2018 L'HABITAT SOCIAL PRIX DE THÈSE SUR - Grand prix - L'Union sociale pour l'habitat

 
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2018 L'HABITAT SOCIAL PRIX DE THÈSE SUR - Grand prix - L'Union sociale pour l'habitat
PRIX DE THÈSE SUR
 L'HABITAT SOCIAL

 2018      Lauréats   Grand prix
                      Matthieu GIMAT

                      Prix spéciaux
                      Yannick HASCOËT
                        ́mence LÉOBAL
                      Cle
2018 L'HABITAT SOCIAL PRIX DE THÈSE SUR - Grand prix - L'Union sociale pour l'habitat
SOMMAIRE

           Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.1

           Présentation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.2

           Jury 2018. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.3

           Grand prix - Matthieu GIMAT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.4

           Prix spécial - Yannick HASCOËT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.14

           Prix spécial - Clémence LÉOBAL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.22

           Autres thèses remarquées par le jury. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p.30
2018 L'HABITAT SOCIAL PRIX DE THÈSE SUR - Grand prix - L'Union sociale pour l'habitat
ÉCLAIRER LES ENJEUX,
ÉDITORIAL

               ENCOURAGER LES JEUNES
               CHERCHEURS

               D
                          epuis 2014, l’Union sociale pour l’habitat, la Caisse des Dépôts et l’Institut
                          CDC pour la recherche ont engagé ensemble une dynamique de coopération
                          avec les milieux de la recherche : lancement d’un prix de thèse et de
               l’article scientifique sur l’habitat social, organisation de journées d’échanges entre
               chercheurs et acteurs de l’habitat avec le Réseau des acteurs de l’habitat et le
               Réseau recherche habitat logement (REHAL), publication annuelle d’un panorama
               recensant l’ensemble des travaux scientifiques sur l’habitat et le logement,
               lancement ou participation à de nouvelles recherches…

            L’objectif fondamental de notre action             À travers ce prix, nous sommes heureux
            conjointe est d’améliorer la compréhension         cette année encore de primer des thèses de
            d’un secteur d’activité, l’habitat social, qui     très grande qualité sur des sujets aussi divers
            représente 4,7 millions de logements en            et éclairants que l’évolution des conditions
            France, construits et gérés par quelque            de la production de logements sociaux et
            700 organismes Hlm présents dans tous les          ses conséquences sur le fonctionnement du
            territoires et accueillant près de 10 millions     secteur (Matthieu Gimat), les transforma-
            de personnes.                                      tions de l’image des cités d’habitat social
                                                               sous l’influence du développement d’un tou-
            Les travaux des chercheurs permettent en           risme militant (Yannick Hascoët) ou encore
            effet de poser un regard pointu et objectif        l’analyse des interactions entre les manières
            sur les enjeux actuels du secteur, tout en         d’habiter de populations minorisées et la
            apportant le recul et une capacité de rupture      mise en œuvre des politiques publiques du
            très précieuse pour les opérationnels. Il s’agit   logement social (Clémence Léobal).
            également de mieux faire connaître les pro-
            blématiques des acteurs de l’habitat social        Nous souhaitons que la présente publication
            aux chercheurs, ainsi que d’encourager les         incite tous les acteurs de l’habitat social à se
            jeunes générations à développer des travaux        saisir de ces travaux, particulièrement acces-
            dans notre domaine et d’inciter les ensei-         sibles et bien rédigés, et à développer de
            gnants et responsables de laboratoires de          nouvelles occasions de dialogue avec le
            recherche à les orienter en ce sens.               monde universitaire et de la recherche.

                  Jean-Louis Dumont, président de l'Union sociale pour l'habitat
                  Jean-Luc Vidon, président du jury, directeur général d’ICF Habitat La Sablière,
                  président de l’AORIF, l’Union sociale pour l’habitat d’Île-de-France
                  Olivier Mareuse, vice-président du jury, directeur des Gestions d’Actifs,
                  directeur des Fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts
PRÉSENTATION

                   UN PRIX DE THÈSE
                   SUR L’HABITAT SOCIAL

          Des thèses de qualité, qui                       représenté par Pierre Laurent, responsable
          renouvellent notre compréhension                 du développement, direction des prêts de la
          de l’habitat social                              Banque des Territoires. Le jury composé de
          Créé en 2014, le prix de thèse sur l’habitat     18 membres compte également des dirigeants
          social décerné par l’Union sociale pour l’ha-    d’organismes Hlm, des membres de la Caisse
          bitat, la Caisse des Dépôts et l’Institut CDC    des Dépôts et des universitaires et chercheurs
          pour la recherche récompense tous les deux       reconnus. Hélène Peskine, secrétaire per-
          ans les meilleures thèses qui contribuent à      manente du Plan urbanisme, construction,
          éclairer les enjeux de ce secteur : son écono-   architecture (PUCA), fait partie du jury en
          mie, sa production, son renouvellement, sa       tant que personnalité qualifiée.
          gestion, ses usages, son histoire, son rapport
          aux politiques de l’habitat, son inscription     L’organisation du prix bénéficie des conseils
          territoriale, sa contribution à la transition    du RÉseau recherche HAbitat Logement
          énergétique et écologique, ses qualités archi-   (REHAL), qui contribue à la reconnaissance
          tecturales et morphologiques, tant au niveau     de sa qualité et à sa portée scientifique. Le
          national, voire international, que local ou      prix a également reçu le soutien du Minis-
          micro-local.                                     tère de l’Enseignement supérieur, de la
                                                           Recherche, et de l’Innovation, ainsi que du
          Ces thèses, qui peuvent émaner de toutes         PUCA.
          les disciplines académiques, doivent égale-
          ment comporter des qualités de lisibilité et     La valorisation des travaux
          être facilement appropriables par un public      Au-delà de l’aide à la publication de la thèse
          de professionnels du secteur.                    lauréate, l’Union sociale pour l’habitat et la
                                                           Caisse des Dépôts souhaitent faire connaî-
          Un jury composé de professionnels                tre largement aux professionnels et mili-
          et de chercheurs                                 tants du logement social, les travaux primés
          Pour l’édition 2018, le jury a examiné les       ou remarqués par le jury. Les jeunes cher-
          16 thèses concourantes, sous la présidence       cheurs seront appelés à intervenir dans le
          de Jean-Luc Vidon, directeur général d’ICF       cadre du Congrès Hlm et dans différentes
          Habitat La Sablière, président de l’AORIF,       rencontres thématiques qui émailleront
          l’Union sociale pour l’habitat d’Île-de-France   l’année. Leurs travaux seront présentés sur
          et la vice-présidence d’Olivier Mareuse,         les supports de communication papier et
          directeur des Gestions d’Actifs, directeur       numérique des deux organisations.
          des Fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts,
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JURY 2018

