Vivre le Vieux Pierre de Billy - Continuité - Érudit
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Document généré le 15 déc. 2022 23:38 Continuité Vivre le Vieux Pierre de Billy Numéro 72, printemps 1997 Vieux-Montréal URI : https://id.erudit.org/iderudit/16960ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Éditions Continuité ISSN 0714-9476 (imprimé) 1923-2543 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article de Billy, P. (1997). Vivre le Vieux. Continuité, (72), 48–52. Tous droits réservés © Éditions Continuité, 1997 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/
Vivre le Vieux VINCENT DI CANDIDO, LE GALÉRISTE V incent Di Candido est un La vie d'un quartier, fut-il historique, homme pour qui l'engage- ment dans la vie de quartier n'est pas une vaine formule. est d'abord et avant tout insufflée p a r les gens qui y vivent, Il n'y a pas cinq ans qu'il a emménagé sur la rue Saint- qui y travaillent, qui l'habitent dans ses coins et recoins, Paul qu'il est déjà devenu éditeur de l'annuaire des marchands du Vieux- Montréal, directeur du mensuel Échos du dans son endroit comme dans son envers et sous toutes les cou- Vieux-Montréal et président de l'asso- ciation des commerçants de son quartier. tures. C'est ce que font les Vincent Di Candido, George Il mène tout ça en parallèle avec les acti- vités de son commerce, Le relais des épo- ques, une galerie d'art spécialisée dans la Coulombe, Pierre Benoît, Claude Piché.... production d'artistes montréalais. «Je n'ai pourtant pas de goût particulier pour les p a r Pierre de Billy postes de prestige et les dîners de cham- bre de commerce, tient-il à préciser. Mais quand je suis arrivé dans mon nouveau coin, j'ai réalisé avec stupeur que le taux d'inoccupation des locaux commerciaux atteignait des sommets de côté-ci du vieux quartier. Il fallait faire quelque chose. Les commerçants de mon coin manquaient cruellement d'outils pour lut- ter contre cette léthargie dont souffrait le Vieux-Montréal. Au premier chef, il deve- nait impératif de créer un organisme pou- vant vraiment les représenter et faire entendre leurs griefs et aspirations à la Ville et dans les ministères. » U N EFFET D'ENTRAÎNEMENT À vrai dire, il existait déjà, à l'arrivée de Vincent Di Candido, une association de commerçants du Vieux-Montréal, mais Vincent Di Candido estimait que l'orga- nisme représentait mal les marchands qui, comme lui, avaient pignon sur rue plus à l'ouest. Il commence donc par fon- der l'Association des commerçants de la rue Saint-Paul Ouest. Intéressés par le « Le Vieux-Montréal, c'est notre quartier, un lieu que nous voulons vivant. » Vincent Di Candido, le galériste. Photo: Mark Anthony Price 2 numéro soixante-douze D o s s i e r
dynamisme de cette nouvelle organisa- d'hiver à la saison froide), Vincent Di tion, d'autres commerçants du secteur Candido donne plusieurs dizaines d'heu- demandent à y adhérer. L'association se res par semaine à son quartier. Du temps mue donc Association des commerçants et de l'énergie qui ne se traduisent pas du Vieux-Montréal Ouest. « C'était nécessairement par des tintements dans le comme si tout se qui trouvait un peu trop tiroir-caisse. «C'est notre quartier, un lieu à l'ouest du noyau touristique de la place que nous voulons vivant. Pour le moment, Jacques-Cartier comptait pour quantité il a besoin d'amis un tant soit peu désinté- négligeable, se remémore Vincent Di ressés. » Candido. Beaucoup de commerçants en souffraient. Il fallait changer cet état de PIERRE BENOÎT, choses. » LE RESTAURATEUR L L'un des premiers gestes posés par cette es vieux quartiers semblent avoir nouvelle association de westerners fut de cette faculté de donner de la faire des