50 ans d'accueil de fratries en villages d'enfants SOS - Les cahiers SOS Villages d'Enfants
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Les cahiers de SOS Villages d’Enfants 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS Edition n°2/2007 Crédit Photo - Katerina Ilievska
50 ans d’accueil en villages d’enfants SOS N°2 - Juin 2007 SOMMAIRE Edito p. 01 Introduction p. 02 Un regard socio-démographique sur une forme spécifique de placement p. 03 Le contexte juridique de la protection de l’enfance p. 05 L’histoire familiale de l’enfant p. 06 Les motifs de placement p. 10 Des placements antérieurs fréquents p. 12 Le placement en village d’enfants SOS p. 13 Le statut des enfants accueillis p. 16 Les conditions de la sortie p. 17 Le témoignage des anciens p. 19 Une nouvelle loi plus protectrice p. 20 Crédit Photo - Alan Meier Nous adressons tous nos remerciements à : Virginie De Luca, Catherine Enel, Florent Guéroult, Hélène Rötig - Rédaction : Jean-François Ducrocq Tous droits réservés à SOS Villages d’Enfants, toute reproduction totale ou partielle de tout ou partie du présent numéro est formellement interdite.
ÉDITO A sa création il y a 50 ans, le positionnement de l’association SOS Village d’Enfants se distinguait du mouvement pour la protection de l’enfance qui se créait alors, en se qu’il mettait au cœur de son projet, le regroupement des frères et sœurs orphelins. Le modèle hygiéniste de la vie de l’enfant prévalait alors et l’éloignement des frères et sœurs dans le placement était une pratique courante, voire encouragée. Notre association a donc dû batailler pour convaincre, pour imposer sa vision alternative de l’action pour la protection de l’enfance et faire partager cette intuition qu’un environnement de type familial attentif, affectif et protecteur, était source de sécurité et d’épanouissement pour les enfants orphelins d’alors. Pendant ces cinq décennies, la société a changé… et notre association aussi. SOS Villages d’Enfant a élargi sa mission, ouvert ses portes aux enfants victimes de carences éducatives, de maltraitances physiques, psychologiques ou sexuelles de la part de leur famille. Notre association a de ce point de vue su relever les nouveaux défis de la protection de l’en- fance en tenant compte des évolutions démographiques et sociales. Pour y parvenir, SOS Villages d’Enfants a professionnalisé son engagement, enrichi ses équipes de psychologues, d’éducateurs, d’aides familiales afin d’apporter une réponse affective et éducative toujours plus en phase avec les besoins de l’enfant. Pour autant, le cœur du projet est resté identique et apparaît aujourd’hui d’une grande modernité. Alors que la nouvelle loi de la protection de l’enfance votée au mois de mars 2007 prône le droit de l’enfant aux relations familiales, à la stabi- lité affective et sociale, la spécificité de notre projet associatif est enfin explicitement légitimée comme un volet nécessaire de la protection de l’enfance. Une reconnaissance qui ne fait que renforcer notre volonté de poursuivre notre mission avec le même niveau d’exigence auprès des enfants que nous accueillons dans nos villages. Pierre Pascal, Président de SOS Villages d’Enfants
« Aujourd’hui, SOS Villages d’Enfants est reconnue dans sa singularité » Rémy Mazin Crédit Photo -Katerina Ilievska Rémy Mazin, Directeur Général Adjoint de SOS Villages d’Enfants, s’exprime sur les évolutions vécues depuis cinquante ans par l’associa- tion. Entretien. En 1956, la création de SOS parentaux a été utilisée avec de plus spécialisés qui interviennent de plus en Villages d’Enfants s’inscrivait en plus de parcimonie. Avec les lois plus auprès de la mère SOS, d’aides dans un contexte particulier… de la décentralisation puis les lois sur familiales qui travaillent en tandem l’assistance éducative, SOS Villages avec les mères SOS et leur permettent C’était un contexte d’après-guerre, d’Enfants a accueilli une nouvelle aussi de disposer de davantage de le pays était en proie à de gros catégorie d’enfants, ceux placés au temps de repos, de psychologues problèmes de logement et de pauvreté titre des mesures d’assistance éduca- qui ont permis d’apporter un éclairage et la protection de l’enfance n’était tive, avec l’idée qu’il fallait dorénavant différent, de mieux comprendre les pas encore structurée. Elle était alors prendre en charge l’enfant en tenant problématiques, les réactions des surtout l’affaire d’oeuvres privées, compte de l’existence des parents et enfants. confessionnelles ou laïques. Gilbert de leurs problématiques. Le rôle de Cotteau, le fondateur de l’association, l’association française a alors évolué Quel regard portez-vous sur a créé les villages d’enfants SOS avec de la substitution à la suppléance l’histoire de l’association et cette intuition que les frères et sœurs parentale. comment envisagez-vous son devaient pouvoir vivre ensemble autour avenir ? d’une « mère ». A l’époque, la pratique Au fond, la nature de votre était plutôt de couper l’enfant de son mission a-t-elle changé ? Il y a eu des évolutions législatives, des histoire pour en faire un enfant nouveau. évolutions de la population accueillie SOS Villages d’Enfants était donc large- Le coeur du projet associatif est le mais, au fond, l’association a toujours ment à contre-courant de l’action pour même. Il repose sur un engagement su conserver sa spécificité et s’adapter la protection de l’enfance. Aujourd’hui, à accompagner des frères et sœurs aux nouveaux enjeux de la protection l’association est reconnue dans sa sur le long terme en leur permettant de de l’enfance. 