Accord du Cadre Inclusif sur l'impôt minimum mondial : International ...

 
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NOTE D’ORIENTATION

 Accord du Cadre Inclusif sur l’impôt
 minimum mondial :
 Recommandations visant à remédier à la stabilisation fiscale
                                                        Nathalie Bernasconi-Osterwalder, Sarah Brewin,
                                                   Suzy Nikièma, Thomas Lassourd, Alexandra Readhead
                                                                                                    novembre 2021

 Contexte
 Le 8 octobre 2021, 136 pays ont approuvé la Déclaration sur une solution reposant sur deux
 piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie (ci-après dénommé
 « Déclaration »)1. La déclaration constitue une étape importante pour l’initiative mondiale :
 dirigée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) depuis
 2018, elle vise à relever les défis fiscaux résultant d’une économie numérisée. La réforme
 comprend deux piliers. Le Pilier Un crée un nouveau droit d’imposition pour les entreprises
 qui vendent des biens et des services de manière numérique dans les pays où leurs utilisateurs
 ou consommateurs sont physiquement situés. Le Pilier Deux garantit que tous les bénéfices
 mondiaux des entreprises multinationales seront imposés à un taux d’imposition effectif
 minimum de 15 %, au-delà d’un montant de revenus exclu égal à 5 % des dépenses totales
 de l’entreprise affectées aux employés et aux actifs corporels. Cette note se concentre sur le
 deuxième pilier.

 Le Pilier Deux devrait atteindre son objectif indirectement, en sapant la logique de
 concurrence fiscale. Il n’exige pas que tous les pays augmentent leur taux d’imposition sur le
 revenu au-dessus du minimum convenu à l’échelle mondiale. Il crée quatre règles (connues
 sous le nom de « règles GloBE ») qui permettent aux pays d’imposer les revenus étrangers
 lorsque ces revenus sont imposés à moins de 15 %, sous certaines conditions.

 1 La Déclaration est accessible à l’adresse : https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/declaration-sur-une-solution-
 reposant-sur-deux-piliers-pour-resoudre-les-defis-fiscaux-souleves-par-la-numerisation-de-l-economie-
 octobre-2021.htm

 © 2021 International Institute for Sustainable Development
Accord du Cadre Inclusif sur l’impôt minimum mondial

    1. La règle d’inclusion du revenu permet à un pays d’origine d’imposer les revenus
       des succursales et filiales étrangères d’une entreprise mère dans sa juridiction si elles
       ne paient pas le taux d’imposition effectif minimum dans leur(s) pays(s) d’accueil.
    2. La règle de substitution complète la règle d’inclusion du revenu en permettant au pays
       d’origine d’imposer à l’échelle mondiale (la « méthode du crédit ») les bénéfices réalisés
       par une succursale étrangère ou provenant de biens immobiliers soumis à un taux
       inférieur au taux minimum global.
    3. La règle relative aux paiements insuffisamment imposés donne aux pays d’accueil
       le droit d’imposer les paiements effectués par les entreprises multinationales opérant
       dans leur juridiction à des filiales étrangères lorsque ces paiements ne sont pas imposés
       à un niveau minimum. La règle permet au pays d’origine de refuser une déduction ou
       d’imposer un impôt (y compris une retenue à la source) sur le montant versé à l’affilié
       étranger.
    4. La règle d’assujettissement à l’impôt complétera la règle relative aux paiements
       insuffisamment imposés en interdisant les réductions de l’impôt qu’une entreprise paie
       dans le pays d’accueil en raison de ses conventions fiscales, lorsque le paiement affecté
       par la convention fiscale n’est pas assujetti au taux minimal.

Ce dispositif vise à rendre inefficaces les pratiques fiscales les plus dommageables : les
juridictions qui réduisent leur taux d’imposition effectif en dessous de 15 % grâce à des
incitations fiscales transféreraient tout simplement des recettes fiscales allant jusqu’à 15 % à
une ou plusieurs juridictions qui percevront la différence.

Les membres du Cadre inclusif OCDE/G20 sur le BEPS qui acceptent d’adopter les règles
GloBE décrites dans le Pilier Deux seront tenus de mettre en œuvre et d’administrer les
règles d’une manière compatible avec le Pilier Deux, en respectant une législation type et des
commentaires approuvés par le Cadre inclusif. La législation type vise à donner effet à la règle
d’inclusion du revenu et à la règle relative aux paiements insuffisamment imposés. Elle sera
complétée par des commentaires qui expliquent l’objet et le fonctionnement des règles, ainsi
que la nécessité d’une règle de substitution dans certains traités. La règle d’assujettissement à
l’impôt sera traitée séparément au moyen d’un instrument multilatéral.