représentations soutenues auprès couleur à leurs commerçants. Le de la municipalité pour faire enlever ces Vieux-Montréal n'échappe pas à affiches qui indiquaient «zone résiden- la règle. Pierre Benoît, proprié- tielle » à l'entrée du secteur ouest du taire du restaurant La maison quartier. «Visiteurs et touristes, dit M. Di Cartier, est sans contredit un passionné. Candido, étaient convaincus d'entrer dans Cet homme d'affaires, dont la famille un coin de la ville voué uniquement à tient commerce depuis trois générations l'habitation et où ils n'étaient pas les bien- dans le Vieux, parle avec fougue de venus. Pas fameux pour le commerce, l'évolution de son morceau de la place vous admettrez. » Au bout du compte, Jacques-Cartier, fourmille d'idées et l'engagement de Vincent Di Candido se s'emporte contre «ceux qui profitent de fait tellement omniprésent qu'il est pres- l'afflux touristique pour faire n'importe senti pour assumer la présidence du quoi: les foires de manèges, les fast food Regroupement des commerçants du qui nourrissent sans se soucier du goût, Vieux-Montréal, poste qu'il occupe on a vu passer toutes sortes d'absurdités depuis 1994. «La toute première tâche à issues d'esprits mercantiles; heureuse- laquelle je me suis consacré a été d'établir ment, le jeu s'est un peu calmé. » un climat de confiance sur deux plans: Pourtant, le restaurateur n'est pas à pro- entre les commerçants et les résidents, prement parler un « interventionniste » puis entre les commerçants eux-mêmes. partisan des trains de réglementations. L'unité de ces derniers avait été minée «Au contraire, j ' a i longtemps pesté par un individualisme tenace. » contre les restrictions trop sévères Italien d'ascendance, Français d'origine et concernant les travaux sur les bâtiments Montréalais d'adoption, Vincent Di du Vieux-Montréal. Mais il me semble Candido a choisi de s'établir dans la tout de même que la libre entreprise métropole alors qu'il n'avait que 21 ans. pourrait s'accommoder d'un zonage res- « Ma décision doit un peu beaucoup à une ponsable. » jeune femme du nom de Denise Pierre Benoît n'a jamais habité le Vieux- Beaudet», dit le galériste en jetant un Montréal et pourtant il y a pratiquement sourire du côté de son épouse. Après avoir grandi. « La place Jacques-Cartier, je la occupé plusieurs métiers, il s'est lancé, il y connais depuis toujours, puisque mon a 12 ans dans le commerce de l'art, «un père m'y amenait lorsqu'il venait voir aux créneau pas facile, mais tout à fait enthou- affaires de son hôtel. » Cet hôtel, c'était le siasmant». Leur première boutique était Nelson, un établissement que tous les «Je verrais d'un b o n œil une corporation située rue Sherbrooke, tout près du Montréalais de 40 à 90 ans ont connu. Les municipale indépendante p o u r le Vieux- Musée des beaux-arts de Montréal. « Mais plus âgés se souviendront peut-être de Montréal. » Pierre Benoît, le restaurateur. nous lorgnions du côté du fleuve, dit l'hôtel Jacques-Cartier que le grand-père Photo prise devant l'ancien édifice situé au Denise Beaudet-Di Candido, car nous 267 de la rue Saint-Paul Est, p r o p r i é t é de de Pierre Benoît a acquis en 1927. avons toujours été des amoureux du Pierre Benoît. La façade a été restaurée au «C'était, dit Pierre Benoît, une auberge à Vieux-Montréal. Quand la revitalisation du t o u t d é b u t de 1997 par l'architecte Michel matelots assez malfamée que l'aïeul ache- Lemaire. Un p r o j e t d e reconstruction limité quartier a atteint un niveau viable et qu'un tait pour profiter d'une offre d'expropria- à la façade sur rue préserve ainsi le jardin local abordable s'est libéré, rue Saint-Paul, tion de la Ville qu'il croyait imminente. Nelson situé à l'arrière. nous avons sauté sur l'occasion. » La Ville n'a pas exproprié l'auberge, il a Photo : Mark Anthony Price De tables de concertation en comités bien fallu qu'il se débrouille pour l'opé- d'organisation des fêtes (celle de rer. » Voilà donc comment se fonde une l'Histoire en été et celle de l'escapade dynastie d'hôteliers. D o s s i e r numéro soiixnnte-douze 2
