ADDN 11 SUSTAINABLE OPERATIONS - LA REVUE D'IDÉES PAR
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ADD SUSTAINABLE OPERATIONS N°11 STRATÉGIE DES OPÉRATIONS NOUVEAUX PRODUITS ACHATS MANUFACTURING SUPPLY CHAIN ET LOGISTIQUE FINANCE LA REVUE D’IDÉES PAR DIGITAL & IT LA RÉVOLUTION VERTE AU CŒUR DES OPÉRATIONS $ CO2
ÉDITO L e virage s’était clairement amorcé en 2019 et la crise de la Covid-19 a d’une certaine manière « fini le travail » : la préservation de l’environnement est enfin devenue une préoccupation du monde industriel au même titre que celui d’être compétitif… S’il fallait trouver un impact positif à cette crise, cela aura été au moins celui-là, même si le lien entre crise écologique et crise sanitaire n’est pas si évident. Dans certains secteurs, comme le luxe ou la mode, l’environnement est même devenu l’enjeu principal, à la fois pour prendre en compte l’évolution du comportement des consommateurs qui prennent en considération de façon croissante l’impact environnemental de ce qu’ils achètent et celui de la réglementation avec notamment l’entrée en vigueur de la loi interdisant la destruction des produits non alimentaires à horizon 2022. Pour un industriel, s’attaquer à la question environnementale implique de se concentrer sur trois grands axes : • Réduire l’impact environnemental de chaque produit qu’il fabrique sur plusieurs dimensions : gaz à effet de serre, pollution, eaux usées, pression sur les sols, etc. Les leviers vont concerner l’ensemble des opérations : Quelles matières et quels fournisseurs choisir ? Comment limiter les impacts de la fabrication ? Comment rendre son transport moins générateur de CO2 ? • Éviter la destruction d’invendus ou de produits intermédiaires non utilisés. Ici tout est affaire d’agilité et de performance de la Supply Chain ; • Allonger la durée de vie des produits en les rendant plus robustes et plus réparables. On le comprend donc assez bien : travailler sur ces trois axes signifie essentiellement travailler sur l’ensemble des opérations de la conception des produits à leur mise sur le marché et même jusqu’à leur réparation et leur recyclage, en passant par leur fabrication et leur distribution. Fabrice Bonneau Directeur général
C’est donc rendre ses opérations plus performantes sur le plan environnemental et ajouter ainsi une quatrième facette à l’habituel triangle coût/stock/service. DE VERS SERVICE COÛT SERVICE Qualité & Service COÛT STOCK DURABILITÉ STOCK Tous les Tous les coûts inventaires d’exploitation Nous souhaitons, dans ce nouveau numéro de notre revue d’idées ADD, vous appor- ter un éclairage sur cette transformation verte qui s’annonce dans les opérations à travers nos propres points de vue et retours d’expériences mais également, comme à notre habitude, à travers le prisme des témoignages d’acteurs qui contribuent déjà fortement à cette transformation : Pierre-Fabrice Storino et Christophe Bocquet, respectivement COO et Directeur CSR de la maison Chloé Christian Brabant, Directeur général d’ecosystem Blandine Sardou, Business Recycling Manager au sein du groupe Mobivia Joël Tronchon, Directeur du développement durable du groupe SEB
SOMMAIRE Cliquez sur les titres pour accéder directement à la page concernée. P 4-9 ARTICLE MESURER POUR TRANSFORMER P 10-15 ARTICLE L’ÉCODESIGN, DÉMARCHE CLÉ POUR CONCILIER VALEUR, COÛT ET IMPACT ENVIRONNEMENTAL P 16-21 ARTICLE ACHATS RESPONSABLES, POURQUOI EST-IL URGENT DE DÉPASSER LE « GREENWASHING » ? P 22-27 ARTICLE COMMENT AIDER LES USINES À REDYNAMISER LEURS DÉMARCHES ENVIRONNEMENTALES ? P 28-33 ARTICLE RÉDUIRE DE 30 % LES ÉMISSIONS DE CO2 DU FRET EN 10 ANS : OUI, MAIS COMMENT ? P 34-39 INTERVIEW AU CŒUR DE LA TRANSFORMATION RSE DE CHLOÉ P 40-47 ARTICLE ÊTRE AGILE POUR ÉVITER LA DESTRUCTION P 48-65 INTERVIEWS LA PAROLE AUX ACTEURS DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : • MOBIVIA BOUCLE LA BOUCLE DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE • ECOSYSTEM, ACTEUR CENTRAL DE LA DURABILITÉ • LA DURABILITÉ COMME AXE DE DIFFÉRENCIATION POUR LE GROUPE SEB P 66-71 ARTICLE RÉCONCILIER PERFORMANCE ENVIRONNEMENTALE ET PERFORMANCE ÉCONOMIQUE P 72-73 LISTE DES CONTRIBUTEURS
MESURER POUR TRANSFORMER Mathilde Solelhac, Manager, Argon & Co
ARTICLE "What gets measured gets managed", comment la mesure de l’empreinte environnementale est-elle la condition sine qua non de votre plan de transfor- mation ? Peu d’entreprises sont aujourd’hui capables de répondre à la question triviale suivante : « Quel est l’impact de mes produits sur l’environnement ? ». Il s’agit pourtant bien de la première étape pour lancer un plan de transformation environnemental. En effet, celle-ci permet de répondre à plusieurs objectifs : • Comprendre les impacts environnementaux. En effet, mesurer les impacts permet de les comprendre, de lever les idées reçues et de les pondérer de façon objective ; • Quantifier le point de départ. C’est la première étape de la transformation, indispensable pour pouvoir quantifier les efforts à mettre en œuvre pour les réduire et suivre leurs effets de manière régulière ; • Prioriser les sujets en fonction de leurs poids dans l’empreinte globale des activités ; • Mobiliser les parties prenantes : cette première étude permet d’embarquer les équipes, de les sensibiliser et leur donner envie d’aller plus loin ! Dans cet article, nous allons détailler les objectifs de ce type d’analyse, la méthodologie à appliquer ainsi que les suites à donner. 5