La problématique : éliminer des dispositions fiscales
stabilisées
Le Pilier Deux obligera de nombreux États, membres du Cadre inclusif ou non, à revoir leur
politique fiscale, conçue en l’absence d’un impôt minimum mondial. Par exemple, un pays
pourrait choisir d’augmenter le taux d’imposition sur les sociétés de droit commun ou de
supprimer des incitations fiscales qui permettent aux entreprises de payer moins que l’impôt
minimum mondial sur son territoire. Ces incitations comprendraient, par exemple, des
exonérations fiscales de long terme accordées aux investisseurs étrangers.

Toutefois, certaines incitations fiscales pourraient être gelées par des clauses de stabilisation
fiscale contenues dans la législation nationale ou les accords d’investissement conclus avec
des investisseurs étrangers. Par exemple, le code des investissements d’un pays d’Afrique de

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Accord du Cadre Inclusif sur l’impôt minimum mondial

l’Ouest exempte les investisseurs éligibles de tous les impôts, droits et charges, à l’exception
de certains impôts indirects, pour une période de 30 ans. Le code des investissements poursuit
en déclarant que « les investisseurs qui bénéficient des avantages prévus par la présente loi
continueront de recevoir ces avantages, nonobstant toute nouvelle loi ou réglementation
visant à supprimer ou à atténuer les avantages qui seraient adoptés après la publication de
la présente loi »2. Dans un autre exemple, un pays voisin a récemment conclu un accord
d’investissement dans le cadre d’un grand projet minier qui stabilise l’ensemble du régime
fiscal, y compris un congé fiscal de 10 ans, pendant 25 ans3.

Les clauses de « stabilisation fiscale » sont des dispositions qui visent à limiter ou qui pourraient
être interprétées comme limitant la capacité de l’Etat de la juridiction hôte de modifier la loi
fiscale applicable à un investisseur ou à un investissement sur son territoire ou qui exigent
une compensation économique pour l’adoption de tels changements législatifs. Les clauses
contenues dans les lois nationales et les accords d’investissement pourraient rendre difficile
pour les Etats d’adapter leur politique fiscale à la nouvelle réalité d’un impôt minimum
mondial sans risquer d’être poursuivis devant une instance d’arbitrage internationale. Les
entreprises ont toujours été très protectrices des garanties juridiques accordés en vertu
de clauses de stabilisation. En outre, les traités d’investissement avec des dispositions
de règlement des différends investisseur-État peuvent offrir aux entreprises des avenues
supplémentaires pour contester tout changement dans la politique fiscale du pays d’accueil.

Peu de pays développés maintiennent un dispositif de stabilisation dans leurs lois nationales
ou accords d’investissement4. La question de la stabilisation est donc avant tout un problème
pour les économies en développement et émergentes, les plus vulnérables à la concurrence
fiscale. Elle concerne également les pays en développement qui n’ont pas signé la Déclaration,
mais qui ont stabilisé des régimes fiscaux préférentiels pour les entreprises multinationales
dont le siège social se trouve dans des pays signataires. Il est donc essentiel que le Cadre
inclusif trouve une solution pour s’attaquer aux incitations fiscales stabilisées qui pourraient
empêcher les pays en développement d’aligner leur politique fiscale sur un impôt minimum
mondial et de renoncer ainsi à des recettes fiscales vitales.

La présente note fournit des recommandations sur la manière dont l’OCDE pourrait
concevoir la législation type et les commentaires pour traiter efficacement de la question
des incitations fiscales stabilisées. Elle s’appuie sur les récentes orientations de l’Institut
international du développement durable à l’intention des Etats des pays en développement
sur la manière de modifier leurs régimes d’incitations fiscales pour tirer bénéfice de l’impôt

2 Article 8 de la Loi Mali n° 2012-16/Du 27 Fév. 2012 Portant Code des Investissements. https://investmentpolicy.
unctad.org/investment-laws/laws/258/mali-code-des-investissements (traduction par les auteurs).
3 Convention de base entre La République de Guinée et Winning Consortium Simandou SAU-SAU pour
l’Exploitation du Mineral de Fer des Blocs I et II de Simandou. https://resourcecontracts.org/contract/ocds-
591adf-9254500989/view#/pdf
4 Voir la section 6 de la Société financière internationale. (2009, mai). Clauses de stabilisation et droits de l’homme
: Un projet de recherche mené pour la IFC et le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur les
entreprises et les droits de l’homme. https://www.ifc.org/wps/wcm/connect/0883d81a-e00a-4551-b2b9-46641e5a9bba/
Stabilization%2BPaper.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=ROOTWORKSPACE-0883d81a-e00a-4551-b2b9-
46641e5a9bba-jqeww2e