Lorsqu'il a hérité de l'affaire, le père de UN QUARTIER EN QUÊTE D'HABITANTS M. Benoît y a aménagé une salle à man- ger fort courue des amateurs de bonne Le Vieux-Montréal souffre d'un mal nager un parc riverain, redonnant du table de la moitié du siècle. «Les gens de similaire à celui qui afflige l'arrondisse- coup leur fleuve aux Montréalais et la Bourse et les cadres du journal Le ment Vieux-Port-Place-Royale de la attirant d'éventuels résidents. Mais on Devoir aimaient venir dîner dans ville de Québec: il manque d'habi- n'a rien trouvé de mieux que d'accu- l'ambiance luxueuse de l'endroit. On y tants. En saison, il déborde de vie et muler des immeubles sur les emplace- voyait presque tous les midis un jeune de touristes. Mais l'hiver venu, c'est la ments des hangars. » avocat ambitieux qui allait faire son che- désolation. «Ça fait trois décennies Gaétan Trottier n'est pas le seul rési- min, dit avec finesse Pierre Benoît. Le que notre quartier est prisonnier du dent à critiquer l'aménagement actuel gars s'appelait Jean Drapeau. » même cercle vicieux: pas de services, du Vieux-Montréal. Certains habitants pas d'habitants, pas d'habitants, pas actuels, s'exprimant sous le couvert de Mais en 1971, cette salle à manger qui de services, dit Claude Piché, président l'anonymat, en ont contre la façon avait fait la fortune de la famille Benoît sortant de l'Association des résidents dont ont été dépensées les envelop- est d'un style complètement dépassé. du Vieux-Montréal. Un supermarché, pes du ministère de la Culture et des «Elle était passée de mode, voilà tout», une pharmacie, une école primaire, une Communications. «Une fois réalisés dit Pierre Benoît, qui a racheté l'hôtel de ou deux boutiques de prêt-à-porter, les projets de grande envergure sa famille pour tenter de remettre l'entre- voilà au minimum les institutions et comme la rénovation du marché prise sur pied. «J'étais administrateur commerces qu'il faut pour insuffler de Bonsecours, il ne restait plus rien, dans une entreprise et le travail d'auber- la vie à une agglomération.» disent-ils, pour la remise en état des giste à temps partiel ne faisait pas du tout Pierre Benoît se rappelle quant à lui vieux bâtiments. Un vrai scandale partie de mon plan de carrière. Mais, bon, avoir, à une époque, crié sur toutes les quand on sait dans quel état se trou- il fallait bien faire q u e l q u e chose. » tribunes: «Un Steinberg pour le vent des édifices d'intérêt patrimo- Vieux!» Nous en avions fait un slogan, nial.» Ces derniers interlocuteurs Devant la somme prohibitive que lui dit le proprio de La maison Cartier. demeurent sceptiques sur les tables coûterait la rénovation des chambres de Mais pour ça, il faut un peu de volonté de concertation comme celle portant l'hôtel, Benoît décide d'en faire une de changer les choses. Commerçants sur les «orientations de développe- auberge de jeunesse, une formule qui, en et résidents du Vieux-Montréal sont ment pour le Vieux-Montréal » qui a ces glorieuses seventies de bohème, rem- tous d'accord sur le fait que le quar- tenu ses assises en mai dernier. porte un succès i m m é d i a t . « À c e t t e tier ne pourrait qu'y gagner à se don- Le promoteur Georges Coulombe est même époque, il m'arrive un bonhomme ner une véritable communauté. « Des pour sa part plutôt optimiste. Au point avec une drôle de prononciation