ARTICLE L’analyse doit mesurer les impacts sur Comment mener ce type d’analyse ? l’ensemble de la chaîne de valeur en Pour une entreprise, le meilleur moyen allant au-delà de l’empreinte carbone d’avoir une vision complète et fiable Le périmètre des analyses quantitatives de son impact environnemental est de des rapports RSE est généralement réaliser une analyse de cycle de vie (ACV) très limité, puisque seules les émissions appliquée à ses opérations. directement générées par l’entreprise sont chiffrées (dites de scope 1 et 2 selon PREMIÈRE ÉTAPE : le Greenhouse Gas Protocol). Celles-ci Définir le périmètre et modéliser la recouvrent généralement les émissions chaîne de valeur : être le plus complet générées par les fonctions support possible ! (bureaux, transport), et une fraction seulement des émissions induites par la Tout d’abord, la complexité des sujets production (des matières premières aux environnementaux réside dans la mul- produits finis) et la distribution. Or il appa- tiplicité des facteurs ayant un impact raît que pour de nombreuses entreprises environnemental. Le CO2 est le plus opérant dans des secteurs tels que le luxe, connu, mais la génération de déchets, les télécommunications, le retail, l’auto- la consommation d’eau, la pollution de mobile… ces émissions dites de scope 1 et l’air, de l’eau et la pression exercée sur 2 sont marginales (elles peuvent en effet les sols sont au moins aussi importants. représenter moins de 20 % du total des Il est donc préférable de tous les prendre émissions dans le luxe par exemple). en compte (en cohérence avec l’activité) dans un premier temps, pour ensuite se Par ailleurs, les analyses des rapports concentrer sur les plus significatifs. RSE sont aussi très souvent limitées sur les vecteurs d’impact, puisque seules les Ensuite, l’objectif étant de mesurer l’em- émissions CO2 y sont incluses, laissant de preinte environnementale d’un produit côté la consommation d’eau, les émissions de bout-en-bout, la chaîne de valeur de de déchets, la pollution de l’air et de l’eau, l’entreprise doit être modélisée. Celle-ci se la pression sur les sols… décompose généralement en trois grands maillons : la création des matières pre- mières, la production des produits finis, Le périmètre des rapports puis leur distribution (voire leur utilisation RSE est souvent limité aux et leur fin de vie). Ces trois grands maillons scopes 1 et 2 qui peuvent peuvent eux-mêmes être décomposés représenter moins de 20 % d’une ou plusieurs sous-étapes, selon la du total des émissions (dans nature des produits. le luxe notamment) 6
ARTICLE MODÉLISATION DE LA CHAÎNE DE VALEUR POUR UN ARTICLE DE MAROQUINERIE 1 MATIÈRES PREMIÈRES 2 FABRICATION 3 DISTRIBUTION Production Traitements Transformation Assemblage Distribution de matières des matières premières premières CHAÎNE DE VALEUR Veau Cuir Pièces en cuir Boutiques Élevage Abattoir Découpe d’animaux Tannage Produit fini Centre de Couture distribution monde Coton Fil Tissu Entrepôt Égrenage Broderie régional Cultures Filature Découpe Tissage Teinture Matières traitées Produits finis DEUXIÈME ÉTAPE : Certaines données sont relativement faciles à collecter et interpréter, c’est La collecte et l’analyse de données : agir notamment le cas des données de avec pragmatisme ! transport. Pour d’autres, notamment Une fois le périmètre validé, il convient toutes celles qui ont trait à l’activité des de collecter l’ensemble des données fournisseurs, l’exercice est plus complexe, nécessaires à l’analyse. Ces données et en particulier ceux de rang 2 ou 3… Notre leurs sources sont très variées : données recommandation est ici de capitaliser produits (matières premières, nomencla- sur les données et analyses existantes : tures, poids, volumes, durée de vie), facteurs d’émissions par matières pre- données fournisseurs, données transport mières, analyses de cycle de vie… Ce (schéma de flux, mode de transport, type d’analyse peut prendre beaucoup taux de remplissage), données énergies, de temps et il faut agir avec pragmatisme données déchets… et réserve quitte à utiliser des facteurs standards dans certains cas pour arriver à identifier les « grands sujets » qui seront ensuite à affiner. 7
ARTICLE TROISIÈME ÉTAPE : les résultats soient vulgarisés et mis en forme de façon à maximiser leur impact. L’interprétation des résultats : prendre de la hauteur et vulgariser les résultats ! Par ailleurs il est nécessaire de contex- tualiser les données et faire preuve de Les analyses peuvent s’avérer très tech- discernement en les présentant. En effet, niques et difficilement compréhensibles une mesure est rarement universelle et la par des non-experts. L’interprétation prise en compte du contexte est conseil- des résultats doit être faite en prenant lée. Par exemple, 1 m3 d’eau consommé de la hauteur pour en faire ressortir les dans un pays soumis à un stress hydrique éléments clés. important n’équivaut pas à un 1 m 3 Ainsi, pour communiquer plus largement consommé dans une région où l’eau est au sein de l’entreprise, il est préférable que abondante. EXEMPLE D’UNE ANALYSE D’IMPACT 50 % 25 % 18 % 7% GES (en tCO2e) 19 % 57 % 24 % Déchets (en tonnes) 97 % 3% Utilisation du sol (en ha) 43 % 14 % 43 % Pollution de l’air (en tonnes) 97 % 3% Pollution de l’eau (en tonnes) 75 % 21 % 4% Consommation d’eau (en m3) 0 20 40 60 80 100 Matières premières Fabrication Distribution Siège QUATRIÈME ÉTAPE : l’empreinte générée par le produit lors de son utilisation et de sa fin de vie), achats L’identification et la priorisation des (sourcing de fournisseurs responsables, leviers : les leviers sont dans les opé- locaux…), production (techniques de rations ! production plus vertueuses), distribution Sur la base de ces constats factuels (modes de transport à faible empreinte et chiffrés, les leviers de réduction de carbone)… Voici quelques exemples de l’empreinte environnementale les plus leviers identifiés dans le secteur de la prometteurs peuvent alors être identifiés. mode et du luxe : utilisation de cachemire Ces leviers visent tous à transformer les recyclé, réduction de la part du transport opérations : développement produits aérien en passant par le maritime ou le (écoconception, y compris en intégrant train dans certaines régions sur une partie 8