Président                                               › Louis Henry, architecte, responsable territoires et
Jean-Luc Vidon, directeur général d’ICF Habitat La        développement durable, Institut CDC pour la
Sablière, président de l’AORIF-Union sociale pour         recherche
l’habitat d’Ile-de-France                               › Isabelle Laudier, responsable de l’Institut CDC
                                                          pour la recherche
Vice-président                                          › Louis-François Le Glass, responsable des ana-
Olivier Mareuse, directeur des Gestions d’Actifs, di-     lyses financières pour la région Grand-Ouest,
recteur des Fonds d’épargne de la Caisse des Dé-          Banque des Territoires
pôts, représenté par Pierre Laurent, responsable
du développement, direction des prêts, Banque des
Territoires                                             Représentant l’université et la recherche
                                                        › Jean-Yves Authier, sociologue, professeur à l'uni-
                                                          versité Lyon 2 et directeur adjoint du Centre Max
Personnalité qualifiée
                                                          Weber (UMR 5283, CNRS)
Hélène Peskine, secrétaire permanente du PUCA,
Plan urbanisme, construction, architecture              › Marie-Christine Jaillet, directrice de recherche au
                                                         CNRS, laboratoire LISST-cieu (UMR 5193, univer-
Membres                                                  sité de Toulouse, CNRS, EHESS)
                                                        › François Madoré, professeur à l'Institut de géo-
Représentant l’Union sociale pour l’habitat              graphie (Igarun) de l'université de Nantes, Labo-
et ses fédérations                                       ratoire Espaces et SOciétés (UMR 6590, CNRS)
› Amélie Debrabandère, directrice générale, Lille       › Gilles Pinson, professeur de science politique à
  Métropole Habitat                                      Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim
› Gérard Deygas, président de Logivelay, membre
                                                        › Christian Tutin, professeur d’économie du loge-
  du conseil fédéral de la Fédération des Coop’Hlm
                                                         ment et d’histoire économique à la Faculté des
› Valérie Fournier, présidente d’Habitat en région,      sciences économiques et de gestion de l’UPEC,
  présidente de la Fédération des entreprises so-        chercheur au Lab’urba
  ciales pour l’habitat
› José de Juan Mateo, directeur délégué, PROCIVIS
  Immobilier
› Laurent Juvigny, directeur général, OPH de l’An-
  goumois

Représentant la Caisse des Dépôts
› Julien Garnier, service des études, direction des     Secrétariat du jury
  prêts, Banque des Territoires
                                                        › Dominique Belargent, responsable des partenariats insti-
› Guillaume Gilquin, responsable du service des           tutionnels, direction de la communication, L’Union sociale
  études, direction des prêts, Banque des Territoires     pour l’habitat
2018
LAURÉAT

             GRAND PRIX
             MATTHIEU GIMAT
   « Produire le logement social. Hausse de la construction,
   changements institutionnels et mutations de l’intervention
   publique en faveur des Hlm (2004-2014) ».
   Thèse de doctorat en aménagement et urbanisme dirigée par Sylvie Fol,
   soutenue le 28 novembre 2017 à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

                           Matthieu Gimat est docteur en aménagement, urbanisme et
                           géographie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre
                           associé au laboratoire Géographie-Cités. Depuis 2018, il occupe les
                           fonctions de secrétaire scientifique de la plateforme d’observation
                           des projets et stratégies urbaines (Popsu), programme de recherche
                           des ministères de la Transition écologique et solidaire et de la
                           Cohésion des territoires.

                                                                                matthieugimat@gmail.com

     Bref aperçu

     Depuis le début des années       production Hlm. Pour ce faire,     originale au cours de la décen-
     2000, le coût de production      elle s’appuie sur le traitement    nie. Ils visent notamment à
     des logements locatifs sociaux   de données statistiques ainsi      faire que les organismes Hlm
     a augmenté, tandis que l’État    que sur une enquête réalisée       mobilisent leurs réserves finan-
     a considérablement réduit les    auprès d’acteurs de l’habitat      cières dans la production
     subventions directes qu’il       au sein des communautés d’ag-      neuve, à distribuer inégalement
     accorde à chaque opération       glomération du Val-de-Bièvre,      dans l’espace le surplus de
     Hlm. Malgré cela, le nombre      du Boulonnais et de la com-        logements produits et à réor-
     de logements livrés chaque       munauté urbaine de Bordeaux.       ganiser les modalités d’accès
     année a connu une hausse         Un outillage théorique spéci-      à la ressource foncière. Le sys-
     importante et durable. Alors     fique est proposé, qui croise      tème mis en place est cepen-
     que 46 000 logements Hlm         les apports de la théorie de la    dant dépendant des opérateurs
     ont été produits en 2000, plus   régulation et de recherches        à but lucratif ainsi que des
     de 100 000 le sont systéma-      sur les acteurs de la production   évolutions des marchés immo-
     tiquement à partir de 2006.      urbaine. Cela permet de mon-       biliers ; il participe de plus à
     La thèse explore cet apparent    trer que des décisions poli-       redéfinir les bénéficiaires de
     paradoxe, en analysant les       tiques, des ajustements locaux     l’intervention publique.
     évolutions de l’organisation     et des dispositifs de coordina-
     institutionnelle du système de   tion ont été articulés de façon
5

