre que les variations du change réel compatibles avec
les exigences des ménages et des entrepreneurs sont une fonction décroissante de la
croissance économique domestique. Si le taux de change réel se déprécie, les prix des
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