ARTICLE du périmètre article, passage au coton Dans la majeure partie des projets menés bio, réduction de la part du commuting jusqu’à présent, l’étude initiale a abouti (déplacement domicile/travail) des à un rapport d’étonnement remettant employés en favorisant la mobilité douce… en cause la feuille de route initialement définie par l’entreprise elle-même pour Ensuite, dans la qualification et la priori- réduire son impact environnemental, sation de ces leviers, il est important de notamment en réajustant l’ordre des mettre en évidence les impacts induits priorités ou en ajoutant de nouveaux (coût, stock, service) pour éclairer les leviers à forte valeur ajoutée. arbitrages. CYCLE DE VIE DES OPÉRATIONS ET LEVIERS ASSOCIÉS O F FR EP R Recyclage - Upcycling IE Écoconception O V DU DE ITS Sustainable FIN Operations ET Réparabilité Zéro déchet, Achats responsables PR O D économie circulaire UC TI O LI N Livraison VR Écoproduction AIS ON Quelles suites donner à cette première ses usines et centrales de distribution en analyse ? valeur absolue depuis 2005. L’analyse de cycle de vie (ACV) appliquée Ce type d’analyse n’est pas une analyse aux opérations, holistique et chiffrée, « one shot ». Nous recommandons qu’elle constitue un socle solide pour le lancement soit régulièrement mise à jour afin de d’un plan d’excellence environnemental, pouvoir quantifier les évolutions et ainsi focalisé sur les sujets prioritaires. Il permet communiquer sur les avancées. Par ainsi à l’entreprise de réduire significati- exemple, il est intéressant dans le secteur vement l’empreinte environnementale de du luxe ou de la mode de mesurer l’impact ses produits et de répondre de manière de chaque collection. factuelle aux exigences des nouveaux Transformez vos opérations pour les consommateurs. Des entreprises comme rendre plus responsables est aussi une L’Oréal ou Kering l’ont bien compris, et formidable occasion de fédérer et motiver peuvent aujourd’hui se prévaloir de résul- vos collaborateurs, en donnant du sens à tats très positifs. L’Oréal a, par exemple, leur travail ! réduit de 77 % les émissions de CO2 de 9
L’ÉCODESIGN, DÉMARCHE CLÉ POUR CONCILIER VALEUR, COÛT ET IMPACT ENVIRONNEMENTAL Jean-Pierre Pellé, Directeur, Argon & Co Amandine Bedos, Senior Manager, Argon & Co
ARTICLE Ne plus opposer performance économique et environ- nementale Comment faire en sorte que la rentabilité d’un produit ne soit pas opposable à son impact environnemental ? Cette ques- tion reste encore trop souvent sans réponse. Les entreprises considèrent d’abord la maîtrise des coûts comme le premier pilier de la performance pour accroître la valorisation auprès de leurs actionnaires. Jusqu’à présent, l’impact environnemental était plutôt vu comme une contrainte par les fabricants. Les mentalités ont évolué : les effets visibles de l’impact environ- nemental ne peuvent plus être mis au second plan. La prise de conscience est devenue une réalité collective. 11
ARTICLE Ainsi, le dirigeant d’aujourd’hui se doit d’un procédé industriel, une tolérance de faire face à deux impératifs antago- mécanique, un cycle de fonctionnement nistes – ou du moins perçus comme tels. ou une grandeur physique (la masse par Le premier est la nécessité de répondre exemple dans l’aéronautique). L’enjeu aux demandes des consommateurs et n’est donc plus de dire que l’on veut subs- des clients sur la question environne- tituer toutes les matières plastiques par mentale : Quel est l’impact du produit un matériau plus « vertueux écologique- sur la planète ? Quelle est la contribution ment », mais de rechercher des équilibres de l’entreprise sur la préservation des entre ces niveaux de performances pour écosystèmes ? etc. Le deuxième est répondre aux exigences technico-envi- celui de la rentabilité : consolidation ronnementales. Vaut-il mieux remplacer le des marges, développement des offres et des marchés, rendement pour les actionnaires. Finalement, la résultante de ces deux impératifs n’est qu’une même L’écodesign a permis expression de ce qu’est la valeur pour de réduire de 15 % le client. Si l’entreprise sait mettre en avant sa capacité à prendre en compte notre empreinte CO2 l’aspect environnemental à travers un grâce à une nouvelle discours crédible et si elle peut préserver sa compétitivité sur l’offre de valeur, alors architecture de les deux mondes s’accordent. notre système, une C’est tout l’enjeu de l’écodesign (ou Design for Sustainability) : mettre la réduction des services valeur client au cœur de toute la réflexion de transport pour la relative aux innovations pour renforcer la compétitivité coût, tout en réduisant l’im- maintenance et de pact environnemental. Cette approche, la consommation inspirée des meilleures pratiques du Design to Value, intègre la dimension énergétique de environnementale au même titre que les certains équipements. coûts. Il n’est donc plus question d’op- poser coûts et environnement, mais d’en Le tout en réduisant faire un projet commun. nos coûts de plus de L’impact environnemental comme 20 % ! facteur de performance L’écodesign considère que l’impact Un équipementier du environnemental est un facteur de perfor- secteur de l’énergie mance, au même titre que le rendement 12