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Accord du Cadre Inclusif sur l’impôt minimum mondial

minimum5, ainsi que sur les contributions du Forum intergouvernemental sur l’exploitation
minière, les minerais, les métaux et le développement durable (IGF) sur les questions
spécifiques de mise en œuvre de l’impôt minimum mondial dans le secteur minier6.

Recommandations pour la rédaction de la législation type
et des commentaires
Le Secrétariat de l’OCDE élabore une législation type pour donner effet à certains aspects des
règles gloBE. Elle sera accompagnée de commentaires expliquant l’objectif général des règles.

Premièrement, le projet de loi type devrait indiquer clairement que l’impôt minimum mondial
s’applique à tous les investissements, quels que soient les taux d’imposition ou les incitations
que la législation nationale, les accords ou les traités d’investissement prétendent stabiliser et
qui se traduiraient par un taux d’imposition effectif inférieur au taux minimum mondial.

En plus d’adopter une déclaration forte dans la législation type, les commentaires devraient
inclure les points suivants :

     1. Les membres du Cadre inclusif devraient indiquer que les mesures adoptées de bonne
        foi par les États pour adapter leur législation fiscale à la mise en œuvre des règles
        GloBE, y compris l’établissement de taux d’imposition effectifs nationaux au niveau
        ou au-dessus du niveau d’imposition minimum mondial, sont réputées être conformes
        à tout traité d’investissement en vigueur avec un membre du Cadre inclusif qui s’est
        également engagé à mettre en œuvre les règles GloBE.
     2. Les membres du Cadre inclusif devraient préciser qu’ils ne considèrent pas les
        mesures adoptées de bonne foi par les États pour supprimer, réduire ou suspendre
        des dispositions de leurs lois nationales ou leurs accords d’investissement pour mettre
        en œuvre les règles GloBE ou pour adapter les règles fiscales nationales à l’impôt
        minimum mondial comme arbitraires, discriminatoires, expropriatrices ou autrement
        en violation du droit international. Elles ne doivent pas non plus être considérées
        comme un changement de loi limité par les dispositions de stabilisation fiscale des lois
        nationales ou des accords d’investissement.
     3. Les membres du Cadre inclusif devraient éviter d’inclure des dispositions de
        stabilisation fiscale dans leurs accords d’investissement ou leurs lois nationales ou
        de conclure d’importants traités d’investissement ayant un effet stabilisateur dans la
        mesure où ils pourraient geler ou stabiliser les taux d’imposition effectifs nationaux en
        dessous du niveau d’imposition minimum mondial et empêcher la modification des
        règles fiscales nationales nécessaires à la mise en œuvre du Pilier Deux.

5 Readhead, A., Lassourd, T., & Mann, H. (2021, 24 juin). La fin des incitations fiscales : en quoi un impôt
minimal mondial affecterait-il les régimes incitatifs fiscaux dans les pays en développement ? Investment Treaty
News. https://www.iisd.org/itn/fr/2021/06/24/the-end-of-tax-incentives-how-will-a-global-minimum-tax-affect-tax-
incentives-regimes-in-developing-countries/
6 IGF. (2021). Taxer l’économie numérique : implications pour les sociétés minières https://www.igfmining.org/beps/
current-topics/taxing-the-digital-economy-implications-for-mining/

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Accord du Cadre Inclusif sur l’impôt minimum mondial

    4. Les entreprises multinationales relevant du champ d’application des règles GloBE
       devraient être encouragées à déclarer leur soutien à une révision appropriée des
       dispositions fiscales stabilisées, afin que tous les pays puissent adapter leur politique
       fiscale à l’impôt minimum mondial. De cette façon, les entreprises pourraient
       déterminer les conditions suffisantes pour ne pas contester les mesures prises par les
       Etats pour réviser les taux d’imposition et les incitations fiscales stabilisés ayant pour
       objectif de ramener le taux d’imposition effectif minimum de toutes les entreprises
       opérant dans leur juridiction à 15 %.

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