50 ans après la nais- singularité. Les villages d’enfants SOS vivre une relation affective et éduca- sance de l’association, notre projet apparaissent comme la synthèse entre tive avec un adulte de référence qui entre plus que jamais dans le cadre l’institution et le placement en famille s’engage à leurs côtés durant toute la de la nouvelle loi qui prône moins de d’accueil. durée du placement avec la possibilité technicité et plus d’humanité ainsi de maintenir des liens au-delà ce qu’une approche globale de l’enfant Le profil des enfants admis n’est celui-ci. En revanche, l’association et de ses besoins. Concernant l’avenir, plus complètement le même demande aujourd’hui aux mères SOS nous devons poursuivre nos travaux aujourd’hui… un engagement supplémentaire : de recherche, notamment autour de celui de se former pour qu’à tout la dynamique fraternelle pour mieux Au départ, la mission de l’association moment, elles puissent comprendre accompagner l’évolution de ces rela- française était essentiellement d’ac- les troubles des enfants, prendre en tions, mieux prévenir les difficultés… cueillir des orphelins, au moins de mère. compte l’existence des parents encore Nous intervenons au quotidien sur un Puis elle s’est ouverte à des enfants présents dans la vie des enfants et terrain humain, extrêmement fragile et dont les parents avaient été déchus acquérir des conduites adaptées et délicat, notre responsabilité est donc de leurs droits. Avec la diminution partagées en équipe. Nous faisons en de continuer à apprendre pour ajuster considérable du nombre d’orphelins, effet désormais appel à une équipe qui nos conduites, individualiser nos la première mission de l’association est s’inscrit en complémentarité de leur réponses au plus près des besoins de devenue quasiment sans objet. D’autre action. Celle-ci s’est progressivement l’enfant. part, la notion de déchéance des droits étoffée avec l’arrivée d’éducateurs 2 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS
Un regard socio-démographique sur une forme spécifique de placement En s’appuyant sur l’analyse des dossiers des 555 fratries et 2106 enfants Crédit Photo -Katerina Ilievska accueillis au cours des cinq dernières décennies par notre association, l’étude de Virginie de Luca et de Florent Guéroult contribue à la capita- lisation des connaissances sur l’évolution du parcours de l’enfant dans le placement. Le recensement des sources de conférences en démographie, sociation, les dossiers plus récents données traitant de l’enfance en chercheur au laboratoire Printemps n’étaient accessibles que dans les danger, présenté dans le rapport de (CNRS/Université de Versailles Saint villages, il a donc fallu aller les chercher l’ONED de septembre 2005, a mis Quentin en Yvelines) et de Florent un peu partout en France. Une fois en lumière les carences (qualitatives Guéroult, démographe (Université de recensées les données, le dépouille- et quantitatives) du dispositif en Versailles Saint Quentin en Yvelines). ment des dossiers d’admission a vigueur. Il démontre, en particulier, que révélé des contenus variables. Les l’observation de l’enfance en danger Leur étude, dont ce deuxième numéro dossiers n’étaient pas tous renseignés s’effectue encore aujourd’hui à partir des Cahiers de SOS Villages d’Enfants de la même façon selon les périodes de différentes sources de données propose une synthèse, s’appuie sur - sur les familles d’origine notamment visant des finalités gestionnaires et l’analyse des dossiers des 555 fratries - mais nous avons finalement recensé non la connaissance et le suivi d’une et 2106 enfants accueillis au cours des éléments sur l’intégralité des population précise. Un système en des cinq dernières décennies dans 12 fratries et des enfants accueillis par quelque sorte « déconnecté » de son villages d’enfants SOS. l’association au cours de son histoire. sujet d’observation puisqu’il ne favori- « Le recensement des données a été L’étude a ensuite suivi deux approches sait pas une exploitation des données relativement long à effectuer, entre 6 complémentaires. L’une, longitudi- individuelles collectées et que, par conséquent, l’enfant disparaissait de et 8 mois environ, car, si les dossiers nale, était centrée sur le parcours, fait des « radars » de la protection de d’admission des premières périodes les trajectoires des enfants dans le l’enfance. étaient centralisés au siège de l’as- temps. L’autre, transversale, s’attachait à la caractérisation des périodes. Afin de remédier à cette situation, l’ONED a depuis mis en place un nouveau système d’observation, cette fois basé sur l’unité « enfant », dont l’objectif est d’œuvrer à la recons- titution des trajectoires individuelles – un système qui intègre la dimension « fratrie » à l‘étude des parcours. L’étude des dossiers constitués par SOS Villages d’Enfants au fil de son histoire permet pour sa part, à l’échelle de l’association et dans le cadre de la spécificité de sa mission, d’analyser les trajectoires des enfants placés en Crédit Photo - Katerina Ilievska village d’enfants. Il restait cependant à en constituer une analyse approfondie et sur le long terme. C’est aujourd’hui chose faite grâce au remarquable travail de Virginie de Luca, maître de 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS 3
