ADG News N 31 La terre, j'en fais mon affaire - Retrouvez l'ADG News sur notre site www.ong adg.be
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
ADG News N° 31 Février 2013 La terre, j'en fais mon affaire... Retrouvez l'ADG News sur notre site www.ongadg.be
ADG News Le journal d'information d'Aide au Développement Gembloux asbl Passage des Déportés, 2 5030 Gembloux BELGIQUE Tél. : +32 81 62 25 75 Fax : +32 81 60 00 22 info@ongadg.be www.ongadg.be Compte dons IBAN : BE04 5230 8027 2831 (banque Triodos, code BIC : TRIOBEBB) Ont collaboré à ce numéro : Aline RENARD, Chérif CISSÉ, Daouda DIALLO, Dorothée MEUR, Hamet DIALLO, Kirsten VAN CAMP, Michèle VAHSEN, Stéphane CONTINI, Valérie DU JARDIN. Coordination générale & mise en pages : DOROTHÉE MEUR avec le logiciel libre Scribus www.scribus.net Correcteurs : Sylvie ALVES, Marie LEGRAIN, Stéphane CONTINI, Claire PARMENTIER. Editeur responsable : Anne VANESSEWILLOCQ. Textes et photos, sauf mention contraire : ADG Plus d'infos sur http://creativecommons.org/licenses/byncsa/2.0/fr/ Avec le soutien de : • la DGD (Direction Générale de la Coopération au Développement) • La Fédération WallonieBruxelles • Gembloux AgroBio Tech Ulg GxABT Ce périodique a été imprimé en Belgique par l'imprimerie Doneux & Fils, imprimeur responsable situé à Mettet www.imprimeriedoneux.be sur papier recyclé FSC avec des encres végétales.
Éditorial Par Stéphane Contini, Coordinateur régional Afrique de l'Ouest Chères lectrices, chers lecteurs, La terre, si vaste, si utile, si vitale Ainsi, les solutions envisagées par les même, source d’attachements, de paysans pour améliorer la fertilité de conflits, de transactions, de leurs terres, les travaux de stage réalisés spéculations, sujette à des au Sénégal par deux étudiantes belges aménagements, des amendements… sur la restauration des sols, ou l’action semble être l’objet de toutes les d’un de nos partenaires sur la attentions. Pourtant, elle est aussi sécurisation foncière, sont autant négligée, dérangée, dégradée, d’exemples de notre capacité à agir, et agressée. autant de pistes de réflexion pour la campagne de sensibilisation Cet ADG News explore plusieurs interuniversitaire « Campus Plein Sud » facettes du lien indéfectible et complexe et son slogan « Arrêtons de nous qui existe entre les hommes et le sol Terre ». qu’ils foulent. Pour que tous les ruraux continuent de Dans ce numéro Spécial Sénégal, nous vivre décemment de notre bonne vieille mettons l’accent sur la dégradation des terre… sols, qui affecte directement la production vivrière des familles Bonne lecture, paysannes sénégalaises. Stéphane Contini Audelà de cette alerte sur l’insécurité alimentaire, nous souhaitons surtout mettre en avant des idées, des initiatives qui tendent à enrayer le phénomène. Photo : Stéphane en mission dans le Sine Saloum, projet mangrove. La mangrove, une terre particulière sur laquelle ADG intervient depuis plusieurs années au Sénégal. 3
Regard sur... Potentiel et besoin en eau pour développer les activités Au Sénégal, la fertilité des terres est étroitement liée à la disponibilité de l'eau. Le climat de type soudanosahélien, aride, impose de raisonner de manière simultanée sur la gestion des ressources en terre et en eau. Lorsque les pratiques culturales sont inadaptées, la dynamique de l'eau accentue la dégradation des terres. Si – au contraire – les agriculteurs mettent en place des stratégies adaptées de gestion de l'espace, des sols et de l'eau, la spirale de la baisse de fertilité peut être enrayée. La pluviométrie moyenne annuelle au Sénégal oscille entre 300 mm au Nord à 1200 mm au Sud ; avec des variations annuelles parfois très importantes. Quatre fleuves drainent l'essentiel des ressources en eau de surface, auxquels s’ajoutent quelques cours d’eau et mares temporaires. Quant aux ressources en eau souterraines, elles sont réparties sur tout le territoire mais les débits des puits ou forage sont limités pour l’agriculture. La priorité doit être donnée à l'alimentation en eau potable des