qui dit estimations très sérieuses ont chiffré à qu'il a décidé de tenter une percée du s ' a p p e l e r " l ' o u v r e - b o î t e " , Raymond plus de 65 millions de dollars la masse côté des immeubles locatifs. «Ce ne L é v e s q u e , chansonnier et homme de monétaire qui s'envole dans la nature sera pas un investissement aussi à cause du manque de services struc- garanti que les locaux commerciaux, théâtre de son état. Il demande à louer turants, dit Vincent Di Candido, prési- estime-t-il, mais il faut bien que ma vieille salle à manger pour y présenter dent du Regroupement des commer- quelqu'un s'y mette si on veut insuffler des revues. » çants du Vieux-Montréal. Même des un peu de dynamisme dans ce quar- Tout au long de la décennie qui suivra, le secteurs comme l'hôtellerie, qui tier. » Résidents et commerçants se Nelson est d e v e n u un haut lieu du devrait pourtant être florissant avec mettent d'accord sur un nombre mini- Montréal nocturne, alternant les vocations l'afflux touristique, sont presque mal de 3500 habitants pour rendre le de discothèque et de salle de spectacle. absents. » Vieux-Montréal viable du point de vue résidentiel. Mais, au-delà de ce chiffre, En 1980, les inspecteurs du bâtiment fer- Pour Gaétan Trottier, propriétaire de peu de gens osent s'avancer sur la ment l'hôtel Nelson et Pierre Benoît met l'auberge-restaurant La maison Pierre capacité du quartier de soutenir une bientôt tout l'immeuble en vente, ne du Calvet, il est clair que si la situation stagne à cet égard, «c'est que cer- population plus nombreuse. Pour le conservant que sa lucrative petite crêpe- tains s'en fichent». M. Trottier réside restaurateur Pierre Benoît, pourtant, rie, voisine immédiate du N e l s o n : La dans le Vieux-Montréal depuis près de ça ne fait pas de doute : « Allons bon ! maison Cartier. 35 ans. «J'ai vu les soubresauts d'ago- le Vieux-Montréal peut accueillir au En ce qui concerne l'avenir du Vieux- nie d e m o n quartier, témoigne-t-il. moins 20 000 habitants. Il est à prévoir Montréal, Pierre Benoît est relativement Quand j'avais 19 ans, il y avait une que, passé le cap des 5000 résidents, optimiste, bien qu'il estime que tant que école primaire tenue par les sœurs, les choses iront en s'accélérant. » Au moment de mettre sous presse, la son quartier ne sera pas un véritable lieu des épiceries et un marché, bien sûr, Société de développement de de vie, la partie ne sera pas gagnée. «Je le marché Bonsecours. Tout ça a dis- Montréal annonçait l'installation, mar- verrais d'un bon œil une corporation paru en moins d'une décennie, miné par le laisser-faire de la Ville. En 1970, ché Bonsecours, d'une épicerie offrant municipale indépendante», dit le restau- il ne restait pas 300 habitants. Plus produits fins et marques d'aliments rateur, d'un ton inspiré. tard, quand on a voulu «développer» courants. On attend aussi beaucoup le Vieux-Port, on croyait, nous les rési- du retour des maraîchers au hall dents, que les autorités allaient saisir Bonsecours, prévu pour l'été qui s'en l'occasion pour jeter à bas les vieux vient. Ce n'est pas encore le super- entrepôts qui nous cachaient le fleuve. marché, mais ça s'en rapproche. C'aurait été l'endroit rêvé pour amé- -; numérv soixante-douze D o s s i e r