protection de l’enfance, SOS Villages d’Enfants ouvre ses portes aux fratries placées par le juge des enfants pour les protéger de leur environnement. Les fratries placées sont plus réduites. La reconnaissance accrue des droits des parents envers leurs enfants a nécessité des changements au sein de l’associa- tion. Ce sont les parents qui conservent l’autorité légale envers leurs enfants et l’association se voit confier la prise en charge des enfants au quotidien. Le placement durant parfois le temps d’une crise familiale, la durée de place- ment devient incertaine, les parents sont Crédit Photo - Katerina Ilievska dorénavant toujours susceptibles à plus Crédit Photo - Zaklina Popovic ou moins long terme de récupérer leurs enfants. La loi impose une révision de la situation des enfants tous les deux ans maximum. La durée de l’accueil se réduit en moyenne. Les contacts entre Nous avons également privilégié deux fratries plus nombreuses que le reste les parents biologiques et les enfants unités d’analyse : l’enfant et la fratrie. de la population, sont plus souvent sont plus fréquents. L’instauration des Nous avons donc deux visions possibles orphelins, et sont issus de couples plus Maisons d’Accueil Familial offre une de la population accueillie. Il nous fallait fragiles. solution de prise en charge différenciée, en effet rendre compte de la spécificité adaptée au nouveau profil présenté par de l’association. Par ailleurs, l’étude a De sa création en 1956 jusque dans les fratries que l’Aide Sociale à l’Enfance été entièrement anonymisée de façon les années 1970, la mission de SOS propose à SOS Villages d’Enfants. Elle à respecter la confidentialité des infor- Villages d’Enfants était essentiellement n’est plus une institution de substitution mations » explique Virginie de Luca. d’accueillir des frères et sœurs dont mais de suppléance de la famille en les parents étaient soit décédés soit difficulté. Intitulée « Un demi-siècle d’accueil de absents et que la famille élargie ne fratries en villages d’enfants SOS - contri- pouvait prendre en charge, autrement Dans une perspective de compréhen- bution à une socio-démographie d’une dit, l’association s’est attachée à sion de l’histoire des singularités de notre population d’enfants placés », l’étude recréer un cadre familial stable pour association, l’étude de Virginie de Luca de Virginie de Luca et de Florent des fratries orphelines de père et/ou & de Florent Guéroult, constitue donc Guéroult éclaire donc à la fois sur de mère, en leur permettant de vivre un document essentiel à un moment l’histoire familiale de l’enfant jusqu’à ensemble et en leur offrant une prise en où, avant d’envisager l’avenir, SOS son placement, sur l’évolution charge de type familial. L’association Villages d’Enfants voulait interroger des caractéristiques des effectifs détenait alors l’autorité légale envers son histoire et à travers elle, celle accueillis et sur les conditions de la les enfants accueillis et cela jusqu’à leur des enfants qu’elle accueille depuis sortie, en précisant l’influence des majorité. Puis avec les évolutions de la aujourd’hui plus de cinquante ans. contextes sociologiques, démogra- phiques et juridiques. L’approche démographique de l’étude est apparue particulièrement fructueuse. En effet, l’histoire de SOS Villages d’Enfants croise celle de la famille et de ses caractéristiques socio-démo- graphiques et celle de la protection de l’enfance. Des familles aujourd’hui moins nombreuses, des enfants moins souvent orphelins, des couples plus Crédit Photo - Alan Meier fragiles. La population accueillie en village est le reflet de ces évolutions. Pour autant, dans l’ensemble, les enfants admis en villages sont issus de 4 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS
Le contexte juridique de la protection de l’enfance Depuis la fin du XIXe siècle, le cadre juridique de la protection de l’enfance gagne peu à peu du terrain dans la défense des intérêts de l’enfant. Rappel de quelques étapes décisives… • Au cours des années 1970, l’action sanitaire et sociale s’intensifie et se Et la fratrie ? diversifie. Les équipes qui intervien- nent dans le cadre de la protection de Si la sociologie de la famille Crédit Photo - Zaklina Popovic l’enfance sont désormais pluridiscipli- fait aujourd’hui partie des naires. Entre 1968 et 1975, le nombre principaux champs d’étude des sciences sociales, on ne peut des professionnels des services pas en dire autant de la notion médico-sociaux augmente de 69%. de fratrie. C’est à la fin du XIXe siècle que sont • La loi du 4 juin 1970 substitue l’auto- Celle-ci n’a d’ailleurs été envi- posées les premières pierres de rité parentale à la notion de « chef de sagée que très récemment famille » pour les couples mariés : les comme un élément possible l’édifice juridique de la protection de deux parents sont désormais porteurs d’une politique publique. l’enfance. A l’époque, la loi de 1898 interpelle en particulier par son carac- des mêmes responsabilités juridiques envers leurs enfants. Ce n’est qu’il y a 10 ans que tère à la fois répressif envers les parents la fratrie s’est frayé une place violents ou abusifs et protecteur envers dans le dispositif juridique de les jeunes victimes et coupables. C’est • Suite à l’élection de Valery Giscard protection de l’enfance. une première. d’Estaing à la présidence de la Répu- blique, la loi du 5 juillet 1974 institue C’est la loi du 30 décembre • A la Libération, l’ordonnance du 2 l’âge de la majorité à 18 ans au lieu de 1996, relative au maintien des février 1945 sur l’enfance délinquante 21. L’année suivante, la loi Veil légalise liens entre frères et sœurs, qui entend garantir le droit à l’éducation l’interruption volontaire de grossesse indique pour la première fois, avec l’accord d’un des deux parents. au titre de l’article 371-5 du pour tous les enfants grâce à l’action La même année, la loi du 11 juillet code civil, que « l’enfant ne doit des travailleurs sociaux. pas être séparé de ses frères permet le divorce par consentement et sœurs, sauf si cela n’est • L’Ordonnance du 23 décembre mutuel. pas possible ou si son intérêt 1958 fonde la Protection Judiciaire commande une autre solution. de l’Enfance et de la Jeunesse. Ce • En 1981, avec l’élection de François texte introduit l’idée d’assistance Mitterrand, les