populations. Des situations d'excédents existent sur certains puits et forages, permettant l’installation de périmètres irrigués de taille limitée (de 1 à 10 ha) sans risques de conflit de voisinage ou d'influence néfaste sur l'environnement. L’agriculture sénégalaise occupe 12% du Malgré un potentiel en terres cultivables territoire national et emploie près de d’environ 3,8 millions d’hectares (20% 70% de la population active. Elle est de la surface du pays), dont 2,5 millions confrontée à deux contraintes majeures: d’hectares sont mis en culture, la dégradation des terres et le déficit l'agriculture sénégalaise s'avère très peu pluviométrique. productive, peu performante et incapable de nourrir la population du pays. Le parcellaire est dominé par les cultures pluviales (céréales, légumineuses dont l'arachide…), qui occupent 96 % des surfaces cultivées, alors que les périmètres irriguées ne représentent que 4%. L’agriculture pluviale, particulièrement extensive, repose essentiellement sur l’activité des exploitations familiales, qui constituent la majorité des ménages ruraux du pays1. « Ne jette pas la provision d’eau de ta Pour relever le défi de l'alimentation de jarre parce que la pluie s’annonce » sa population, le Sénégal doit améliorer Proverbe africain – la productivité des cultures vivrières, tout en préservant et restaurant les sols. Photo : puits à Diossong, Sénégal. 4 1. Source : Aquastat, FAO 2005. 2. « Se concerter pour mieux vivre de ce que l’on cultive ».
de production de mangues et d’élevage caprin, SN Il est également nécessaire d'augmenter les diverses difficultés rencontrées dans les surfaces irriguées. Ceci nécessite une certains pays du Sud et notamment sur les analyse systématique des conditions questions d’accès à la terre et aux intrants ». locales de disponibilité en eau, de sa qualité et des priorités de son utilisation. Au fil de l’eau « L’eau est un élément prioritaire, tant pour C'est dans cette optique, les cultures, le cheptel, que pour l’homme. qu'Aline, étudiante à la Elle est toutefois, une denrée rare dans les Haute Ecole de la Province pays du Sud. C’est pourquoi j’ai eu l’envie de Liège, La Reid section de me pencher sur cette problématique. La environnement a réalisé conférence de Riccardo Petrella3 sur la marchandisation de l’eau m’a confortée son étude. dans mon choix. « Me voici de retour de stage Mon objectif de départ était d’apporter ma de fin d’étude, je l’ai réalisé au contribution à une conscientisation active Sénégal dans le cadre du programme des paysans sur l’importance d’une Disso Bay Dundé2 mené par ADG. La consommation parcimonieuse de l’eau et thématique abordée durant ces quatre ce, au travers d’une gestion adéquate ». mois sur place a porté sur l’élément essentiel et vital qu’est l’eau ». Un stage au Sud… drôle d’idée non ? « Suite à une première immersion de courte durée au Sénégal, il y a 6 ans, l’envie d’y retourner était trop forte. De plus, l’idée de vivre activement une expérience dans la coopération au développement me trottait dans la tête depuis quelques temps déjà. ADG m’a Il est temps de se jeter à l’eau offert l’opportunité de réaliser ce projet. J’ai découvert cette ONG et ses « L’objectif spécifique de ce stage était propositions de stage dans les pays du l’analyse de la qualité et de la disponibilité Sud lors de la journée de rencontre avec en eau. C’est une étude de vigilance, il est les cinq hautes écoles wallonnes important de s’assurer que ces facteurs ne d’agronomie portant sur le thème « jeunes soient pas limitants. La quantité et la agros et souveraineté alimentaire ». Cette qualité de l’eau doivent être suffisantes rencontre m’a fortement sensibilisée sur pour le développement des filières choisies et pour les différentes activités que le 3. Économiste et politologue, il est le cofondateur du Groupe de Lisbonne et secrétaire général du Comité international pour le contrat mondial de l'eau. 5 Photo : abreuvement du bétail à Pallo Dial, village de la communauté rurale de Mont Rolland.