GEORGES COULOMBE, beau-frère, j'apprenais sur le tas à accom- LE PROMOTEUR plir certains travaux de m e n u i s e r i e . Ça n'allait pas tout seul, car je n ' é t a i s pas D ans son b u r e a u , G e o r g e s s p é c i a l e m e n t d o u é p o u r les t r a v a u x Coulombe garde une photo manuels. » de l'époque où il débutait À entendre Georges Coulombe, il est clair d a n s la v i e . L e j e u n e que l'homme d'affaires est encore animé, h o m m e b a r b u et v ê t u un quart de siècle plus tard, de l'enthou- d ' u n e salopette en jean de siasme des débuts. « Ç a peut paraître la photo a déjà cet air résolu du promoteur curieux, mais il y a, dans la remise à neuf d'aujourd'hui. Après 2.1) ans dans la «biz- d'un vénérable bâtiment, un plaisir esthé- n e s s » , ce b l e u e t t r a n s p l a n t é tôt à tique qui n'est pas loin de la création artis- Montréal peut affirmer sans p r é t e n t i o n : t i q u e de m o n p r e m i e r m é t i e r . Ils sont « Le parc immobilier du Vieux-Montréal, d'ailleurs nombreux les artistes et les créa- j e le sais par c œ u r . » L o r s q u ' i l a fait teurs à venir s'établir dans mes locaux. Ils l'acquisition de ses premiers b â t i m e n t s , retrouvent dans le Vieux une ambiance et les investisseurs ne se bousculaient pas au une tranquillité stimulantes qui tranchent portillon pour a c h e t e r d e s i m m e u b l e s avec le rythme fébrile du reste de la ville. » dans le coin. Le taux d'inoccupation des G e o r g e s C o u l o m b e ne p o s s è d e q u ' u n immeubles atteignait alors des sommets et i m m e u b l e s i t u é hors d u p é r i m è t r e du il fallait, pour s'imaginer faire des profits vieux quartier. L e Vieux-Montréal a fait avec l ' i m m o b i l i e r , ê t r e un p e u r ê v e u r . sa fortune; il s'y tient. Cela dit, si le Vieux « O u a v o i r d u flair, c o r r i g e G e o r g e s recèle son lot de bonnes occasions dans C o u l o m b e . La spéculation restait hasar- l'immobilier, la rénovation et la location d e u s e , mais la r é n o v a t i o n pour fins d e d'espaces commerciaux ne s'offrent pas location avait de l'avenir, j ' e n étais sûr. » au p r e m i e r i n v e s t i s s e u r v e n u . Avec un Malgré toute l'ambition de ses 28 ans, le taux d e vacance voisinant les 30 %, le j e u n e C o u l o m b e était loin de se d o u t e r Vieux-Montréal engendre la méfiance des qu'il d e v i e n d r a i t le plus important pro- gérants de banque et il faut apprendre à priétaire immobilier particulier du Vieux- soigner ses locataires. « Un proprio qui se Montréal, gérant 17 i m m e u b l e s c o m p r e - contente de faire du bureau et d'encaisser nant au-delà de 40 000 mètres carrés. Il les loyers tient rarement le coup dans le d é m o n t r a i t t o u t e f o i s un t a l e n t c e r t a i n Vieux, estime le promoteur. Ça prend une pour les affaires. Quelques années aupara- administration de terrain par ici, un suivi vant, il travaillait c o m m e graphiste dans s o u t e n u , un e n t r e t i e n d i l i g e n t et d e s les bureaux du siège social de la compa- c o n t a c t s r a p p r o c h é s a v e c la c l i e n t è l e . gnie Alcan, mais il ressentait u n e sorte Notre quartier se d é m a r q u e du reste de d ' e n n u i à travailler de neuf à cinq pour Montréal. Il ressemble à un gros village. des patrons alors qu'il se sentait les capa- T o u t le m o n d e se connaît et il convient cités de fonder sa propre entreprise. «J'ai de conserver des relations harmonieuses « Tout le m o n d e se connaît dans le Vieux et ouvert ma propre boîte de c o m m u n i c a - e n t r e p r o p r i é t a i r e s , h a b i t a n t s et mar- il convient de conserver des relations har- tions et j'ai choisi d'aménager mes locaux chands. » monieuses entre propriétaires, habitants et d a n s le V i e u x - M o n t r é a l . L ' a t m o s p h è r e marchands. » Georges Coulombe, le p r o - séculaire du q u a r t i e r m ' i n s p i r a i t et les CLAUDE PICHÉ, moteur. c o û t s d e location r e s t a i e n t à la p o r t é e LE RÉSIDENT ENGAGÉ Photo : Mark Anthony Price d'une entreprise débutante. » C laude Piché a quitté cette