VIRUS ANTOINE D'AGATA 10 - 31 octobre 2020 - Brownstone Foundation
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VIRUS ANTOINE D’AGATA 10 - 31 octobre 2020 FONDATION BROWNSTONE 26 rue Saint Gilles 75003 Paris Dans les circonstances qui ont marqué le monde ces derniers mois, nous avons souhaité vous faire découvrir VIRUS, le regard d'Antoine d'Agata sur la crise sanitaire provoquée par le Covid-19 et ses résonances sociales et politiques. L’exposition présente une installation de 1 000 photographies sur les 13 000 réalisées par Antoine d’Agata entre le 11 mars et le 11 mai 2020 et préfigure la sortie le 29 octobre 2020 du nouvel Opus de l’artiste édité par le Studio Vortex. SERVICE RÉA COVID -19, Hôpital Bagatelle, Bordeaux, Avril 2020 © Antoine d’Agata - Magnum Photos - courtesy Magnum Photos Gallery et Galerie les Filles du calvaire “ Nous ne sommes qu’un peu de chaleur solaire emmagasinée, organisée, un souvenir de Soleil. Un peu de phosphore qui brûle dans les méninges du monde. ” Paul Cézanne Dès le premier jour du confinement consécutif à l’épidémie de Covid-19, Antoine d’Agata a parcouru les rues de Paris avec un appareil thermique pour enregistrer, à sa manière, l’épisode viral qui a fait de la ville un étrange théâtre d’âmes errantes, de têtes baissées et de corps fuyants. C’est comme « agent de contamination » qu’il s’est engagé dans l’expérience ouverte par l’épidémie et le confinement. D’abord attiré par la façon dont cet appareil thermodynamique enregistre les rayonnements infrarouges (ondes de chaleur) émis par les corps et qui varient en fonction de leur température, l’artiste a vite été fasciné par un processus qui réduit les sujets humains à des figures essentielles, dénuées de caractéristiques ou spécificités superflues.
Installé deux mois durant dans les bureaux de l’agence Magnum à Paris, il a utilisé la technique thermique pour rendre compte de l’imprégnation de la ville désertée dans le confinement : ville plongée dans le silence, traversée par des corps aux attitudes stéréotypées, habitée surtout par les sans- abris qui apparaissent, à l’image, comme les derniers corps véritablement vivants et résistants, les compositions austères et teintées de flammes offrant une vision alternative et dystopique des rues qui se vident. Antoine d’Agata : « Ce travail documentaire est dominé par l'utilisation de la technologie thermique car elle offre la capacité de capturer des informations auxquelles la photographie telle que nous la connaissons n’a pas accès. Il n’est pas question d’esthétique mais d’une technique qui me permet de générer un langage visuel qui appréhende la réalité de « la vie nue » dans une perspective à la fois sensorielle, politique et existentielle. Alors que le coronavirus déchirait le continent et que les populations s’isolaient, nourri de quelques mots d’Henry James cités par Jean-Luc Godard – Nous travaillons dans le noir - nous faisons ce que nous pouvons - nous donnons ce que nous avons. Notre doute est notre passion et notre passion est notre tâche – j’ai traqué la chaleur emmagasinée par les corps, dans la rue d’abord, puis très vite dans les unités de soins continus et de réanimation Covid-19. J’ai produit ces deux derniers mois 13 000 images (6 500 dans le rues de la capitale, 6 500 dans divers hôpitaux) dormant parfois des jours durant au sein même des structures hospitalières, photographiant les interactions entre docteurs, infirmiers, aide-soignants, ambulanciers et patients, les gestuelles et rituels médicaux, de soins, d’hygiène ou de confort. C’est cette ambivalence entre solidarité et contamination, cette inéluctabilité de la mort sociale et de la mort physiologique que j’ai tenté d’appréhender, à travers un langage des sens et de la résistance qui transfigure les corps, l’image thermique faisant surgir des formes, des postures, des figures, des courbes, des zones imperceptibles à l’œil nu. » La situation requérait des veilleurs. Mathilde Girard, philosophe et écrivaine, écrit dès le début du confinement des fragments de ce qu’elle perçoit dans l’emballement des discours et des règles sanitaires, ce qu’elle voit dans la