Regard sur... programme intègre dans les trois zones sur lesquels j’ai réalisé, en laboratoire, les ciblées4. Le choix de ces activités a analyses suivantes : nitrate, nitrite, toujours été pris en accord et suite à des phosphate, matière en suspension, pH,… partages avec les organisations partenaires présentes dans chacune des communautés rurales d’intervention. Le partenariat, mis au cœur du programme, fût une réelle ressource. Ceci m’a permis une intégration plus facile au sein même de la population, grâce au fait d’être présentée aux villageois par des personnes qu’ils connaissaient déjà. Concrètement, tout au long de l’élaboration de la méthodologie, j’ai porté une attention particulière à ce que les villageois puissent se l’approprier et soient autonomes pour poursuivre les mesures Afin qu’ils puissent réaliser ces mesures détaillées de la disponibilité en eau et cela par euxmêmes, j’ai d’abord donné une à moindre frais. Au sein de chaque brève formation théorique. Ensuite nous communautés rurales, mon étude avons effectué les premières mesures concernait trois villages d'intervention. ensemble. Une évaluation de leur travail Dans chacun des trois d’intervention, j’ai et un réajustement s’est avéré nécessaire eu l’occasion de travailler avec un groupe après une période d’essai. de 45 personnes qui s'étaient proposées Lors de ces rencontres de travail, ma sur base volontaire à la suite d'une capacité d’adaptation à leur manière de réunion explicative de l’étude menée. vivre m’a permis d’avoir un bon contact, Avec chaque groupe de volontaires, nous d’être appréciée et respectée ». avons sélectionné un puits et une mare sur lesquels nous avons effectué les Mes valises sont maintenant mesures et analyses. Au total donc, 9 bien remplies puits et 9 mares ont été analysées durant l'étude. « Évidemment je n’ai pas quitté le Sénégal La disponibilité en eau a été estimée au comme j’y suis entrée. D’abord sur le plan travers des démarches suivantes : mesure professionnel, ce stage m’a appris de l’évaporation, mesure de la variation de énormément. J’ai dû faire preuve la profondeur de la lame d’eau du puits, d’initiative et d’autonomie dans le travail. mesure du retrait de l’eau des mares, La communication s’est révélée être un enquête sur l’utilisation des puits et enjeu déterminant pour assurer la bonne analyse des données atmosphériques. coordination des actions au sein de Pour l’appréciation de la qualité, j’ai l’équipe. effectué trois prélèvements par point d’eau 4. Communautés rurales de Dialacoto, Diossong et Mont Rolland. 6 Photo : femme au puits, mesure de la profondeur du puits à Bady, village de la communauté rurale de Dialacoto.
Les premières étapes d’observation, de mode de vie. compréhension et d’appropriation du Enfin, au travers de mes visites dans les fonctionnement de l’ONG ont été différentes zones, j’ai pu contempler et incontournables. J’ai dû faire preuve d’une apprécier pleinement la diversité des grande capacité d’adaptation, aussi bien paysages sénégalais ». au terrain, au matériel mis à disposition, qu’au temps qui m’était imparti. Et après… J’ai eu l’occasion de faire une présentation orale devant l’assemblée des partenaires « Personnellement, je souhaite que les et des représentants des communautés analyses effectuées sur place débouchent rurales. Ceci m’a permis de développer un sur des résultats concrets. Je les esprit de synthèse et de communiquer interpréterai de mon mieux pour qu’ils oralement le bilan de mon stage. puissent faciliter les prises de décisions futures pour la gestion et l’amélioration de la qualité de l’eau. Cellesci auront des conséquences positives sur la qualité de vie des populations. En collaboration avec le chargé de programme, mon maître de stage, nous espérons que cette étude pourrra être prolongée et approfondie afin d’aboutir à une GIRE (Gestion Intégrée des Ressources en Eau) ». L'étude d’Aline s’intéresse à la Ensuite, sur le plan humain, cette problématique de la disponibilité de l'eau expérience fût inoubliable. Les échanges - en qualité et en quantité - dans 3 zones avec les partenaires, les volontaires, les employés d’ADG, mon maître de stage, agroécologiques très contrastées du ont été intenses. Sénégal où intervient ADG. Ce travail a permis d'identifier des méthodes simples Vivre 4 mois dans une famille sénégalaise pour mesurer cette disponibilité dans les n’a pas été simple tous les jours. Mais ce puits et les mares. fût enrichissant de découvrir un autre Photo : analyses de l'eau sur le terrain à Dienoun Diala, village de la communauté rurale de Dialacoto. Photo : paysage du campement de Wassadou dans la communauté rurale de Dialacoto. 7
