URBAINE DECLARATION POUR LA RECONSTRUCTION DES QUARTIERS DEVASTES PAR L'EXPLOSION DU 4 AOUT

 
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DECLARATION
URBAINE       POUR LA RECONSTRUCTION DES QUARTIERS DEVASTES
                                   PAR L’EXPLOSION DU 4 AOUT
DE BEYROUTH

              2020 OCTOBER
INTRODUCTION
L’explosion du 4 août dans le Port de Beyrouth a marqué un tournant
dans l’histoire du Liban et de sa capitale Beyrouth. La catastrophe qui a
frappé les quartiers de Mdawar, Quarantaine, Badaoui, Mar Mikhael,
Rmeil, Gemmayzeh et Mar Nicolas a touché également les quartiers de
Bourj Hammoud, Achrafieh, Bachoura, Zokak el Blat et l’ensemble de la
ville. Le bilan fait état d’environ 200 morts, de milliers de blessés, de
près de 300 bâtiments détruits ou gravement endommagés et
présentant des risques d’effondrement et de dizaines de milliers
d’habitants déplacés.
L’Ordre des Ingénieurs et Architectes de Beyrouth en partenariat avec
les écoles d’architecture au Liban a pris l’initiative de lancer la «
Déclaration de Beyrouth » qui s’inscrit dans une vision globale pour la
réhabilitation et la revitalisation urbaine des quartiers affectés par
l’explosion.
Cette Déclaration propose un certain nombre d’idées qui constituent un
point de départ pour l’élaboration d’une vision prospective du
processus de réhabilitation de la région sinistrée qui s’inscrirait dans le
cadre d’un projet national pour la conservation et la mise en valeur du
patrimoine, la protection du tissu social et de l’identité urbaine des
quartiers touchés par l’explosion ainsi que la redéfinition de la relation
entre la ville et son port.
La « Déclaration de Beyrouth » constitue l’aboutissement d’une réflexion
qui tente d’esquisser les grandes lignes d’une stratégie de
requalification urbaine qui s’appuierait sur la documentation et l’analyse
des données récoltées sur le terrain pour faire face aux menaces de
déplacement des populations et de changement démographique
apparues suite à la catastrophe. Cette stratégie vise également à
élaborer une série de propositions et de projets capables d’être
exécutés en urgence et à les soumettre aux autorités compétentes ainsi
qu’aux différents organismes concernés.
Le présent document trace les contours de l’intervention et du rôle que
peut jouer l’Ordre des Ingénieurs et Architectes de Beyrouth en
partenariat avec les écoles d’architecture pour imaginer une
recomposition possible des régions sinistrées. Il adopte une vision
intégrée des composantes sociales, économiques et urbaines et
envisage l’ensemble du site comme une entité à part entière en relation
avec le port et les quartiers environnants.

   La préservation du patrimoine architectural et urbain n’exclut pas la
   nécessaire transformation des pratiques et des usages des habitants pour
   satisfaire à leurs besoins et leurs aspirations. La satisfaction de ces besoins
   peut être assurée tout en préservant le tissu urbain patrimonial.
Le caractère patrimonial des quartiers sinistrés (que ce soit par rapport à leur
       INTRODUCTION
morphologie générale ou par rapport aux unités constitutives de leur tissu urbain)
doit être considéré en relation directe avec les lieux de vie et les pratiques sociales
et spatiales des habitants. Ce patrimoine est un patrimoine pluriel qui reflète la
mémoire des habitants depuis la formation des quartiers jusqu’au moment de la
catastrophe. Il constitue un paramètre qui ne peut être modifié ou transformé
qu’avec l’accord des acteurs concernés, propriétaires, locataires et usagers.

Les différentes phases de la reconstruction doivent être envisagées à partir d’une
hiérarchie des priorités qui permet de classer les besoins en fonction de leur
degré d’urgence : court terme, moyen terme et long terme. La création d’un
Observatoire Urbain offre la possibilité de documenter l’évolution de la situation
sur le terrain et de suivre les différentes initiatives et les différents projets jusqu’à
leur concrétisation dans le réel, à travers la mise en place d’indicateurs permettant
d’évaluer le processus de reconstruction, de proposer des choix et des politiques
urbaines et de faire pression pour assurer leur adoption.

Le processus de reconstruction doit être accompagné par la mise en place de
stratégies appropriées dans les différents secteurs (habitat, infrastructures,
patrimoine, etc…) et par la constitution de groupes de pression afin d’assurer leur
application.