rue, les histoires qu’elle entend. En écrivant, il s’agissait pour elle, sans juger, de veiller aux effets du confinement sur la séparation entre les corps ; décrire tout ce qui apparaissait de stupéfiant dans la ville, comment les habitants se comportaient les uns avec les autres, comment les oiseaux volaient. Au bout d’une quinzaine de jours, elle prend contact avec Antoine d’Agata pour prendre de ses nouvelles. Ils étaient seuls l’un et l’autre dans la ville. Ils ont commencé une correspondance : Antoine envoyant les photos qu’il prenait ; Mathilde ses fragments. Il est apparu très vite qu’une vérité se dégageait de cet échange et du rapport entre image et texte. Un sentiment de responsabilité, d’obligation collective, de voir et saisir en détail, jour après jour, le mélange de violence et de douceur, d’austérité politique et de solidarité a guidé leur démarche. Le geste photographique et le travail littéraire se sont rencontrés dans ce même souci, dans cette situation tragique et froide dont ils ne pouvaient se détourner.
VIRUS, Éditions STUDIO VORTEX. Photographies de ANTOINE D’AGATA Textes de MATHILDE GIRARD PHILIPPE AZOURY MEHDI BELHAJ KACEM LÉA BISMUTH JUAN BRANCO YANNICK HAENEL FRÉDÉRIC NEYRAT Première édition française : 550 exemplaires Dont une édition spéciale de 50 exemplaires accompagnés d’un tirage original signé Première édition anglaise : 350 exemplaires Dont une édition spéciale de 50 exemplaires accompagnés d’un tirage original signé Parution le 29 octobre 2020 Contact: www.studio-vortex.com DIRECTION ARTISTIQUE │ PROJET VIRUS : Tania BOHÓRQUEZ PRODUCTION │ PROJET VIRUS : Giulietta PALUMBO DIRECTION ARTISTIQUE │ LIVRE VIRUS : João LINNEU COORDINATION & PRODUCTION │ STUDIO VORTEX : Lucille LAGIER CONSEIL ARTISTIQUE │ PROJET VIRUS : Fannie ESCOULEN COORDINATION : Giulietta PALUMBO, Christophe CALAIS, Clarisse BOURGEOIS POST-PRODUCTION : Giulietta PALUMBO & Charlie JOUVET TRADUCTIONS ÉDITION ANGLAISE : Jeremy MERCER DIRECTION ARTISTIQUE │ EXPOSITION VIRUS : Samantha BARROERO GRAPHISME AFFICHE : Christophe RENARD RETRANSCRIPTIONS │ LIVRE VIRUS : Dilan D’AGATA IMPRESSION : MAS MATBAA, ISTANBUL Le projet VIRUS a reçu le soutien de la BROWNSTONE FOUNDATION. Cet ouvrage a bénéficié du soutien de la FONDATION ANTOINE DE GALBERT. EXPOSITION VIRUS du 10 au 31 octobre 2020 Installation de ANTOINE D’AGATA Commissariat : Antoine D’AGATA et Samantha BARROERO Scénographie : Laurent FRIQUET Assistant de production: Vincent CHAGOT Sortie du livre les 29-30 et 31 octobre 2020 en présence des auteurs de 16h à 20h Le 29 octobre 2020 : Lecture de MATHILDE GIRARD et MEHDI BELHAJ KACEM à 20h00 FONDATION BROWNSTONE, 26 rue Saint Gilles 75003 Paris. Du mardi au samedi 14h-19h Visuels disponibles sur demande Contact: Samantha BARROERO - samantha@brownstonefoundation.org www.brownstonefoundation.org L’exposition VIRUS est produite en partenariat avec LE BAL dans le cadre du projet de soutien à la création « Après » par TRAM Réseau art contemporain Paris / île-de-France
INSTAGRAM: @ANTOINEDAGATA À découvrir aussi « La Vie nue » réalisé par l’artiste pour la 3ème Scène de l’Opéra de Paris à partir du projet Virus Antoine d’Agata est membre de l’agence Magnum Photos. Il est représenté par la Galerie Magnum et la Galerie des Filles du Calvaire à Paris. La Fondation Brownstone est une organisation à but non lucratif avec pour objectif de soutenir et d’accompagner les actions sociales et humanitaires en faveur du développement de la culture et de l’éducation pour permettre plus de justice sociale. Ce projet a reçu le soutien de LA VILLE DE PARIS CARINE ROLLAND, ADJOINTE À LA MAIRE DE PARIS EN CHARGE DE LA CULTURE DU CENTRE INTERNATIONAL & D’ÉCHANGES DES RÉCOLLETS CHRYSTEL DOZIAS, DIRECTRICE DU CENTRE INTERNATIONAL D’ACCUEIL & D’ÉCHANGES DES RECOLLETS