lois Defferre instituent S’il y a lieu, le juge statue sur éducative à apporter aux parents la décentralisation de l’Aide Sociale à les relations personnelles afin de protéger leurs enfants l’Enfance : le transfert de compétences entre les frères et sœurs. » « si leur santé ou leur moralité sont vers le département a pour objectif Plus récemment, la nouvelle en danger ou si les conditions de leur de favoriser une intervention de loi réformant le protection de proximité, mieux coordonnée et au l’enfance, publiée au JO du 6 éducation sont compromises ». Le service des bénéficiaires. mars 2007, fait explicitement décret ordonne aussi la création de référence au droit de l’enfant au services de prévention pour veiller à ce développement affectif et social que les enfants maltraités, délaissés • Les circulaires du 18 et 21 mars 1983 et au droit à sa stabilité affective ou négligés ne tombent pas dans la réintroduisent la possibilité d’organiser ou relationnelle. délinquance, le placement devant être des lieux de rencontre et d’écoute pour le dernier recours. les parents en difficulté. Les lois du 6 Elle indique qu’en cas de place- juin 1984 et du 6 janvier 1986 reconnais- ment, « le lieu d’accueil doit être • En 1964, la création des Directions sent aux parents le droit d’être informés recherché dans l’intérêt de l’en- Crédit Photo - Alan Meier Départementales de l’Action Sanitaire et des décisions relatives au placement fant afin de faciliter le maintien de leurs enfants. Ils sont désormais de ses liens avec ses frères et Sociale a pour objectif de coordonner associés aux décisions importantes sœurs ». (lire également l’article les actions en matière de protection sur la nouvelle loi p.20) de l’enfance. qui concernent leurs enfants. 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS 5
L’histoire familiale de l’enfant L’étude de la typologie des familles concernées et des situations Crédit Photo - Lubna El-Elaimy matrimoniales des parents permet de dessiner l’origine familiale des enfants accueillis. Et d’observer que la mère est souvent le dernier rempart au cœur de situations familiales dramatiques. Il apparaît tout d’abord que, dans l’immense majorité des cas, la mère constitue l’élément commun de la fratrie. Sur l’ensemble de la période, les fratries placées en village d’en- Une fratrie type d’hier fants SOS sont en effet composées, dans plus de 97% des Caractéristique des fratries accueillies à l’origine de cas, d’enfants ayant la même mère. Les situations sont plus variées l’association est celle, de 7 frères et sœurs qu’accueille concernant le père puisqu’en moyenne dans une fratrie sur quatre, l’un des villages du nord de la France. Les enfants vivent les enfants ont un père différent, avec cependant une progression chez leurs deux parents lorsque leur mère meurt à la suite constante de ce phénomène (on passe de 9% à 26%). d’une maladie grave. Le père, mineur, ne peut élever seul ses sept enfants, aussi fait-il appel à sa mère qui vient loger chez lui. Mais l’âge avancé de la grand-mère, les Crédit Photo - Archives SOS Des structures familiales problèmes de santé du père compliquent une situation de plus en plus diverses déjà pénible, aussi l’éducation des enfants s’en ressent. Les services sociaux sont alertés et constatent des L’étude de la structure même des familles d’origine permet carences éducatives et un manque d’hygiène au foyer d’observer une réalité plus complexe de même qu’une qui sont mentionnés dans le dossier de évolution des situations sur l’ensemble de la période. Si la la fratrie. Bref, les enfants sont livrés proportion de fratries vivant dans une famille de type nucléaire à eux-mêmes et les services (c’est-à-dire vivant avec leur père et leur mère) fluctue sans sociaux sont interpellés. Les logique évolutive apparente, on assiste parallèlement à une cinq aînés sont orientés diversification des structures familiales. en foyer d’accueil où ils restent cinq mois avant Le nombre de fratries issues de foyer monoparental autour de d’intégrer un village d’en- la mère se stabilise (autour de 20% à partir de 1985) alors que fants SOS avec leurs deux celui autour du père décroît fortement (de 21% à 4,5%). On plus jeunes frères et sœurs note aussi une augmentation sensible du nombre de fratries restés avec leur grand-mère dont au moins un des enfants est de père inconnu (de 4% en paternelle. Celle-ci gardera 1985 à 9% aujourd’hui). contact avec ses petits-enfants, contrairement au père qui n’entretiendra Les familles recomposées se développent passant de 9% au plus de liens avec eux. Ces frères et sœurs seront cours de la première décennie à près d’une fratrie sur quatre accompagnés par une mère SOS jusqu’à leur majorité. à partir de 1995. Cette recomposition s’organise presque Crédit Photo - katerina ilievska Structure de la famille d’origine (unité d’analyse : fratrie) Structure familiale Effectif Fréquence % Nucléaire 236 48.3 Monoparentale autour de la mère 94 19.2 Monoparentale autour du père 35 7.2 Recomposée autour de la mère et autre (selon les enfants) 71 14.5 Recomposée autour du père et autre (selon les enfants) 11 2.2 Recomposée et nucléaire (selon les enfants) 20 4.1 Autre 22 4.5 Total 489 100.0 6 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS
Proportion de père ou mère décédé ou inconnu par période (unité d’analyse : enfant) Crédit Photo - Archives SOS toujours autour de la mère (seulement 1% le sont autour du père). Les enfants vivent de plus en plus avec leur mère et Une fratrie type d’aujourd’hui son compagnon, avec qui elle peut avoir un (des) enfant(s) Caractéristique des fratries accueillies au cours des ou qui peut lui-même en avoir eu. dernières années, le parcours de celle-ci témoigne des évolutions démographiques et sociales Aujourd’hui comme hier, quoique dans des proportions récentes. Elle est composée de quatre enfants. différentes, dominent donc les situations où les enfants vivent Seule leur mère les unit car ils ont deux avec leurs deux parents ou avec leur mère seule ou accom- pères différents. Les deux plus pagnée. La proportion de fratries issues de familles nucléaires jeunes vivent avec leur (de 38% à 53% en fonction des décennies) reste logiquement mère et son compagnon inférieure à la moyenne nationale dans la mesure où le place- mais ils n’ont jamais ment est souvent motivé par les décès d’un ou des deux vécu avec leurs aînés, parents (24% en moyenne) ou par l’instabilité familiale (32%). confiés à la famille Plus qu’ailleurs, les familles sont exposées au risque d’une élargie puis placés séparation, le décès d’un parent tout comme la séparation pendant plusieurs années dans des d’un couple aboutissant à un bouleversement de la structure foyers, d’abord sépa- familiale. Une réalité qui explique la forte proportion de familles rément, avant d’être monoparentales ou recomposées. réunis. Puis la troisième Crédit Photo - katerina ilievska est placée en pouponnière Des situations où elle rejoint ses deux frères. matrimoniales diverses Les faits qui motivent le placement sont multiples : carences éducatives, maltraitrance, suspicion de maltraitance Les dossiers nous informent sur la situation matrimoniale de la sexuelle. Les troubles psychiatriques de la mère, du mère de 1628 enfants sur 2106. Il apparaît que plus de 61% père, les faits avérés sur les enfants conduisent à l’incar- des mères sont mariées ou en concubinage avec le père de cération des parents pour maltraitance et négligences l’enfant pour lequel le placement est demandé et que 16% graves. Les quatre frères et sœurs sont alors placés à SOS Villages d’Enfants par Ordonnance de Placement d’entre elles vivent avec un homme qui n’est pas le père de Provisoire (OPP). Chacun d’eux garde des contacts l’enfant placé. On note aussi une proportion plus élevée de réguliers avec ses propres parents. veuves que dans la moyenne nationale. Les évolutions de la famille sont peu perceptibles ici, certainement en raison des spécificités de la population étudiée. 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS 7
L’histoire familiale de l’enfant Des parents de plus en plus souvent en vie Sur l’ensemble de la période, plus de la moitié des enfants ayant les mêmes parents ont leur père et leur mère en vie, plus d’une sur quatre ont leur mère décédée tandis que 11% ont leurs deux parents décédés. Mais la tendance à la mortalité des parents est nettement en baisse et la décroissance des chiffres est même rapide. Tandis qu’entre 1966 et 1975, 59% des fratries étaient orphelines de mère et 28% de leurs deux parents, au cours de la dernière décennie, 12% des fratries ont perdu leur mère et 2% ont perdu leurs deux Crédit Photo - Alan Meier parents. Si l’on prend pour référence l’enfant, et non plus les fratries, les proportions révèlent d’autres réalités (voir tableau). Si plus de 97% des enfants étaient de père inconnu passe quant à lui de concernée avec notamment un poids orphelins de mère à leur admission en 4 à 9%. Si la tendance est à la baisse, important des morts par maladies et village entre 1956 et 1965, la proportion les chiffres les plus récents montrent par violences. Pour le père également, diminue rapidement pour atteindre 4% donc toujours que les enfants placés en les maladies sont les causes de décès au cours de la dernière décennie. La village d’enfants SOS sont plus souvent les plus fréquentes mais on note aussi tendance est également à la baisse en orphelins que dans la population natio- une fréquence plus élevée de suicides ce qui concerne la mortalité du père : nale. que chez la mère (près de 17% des de 30% il y a cinquante ans, la propor- Les causes des décès des mères données renseignées contre 5% chez tion d’enfants dont le père est décédé mettent en lumière les problèmes la mère). est passé à 10%. Le nombre d’enfants sanitaires et sociaux parmi la population Des cas plus singuliers… A l’origine de l’association, une fratrie de 4 enfants est Certains placements apparaissent plus singuliers par accueillie après avoir vécu avec ses deux parents dans un rapport à ceux qui caractérisent la période de prise en climat de violence familiale. La mère fuit le domicile familial charge des enfants. Ces trajectoires singulières témoignent et les violences de son mari, laissant ses quatre enfants cependant d’un temps de l’histoire de l’association et elles avec leur père, « un alcoolique notoire ». Le père décède révèlent la variété et la complexité des situations vécues peu après et les enfants sont placés, ensemble chez une par les frères et sœurs placés en villages. assistante familiale pendant trois ans avant d’être admis à SOS Villages d’Enfants. Ils n’ont gardé aucun contact avec les membres de leur famille. Au cours de la dernière période, quatre enfants d’une même fratrie sont placés en foyer après le décès de leur mère, consécutif d’une maladie grave. Les trois aînés ont le même père mais pas le dernier qui est dit « de père inconnu ». Ils vivent ensemble lorsque survient le décès Crédit Photo - Benno Neeleman de la mère. Apparaissent alors des dysfonctionnements graves au sein du foyer : le père, alcoolique, fait régner un climat de violence familiale. Il manifeste le désir de Crédit Photo - Luis paterno placer ses enfants qui sont d’abord accueillis cinq mois en foyer avant d’être admis en village d’enfants SOS. Il garde toutefois des contacts avec les quatre enfants. 8 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS
L’histoire familiale de l’enfant L’examen des dossiers d’admission des enfants permet d’observer que dans 99% des cas, ce sont les problèmes rencontrés par la mère qui expliquent le placement des enfants, la mère se révélant presque toujours être le dernier rempart au cœur de situations socio-familiales dramatiques. Crédit Photo - Benno Neeleman Conduites addictives, Crédit Photo - Alan Meier problèmes de santé et troubles de la parentalité de la mère Lorsqu’ils sont suffisamment rensei- Des causes de placement le plus Comportement abandonnique gnés, les dossiers permettent en souvent intimement liées les unes aux outre d’analyser plus précisément les du père autres. Mais on observe aussi sur le faits qui ont conduit à la décision de long terme que les problématiques placement. Au cours des 50 dernières Le parcours et/ou les comportements rencontrées par la mère ont sensible- années, il apparaît que les tendances ment évolué. Si de 1956 à 1975, les de l’homme qui partage la vie de la mère addictives de la mère sont les causes problèmes de santé, le décès de la peuvent également être à l’origine de la le plus fréquemment évoquées pour mère et l’alcoolisme sont très majori- décision de placement. Dans 90% des justifier la demande de placement des tairement à l’origine de l’accueil des cas, il s’agit du père des enfants, dans enfants, l’alcoolisme avéré laissant enfants, la période 1976-1985 marque 5% des cas, il s’agit du compagnon de progressivement place à des pratiques une rupture. Tandis que le décès de la la mère. Comme pour la mère, ce sont toxicomanes au cours de la période. mère est en baisse, les perturbations D’autre motifs de placement ayant les conduites addictives qui sont les psychologiques et les comporte- plus souvent citées. Et comme pour trait à la mère sont par ailleurs souvent ments abandonniques deviennent évoqués : les problèmes de santé, la mère, l’alcoolisme laisse peu à peu plus fréquents. A partir de 1986, les les perturbations psychologiques et place aux toxicomanies sur l’ensemble conduites addictives, les problèmes les troubles psychiatriques, de même de la période. Le comportement aban- de santé et, plus récemment, les que les troubles de la parentalité et un donnique du père est aussi régulière- troubles de la parentalité dominent comportement jugé abandonnique. ment cité de même que l’incarcération dans l’argumentation des profession- nels chargés des dossiers. Dans un tandis que les problèmes de santé, dossier sur trois, l’addiction de la mère physiques ou psychologiques, restent est évoquée - le plus souvent elle est quant à eux moins élevés que chez la toxicomane -, et dans plus d’un cas sur mère. quatre, les troubles psychologiques dont elle souffre sont à l’origine du placement Globalement, de l’analyse des de ses enfants. Les termes utilisés motifs d’admission, il ressort pour décrire la mère dans le dossier que sur la longue durée c’est à d’admission évoluent eux aussi au fil du temps. « Immature » ou « laxiste » un ensemble de problèmes sani- au cours des années 60, elle peut être taires et sociaux que le placement aujourd’hui caractérisée comme « trop est imputable : même quand les Crédit Photo - Luis paterno jeune », « d’une extrême passivité » ou premiers dominent, les seconds « souvent absente ». ne sont pas étrangers à la situation. 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS 9
Les motifs de placement Aujourd’hui comme hier, les motifs et les situations de placement sont multiples - et parfois conjugués. Mais tandis que l’absence des Crédit Photo - Rita Newman parents détermine de moins en moins souvent le placement des enfants, la notion de carence éducative demeure un motif constant de la prise en charge. L’étude se déplace cette fois des de soins concerne 38% des fratries parents vers l’enfant, mettant en accueillies. C’est la deuxième cause la Qu’est ce que la carence lumière les motifs, le plus souvent plus fréquemment évoquée. Un climat éducative ? traumatisants, qui déterminent la de violence familiale explique quant à nécessité de la prise en charge. Ceux- lui l’accueil de 32% des fratries. C’est La notion de carence éducative ci ont été établis à partir de l’ensemble le troisième motif le plus fréquemment se définit comme « l’insuffisance des éléments communiqués dans évoqué dans les dossiers d’admission qualitative et/ou quantitative le dossier de l’enfant. Ils figurent au au cours du demi-siècle écoulé. des « apports éducatifs » dans nombre de sept : l’absence des les différents milieux de vie de parents, la maltraitance, la maltraitance Les motifs de placement l’enfant (école, famille…), ne sexuelle, le climat de violence fami- évoluent liale, le défaut de soins, les carences permettant pas de satisfaire les affectives et les carences éducatives. différents besoins de l’enfant : Lors des dix premières années L’analyse des dossiers montre que les physiques, affectifs, culturels d’existence de l’association, c’est problématiques familiales et les motifs principalement l’absence des parents moraux, sociaux. qui justifient les mesures de protection qui est évoquée dans 62% des situa- ont évolué et qu’elles sont rarement tions tandis qu’au cours de la dernière Les carences éducatives provo- uniques. période (1996-2004), seules 11% des quent des mécanismes psychi- fratries sont concernées. Durant les ques qui peuvent aboutir aux Des problèmes récurrents 20 premières années, l’association inadaptations ». Le défaut de accueille principalement des fratries soins se définit quant à lui par Au cours des 50 dernières années, le orphelines de mère et/ou de père, « le manque d’hygiène, l’insalu- motif de placement le plus fréquem- qu’aucun membre de la famille élargie brité du logement et/ou la non ment évoqué