Toute gestion efficace du processus de reconstruction passe par la mise en place
de pratiques qui assurent la participation la plus large des différentes couches de
la société et des professionnels afin de préserver l’identité de Beyrouth, son
patrimoine humain et son visage culturel.

     Le présent document est organisé selon 5 thèmes principaux :

                                             L’identité urbaine des quartiers
 1
                    Les conséquences socio-économiques de la catastrophe
2                                        et les principaux défis à affronter

                                                 Vers une vision prospective de la
3                                                           réhabilitation urbaine

                                     Les enjeux de la protection du tissu urbain
4                                             patrimonial et de sa revitalisation

                La gestion et l’organisation du processus de requalification
5                                              urbaine et de reconstruction
1
                                                   L’identité urbaine
                                                                         des quartiers
    Les quartiers affectés par l’explosion du 4 août constituent une composante
2   majeure de l’identité urbaine et sociale de la capitale libanaise.
    Les étapes clés de la formation historique de ces quartiers se déclinent comme suit
    :Le développement de la ville ancienne de Beyrouth Bayrout al Qadima hors les
                                                                                         1.1
    murs à partir de la moitié du XIXème siècle.

    La construction de palais et de riches demeures sur les collines des quartiers      1.2
3   de Sursock et de Zoquaq el Blat édifiés par les notables de la ville enrichis
    grâce à leurs liens avec le pouvoir ottoman et les consuls européens.

    L’extension de la ville le long des grandes voies de communication qui la           1.3
    relient aux villes principales de la région : Tripoli (le quartier de Gemmayzeh),
4
    Saida (le quartier de Basta) et Damas (les quartiers de Bachoura et de Nasra).

    Le développement du port de Beyrouth et son impact sur les quartiers                1.4
5   avoisinants

    La spécificité du développement urbain et les caractéristiques paysagères des       1.5
    quartiers de Gemmayzeh, Jeitaoui et Rmeil situés à l’est du centre-ville, entre
    la colline d’Achrafieh et le port.

    Les particularités historiques qui déterminent la formation des quartiers de la     1.6
    Quarantaine et de Maslakh (Les Abattoirs).

    L’arrivée des réfugiés arméniens fuyant les massacres d’Anatolie et de Cilicie      1.7
    et la formation des quartiers de Mar Mikhael (le long de la rue d’Arménie) et
    de Badaoui (sur la rive du fleuve de Beyrouth face au camp de Bourj
    Hammoud).

     La stabilité relative qui caractérise ces quartiers qui ne connaissent pas de 1.8
     transformations majeures du point de vue urbain et social depuis les
     premières années de l’indépendance jusqu’à la fin des années 1990, le
     Beyrouth moderne s’étant développé au cours des années 1950 et 1960 vers
     les quartiers de Hamra, Ras Beyrouth et Raouché situés à l’Ouest de la ville.

     La fièvre immobilière qui commence à s’étendre à partir de la fin des années 1.9
     1990 autour du centre-ville reconstruit et la transformation du paysage urbain
     par la construction de tours sur les hauteurs du quartier Sursock et en bordure
     de la gare routière et de l’avenue Charles Hélou qui longe le port.
1     Les transformations économiques et sociales que connaissent les quartiers
                                                                                        1.10
      de Gemmayzeh et de Mar Mikhael au cours des vingt dernières années
      avec le déclin des activités artisanales et du petit commerce, l’ouverture de

2     restaurants et de bars, le développement de nouvelles activités culturelles
      et artistiques et l’arrivée de nouvelles couches de population plus jeunes
      qui se mêlent aux anciens habitants et viennent renforcer la mixité sociale
      dans ces quartiers.
     Les conséquences socio-économiquesde la catastrophe
                                                        et les principaux défis à affronter
3
       L’importance des dégâts dus à l’explosion du 4 août qui a affecté de façon
       particulière les quartiers anciens de Beyrouth et les conséquences

4      dramatiques de la catastrophe aux niveaux économique et social ont eu pour
       effet l’apparition de besoins urgents qui s’inscrivent dans le cadre d’une
       échelle de priorités imposée par la situation sur le terrain.
5
    2.1                                  L’Habitat
       La nécessité d’assurer des logements temporaires (ou définitifs) durant        2.1.1
       la période de reconstruction et d’offrir des conditions d’habitat décent
       aux habitants des régions les plus durement touchées jusqu’à la
       réhabilitation complète de leurs logements.

       L’établissement d’un cadre législatif et opérationnel permettant la         2.1.3
       création de logements sociaux dans les régions sinistrées, en
       particulier dans les quartiers de la Quarantaine et de Mdawar.