Résumé et apports
pour les acteurs du logement social

Problématique                                       Pourtant, elle ne s’explique pas par une
Les organismes Hlm français ont été encou-          réforme de fond du système de financement
ragés, notamment depuis l’annonce en 2004           ou de l’organisation des acteurs de la pro-
du Plan de cohésion sociale, à augmenter            duction Hlm, comparable par exemple à
leur production de logements locatifs sociaux       celle qui a été décidée en 1977. La littérature
neufs. Cette orientation politique, confirmée        scientifique met en effet plutôt en évidence
tout au long de la décennie par les gouver-         l’existence d’un ensemble disparate de muta-
nements successifs, vise à faire du logement        tions peu politisées, qui ont été mises en
social l’un des principaux leviers des poli-        place de façon désynchronisée et à diffé-
tiques du logement, voire de l’aménagement          rentes échelles institutionnelles (Driant,
en France. L’objectif politique est de pro-         2015). Elles ont par exemple porté sur la
mouvoir la mixité sociale et l’habitat en           nature des ressources mobilisées pour finan-
zone dense, tout en répondant par la pro-           cer les opérations neuves, sur la répartition
duction neuve à une « crise du logement »           des responsabilités entre acteurs publics ou
touchant particulièrement les grandes agglo-        se sont traduites par une évolution des atti-
mérations. Il s’agit aussi de stimuler l’activité   tudes des collectivités territoriales vis-à-
dans le secteur de la construction, touché          vis de la production Hlm. La thèse cherche
de façon brutale par la crise économique            à évaluer la mesure dans laquelle cet ensem-
de 2007-2008.                                       ble disparate de changements institutionnels
                                                    a pu permettre la hausse significative de la
Ainsi, en l’espace d’une décennie, la produc-       production Hlm constatée.
tion de logements locatifs sociaux en France
a effectivement été multipliée par un peu           Théorie et méthodes
plus de trois. Alors qu’environ 46 000 loge-        Pour répondre à cet enjeu, la thèse s’appuie
ments Hlm ont été financés en 2000, plus             sur un outillage théorique interdisciplinaire,
de 144 000 l’ont été en 2010. Cette croissance      qui articule des ressources provenant de
est durable tout au long de la période, puisque     l’aménagement et de l’urbanisme, de la géo-
depuis 2006, plus de 100 000 logements ont          graphie, des sciences économiques ainsi que
systématiquement été financés chaque année.          de la sociologie. Plus particulièrement, des
Ainsi, la production Hlm a renoué avec des          concepts issus de la théorie de la régulation,
rythmes de production proches de ceux qui           notamment dans ses dimensions sectorielles
ont été connus du milieu des années 1950            et territoriales, sont mobilisés (Laurent, du
au milieu des années 1970. Cette hausse est         Tertre, 2008 ; Boyer, 2015). La thèse vise à
d’autant plus surprenante qu’elle se produit        évaluer la mesure dans laquelle les change-
dans un contexte de forte augmentation des          ments observés dans le système de production
prix fonciers et immobiliers.                       Hlm peuvent être interprétés comme résultant
Prix de thèse sur l’habitat social 2018                                                           6

d’un ou plusieurs « processus de régulation ».       dieusienne des champs économiques (Bour-
Ce concept renvoie, selon les propositions de        dieu, 2000). Cela amène à considérer le sys-
J. Painter et M. Goodwin (1995), à des ensembles     tème de production Hlm à l’échelle « méso »,
de pratiques concrètes et discursives produites      celle des institutions, en se concentrant sur
par des institutions sociales et politiques, qui     la façon dont les organismes Hlm gèrent les
peuvent aussi à leur tour être à l’origine de        flux financiers et les ressources foncières
nouvelles institutions. Ces processus de régu-       nécessaires à la production de logements
lation visent à déplacer dans l’espace ou dans       locatifs sociaux neufs. Une attention parti-
le temps les crises que rencontrent inévita-         culière est aussi portée aux outils et ratio-
blement les systèmes socioéconomiques. Ils           nalités auxquels ces derniers ont recours,
connaissent de plus des phénomènes d’adap-           en particulier pour inscrire leur activité
tation au fur et à mesure de leur diffusion          dans l’espace.
spatiale et de leur rencontre avec différents
secteurs économiques.                                Pour ce faire, la thèse s’appuie sur un dis-
                                                     positif d’enquête qui vise à mettre en évi-
La thèse emprunte aussi des outils aux               dence les traits saillants du système de
études néo-marxistes portant sur la pro-             production Hlm français par la comparaison
duction de la ville (Topalov, 1987 ; Aalbers,        de cas très différents. Trois intercommuna-
Christophers, 2014) ainsi qu’à l’analyse bour-       lités françaises ont été choisies du fait de

Tableau 1. Interactions entre les différents ajustements réalisés entre 2004 et 2014 en matière
de production du logement social en France, dans le cadre du processus de régulation productiviste