ARTICLE plastique par des fibres naturelles, réduire de coût mais aussi d’impact environne- la quantité de plastique mise en œuvre ou mental. Il existe des bases de références recycler celui-ci en fin de vie ? Ainsi, l’éco- permettant d’évaluer ces impacts (CO2, design est une méthode permettant de déchets, pollution de l’eau ou des sols…) répondre objectivement à ces questions. telles que EcoInvent, PEF, l’ADEME. La difficulté réside dans la consolidation L’écodesign se base sur une représen- de ces données. L’enjeu ici n’est pas de tation fonctionnelle du système étudié. fournir une analyse détaillée, mais bien Cela permet de regarder d’abord la finalité de saisir les ordres de grandeur afin du système (de quoi ai-je besoin ?) plus d’identifier les facteurs d’influence : quelle que la solution elle-même (comment fonction contribue le plus à mon impact puis-je répondre au besoin ?). À partir CO2 ? Quelles en sont les causes (produc- d’une nomenclature de composants et tion des matières premières, logistique, d’opérations sur le cycle de vie, il s’agit transformation…) ? de détailler chaque élément en terme IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET CLIMAT Impact CO2 pour un industriel Réduction CO2 -15 % Opportunité -10 % -5 % Décroissance Croissance de valeur de valeur Fonctions #1 #2 #3 Faisabilité des opportunités Difficile Moyen Facile Augmentation CO2 13
ARTICLE Si, en parallèle de cette modélisation démarche écodesign, au regard de la des impacts par fonction, on procède disponibilité parfois parcellaire des don- à la modélisation des coûts complets, nées et de leur hétérogénéité. Ainsi, cela il devient alors nécessaire de comparer nécessite souvent de prendre le temps les fonctions pour identifier celles qui de poser correctement les hypothèses contribuent le plus aux coûts et aux de travail. Il en va de même pour les impacts environnementaux. Cependant, si impacts environnementaux ciblés. Tout la modélisation des coûts est assez aisée, réside dans la capacité à trouver le bon il n’en est pas de même pour l’analyse niveau de détail pour être suffisamment des facteurs environnementaux. En effet, pertinent. ceux-ci sont de natures hétérogènes et Le deuxième temps de la démarche, difficiles à apprécier en tant que tels, plus classique, demande un vrai travail compte tenu de leur complexité. collaboratif des acteurs sous forme de Restituer une valeur d’index agrégé est un brainstorming pour lister toutes leurs exercice délicat, mais il permet néanmoins idées. À ce stade, pas de jugement au de définir un standard d’indicateurs (en regard de la pertinence ou de la faisabilité étant conscient des limites) et de mesurer de celles-ci. Il s’agit d’être le plus créatif efficacement sa performance. possible. Il est parfois préférable de ne retenir qu’un Le troisième temps va permettre de ou deux critères d’impact environnemen- sélectionner les opportunités les plus tal pertinents pour l’analyse, sélectionnés attractives selon des analyses multicri- pour leur enjeu client/filière. tères (gains économiques et bénéfices environnementaux). Un comité de pilo- L’écodesign : un travail d’équipe en un tage, sponsorisé par la direction générale, temps limité décide ou non d’engager plus loin les initiatives proposées en fonction de leurs L’écodesign est une méthode qui permet bénéfices, leur faisabilité et leur plan de d’arbitrer de façon objective les impacts déploiement. coûts et environnementaux. Il incombe ensuite à l’entreprise de se les appro- Dans un quatrième temps, la démarche prier pour les optimiser. L’approche est est centrée sur la mise en œuvre des généralement conduite sur une durée de opportunités. quelques semaines dans une logique de « time boxing ». Cela consiste dans un premier temps à construire le modèle coût-impact envi- ronnemental qui constitue la base des réflexions pour identifier les pistes. Cette phase est souvent la plus délicate de la 14
ARTICLE TABLEAU SYNOPTIQUE DE LA DÉMARCHE ÉCODESIGN ACTIVITÉS • Identification des enjeux business IDENTIFICATION • Modélisation des coûts sur le cycle de vie DES ENJEUX ET • Modélisation des impacts environnementaux MODÉLISATION • Benchmarks IDENTIFICATION • Ateliers de brainstorming en équipe multifonctionnelle DES OPPORTUNITÉS • Priorisation des opportunités identifiées • Valorisation des opportunités en bénéfices coûts SÉLECTION DES et impacts environnementaux OPPORTUNITÉS • Sélection et validation des opportunités • Plan de mise en œuvre Il est donc indispensable de mobiliser lyses pointues mais inutiles à ce stade. En tous les acteurs de la chaîne de valeur effet, de simples ordres de grandeur sont afin qu’ils apportent leurs expertises suffisants pour rendre les premiers arbi- tout au long de la démarche. Réunir trages. Les analyses détaillées viennent le Marketing, le Commerce, la R&D, la ensuite et permettent d’affiner l’opportu- Production, les Achats, la RSE, la Finance nité en terme de faisabilité, planning de et d’autres fonctions permet de partager mise en œuvre et business case. une même analyse des impacts et de leurs inducteurs. Cela permet également de L’écodesign soutient le développement travailler conjointement à identifier les de nouvelles offres opportunités afin de les prioriser et de Contrairement aux actions traditionnelles sélectionner les plus prometteuses d’entre de compétitivité visant à contenir les elles. coûts, l’écodesign se positionne d’emblée Plus encore, il est nécessaire de conduire comme un vecteur d’innovation et de cette démarche de façon rythmée : en promotion d’offres à forte valeur pour effet, bien qu’il faille prendre le temps l’entreprise. Il ne s’agit plus de réduire les nécessaire à la construction du modèle coûts ou l’empreinte CO2 mais de mettre fonctionnel des coûts et des impacts envi- en avant de nouvelles idées pour défendre ronnementaux, il faut faire en sorte que une stratégie audacieuse. Bref, l’écodesign le groupe de travail consacre son énergie est un outil indispensable pour repenser à identifier les pépites. Le maintien d’un ses portfolios de produits, renforcer ses rythme de travail soutenu évite au groupe filières technologiques, développer son de se disperser, se perdre dans des ana- écosystème et sécuriser ainsi son avenir. 15