    2.2 Les enjeux économiques et les conditions de vie des populations

          La prise en compte des besoins prioritaires des habitants et la
                                                                                      2.2.1
          nécessité d’inscrire la reconstruction dans le cadre d’une approche
          sociale et humanitaire

    2.3                                 Education:

           Assurer de manière prioritaire la restauration des établissements 2.3.1
           scolaires publics et privés situés dans la région sinistrée afin de
           permettre le démarrage de l’année scolaire.
1
    Reconstruire et réhabiliter les établissements sinistrés en respectant les
    critères de sécurité et de développement durable ainsi que les

2   conditions d’accessibilité des personnes handicapées.                              2.3.2

             2.4                                  La santé
    Reconstruire le secteur de la santé (hôpitaux et centres médicaux) pour répondre aux
    besoins urgents des populations, l’explosion ayant occasionné de très graves dégâts
    à 4 hôpitaux principaux et à plusieurs centres médicaux dans la région sinistrée.
3
               Vers une vision prospective
                                                              de la réhabilitation urbaine
        Cette section du document présente les principes généraux de l’étude urbaine
4       qui devra être menée suite à la mise sous étude par le Conseil Supérieur de
        l’Urbanisme de l’ensemble de la région sinistrée.
        Cette mise sous étude implique de réexaminer l’ensemble des données relative à
5
        la région sinistrée et sa mise en relation avec les autres quartiers de Beyrouth.
        Elle devrait s’articuler autour des principes suivants

      3.1     La région du port et sa relation à la ville :

            Réévaluer le rôle du port de Beyrouth en tant que pôle économique 3.1.1
            majeur en relation avec les autres ports sur le littoral libanais et par
            rapport aux ports principaux situés sur la rive Est de la Méditerranée.

            Relier le port aux quartiers centraux de la ville et rétablir sa relation 3.1.2
            avec les quartiers sinistrés.

      3.2     La problématique des déplacements
                                               :
            Installer la question du développement des transports publics et des 3.2.1
            voies de circulation douce comme objectif prioritaire de la
            reconstruction. La région sinistrée suffoque du fait des problèmes de
            trafic et de la dépendance aux véhicules privés.
             Toute tentative de résoudre le problème de la circulation par la
             création de stationnements supplémentaires est vouée à l’échec
                                                                                       3.2.2
             puisque, comme l’indiquent toutes les études récentes, ce type de
             démarche aboutit à exacerber les problèmes de trafic au lieu de les
             résoudre.
1   3.3 La morphologie et la typologie urbaines :             3.
    Etudier la morphologie des quartiers sinistrés en relation avec la typologie 3.3.1
    des bâtiments et des voies, et Accorder une attention particulière aux
    relations entre les différents quartiers dans la zone affectée par l’explosion
2
    ainsi que leur relation aux quartiers avoisinants et au port.

    3.4     Les espaces publics :
                                                                                  3.4.1
    Saisir les opportunités offertes pour lancer des projets sur les espaces publics
    dans les quartiers sinistrés, certains de ces espaces possédant des
    potentialités importantes pour devenir des lieux de rencontre et d’échange.
3
    3.5     Les zones « sensibles » :
     Se pencher sur les zones « sensibles » au contact entre les quartiers afin        3.5.1
     de relier les différents services et les différentes entités tout en
     préservant leurs fonctions économiques et sociales.
4
    3.6 Les règlements et les plans d’urbanisme :
      Revoir les règlements d’urbanisme dans la zone sinistrée afin de                 3.6.1
5     renforcer l’interaction entre les différents quartiers et préserver le
      patrimoine et la variété des caractéristiques architecturales dans la ville.

    3.7 Réévaluer les plans et les projets existants
      Réévaluer les plans et les projets existants dans les différentes institutions
                                                                                       3.7.1
      officielles (Direction Générale de l’urbanisme, Municipalité de Beyrouth,
      Conseil du Développement et de la reconstruction, etc…)

             Les enjeux de la protection
                                                       du tissu urbain patrimonial
                                                                    et de sa revitalisation

        Le caractère patrimonial des quartiers sinistrés, que ce soit par
        rapport à leur morphologie générale ou par rapport aux unités
        constitutives de leur tissu urbain, doit être envisagé dans le cadre           4.1
        d’un projet intégré qui considère le site comme un tissu urbain et
        social vivant afin de préserver la diversité d’un patrimoine qui reflète
        les différentes étapes de développement de ces quartiers.