                                                     Enjeux sur les marchés du logement

Nature de la crise                                   Crise de l’accès au logement dans les
                                                     métropoles et crises cycliques de la
                                                     construction

                             En matière de           Maintenir un niveau de financement du
                             financement             logement social pouvant répondre aux besoins
                                                     et jouer un rôle contra-cyclique

Ajustements des
modalités de                 En matière de           Concentrer la production neuve là où sont les
production du                répartition dans        besoins et assurer le consentement des élus
logement locatif             l’espace national       locaux au logement social
social
                             En matière de
                                                     Mobiliser des terrains plus nombreux et faire en
                             négociation de la
                                                     sorte qu’il soit possible d’y réaliser des
                             localisation et de la
                             forme des opérations
                                                     opérations répondant aux besoins

Limites dans la capacité des ajustements             Absence de réponse aux besoins non satisfaits
à déplacer la crise dans l’espace ou dans            par la production neuve dans les métropoles et
le temps                                             effets du parc Hlm neuf sur le reste des
                                                     marchés du logement
Grand prix                                                                                       7

leurs spécificités en matière de démographie,      récente des organismes Hlm, à la fois dans
de politiques locales de l’habitat et d’orga-     les intercommunalités enquêtées et à l’échelle
nisation des champs Hlm locaux : il s’agit        nationale. Enfin, des documents divers ont
des communautés d’agglomération de Bou-           été mobilisés pour compléter et confirmer
logne-sur-Mer (Pas-de-Calais) et du Val-de-       les informations recueillies par ailleurs : il
Bièvre (Val-de-Marne), ainsi que la               s’agit majoritairement de rapports d’activité
communauté urbaine de Bordeaux (Gironde).         et de contrôle d’organismes Hlm.
Au sein de chacune de ces intercommuna-
lités, des entretiens semi-directifs à visée      La thèse met en évidence l’existence d’une
informative et compréhensive ont été menés,       organisation originale du système de pro-
principalement avec des élus locaux, des          duction Hlm à partir du milieu des années
salariés de collectivités territoriales chargés   2000, interprétée comme le résultat d’un
des politiques de l’habitat ainsi qu’avec des     processus de régulation spécifique, qualifié
directeurs et des salariés d’organismes Hlm       de « productiviste ». En d’autres termes, mal-
chargés du développement immobilier. Au           gré l’absence de réforme de fond, des ajuste-
total, près d’une centaine de personnes ont       ments disparates ont effectivement été su-
été rencontrées. Ce matériau principal est        perposés et appropriés par les acteurs au
enrichi par des données statistiques sur les      point de transformer le système de produc-
caractéristiques du parc et sur la production     tion Hlm et d’aboutir à une hausse significa-

Enjeux pour les finances publiques                Enjeux pour la production Hlm

Crise budgétaire résultant notamment de           Risque d’accumulation de fonds, résultant de
l’endettement consenti depuis la fin des          l’amortissement du parc Hlm et du
Trente Glorieuses                                 ralentissement de l’investissement

Limiter la croissance du budget consacré au       Mobiliser les fonds propres des organismes Hlm
logement et éviter toute accumulation de          pour financer la production neuve et trouver
fonds inutilisés dans les secteurs publics et     des moyens pour en assurer le renouvellement
parapublics

Réserver les subventions de l’État aux        Encourager les rapprochements entre
opérations Hlm répondant aux besoins et mieux organismes pour que tous puissent mobiliser
répartir à l’échelle nationale la production  leurs fonds propres là où des besoins existent

Renoncer à la maîtrise foncière directe par les   Développer les péréquations avec le secteur à
collectivités et s’appuyer sur la concurrence     but lucratif et évaluer l’opportunité des
entre opérateurs pour négocier la forme des       opérations à l’aide de critères justifiant
opérations                                        l’investissement des fonds propres

Poursuite de la croissance de la dépense          Concentration des organismes et
publique en matière de logement (aides            marchandisation de leur production, qui
personnelles, avantages fiscaux et de taux,       fragilisent leur capacité à répondre à certains
etc.)                                             enjeux locaux et de logement des plus démunis
                                                                              Élaboration M. Gimat
Prix de thèse sur l’habitat social 2018                                                        8