ACHATS RESPONSABLES, POURQUOI EST-IL URGENT DE DÉPASSER LE « GREENWASHING » ? Alejandra Miranda, Business Development France & Iberia & Latam, EcoVadis Christophe Durcudoy, Partner, Argon & Co Amandine Bedos, Senior Manager, Argon & Co
ARTICLE À date : beaucoup d’annonces mais peu de résultats Une récente étude(1) souligne que la majorité des impacts environ- nementaux des entreprises est liée à leurs fournisseurs, pouvant aller jusqu’à 90 % dans certains secteurs. La maîtrise des filières fournisseurs est donc l’un des facteurs clés de succès pour pouvoir diminuer l’impact environnemental des entreprises. À première vue, la plupart des entreprises semblent en avoir pris la mesure. Ainsi, en 2020, d’après l’Observatoire des Achats Responsables, neuf entreprises sur dix ont mis en place une politique achats responsables. Ces chiffres sont cependant à nuancer. Ainsi, l’analyse des résultats publiés par EcoVadis, spécialiste de notation de la durabilité des entreprises, montre que les achats responsables restent, depuis des années, le thème le plus faible et ont régressé en 2020. Les axes d’améliorations prioritaires se situent avant tout sur la profondeur de la maîtrise des filières fournisseurs. « Les grands donneurs d’ordre savent ce qu’il se passe chez leurs fournisseurs de rang 1, mais pas au niveau suivant. Notre indice annuel démontre que les pratiques RSE des fournisseurs de rang 1 ont progressé ces dernières années, mais ils ont d’abord travaillé sur leurs propres impacts environnementaux, puis sociaux, avant de s’attaquer au sujet de l’éthique des affaires. Ils ne se sont pas encore attelés à leur propre Supply Chain. Sur l’ensemble des sujets que nous traitons dans nos notations RSE, le score « achats responsables » (la chaîne d’approvisionnement) est toujours le moins bien noté. Aujourd’hui, très peu d’entreprises ont une vision des pratiques de leurs fournisseurs de rang 2. » Sylvain Guyoton, Senior Vice-President Research EcoVadis (1) Étude McKinsey (2016) “Starting at the source: Sustainability in supply chains” https://mck.co/3rLJZPJ. 17
ARTICLE INDICE* PERFORMANCE / RISQUE ECOVADIS 2020 50 49,1 48 47,5 46 46,4 46,7 45,6 45,4 44,7 45,0 44 44,0 43,8 42 42,5 42,1 40 38 38,3 38,2 37,9 36 2017 2018 2019 2017 2018 2019 2017 2018 2019 2017 2018 2019 2017 2018 2019 Score global RSE Environnement Social et Droits Éthique Achats de l’homme responsables (*) Cet indice va de 1 à 100. Malgré les effets d’annonce, sous la depuis deux ans un poids de plus en pression des coûts, les stratégies d’achats plus prépondérant aux critères RSE. Un évoluent peu. mauvais rating EcoVadis peut devenir éliminatoire. À l’inverse, mettre en avant Cependant, cette image globale est à un sourcing fournisseur « responsable » tempérer suivant les secteurs d’activité. devient un élément de différenciation ; Certains, comme la chimie ou l’agroali- mentaire sont en profonde transformation 2. Les pouvoirs publics - Ces der- « green » depuis des mois. nières années, la mise en place de réglementations nationales autour des Pourquoi est-il urgent d’accélérer ? produits interdits, des labels ainsi que la maîtrise de la Supply Chain étendue Quatre courants de fond obligent les s’est accélérée et renforcée : devoir entreprises et les achats à passer des de vigilance et loi Sapin II en France, bonnes intentions aux actes : Lieferkettengesetz en Allemagne, 1. Les consommateurs - Si cela devient loi contre l’esclavage moderne au une évidence dans la plupart des Royaume-Uni et en Australie, norme secteurs du B2C (agro-alimentaire, ISO 20 400 Achats responsables… cosmétique, mode, équipement de la Début 2021, une nouvelle législation maison, santé…), proposer à ses clients européenne obligeant les entreprises des produits et des services respectueux de la zone UE à assurer un contrôle du de l’environnement et de la société respect des Droits de l’homme et des commence aussi à impacter le B2B. En atteintes à l’environnement dans leurs effet, les appels d’offres lancés par les chaînes d’approvisionnement est entrée industriels et les institutions donnent en application. Ceci appuiera le « EU 18
ARTICLE Green Deal », visant à faire de l’Union d’années. Beaucoup ont remis en cause européenne la première économie le sourcing « low cost » et se sont inté- neutre en gaz à effet de serre d’ici 2050 ; ressées à ce qui se passait dans les usines 3. Les collaborateurs - Selon une de leurs fournisseurs. récente étude de Morgan Stanley(2), les Pour franchir une nouvelle étape et pour- nouvelles générations sont trois fois plus suivre la remise en cause des impacts de enclines à rechercher un poste dans leurs stratégies de sourcing, les achats une entreprise responsable et 70 % des doivent mener des initiatives proactives nouvelles générations ne seront fidèles et offensives. Tout comme les écono- à leur employeur que si celui-ci s’engage mies sont au cœur de l’ADN des achats, pleinement dans le développement optimiser son impact environnemental durable ; et