D é b u t a n t e , sa p e t i t e e n t r e p r i s e ne l'est a n n é e la p r é s i d e n c e d e pas restée très l o n g t e m p s . En q u e l q u e s l'Association des résidents mois, Georges C o u l o m b e et ses associés du Vieux-Montréal. «J'ai- atteignent un chiffre d'affaires dépassant mais bien c e t t e forme le million de dollars. C'est à la m ê m e épo- d'engagement, mais c'était q u e qu'il acquiert ses premiers i m m e u - devenu un travail à temps plein. Cela dit, bles. « J e m e souviens du tout premier. je ne serai jamais bien loin des préoccupa- C ' é t a i t le 296, rue Saint-Paul, un vieux tions des résidents. Quand on est habitant machin pas mal dégradé qui avait encore d u V i e u x , on r e s s e n t le b e s o i n d e le de la gueule et dont le prix m'apparaissait défendre. » r a i s o n n a b l e : 28 0 0 0 $ , c ' é t a i t pas cher, M. Piché est conseiller principal chez les m ê m e dans les années 70. » Pour ses pre- consultants en communication du groupe mières entreprises de rénovation, il a dû B D D S , dont le bureau se situe sur la rue mettre la main à la pâte. «Aidé de mon Drummond, tout près du Vieux-Montréal. o s s i e r ùxante-douze S
« Q u a n d on est habitant du Vieux, on ressent le besoin de le défendre. » Claude Piché, le résident engagé. Photo: Mark Anthony Price « Lorsque nous avons, ma compagne et moi, acheté notre demeure-condo du 305 rue de la Commune, il y a huit ans, nous étions parmi les derniers à emménager dans notre petit complexe. Nous n'en reve- nions pas de notre chance de pouvoir ainsi vivre au bord du fleuve dans cette paix presque irréelle du Vieux-Montréal. On a l'impression, en revenant chez nous après le travail, de franchir une frontière invisible nous menant dans une autre ville. Une ville populeuse et détendue, l'été, avec ses six millions de visiteurs estivaux; une ville lénifiante qui respire l'Histoire l'hiver.» L ' a p p a r t e m e n t de Claude Piché est superbe. De la fenêtre du living, on peut voir des navires amarrés tout près aux quais du Vieux-Port. Les pierres d'origine des murs de la maison témoignent de la première vocation du bâtiment qui ser- vait, il y a un siècle et demi, d'entrepôt de fourrures. « De nombreux immeubles du Vieux-Montréal pourraient subir une transformation réussie comme celle-ci, dit Claude Piché. Il suffirait de stimuler la venue de nouveaux habitants en dotant le quartier de services de base. » Les chiffres semblent néanmoins encoura- geants, puisqu'en 20 ans, le Vieux- Montréal a vu sa population résidente pas- ser de 400 à 2000 habitants. «Et le plus intéressant, ajoute Claude Piché, c'est que 25 % de ces nouveaux arrivants se sont installés dans les derniers cinq ans. Il y a là une tendance à renforcer, car nous pour- rions facilement accueillir plusieurs milliers de citoyens supplémentaires. » Au cours du mandat qui s'est terminé en novembre dernier, Claude Piché et son association ont orienté leurs efforts sur la promotion du Vieux-Montréal comme quartier résidentiel, mais ont dû aussi maintenir une saine vigilance pour éviter la « disneyisation » de la vieille ville. « Si on n'y prend pas garde, les boutiques attrape- touristes se multiplient comme par généra- tion spontanée. La préservation de la qua- lité de vie passe aussi par un refus de l'enlaidissement. De même, il nous arrive régulièrement un promoteur mégalo, fier d'avoir dégoté «l'idée du siècle». Il y a quelques années, un fabricant d'espadrilles songeait à aménager une immense surface pour le patinage à roues alignées. Heureusement, il n'a pas insisté. » Pierre de Billy estjournaliste pigiste. 0 numéro soixante-douze D o s s i e r
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