tive de la production de logements locatifs         assure que des fonds ne s’accumulent pas
sociaux neufs. Les causes de ces ajustements,       au sein du secteur Hlm sans pouvoir être
leurs interactions et leurs limites sont dé-        dépensés. Ainsi, ce n’est pas seulement,
crites dans le Tableau 1, puis détaillées ci-des-   comme par le passé, un nouvel avantage
sous. Il est à noter que, au moins jusqu’aux        consenti par l’État qui aboutit à une hausse
réformes entreprises en 2017-2018 par le            de la production de logements locatifs
gouvernement d’E. Philippe, ces ajustements         sociaux, mais aussi l’investissement d’une
touchent les organismes Hlm et les collecti-        ressource interne au secteur.
vités territoriales de façon inégale.
                                                    Or, la thèse met en évidence le fait que la
Des mutations en matière de                         mobilisation de cette ressource est l’un des
financement, qui incitent à une                     moteurs du changement dans le secteur
réorganisation des organismes Hlm                   Hlm, en particulier en ce qui concerne la
Dans sa première partie, la thèse montre            distribution et la taille des organismes. Si
que le processus de régulation productiviste        ceux-ci sont encouragés depuis plusieurs
se traduit par une évolution de la structure        décennies à fusionner et à rationaliser leurs
du plan de financement de chaque opération           périmètres d’intervention pour gagner en
de logements locatifs sociaux neufs. En             efficacité, ils sont aussi incités à le faire
effet, alors que ces opérations étaient réali-      depuis le milieu des années 2000 pour réa-
sées jusqu’alors à l’aide de prêts et de sub-       liser des péréquations territoriales. Cette
ventions, les organismes Hlm y contribuent          expression renvoie à la capacité de certains
désormais en mobilisant leurs fonds propres,        organismes Hlm à investir leurs fonds pro-
c’est-à-dire principalement les excédents           pres là où les besoins en logements locatifs
d’exploitation produits par la gestion de           sociaux neufs sont les plus importants, y
leur parc immobilier. En 1984, cette ressource      compris lorsque ces fonds propres résultent
représente 4 % des fonds mobilisés pour la          de l’exploitation de logements localisés ail-
production de logements Hlm neufs à                 leurs, et notamment dans des zones où les
l’échelle nationale et l’équivalent de 131          besoins sont moindres. Malgré cela, la thèse
millions d’euros ; en 2014, elle en représente      montre que la structure du secteur a évolué
12 % et 1,6 milliards d’euros.                      de façon mesurée : les sociétés anonymes
                                                    d’Hlm ont en particulier développé des coo-
La mobilisation par les organismes Hlm de           pérations et des liens capitalistiques plutôt
leurs fonds propres à partir du milieu des          qu’elles n’ont fusionné, de façon à articuler
années 2000 a été rendue possible par une           les avantages d’un patrimoine et d’un péri-
amélioration de leur situation financière,           mètre d’intervention importants avec le
liée à l’amortissement d’une partie de leur         maintien d’une forte inscription locale.
parc immobilier. Elle a cependant aussi été
produite par des incitations de l’État et de        Des dispositifs pour répartir dans
la Caisse des Dépôts, le principal prêteur          l’espace le surplus de production
des organismes Hlm. La mobilisation de              Dans sa deuxième partie, la thèse discute la
cette ressource permet notamment de com-            façon dont les financements Hlm, qui peu-
penser la diminution de certaines subven-           vent a priori être investis n’importe où dans
tions publiques. Dans le même temps, elle           l’espace, sont transformés en des produits
Grand prix                                                                                         9

immobiliers situés. Dans la perspective pro-         La thèse met en évidence le fait que la
ductiviste, l’enjeu est de faire en sorte que        mobilisation de terrains plus nombreux,
le surplus de production ne créée pas de va-         nécessaire pour répondre à des objectifs de
cance locative et réponde aux besoins en lo-         production de logements locatifs sociaux
gement là où ils sont perçus comme étant             augmentés, n’a pu se faire selon les modalités
les plus importants. Pour ce faire, la thèse         qui prévalaient jusqu’alors. Certaines col-
montre que les modalités de spatialisation           lectivités territoriales, qui accompagnent
de la production neuve ont été réformées :           depuis plusieurs décennies le secteur Hlm,
elles reposent désormais sur la multiplica-          avaient en effet développé des moyens tech-
tion de dispositifs institutionnels entre            niques et financiers permettant de maîtriser
l’État et les collectivités territoriales, qui vi-   directement ou indirectement des terrains
sent à faire accepter à certaines d’entre elles      et d’en confier le développement à des orga-
un effort de production Hlm conséquent ;             nismes Hlm choisis préalablement. Ce mode
elles reposent aussi sur le fait que les orga-       de faire s’avère difficile à maintenir dans le
nismes Hlm sont appelés à être moins des             cadre du processus de régulation producti-
exécutants des acteurs publics, mais de plus         viste : il laisse de façon croissante la place à
en plus des intermédiaires à même de s’ap-           des formes d’encadrement très en amont
proprier et de réinterpréter les injonctions         des opérations Hlm par le droit du sol ou,
politiques exprimées à différentes échelles.         plus en aval, par la co-conception négociée
                                                     des projets urbains et immobiliers. Les col-
La thèse met en évidence le fait que ces             lectivités ont ainsi tendance à avoir recours
évolutions ont été utiles pour concentrer            à des outils moins contraignants que par le
la production neuve dans les grandes villes          passé pour préparer les terrains nécessaires
françaises ainsi que dans les villes «déficitaires»   à la production Hlm, mais qui limitent leur
en logements sociaux, au sens de la loi SRU.         capacité à décider de la forme des opérations
Elle montre cependant que, dans le même              ou à maîtriser la concurrence sur les marchés
temps, l’imposition d’objectifs quantitatifs         fonciers et immobiliers.
par l’État a pu être un frein à l’adaptation des
politiques du logement social aux spécificités        Du point de vue des organismes Hlm, la
de la démographie et des marchés immobiliers         hausse des objectifs de production et la dif-
des intercommunalités enquêtées.                     ficulté d’accès à des opportunités foncières
                                                     se traduisent en premier lieu par des chan-
Des évolutions dans les modalités                    gements organisationnels. Ces derniers ont
de négociation de la localisation                    deux visées. D’une part, ils doivent permet-
et de la forme des opérations                        tre aux organismes de mieux connaître les
La thèse décrit ensuite des évolutions des           marchés fonciers et immobiliers locaux et
modes de faire des organismes Hlm. La troi-          de développer des modes de faire permet-
sième partie explore les façons dont ces der-        tant d’y intervenir directement. Cela ren-
niers accèdent à des opportunités foncières,         voie en particulier au développement de
tandis que la quatrième partie rend compte           compétences en matière de prospection
des façons dont ils négocient le développe-          foncière. D’autre part, les organismes doi-
ment de ces opportunités, en particulier             vent garantir la valorisation des différents
avec les collectivités territoriales.                types de ressources dont ils disposent
Prix de thèse sur l’habitat social 2018                                                    10