social doit s’ancrer dans ses objectifs 4. Les investisseurs - Les acteurs finan- et se valoriser. ciers sont de plus en plus nombreux à intégrer dans leurs choix d’acquisitions La priorité : maîtriser ses filières des critères ESG (environnement, socié- fournisseurs tal et gouvernance). Les orientations Pour prioriser ses actions, il est néces- et actions réellement menées pour saire de cartographier ses enjeux RSE intégrer les conséquences sociales et par famille d’achats et d’identifier, pour environnementales de ses activités et celles à plus forts enjeux, les fournisseurs à remplir les engagements sociétaux en adresser en priorité, sans se limiter à ceux faveur du développement durable sont de rang 1. donc critiques pour les entreprises à la recherche de financements. L’idée est d’augmenter, au fil des mois, la part des dépenses intégrant les enjeux Commencer par changer d’état d’esprit RSE dans les stratégies d’achats, la défi- dans les directions achats nition du besoin, la sélection fournisseur Depuis 20 ans, les enjeux environne- et l’évaluation de la performance. mentaux et sociétaux ont été pris par Pour ce faire, il peut être bénéfique de les achats sous le tropisme défensif de la faire appel à des plateformes tierces pour gestion des risques : éviter un scandale, identifier rapidement les catégories et les anticiper les ruptures ou encore être en fournisseurs les plus à risque et lancer accord avec les normes. Si ces actions les évaluations approfondies et plans ont été menées « a minima » pour couvrir d’actions associés sur un large panel de ces risques, nous pouvons tout de même fournisseurs allant au-delà du rang 1. se réjouir des importants progrès menés par les entreprises depuis une dizaine Or, les acheteurs sont souvent confron- tés à un manque de visibilité de leurs (2) Étude Morgan Stanley, (2019) “Millennials Really Do Want To Work for Environmentally Sustainable Companies, Accor- ding to a New Survey of Large Company Employees” https://bit.ly/3tGJiso. 19
ARTICLE CONNAISSEZ-VOUS EN PROFONDEUR LES PERFORMANCES RSE DE VOS FOURNISSEURS ? Rang 1 uniquement 28 % Rang 2 45 % Rang 3 et plus 4% Nous ne les connaissons pas 23 % Source : https://resources.ecovadis.com/fr/actualites-achats-responsables-rse/ du-climat-au-travail-forc%C3%A9-le-score-achats-responsables-ecovadis- r%C3%A9v%C3%A9lateur-d-enjeux-majeurs fournisseurs de rang 2 et plus, et leur Cette démarche vise à aller au-delà de la performance RSE associée, impactant cartographie des risques. Elle est utilisée la performance RSE globale de leur pour élaborer des plans d’action avec chaîne d’approvisionnement. La notion toutes les parties prenantes de la chaîne de « Know Your Suppliers » est plus que de valeur afin d’orienter l’ensemble de la jamais critique. filière sur un type de culture responsable et durable du caoutchouc naturel. Sur ce point, un principe clé est d’inciter ses fournisseurs de rang 1 à donner de la Autre exemple dans les services, la Joint visibilité sur leur propre chaîne d’approvi- Audit Cooperation ; co-fondée en 2010 sionnement et à pousser leurs fournisseurs par Orange, Deutsche Telekom et Telecom à s’engager dans cette démarche dans Italia, est une association rassemblant une logique de partenariat gagnant/ 17 acteurs des télécoms. Son initiative gagnant, faisant des achats responsables sectorielle a déjà permis de mutualiser un atout et non plus une contrainte. les évaluations RSE de plus de 400 sites dans 38 pays, de sous-traitants Les groupes Michelin et Continental des rangs 1 à 4 tout en développant une combinent ainsi les audits documentaires dynamique globale de progrès sociaux EcoVadis pour les fournisseurs de rang 1 et environnementaux sur toute la filière et l’auto-évaluation RSE Rubberway® des technologies de l’information et de pour la chaîne amont, y compris les la communication. petits exploitants, grandes plantations et intermédiaires. En septembre 2020, La RSE, un véritable levier de création plus de 36 000 acteurs de la filière dans de valeur pour les achats ? 7 pays avaient participé à l’enquête sous l’impulsion de plus de 55 usines de Les entreprises qui ont entrepris d’amé- transformation. liorer leurs achats responsables observent de nombreux impacts positifs : 20
ARTICLE QUELS SONT SELON VOUS LES BÉNÉFICES DIRECTS DE VOS ENGAGEMENTS ACHATS RESPONSABLES ? 100 Reste de l'échantillon Leaders achats responsables 80 88 % 60 55 % 53 % 40 35 % 35 % 35 % 30 % 29 % 20 22 % 24 % 24 % 21 % 18 % 17 % 0 Atténuer Meilleurs Augmentation Différentiation Réduction Innovation Rétention des les risques indicateurs chiffre d'affaires et valeur des coûts talents, attractivité, achats de marque recrutement Source : EcoVadis achats-responsables-et-retours-sur-investissement. • Innovation renforcée sur les aspects des besoins (ex. limitation des embal- conception produit et logistique grâce lages). Selon le Carbon Disclosure aux coopérations avec des fournisseurs Project(4), plus de 50 % des grandes d’excellence en développement et RSE ; entreprises et 25 % de leurs fournisseurs • Augmentation de la valeur produit/ ont pu réduire leurs coûts grâce aux marque grâce aux communications sur programmes de réduction des émissions les actions concrètes engagées, permet- des gaz à effet de serre et aux écono- tant de développer des prix premium ou mies d’énergie associées ; de gagner de nouveaux marchés. Selon • Impacts financiers directs via une meil- une étude de l’université de Harvard(3), le leure valorisation boursière, des prêts à chiffre d’affaires global peut augmenter taux bonifiés, ou bien encore affacturage jusqu’à 20 % et les revenus générés