est la situation de carence ne peut prendre en charge. En 1956- prise en compte des besoins éducative : plus de la moitié des fratries 1965, 97,5% des enfants sont orphelins spécifiques à l’enfant. » pour lesquelles le motif du placement au moment de leur admission en village est renseigné est concernée. Le défaut SOS. Cependant, le décès de la mère Les motifs de placement des fratries selon la période d’admission (unité d’analyse : fratrie) Motif de placement Période d’admission 1956-1965 1966-1975 1976-1985 1986-1995 1996-2004 Absence des parents 62 % 52 % 35 % 15 % 11 % Maltraitance sexuelle 10 % 2% 5% 17 % 19 % Maltraitance 3.5 % 5% 15 % 27 % 26.5% Carences affectives 0.0 % 11 % 13.5% 20 % 20 % Climat de violence familiale 10 % 23 % 38 % 39 % 31 % Défaut de soins 31 % 22 % 38 % 43 % 40 % Carence éducative 38 % 31 % 51 % 60 % 70 % Nbre de fratries sur les 498 renseignées 29 64 74 135 196 10 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS
est fréquemment accompagné d’autres motifs de placement. Les situations de carence éducative touchent déjà 38% des fratries de 1955 à 1965 et le manque de soins plus de 30%. Les dossiers relatifs aux entrées au cours de la première décennie d’existence de l’association montrent que c’est le plus souvent les difficultés qu’éprouve le père dans la prise en charge, seul, de l’éducation de ses enfants qui explique leur admission en villages. Les raisons en sont multiples : son travail, ses tendances alcooliques parfois, des troubles psychiatriques quelquefois, voire son incarcération expliquent le placement de ses enfants. La décennie 1970 marque un tournant dans l’histoire de l’association. … L’association élargit sa mission Crédit Photo - Benno Neeleman L’association étant désormais de moins en moins sollicitée pour la prise en charge d’orphelins, sa mission s’est élargie à des enfants admis en vertu de l’article 375 al.1 du Code Civil qui préco- nise le placement de l’enfant lorsque « la santé, la sécurité, la moralité d’un Les situations de maltraitance, de climat à partir de la période 1976-1985. Il faut mineur non émancipé sont en danger de violence familiale, mais aussi les ici préciser que la prise en compte du ou (que) les conditions de son éduca- défauts de soins, les carences éduca- bien-être de l’enfant, alors émergente, tion sont gravement compromises ». tives et affectives s’accroissent de fait favorise un meilleur dépistage des situations « à risque » et que certaines situations d’orphelins pouvaient cacher Des enfants orphelins à la protection de l’enfance en danger des situations de carences graves au cours des périodes précédentes. Responsable de l’accueil des fratries à SOS Villages d’Enfants entre 1970 et 1981, Hélène Rotïg se souvient : « L’accueil des orphelins, au moins de mère, Le plus souvent, plusieurs causes sont était le plus souvent le seul critère d’admission à cette période. Il s’agissait avancées pour justifier la demande le plus souvent de fratries nombreuses, les fratries peu nombreuses étant d’admission. alors placées dans la famille élargie. Nous obtenions une délégation d’autorité parentale et l’enfant était placé chez nous jusqu’à sa majorité. Concernant les admissions, nous réalisions nous-mêmes une enquête sociale approfondie, Au cours de la dernière période, 70% nous nous mettions d’accord avec les services sociaux locaux et nous n’infor- des dossiers évoquent les carences mions la DASS qu’à partir de ce moment. De ce point de vue, les choses ont éducatives, auxquels s’ajoutent le changé. » Aujourd’hui, c’est sur décision de justice, en lien avec les services de défaut de soins dans 40% des cas. l’Aide Sociale à l’Enfance, qu’est décidé le placement de la fratrie. La décision d’admission reste toujours du ressort du directeur du village en concertation Un climat de violence familiale est avec son équipe pour permettre des demandes d’admission cohérentes à évoqué dans 30% des dossiers, la la fois avec le projet associatif et le projet pour les enfants - mais la demande maltraitance dans 26,5% des situa- d’admission émane des services de l’ASE. Un travail d’information et de tions. communication a été réalisé par les villages d’enfants afin que les services demandeurs soient clairement au courant des critères retenus pour admettre Lorsque l’absence des parents cesse une fratrie. La préparation de l’accueil est une étape essentielle dans la réussite d’être la raison principale de la demande du projet, elle laisse une place importante aux enfants, à leurs familles, à l’équipe de prise en charge en village d’enfants des villages d’enfants et en particulier à la mère SOS qui les accueillera. SOS, les carences éducatives sont de plus en plus souvent évoquées. 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS 11
Les placements antérieurs à l’admission en village Crédit Photo - Archives SOS Crédit Photo - Alan Meier Les placements antérieurs sont de plus en plus fréquents, de plus en plus longs et ne favorisent pas le regroupement des fratries… Depuis la naissance de l’association, placement peuvent expliquer cette de l’information, près d’un sur trois a on constate une tendance de plus en tendance. Parmi les enfants placés toujours été placé avec l’ensemble plus forte au placement des enfants antérieurement, les trois quarts ont de ses frères et sœurs, près de 40% avant l’entrée en village d’enfants SOS. transité par des structures de type ont été placés avec une partie de leur Si les informations sont incomplètes, il maisons d’enfants à caractère social fratrie, 13% ont toujours été placés apparaît en effet clairement sur l’en- (MECS) ou pouponnière, plus d’un sur seuls tandis que la situation a été semble des cas recueillis qu’un enfant quatre a été placé chez