(financières, techniques, sociales ou encore     Cela renvoie à un souci d’équilibrer, à
symboliques) auprès des collectivités terri-    chaque moment de la décision d’investisse-
toriales, puisque celles-ci continuent de dé-   ment, le coût en fonds propres et la capacité
livrer les autorisations nécessaires à la       des opérations considérées à en assurer la
construction de logements locatifs sociaux.     reproduction.
Pour les sociétés anonymes d’Hlm, cela im-
plique la nécessité d’articuler les exigences   Vers une néolibéralisation
locales avec celles de leur actionnaire ma-     de la production de logements
joritaire. Ces deux visées se sont traduites,   locatifs sociaux ?
au sein de certains organismes Hlm, par la      La conclusion de la thèse montre que la
constitution de services chargés des inter-     hausse de la production de logements loca-
actions avec les marchés fonciers et immo-      tifs sociaux dans le cadre du processus de
biliers locaux, et y compris avec les           régulation productiviste a été principale-
opérateurs urbains à but lucratif. Dans ce      ment rendue possible par la mobilisation
contexte, certaines formes de péréquations      des fonds propres des organismes Hlm, par
foncières entre logements en accession à la     la diversification de leurs compétences et
propriété et logements locatifs sociaux au      l’élargissement de leurs périmètres d’inter-
sein d’opérations d’aménagement ou immo-        vention (qui permettent de réaliser des pé-
bilières mixtes apparaissent comme un le-       réquations entre territoires ou entre
vier de maîtrise des coûts de production.       produits immobiliers) ainsi que par l’articu-
                                                lation de leur activité avec celle d’acteurs à
En second lieu, la thèse met en évidence        but lucratif dans le contexte d’opérations
une évolution des rationalités et des outils    mixtes. En d’autres termes, la diminution
techniques mobilisées par les organismes        des subventions de l’État à la production
Hlm pour élaborer leurs stratégies de pro-      neuve a été compensée par des formes de
duction et prendre leurs décisions d’enga-      solidarités internes au secteur Hlm ou ba-
gement. Ils produisent en particulier des       sées sur la redistribution de la valeur créée
analyses financières prévisionnelles et des      au moment du montage d’opérations
diagnostics territoriaux, qui visent non seu-   mixtes. Il est à noter que les réformes mises
lement à maximiser leurs capacités de pro-      en œuvre par le gouvernement d’É. Phi-
duction, mais aussi à disposer d’une évalua-    lippe à partir de 2017, qui visent à favoriser
tion de leurs biens fonciers et immobiliers,    la concentration des organismes Hlm et à li-
qu’ils ont en conséquence tendance à consi-     miter l’engagement financier de l’État, s’ins-
dérer de plus en plus comme des investis-       crivent dans la continuité de ces évolutions,
sements devant être valorisés. Dans ce          mais semblent viser à les étendre et à les
contexte, les négociations avec les collecti-   systématiser à l’échelle de l’ensemble du
vités territoriales concernant la forme des     secteur Hlm.
opérations consistent de plus en plus à éva-
luer le coût des demandes politiques au re-     Cependant, ce système de production – et
gard de la capacité des opérations à produire   en particulier sa conséquence première, la
des avantages financiers, ou bien à moyen        hausse du nombre de logements locatifs so-
terme au cours de leur exploitation, ou bien    ciaux construits – apparaît comme étant en
à long terme lors de leur éventuelle revente.   décalage avec les processus de néolibérali-
Grand prix                                                                                    11

sation qui touchent les politiques publiques     « filet de sécurité » aux plus démunis
et parapubliques occidentales. Par exemple,      (comme le modèle résiduel) (Harloe, 1995 ;
au Royaume-Uni, le parc immobilier social        Kemeny, 1995), mais plutôt à faciliter la
a connu une résidualisation, c’est-à-dire        définition et la mise en œuvre des projets
qu’il a été en partie vendu à ses occupants      résidentiels et professionnels des ménages
dès les années 1980, que la construction         qui ont les moyens d’en formuler un. En ce
neuve a été ralentie et que les logements so-    sens, on peut considérer qu’il relève du néo-
ciaux restants ont été majoritairement ré-       libéralisme, dans la mesure où il a pour but
servés aux ménages les plus démunis.             d’accompagner prioritairement, à l’image
                                                 d’autres mutations contemporaines des po-
Si la situation en France au cours des an-       litiques publiques (politiques de l’emploi,
nées 2000 et 2010 ne relève pas de la rési-      aides à l’entreprenariat, accès à l’université,
dualisation, elle peut cependant apparaître      etc.), ceux qui ont des parcours sociaux as-
comme représentative d’une autre forme           cendants (Jessop, 2002). Plusieurs auteurs
de néolibéralisation du logement social.         ont montré que des évolutions récentes des
Celle-ci repose, d’une part, sur le constat      politiques du logement en Angleterre ou
qu’un soutien public au secteur du loge-         aux États-Unis semblent aller dans ce
ment reste nécessaire, notamment pour            même sens (Blessing, 2015).
parer aux crises cycliques du secteur de la
construction. Elle consiste, d’autre part, à
faire en sorte que la production Hlm
contemporaine profite principalement non
pas aux plus démunis, mais à des ménages
solvables, à même de s’acquitter de loyers
proches des loyers de marché. Ainsi, le dé-
veloppement du logement social aurait sur-
tout pour but d’assouplir le fonctionnement
des marchés immobiliers des grandes agglo-
mérations, de façon à faciliter les parcours
résidentiels et surtout professionnels d’une
partie de la population. Du fait de la solva-
bilité de ce public, le parc Hlm pourrait
aussi être développé avec un recours moin-
dre au subventionnement public direct et
de façon complémentaire à l’activité d’opé-
rateurs urbains à but lucratif.