VIRUS ANTOINE D’AGATA October 10 - 31. 2020 FONDATION BROWNSTONE 26 rue saint-gilles 75003 Paris Under the circumstances that have marked the world, we invite you to discover VIRUS, Antoine d'Agata's view of Covid-19 and its social and political resonances. The exhibition will present an installation of 1000 images out of the 13,000 produced by Antoine d'Agata between March 11 and May 11, 2020 and foreshadows the release on October 29, 2020 of the artist's new Opus edited by Studio Vortex. LOCKDOWN, Metro station Olympiades, March 17. 2020 © Antoine d'Agata – Magnum Photos - courtesy Magnum Photos Gallery et Galerie les Filles du calvaire “We are only a little stored, organized solar heat, a memory of Sun. A little phosphorus that burns in the meninges of the world. ” Paul Cézanne From the first day of confinement ensuing the outbreak of the Covid-19 epidemic, Antoine d'Agata roamed the streets of Paris with a thermal camera to record, in his own unique way, the viral epidemic that turned the city into a strange theatre of wandering souls, bowed heads and fleeing bodies. Initially attracted by the way in which the thermodynamic device records the various infrared rays (heat waves) emitted by bodies, which vary according to their temperature, the artist was soon fascinated by a process that reduces human subjects to essential figures, devoid of superfluous characteristics or specificities.
Living and working for two months out of the Paris office of the Magnum Photos agency and gallery, he used the thermal technique to document the impregnation of the deserted city existing under confinement: a city plunged into silence, traversed by bodies with stereotypical attitudes, inhabited above all by the homeless who appear - in these images - as the last truly living and resistant bodies, austere and flame-tinged compositions offering an alternative and dystopian vision of the emptying streets. Antoine d’Agata: « This documentary work is dominated by the use of thermal technology because it offers the ability to capture information that photography as we know it cannot. It is not a question of aesthetics but of a technique under development that allows me to generate a visual language that apprehends reality from both an existential and political perspective. As the coronavirus tore the continent apart and people isolated themselves, I was fed by words from Henry James quoted by Jean-Luc Godard - We work in the dark - we do what we can - we give what we have. Our doubt is our passion and our passion is our mark - I tracked the heat stored by bodies, first on the street and then - very soon after that - in the Covid-19 continuing care and resuscitation units. In the last two months I produced 13,000 images (6,500 in the streets of the capital, 6,500 images in various hospitals) sometimes sleeping for days on end within the hospital buildings, photographing the interactions between ambulance drivers, doctors, nurses, and patients – gestures spanning the medical, hygienic, and comforting. It is in this ambivalence between solidarity and contamination, this inevitability of social and physiological death, that I tried to apprehend, traversing a language of senses and of resistance that transfigures the body. The thermal image freezes forms, postures, figures, poses, zones imperceptible to the naked eye.” The situation required watchmen. Mathilde Girard, philosopher and writer, writes from the start of the confinement fragments of what she perceives in the excitement of speeches and sanitary rules, what she sees in the street, the stories she hears. Writing was for her, without judging, a means of observing the effects of confinement on the separation between bodies; to describe everything that seemed stupefying in the city, how the locals behaved with each other, how the birds flew. After two weeks, she contacted Antoine d'Agata to inquire about him. They were both alone in the city. They started a correspondence: Antoine sending the photos he was taking; Mathilde her fragments. It soon became clear that a truth emerged from this exchange and from the relationship between image and text. A feeling of responsibility, of collective obligation, of seeing and grasping in detail, day after day, the mixture of violence and gentleness, political austerity and solidarity guided their approach. The photographic gesture and the literary work met in the same concern, in this tragic and cold situation from which they could not turn away.