une assistante variable pour les autres. Le placement sur trois avait été placé avant son maternelle et près d’un sur six l’a été isolé s’accroît fortement au cours de la admission en village lors de la première en établissement spécialisé, hospitalier dernière période, alors que celui d’un décennie, presque trois sur quatre au ou chez un tiers. Il apparaît donc que enfant placé avec seulement une partie cours des années 80, et qu’ils sont la majorité des enfants admis en village de sa fratrie diminue. Cet accroisse- plus de 85% à être dans cette situation d’enfants a déjà une plus ou moins ment de la proportion d’enfants placés aujourd’hui. Cette situation peut s’ex- longue expérience des services de seuls s’explique par la structure même pliquer, voire se justifier, par différents protection de l’enfance. de l’offre de placement, laquelle ne facteurs. Dans un premier temps, le favorise pas le placement de plusieurs retrait des enfants de leur famille et le enfants ensemble. placement en établissement - décidés parfois dans l’urgence - permettent d’évaluer la situation de l’enfant et de Le point de vue de… sa fratrie et de justifier le placement Rémy Mazin, sur le long terme. En outre, s’ajoutent Directeur Général Adjoint les problèmes des disponibilités des places en village d’enfants SOS et de SOS Villages d’Enfants de l’attente parfois nécessaire avant l’admission. « Si la multiplication de ces place- ments antérieurs permet de traiter Crédit Photo - Alan Meier l’urgence, elle n’est pas sans consé- Des situations transitoires quences. En effet, elle est souvent qui durent le signe de placement décidés « là où il y a de la place » et non comme On remarque aussi un accroissement des placements réfléchis dans le seul de la durée du ou des placements Le placement isolé s’accroît intérêt de l’enfant tel que le définit la antérieurs. Alors que la durée moyenne nouvelle loi de protection de l’enfance s’élevait à 11 mois entre 1955 et 1965, Dans ces conditions de placement du 5 mars 2007. Des placements elle double pratiquement entre 1996 « transitoire », il convient aussi de s’in- multiples signifient aussi que l’on a et 2004, passant à 20 mois. En outre, terroger sur le parcours de la fratrie : les fait vivre aux enfants différents projets il n’est pas rare que les placements frères et sœurs ont-ils été placés seuls et différentes ruptures, avec pour antérieurs à l’entrée en village d’en- ou séparément ? Certains d’entre eux conséquence des enfants qui ont pu fants aient été multiples. La tendance se sont-ils retrouvés isolés au cours de « désapprendre » à faire confiance aux est d’ailleurs à l’accroissement du ces placements antérieurs ? Même s’il adultes chargés de leur protection. nombre de placements antérieurs, le convient de relativiser les données qui Pour les mères SOS, la conquête de nombre d’enfants n’ayant connu qu’un suivent – un certain nombre d’enfants la confiance peut être alors longue seul placement antérieur diminuant au placés dans un même établissement et difficile même s’il existe souvent profit de ceux qui en ont connu au ne partagent pas un cadre de vie dans les premiers temps une période moins deux. La multiplication de l’offre commun - parmi les 1123 enfants sur d’euphorie. » d’accueil, la variété des structures de 1534 pour lesquels nous disposons 12 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS
Le placement en village d’enfants SOS Crédit Photo - Archives SOS Les caractéristiques du placement au sein des villages d’enfants SOS ont évolué. Les enfants sont admis de plus en plus jeunes, la durée de la prise en charge tend à se réduire. Et les fratries accueillies sont moins étendues qu’hier… Depuis sa création en 1956, SOS point de vue très nette : alors qu’entre un demi-siècle. Alors que la moitié des Villages d’Enfants a accueilli 2106 1955 et 1965, la fratrie d’origine est fratries accueillies était composée de enfants répartis sur 555 fratries. Au composée de 7 frères et sœurs en plus de 5 enfants pendant les deux cours de ces 50 années, les caracté- moyenne, elle n’est plus que de 4 entre premières décennies, cet indicateur ristiques de la population accueillie ont 1996 et 2006. Il n’est donc pas éton- est seulement de 3 au cours des vingt évolué, parfois à la faveur des évolu- nant que la taille des fratries accueillies dernières années. tions démographiques, sociologiques, diminue pour passer de 5,9 à 3,2 en juridiques ou pour des raisons tout simplement structurelles. Il arrive aussi que les motifs de ces évolutions soient liés les uns aux autres. La croissance des effectifs a par exemple logique- ment suivi la construction de nouveaux villages d’enfants SOS et donc la capacité d’accueil de l’association. Mais il est intéressant de constater que, si les effectifs des fratries ont eux aussi logiquement augmenté, ils l’ont fait dans des proportions différentes. Le nombre de fratries admises s’est ainsi constamment élevé même lorsque les effectifs d’enfants placés fluctuaient. Des fratries moins étendues Cette situation est naturellement à Crédit Photo -Herbert Genser mettre en correspondance avec l’évolution des caractéristiques socio- démographiques de la famille au cours des dernières décennies. Sur la période 1956-2006, la tendance est de ce Effectifs d’enfants et de fratries admis au cours des cinquante dernières années Période Nombre de fratries % de fratries Nombre d’enfants % d’enfants d’admission admises admises admis admis 1956-1965 34 6.1 199 9.4 1966-1975 77 13.9 379 18.0 1976-1985 83 15.0 333 15.8 1986-1995 150 27.0 532 25.3 1996-2004 211 38.0 663 31.5 Total 555 100.0 2106 100.0 50 ans d’accueil de fratries en villages d’enfants SOS 13
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