Ce modèle d’organisation du système du lo-
gement social, qui correspond dans le cas
français à une tendance plutôt qu’à un état
de fait, ne vise plus à aider l’ensemble de la
population (comme le modèle « de masse »
d’inspiration keynésienne) ou à fournir un
Prix de thèse sur l’habitat social 2018                                                                   12

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Fondation nationale des sciences politiques.
Grand prix                                                                                    13

     INTÉRÊT DE LA THÈSE POUR LES ACTEURS DE L’HABITAT SOCIAL

      Selon l’auteur, les principaux apports de     Elle permet, d’une part, de discuter
      la thèse se situent à trois niveaux.          l’adaptation, l’appropriation et les effets
      En premier lieu, celle-ci constitue une       dans un secteur économique des
      ressource documentaire concernant les         injonctions politiques à la mixité sociale,
      mutations des politiques du logement          au recentrage de l’investissement public
      social en France et des organismes Hlm.       et à la densification des villes. D’autre
      Elle permet de connaître le                   part, elle apporte des éléments pour
      fonctionnement concret du circuit de          comprendre les spécificités de l’évolution
      financement du logement social et             des politiques du logement social
      d’envisager les effets sur celui-ci des       françaises par rapport à celles d’autres
      décisions politiques prises aux échelles      pays occidentaux, en mettant
      nationale et locales depuis la fin des        notamment en évidence l’importance de
      années 2000.                                  la décision de ne pas céder le parc Hlm
      En second lieu, la thèse propose un           amorti et d’en utiliser les excédents
      outillage théorique interdisciplinaire pour   d’exploitation pour financer la production
      envisager les systèmes de production du       neuve.
      logement social, dont elle démontre la        Elle peut donc constituer un outil
      pertinence. L’adaptation de cet outillage     intéressant pour les acteurs d’un secteur
      à des comparaisons internationales et         attachés à penser et anticiper les
      intersectorielles constitue un axe de         évolutions qui les concernent.
      poursuite de ce travail.
      En troisième lieu, la thèse propose une
      interprétation des mutations récentes du
      circuit de financement du logement
      social en France.
2018
LAURÉAT

                 PRIX SPÉCIAL
                 YANNICK HASCOËT
    « Vers une modification de l'image de la cité d'habitat social ? Lisières
    métropolitaines et détours « récréa(r)tistes » (Marseille, Paris, Montréal) ».
    Thèse de doctorat en géographie, aménagement et urbanisme dirigée par Isabelle Lefort
    et Éric Charmes, soutenue le 12 décembre 2016 à l’Université Lumière Lyon 2.

                                Formé aux métiers du tourisme (BTS, licence professionnelle,
                                master 1), Yannick Hascoët a complété son cursus initial par un
                                master 2 recherche en études urbaines (Institut d’urbanisme de
                                Lyon) avant d’intégrer le laboratoire RIVES de l’ENTPE pour y
                                préparer sa thèse. Après une expérience à l’agence d’urbanisme de
                                Saint-Nazaire, il est désormais Maître de conférences à l’Université
                                d’Avignon et des Pays de Vaucluse (UAPV – UMR Espace Dev) où il
                                poursuit ses recherches sur des pratiques de découverte aux
                                marges des centres touristiques institués.

                                                                            yannick.hascoet@univ-avignon.fr

          Bref aperçu
      Cette thèse pose la question      La cité d’habitat social, plus      À partir d’enquêtes sur des ter-
      de la modification de l’image     encore lorsqu’elle s’incarne dans   rains marseillais (quartiers nord),
      de la cité d’habitat social, à    la forme du grand ensemble          parisiens (banlieue populaire
      partir du constat du dévelop-     des décennies 1950-1970,            des nord et sud-est de Paris)
      pement de pratiques touris-       condense le discrédit et donc       et montréalais (l’ensemble d’ha-
      tiques et artistiques en son      l’enjeu du questionnement traité    bitat social Jeanne-Mance), la
      sein et dans les marges métro-    par la recherche : les pratiques    thèse montre que ces détours
      politaines en général. C’est      touristiques et artistiques ana-    « récréa(r)tistes » interrogent
      donc plus globalement l’hypo-     lysées signent-elles la mise en     la fabrique de la (re)connais-
      thèse d’une revalorisation des    circulation d’une nouvelle image    sance des espaces stigmatisés
      lisières sociospatiales qui est   des cités qu’elles explorent? Et    et sont à ce titre porteurs d’en-
      l’objet de ce travail.            dans quelle mesure peut-on          jeux politiques, esthétiques et
                                        parler de pratiques pionnières?     économiques.
15