par inversé (reverse factoring). les produits et services « durables » ont Sans oublier l’augmentation de la tendance à croître six fois plus vite ; résilience via l’atténuation des risques, • Sécurisation des marges et com- l’impact positif sur les indicateurs achats pétitivité via des réductions de coûts et la contribution à l’attractivité de la d’approvisionnements ou rationalisation marque employeur. (3) Étude Harvard, (2015) “Buying Green? Field Experimental Tests of Consumer Support for Environmentalism” https://bit.ly/3urc5AP (4) Étude CDP, (2019) “CDP Supply Chain: Changing the chain” https://bit.ly/3cQiPCp Sources Études EcoVadis : Baromètre EcoVadis 2019 Achats responsables : https://bit.ly/3oVho8A Indice Performance/Risque EcoVadis 2020 : https://bit.ly/3a28F0i Achats responsables et retours sur investissement : témoignages entreprises sur les principaux avantages cités par les entreprises les plus avancées en achats responsables : https://bit.ly/3q0hQ6Y Action des entreprises pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (focus 2020) : https://bit.ly/3qenUZL 21
COMMENT AIDER LES USINES À REDYNAMISER LEURS DÉMARCHES ENVIRONNEMENTALES ? Jean-François Laget, Partner, Argon & Co Adrien Signolet, Senior Manager, Argon & Co
ARTICLE Malgré une diminution de plus de 40 % en 20 ans(1), l’industrie manufacturière en France représente 15 à 20 % des émissions de GES du territoire(2). Même si cette baisse a été guidée par des règlemen- tations strictes, des progrès technologiques et des efforts des sites de production sur l’efficacité énergétique, la marche à franchir reste malheu- reusement grande pour atteindre les ambitions environnementales et l’industrie y a un grand rôle à jouer. Les leviers techniques et technologiques ac- tuellement disponibles pour réduire les impacts environnementaux dans les sites de production sont souvent connus des responsables locaux car ceux-ci y ont longuement travaillé ces dernières années, en particulier sur le volet énergie. En re- vanche, leur mise en place se heurte souvent à des contraintes ou des objectifs qui divergent de la trajectoire de performance qui leur est demandée. Quatre points semblent clés pour renforcer les démarches environnementales et gravir cette nouvelle marche. (1) De 1998 à 2017, CITEPA, rapport Secten 2018. (2) Gaz à effet de serre, 17 % en 2017, CITEPA, rapport Secten 2018. 23
ARTICLE 1 - Des objectifs environnementaux site, selon la spécificité de l’usine et de chiffrés et adaptés pour les sites de ses produits. Elle regroupe notamment production des conversions vers des foyers biomasse, l’utilisation de biocombustibles et la mise La plupart des groupes industriels ont en place de cogénération. défini et publié des objectifs de réduction d’impacts environnementaux à moyen 2 - S’inspirer des forces de l’améliora- ou long terme, majoritairement centrés tion continue et partager les démarches autour des émissions de GES et de consommation d’eau. La déclinaison de La performance des démarches d’amé- ces objectifs par BU ou par site, complé- lioration continue repose sur : mentaires aux objectifs de performance • un leadership fort ; économique, est nécessaire pour déclen- • un réseau d’experts ; cher les transformations sur le terrain. • des démarches et méthodologies La mise en place d’un EP&L(3) permet éprouvées ; une vision totalement intégrée des • une implication de tous les acteurs de performances économiques et environ- nementales de l’entreprise mais reste l’entreprise. complexe. Même si celle-ci a été réussie S’appuyer sur ce socle est un bon dans quelques groupes très avancés sur moyen de renforcer les démarches le sujet, elle reste peu réaliste à court environnementales : terme pour le plus grand nombre. Pour ceux-ci, les usines doivent être objectivées 1. Apporter le soutien et les sponsors sur des indicateurs spécifiques à leur nécessaires, en lien avec les objectifs performance environnementale et à leurs définis précédemment ; produits, cohérents avec les objectifs du 2. Développer et animer le réseau groupe, pour justifier d’actions nouvelles d’experts souvent existants (QHSE, et pouvoir y allouer les ressources. Un énergie…), au même titre qu’une struc- exemple d’indicateur pourrait être la cible ture d’excellence opérationnelle afin de d’émission par unité de valeur produite. partager et communiquer les pratiques, les initiatives et les résultats via des Le groupe Bouyer Leroux s’est, par « champions » de l’environnement ; exemple, fixé un objectif global de 90 % de part d’énergies renouvelables à 2025 3. Documenter, former et partager les dans le process de fabrication de ses méthodes au sein des sites et entre les produits en terre cuite (la fabrication de sites (de la quantification des impacts à ces produits est énergivore par l’utilisation la priorisation des solutions) ; des fours et séchoirs). Pour y parvenir, 4. Communiquer sur les objectifs et une feuille de route est définie sur chaque résultats, sensibiliser l’ensemble du (3) EP&L Environmental Profit and Loss, mis en œuvre par le groupe Kering. 24