VIRUS, STUDIO VORTEX Editions Photographs ANTOINE D’AGATA Texts MATHILDE GIRARD PHILIPPE AZOURY MEHDI BELHAJ KACEM LÉA BISMUTH JUAN BRANCO YANNICK HAENEL FRÉDÉRIC NEYRAT First French edition: 550 copies Including a special edition of 50 copies with a signed original print. First English edition: 350 copies Including a special edition of 50 copies with an original print Book release: October 29. 2020 Contact: www.studio-vortex.com DIRECTION ARTISTIQUE │ PROJET VIRUS : Tania BOHÓRQUEZ PRODUCTION │ PROJET VIRUS : Giulietta PALUMBO DIRECTION ARTISTIQUE │ LIVRE VIRUS : João LINNEU COORDINATION & PRODUCTION │ STUDIO VORTEX : Lucille LAGIER CONSEIL ARTISTIQUE │ PROJET VIRUS : Fannie ESCOULEN COORDINATION : Giulietta PALUMBO, Christophe CALAIS, Clarisse BOURGEOIS POST-PRODUCTION : Giulietta PALUMBO & Charlie JOUVET TRADUCTIONS ÉDITION ANGLAISE : Jeremy MERCER DIRECTION ARTISTIQUE │ EXPOSITION VIRUS : Samantha BARROERO GRAPHISME AFFICHE : Christophe RENARD RETRANSCRIPTIONS │ LIVRE VIRUS : Dilan D’AGATA IMPRESSION : MAS MATBAA, ISTANBUL This project received the BROWNSTONE FOUNDATiON support. This work was supported by the ANTOINE DE GALBERT FOUNDATION. VIRUS EXHIBITION October 10-31. 2020 ANTOINE D’AGATA Installation Curators : Antoine D’AGATA et Samantha BARROERO Scenography: Laurent FRIQUET Production assistant: Vincent CHAGOT BOOK LAUNCH October 29-30-31. 2020 : Book release with the authors from 4.00 to 8.00 pm 8.00 pm - October 29. 2020 : Lecture with Mathilde Girard and Mehdi Belhaj Kacem FONDATION BROWNSTONE, 26 rue Saint Gilles 75003 Paris. From Tuesday to Saturday 2.00-7.00 pm Visuals available on request Contact: Samantha BARROERO - samantha@brownstonefoundation.org www.brownstonefoundation.org This project is produced in partnership with LE BAL as part of the creation support project "Après" by TRAM Réseau art contemporain Paris / île-de-France
INSTAGRAM: @ANTOINEDAGATA Also discover « La Vie nue » produced by the artist for 3ème Scène for Paris Opera as part of the Virus project Antoine d’Agata is member of Magnum Photos. He is represented by Galerie Magnum and Galerie des Filles du Calvaire - Paris The Brownstone Foundation is a non-profit organization with the objective of supporting and accompanying social and humanitarian projects in favor of the development of culture and education to help obtain more social justice. This project has received support from LA VILLE DE PARIS CARINE ROLLAND, DEPUTY MAYOR OF PARIS IN CHARGE OF CULTURE CENTRE INTERNATIONAL & D’ÉCHANGES DES RÉCOLLETS CHRYSTEL DOZIAS DIRECTOR OF CENTRE INTERNATIONAL D’ACCUEIL & D’ÉCHANGES DES RECOLLETS