          Le tissu urbain à caractère patrimonial doit être mis au service des
                                                                                       4.2
          besoins du tissu social et de son rôle dans la vie contemporaine.

          Les quartiers à caractère patrimonial doivent être considérés comme
          des zones particulières obéissant à des plans et des règlements qui
          concernent l’ensemble de ces quartiers et ne doivent pas être 4.3
          considérés comme un ensemble de bâtiments isolés.
1                La gestion et l’organisation
                                                        du processus de requalification
                                                        urbaine et de reconstruction

     Cette section du document concerne le mode de travail des groupes qui seront
2    constitués par l’Ordre des Ingénieurs et Architectes de Beyrouth en partenariat avec
     les écoles d’architectures et tente de définir des objectifs concrets réalisables. Le
     travail de ces groupes s’inscrit dans le cadre de la « Déclaration de Beyrouth » et vise
     à constituer un groupe de pression capable de peser sur les décisions des instances
     officielles et à produire une vision claire de l’avenir des quartiers sinistrés.

    5.1     Les tâches et les priorités :
3          Dès la fin des interventions d’urgence (soutènements des bâtiments           5.1.1
           endommagés, hébergement d’urgence, etc…), il deviendra nécessaire
           d’établir des priorités et des mécanismes de suivi pour les opérations de
           réhabilitation et de requalification urbaine afin de veiller au bon
4          déroulement de ces opérations et répondre aux aspirations des habitants
           de la ville et des citoyens libanais.
    5.2 Le rôle des universités :
5
          Définir en détails les thèmes de la recherche et lancer la discussion en 5.2.1
          petits groupes.
          Travailler à travers les programmes académiques sur les problématiques 5.2.2
          émergentes (problématiques urbaines, architecturales, morphologiques
          et sociales) et identifier ces problématiques comme des points de départ
          pour la mise en place de solutions appropriées.

          Etablir une base de données partagée avec un dossier (folder) pour 5.2.3
          chacune des universités, organiser la coordination entre les universités
          ainsi que l’échange avec les institutions publiques et les organisations
          civiles (l’organisation des données est de la responsabilité de l’Ordre des
          Ingénieurs et Architectes).

    5.3       L’organisation des ateliers
                                         :
          Après le premier atelier prévu à la fin du mois de novembre 2020, une 5.3.1
          série d’ateliers sera organisée afin d’échanger les idées et les expériences
          entre les différents intervenants et discuter des différentes propositions et
          projets présentés par les universités en partenariat avec les institutions
          publiques et les organisations de la société civile.

    5.4 La banque de données et la documentation :

          L’établissement d’une banque de données permet de formuler une vision 5.4.1
          intégrée du devenir de la ville à travers un effort intellectuel basé sur la
          documentation des informations, des initiatives, des recherches et des
          projets.
L’Ordre des Ingénieurs et Architectes,
                 à travers les associations d’architectes
                 et d’urbanistes membres de l’Ordre, et
                 en      partenariat      avec      les    écoles
                 d’architecture au Liban, se propose de
                 créer       un       observatoire         urbain
                 permanent, afin d’assurer le suivi et la
                 documentation des initiatives et des
                 projets et participer à l’élaboration
                 d’une          vision        globale          des
                 problématiques et des transformations
                 urbaines         dans      le     cadre       des
                 perspectives d’avenir de la société
                 libanaise.
L’Observatoire                         OEA – BEIRUT
     Urbain
                 Cet observatoire se propose :

                 De constituer une banque de données
                 regroupant les informations, les études, les
                 recherches et la documentation existante.

                 D’assurer le suivi des initiatives sur le terrain
                 ainsi que les différents projets proposés et
                 de les documenter.

                 De mettre en place les outils opérationnels
                 permettant d’assurer le développement de
                 l’Observatoire à l’avenir
Ont participé à l’élaboration et à la discussion de la “Déclaration de Beyrouth”

Le président de l’Ordre des Ingénieurs et Architectes

L’Association des Architectes à l’Ordre des Ingénieurs et Architectes

L’Association des Urbanistes à l’Ordre des Ingénieurs et Architectes

Fondation Chadirji pour l’Architecture et la Société.

Le Comité des Ecoles d’Architecture :

Université Libanaise (UL) - Faculté des Beaux-Arts et d’Architecture.

L’Académie Libanaise des Beaux-arts (ALBA) - Université de Balamand.

Université Arabe de Beyrouth (BAU).

Université Libano Américaine (LAU).

Université Notre Dame de Louaizeh (NDU).

Université Américaine de Beyrouth (AUB).

Université Saint-Esprit de Kaslik (USEK).
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