ARTICLE personnel et en faire un axe de déve- prestations avec d’autres acteurs locaux loppement en collaboration avec les privés ou publics). ressources humaines. Les acteurs de cette amélioration Cette démarche d’ensemble est d’au- doivent avoir dans leurs objectifs de tant plus nécessaire que l’éventail et la pouvoir quantifier les impacts, identifier complexité des leviers sont larges. À titre et prioriser les leviers, s’intégrer dans les d’exemple : réseaux d’EIT(4) existants (ex. l’Institut national d’écologie circulaire) et suivre les • Les projets de performance ou de opportunités de subvention ou finance- conversion énergétique sont des projets ment (ex. décarbonation de l’industrie et qui nécessitent des connaissances tech- développement des filières de recyclage niques fortes et font l’objet de soutiens du plan de relance). financiers (renouvellement d’équipe- ments énergivores et peu performants, Le groupe Bel s’est inscrit dans une réseaux de récupération de chaleur, démarche globale en fixant des objectifs conversion de chaudières fossiles vers ciblés : réduire de 42 % ses émissions de des sources moins émissives…) ; GES sur les scopes 1 & 2 et de 27 % sur le • Les projets d’écologie industrielle scope 3 d’ici 2030(5). Pour y parvenir, il a et territoriale reposent plutôt sur une mis en œuvre des audits réguliers dans méthodologie d’identification de valeur à ses sites industriels pour identifier les partager et de mise en place de réseaux bonnes pratiques et suivre l’avancement (circuits de valorisation de déchets ou des plans d’actions. co-produits, partage de services ou 4 piliers pour enclencher des démarches d’amélioration continue environnementale Sponsors Réseaux d’experts Démarches et Implication méthodologies globale • Promotion • Site : responsables • ACV • Communication des démarches QHSE, énergie… • Partage des leviers interne et et attribution • Inter-sites : mis en œuvre valorisation des des ressources « Champions » idées • Méthodes de environnement valorisation • Externes : partenaires • Méthodes de privés ou publics, priorisation des réseaux d’économie projets circulaire (INEC, CCI…) (4) Écologie industrielle et territoriale. (5) D’ici 2030 par rapport à 2017 en tonne CO2e / tonne produits. 25
ARTICLE 3 - Intégrer des critères environne- Par exemple, l’arbitrage entre deux mentaux dans toutes les boucles de projets d’investissement se fera selon décision des critères de TRI(6) et de sécurité, mais également de leur contribution aux Les deux points précédents doivent objectifs environnementaux fixés au site positionner les sujets environnementaux (ou que le site se fixe) ; au cœur des prises de décision de l’usine. • Elles doivent s’efforcer de monétiser Pour ancrer ces priorités, il est nécessaire les risques et enjeux environnementaux d’ajuster les boucles et règles de validation associés pour estimer un TRI réel : valo- en y intégrant les critères environnemen- riser des risques réglementaires à venir, taux et la contribution aux objectifs issus des risques d’approvisionnement voire du groupe : stratégie Make or Buy, feuille de tarissement, des risques de dévalori- de route du dispositif industriel, validation sation de patrimoine ou de réputation ; des Capex, certification des fournisseurs… • Les règles du groupe doivent être Pour permettre aux usines de valider leurs adaptées aux temps de cycle des leviers projets environnementaux : environnementaux pour valider des projets aujourd’hui non conformes d’un • Ces boucles doivent intégrer la point de vue purement économique (ex. contribution aux objectifs environ- allongement des seuils de TRI). nementaux et en faire un critère de décision dans une grille préétablie ; 1 OBJECTIF 2 OBJECTIFS ET 3 BOUCLES DE VALIDATION ET GROUPE REPORTING PAR ANIMATION INTERNE SITE Ex. -40 % d’émissions • Évolutions industrielles • Animation de GES à 2025 Ex. -30 % d’émissions • Stratégie Make or Buy performance GES à 2025 pour des • Validation Capex • Choix fournisseurs sites plus contraints et partenaires Ex. : Prise en compte de la contribution à ces -30 % dans l’animation et les arbitrages du site (6) Taux de rentabilité interne. 26
ARTICLE 4 - Évaluer les initiatives au-delà des De nouveau, le niveau Groupe a un rôle portes de l’usine crucial à jouer pour favoriser les collabo- rations entre les fonctions, promouvoir Enfin, il y a un fort potentiel dans des cette dynamique et mettre en œuvre les chantiers transverses qui nécessitent rituels de revue de ces initiatives. d’établir une valorisation d’ensemble d’un changement initié en production. En conclusion, même s’il est nécessaire de Autrement dit, il faut pouvoir déclencher savoir mesurer les impacts et activer les des projets non recevables d’un point leviers pertinents, cela risque d’être insuf- de vue site uniquement mais pertinents fisant. Une vraie dynamique d’entreprise, au global (ex. Capex d’internalisation/ orientée vers un objectif affiché, doit être relocalisation de production traduits par lancée pour gravir une nouvelle marche une revalorisation des produits à la vente). dans les ambitions environnementales. 27
RÉDUIRE DE 30 % LES ÉMISSIONS DE CO DU FRET 2 EN 10 ANS : OUI, MAIS COMMENT ? Damien Mary, Senior Manager, Argon & Co Mathieu Guhur, Manager, Argon & Co
ARTICLE Le défi du fret L’augmentation exponentielle des volumes de transport ces dernières décennies s’est accompagnée d’un accroissement des nuisances associées : pollution de l’air, embouteillages, accidents, nuisances sonores, changement climatique… Leur coût cumulé est estimé à 1 000 Md€/an pour la seule UE(1) ! Les transports génèrent 24 % de l’ensemble des émissions mondiales de gaz à effet de serre (dont 10 % pour le seul fret), ce qui en fait le deuxième secteur le plus émetteur après celui de l’énergie. ÉVOLUTIONS DES ÉMISSIONS CO2E DU TRANSPORT SANS MESURES DE RÉDUCTION(2) (en tonnes de CO2e) 2% 2% 6% 34 % 55 % 6 200 000 000 2050 2% 3% 6% 27 % 62 % 2 900 000 000 2015 Fluvial Maritime Aérien Ferroviaire Route (1) Commission européenne, Handbook on the external costs of transport v1.1 – January 2019. (2) GLEC : Global Logistics Emissions Council. 29
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