ANTOINE D’AGATA est né en 1961 à Marseille. Son œuvre photographique rend compte, de manière subjective et implacable, du monde qui est le nôtre, de jour comme de nuit. Il a fortement marqué les esprits avec son exposition Anticorps, au BAL, à Paris, en 2013. Il est membre de Magnum photos et son travail est représenté par la Galerie des Filles du Calvaire à Paris. Le photographe s’est toujours efforcé de percer les normes, les frontières, à ne pas vivre la société comme un ensemble qu’on documente mais un magma qu’on pénètre sans s’épargner. Sa grande question, que prolongent de si déroutants clichés d’actualité, est celle de l’obscénité au sens strict du terme. Obscène : qui est ou doit être tenu hors de la scène, de là où l’on regarde. Il a créé sa propre maison d’édition, STUDIO VORTEX, avec laquelle il a publié Manifesto, Acéphale, S.T.A.S.I.S. MATHILDE GIRARD est née en 1979 à Paris. Elle est philosophe, psychanalyste et écrivain. Son geste d’écriture s’est tissé dans les marges de chaque discipline qu’elle traverse de façon passagère, sans s’installer, choisissant pour chaque objet qu’elle se donne la forme d’écriture qui s’impose à elle. Elle est membre du comité de la revue Lignes, et a collaboré régulièrement aux Chroniques Purple et à Diacritik. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages : Proprement dit, entretien sur le mythe, avec Jean-Luc Nancy (Lignes, 2015) ; L’Art de la faute – selon Georges Bataille (Lignes, 2017) ; Défense d’écrire – entretiens, avec Michel Surya (Encre Marine, 2018) ; La Besogne des images, avec Léa Bismuth (Filigranes, 201) Un personnage en quête de sublimation (Gallimard, 2019). Depuis 2017, elle travaille aussi avec des artistes, et écrit pour le cinéma. Elle a écrit dans le volume dirigé par Antoine d’Agata, La Nuit épuisée (2018) ; et dans l’ouvrage d’Anne-Lise Broyer, Les Globes oculaires. Journal de l’Oeil (2019). Elle a participé à l’écriture de trois films de Marylène Negro : Stone, Double Portrait, Rénovation (2018) ; et co-écrit trois films de Pierre Creton : Va, Toto (2017) ; Le Bel été (2019) ; et D’Après le vœu (en cours d’écriture). Elle réalise maintenant ses premiers films : Ça a recommencé l’émerveillement ; Mon personnage (2020, production JHR) Les Épisodes - Printemps 2018. (2020, Acéphale production, FID MARSEILLE 2020 Sélection officielle) MEHDI BELHAJ KACEM est né le 17 avril 1973 à Paris. Il est écrivain indépendant et philosophe. Il est auteur d’une quarantaine d’ouvrages, dont pour les plus récents : Système du Pléonectique (Diaphanes – Anarchies, 2020) ; et Immortelle finitude, avec Jean- Luc Nancy et Raphaëlle Milone (Diaphanes – Anarchies, 2020).