Résumé et apports
pour les acteurs du logement social

Problématique : un autre regard                    postes de la (re)valorisation d’espaces stig-
sur les cités Hlm ?                                matisés. L’attractivité d’un lieu pourrait-elle
Le constat est connu : les banlieues de tours      alors s’expliquer par les préférences pion-
et de barres, emblématiques de l’urbanisme         nières de touristes et d’artistes ? Si l’on croise
fonctionnaliste, souffrent depuis longtemps        les littératures sur l’invention touristique
d’une situation critique et de représenta-         et la gentrification, une figure commune
tions elles-mêmes péjoratives. Or, dans cer-       émerge bien : celle du pionnier. Il a le visage
tains de ces mêmes espaces se développent          du découvreur de terra incognita dans le
aujourd’hui des pratiques de découverte, de        premier cas, le visage de l’artiste gentrifieur
visite et de valorisation s’inscrivant dans        dans le second. Considérant que les regards
un processus de connaissance et donc de re-        portés sur les paysages urbains sont socia-
connaissance de leurs identités architectu-        lement construits (que l’on pense au destin
rales, sociales et culturelles.                    de certains quartiers populaires gentrifiés),
                                                   la problématique questionne la revalorisation
Un tourisme spécifique en lien, bien souvent,       des cités d’habitat social en interrogeant les
avec des investissements artistiques, mobilise     modalités effectives de réalisation des pra-
à présent ces espaces en marge des centres         tiques « récréa(r)tistes » et la capacité de
touristiques hérités. Pour rendre compte           leurs promoteurs à engendrer un autre ima-
de la porosité des pratiques touristiques et       ginaire.
artistiques explorées, nous proposons le
néologisme de pratiques « récréa(r)tistes ».       Marseille, Paris, Montréal :
Ce néologisme reconfigure à nouveaux frais          les terrains de la recherche
la vielle interdépendance entre pratiques          Notre recherche, adossée à la réalisation
touristiques et artistiques : il est en effet      d’entretiens (pour une part en situation de
historiographiquement acquis que les               visites) et d’observation participante, s’ap-
artistes, confondus en touristes (ainsi des        puie sur une enquête résolument multi-sca-
premiers voyageurs, artistes bien souvent)         laire et multi-située. Après une enquête
ou à la suite desquels les touristes s’engagent,   exploratoire dans un quartier d’habitat so-
sont à la pointe de l’émergence de nouveaux        cial lyonnais (Mermoz), nous avons opté
regards sur des espaces jusqu’ici occultés         pour une immersion dans les quartiers
ou dépréciés. Le rôle de ces promoteurs est        nord de Marseille. Dans les 13, 14, 15 et
particulièrement souligné dans les espaces         16èmes arrondissements de la ville, le déve-
« naturels » (bord de mer, montagne, ...). Sur     loppement de pratiques touristiques et ar-
le terrain de la ville, c’est encore l’artiste     tistiques tranche avec l’imagerie associée à
qui est régulièrement décrit aux avant-            ce territoire.
Prix de thèse sur l’habitat social 2018                                                          16

Marseille : un laboratoire de premier plan           désormais cette cité : elles sont entraînées
                                                     par l’installation au cœur du quartier de-
Hôtel du Nord (2010), coopérative d’habitants        puis 2009, de plusieurs œuvres d’art
des quartiers nord dédiée à la promotion             contemporain. Enfin, deux autres parcours
des patrimoines du Nord de la ville, a consti-       artistiques concernent plus généralement
tué notre porte d’entrée sur le terrain. Initié      les lisières métropolitaines : le GR2013 et
par une historienne nommée Conservatrice             « Belvédère ». Le GR2013 explore pour une
du patrimoine dans ce territoire du Grand            part des quartiers d’habitat social et « Belvé-
Projet de Ville au milieu des années 1990,           dère » (2013), parcours coproduit par le
Hôtel du Nord est conforté par l’adhésion            Musée d’Art Contemporain de Marseille et
en 2009, de la mairie des 15 et 16èmes, à la         Hôtel du Nord, est une invitation à décou-
« Convention européenne de Faro sur la               vrir les quartiers nord. Si bien que, à
valeur du patrimoine culturel pour la                l’échelle de la cité, des quartiers nord ou de
société ». Fort de la perspective de Marseille       la métropole, ces tracés, matérialisés ou
Provence 2013, les énergies se focalisent            suggérés, durables ou éphémères, illustrent
alors sur l’élaboration d’Hôtel du Nord.             de façon exemplaire des modalités à l’inter-
Aujourd’hui près de 50 sociétaires animent           section de l’art et du tourisme.
une offre de chambres d’hôtes et de balades
urbaines. Et si les quartiers nord de Marseille      Deux autres projets, proprement artistiques
ne sauraient se réduire aux seules cités             et participatifs, suggèrent un intérêt de cer-
Hlm, le catalogue Hôtel du Nord s’est enrichi        tains artistes pour des quartiers symboles
en 2013 de prestations spécifiques sous le            de la relégation : « Bank of Paradise » (jardin
titre « Terroir des cités » : « Terroir des cités,   partagé, cité du Plan d’Aou) et « Jardin des
car la terre des grands ensembles a aussi            Possibles » (jardin partagé, Grand Saint-Bar-
son histoire, passionnante, sédimentée dans          thélémy). De plus, dans la périphérie mar-
la diversité des parcours humains. Des habi-         seillaise, trois lieux emblématiques de
tants vous invitent à partager des espaces,          diffusion et/ou de production artistique ont
des trajectoires de vie et de langues, des           également été questionnés : la « Cité des Arts
histoires d’exil, en un mot, leur patrimoine »       de la Rue », « Cap 15 » et la « Gare Franche ».
(Hôtel du Nord).                                     Ces trois sites artistiques évoquent, autre-
                                                     ment, les modalités d’une coprésence (entre
Concomitamment, dans le cadre de Mar-                artistes et habitants) et un éventail d’enjeux
seille Provence 2013, des centres sociaux            associés que la thèse analyse. Dès lors, mettre
accompagnés par Hôtel du Nord, ont égale-            en récit (balades urbaines), mettre en scène
ment mis en œuvre des balades de décou-              (projets artistiques) et habiter (lieux de pro-
verte des quartiers : ainsi dans les quartiers       duction/diffusion artistique) sont envisagés
nord à La Rose et La Viste (où l’expérience          dans cette recherche comme les trois volets
se poursuit depuis). Ici aussi, ce sont des          d’une entreprise de connaissance, de recon-
récits d’habitants qui sont au centre des            naissance, bref de revalorisation de quartiers
balades. Ailleurs, à la cité de La Bricarde,         réputés dans l’ombre des circuits de la récréa-
l’offre de balades est moins explicite mais          tion et de la création.
des mobilités curieuses animent aussi
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