Série Lockdown, photographies réalisées pendant le confinement dans les rues du Paris Mars-Mai 2020 © Antoine d'Agata – Magnum Photos - courtesy Magnum Photos Gallery et Galerie les Filles du calvaire
REGARDER VOIR ET IL NOUS A MIS LA FIÈVRE… Par Didier Péron et Julien Gester — 3 avril 2020 à 20:11 Chronique «Regarder Voir» : chaque semaine une photo parue dans le journal, observée d’un peu plus près. Et il nous a mis la fièvre… Photo Antoine d'Agata On est dans le rouge. La ville ressemble à un corps opaque et caverneux qui se vide par de lourds vaisseaux sanguins asphyxiés, et la connaissance des risques inhérents à la pandémie nous fait parcourir à notre tour ce que Proust nommait «un Léthé intérieur aux sextuples replis», cité souterraine qui s’ouvre sous la peau et qu’on entrevoit telles des captures hypnotiques de planètes interdites à l’occasion des scanners et IRM révélant l’invisible. L’auteur de ces images parues le week-end dernier, en commande pour Libé, n’est autre qu’Antoine d’Agata, au prodigue parcours de photographe virtuose et controversé, dont le trait le plus marquant jusqu’à récemment n’était pas l’ambition d’expérimentation technologique - il s’était toutefois déjà saisi, pour la première fois, de thermophotographie voilà quelques années afin de flasher les corps recueillis entre les murs de mosquées parisiennes (clichés déjà frappants, bien qu’autrement moins aboutis techniquement, qui figuraient dans son projet Acéphale, paru en 2018). Qu’il s’attache à fixer la chaleur des formes humaines et autres qui l’entourent prolonge ainsi moins un geste d’artiste bricolo-geek que celui, obsessionnel, et plus philosophique, qui le conduit à sonder depuis des décennies les franges les plus enténébrées du visible, et de ce qu’il est possible, convenable ou moral de montrer - jusqu’à s’y abîmer souvent lui-même. Passe-muraille Le photographe s’est toujours efforcé de percer les normes, les frontières, à ne pas vivre la société comme un ensemble qu’on documente mais un magma qu’on pénètre pour en découvrir le revers. En 2016, dans Télérama, cet amoureux de Francis Bacon et de Georges Bataille expliquait : «Aujourd’hui, il manque des gens qui réinventent l’humanité. Le terme d’artiste ne me convient pas, il est trop lourd, je me vois plutôt comme un agent de contamination.» Sa grande question, que prolongent de si déroutants clichés d’actualité, est celle de l’obscénité au sens le plus strict et étymologique du terme. Obscène : qui est ou doit être tenu hors de la scène, de là où l’on regarde. Dans son souci moins d’en questionner que d’en enfoncer les contours la tête la première, le Français a trempé son appareil dans toutes sortes de commerces sous-éclairés et sordides, et c’est ici la surface même des choses, l’épiderme des êtres et du monde que dégonde son œil passe-muraille. Non sans répliquer l’imagerie d’une certaine omniscience totalitaire qui n’a plus rien de futuriste - il n’y a qu’à considérer les mesures de contrôles drastiques engagées en Chine pour contenir l’épidémie - et ouvrir quelques nouveaux abîmes éthiques au passage. Ombres Aux premiers jours du confinement en France, D’Agata a parcouru Paris avec un appareil thermodynamique pour enregistrer, à sa manière, l’épisode de la nouvelle peste transformant la capitale en un théâtre d’ombres rasant les murs. Ces images amalgamant dans le même continuum des fièvres matérielles et physiques un monde qui brûle ou se refroidit, une température de main vaut celle du caoutchouc de l’escalator, de même que sur d’autres photos, les vitres rougeoyantes d’un supermarché aux allures de plaques chauffantes absorbent la lumière des corps qui les jalonnent dans un effet de combustion synchrone. La nouvelle société de surveillance sera celle du thermomètre et il y aura peut-être, à l’avenir, une interdiction formelle de se gaver de Doliprane pour tenter d’échapper à l’ostracisme social. Dystopie à 37,2° C le matin comme nouveau chiffre venant remplacer subitement la terrible prophétie orwellienne de 1984. Didier Péron , Julien Gester
À découvrir aussi « La Vie nue » réalisé par l’artiste pour la 3ème Scène de l’Opéra de Paris à partir du projet Virus
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