Dossier Les enjeux liés à la terre pour une famille paysanne La terre constitue la principale ressource dont dépendent les familles paysannes pour produire la nourriture nécessaire à leur subsistance et à une population urbaine en progression constante. Malheureusement, la terre subit une pression de plus en plus forte, notamment en Afrique, où plusieurs facteurs se combinent : dégradation des terres, croissance démographique et augmentation de la demande en produits agricoles, émergence de la culture des biocarburants, accaparement des terres par certaines multinationales, etc. Comment ces effets se fontils ressentir pour un paysan sénégalais ? André, père d’une famille paysanne et un des premiers membres du RESOPP dans la zone de Tivaouane, témoigne. Les paysans observent partent. Comment les convaincre ils une baisse de que l’agriculture peut rester rentable ? Je veux leur dire : rendement dans leurs retournez à la terre et la terre productions ? pourra vous apporter « Oui. Parce que le sol est beaucoup ! ». pauvre. Beaucoup de gens n’ont Accès aux engrais pas les moyens d’acheter des engrais. Avant, on utilisait le « Dans les coopératives, nous fumier, on mettait le bétail dans n’avons pas trop de problèmes les champs, mais maintenant d’accès aux engrais. Mais il y a l’élevage recule. Comme nous quand même des problèmes Le RESOPP avons de moins en moins de d’approvisionnement. Les (Réseau des terre, nous ne savons pas où producteurs ne maitrisent pas le Organisations faire pâturer le bétail, ce qui marché des engrais, qui est cause des problèmes de organisé par l'Etat ; on ne sait Paysannes et pas quand ni quelle quantité divagation. Pastorales du Sénégal) d’engrais sera disponible. est un groupement de Dans mon cas, parce que je suis coopératives qui rend membre d’une coopérative, j’ai Nous utilisons des engrais accès à des semences certifiées chimiques de synthèse, ce qui à ses membres les et aux engrais. Grace à cela, je aide à avoir un bon rendement, services à leur activité mais nous voyons aussi qu’un fais en général d’assez bonnes de production : récoltes. Les gens qui n’ont pas excès d’engrais est négatif par fourniture d'intrants, accès au fumier, ni à l’engrais, ni rapport au sol. Je sais que le achat de produits et de aux semences certifiées voient fumier est mieux que les engrais matériel, une baisse de rendement grave. chimiques. Une combinaison des commercialisation de Dans ce village, il y a de l’exode deux serait plus intéressante ». la production… rural, beaucoup de jeunes Photo : André, père d'une famille paysanne. 8
Connaissezvous des pratiques sont presque au pied des villages. Si ça continue, on se demande si on aura pour améliorer la fertilité des suffisamment de terres à cultiver. L’Etat gère sols ? le foncier au Sénégal et vend aux entreprises, « Nous intégrons les arbres fruitiers dans les qui souvent ne prennent pas de main d’œuvre champs. Cela rapporte de l’argent et c’est locale ». bon pour le sol, ça fertilise et crée un microclimat favorable. Action de sécurisation foncière Diminuer la quantité d’engrais chimiques et Le GRAIM (Groupe de mettre plus d’intrants organiques, c’est Recherche et d’Appui important. Il faut aussi pratiquer la jachère, aux Initiatives mais nous n’avons pas assez de terre pour Mutualistes), cela et la terre ne récupère plus. partenaire d’ADG pour Les sols dans cette zone sont très durs et des actions de nous n’avons pas d’outils adéquats pour la développement dans la travailler. Quand l’eau vient, elle glisse mais vallée du Diobass au ne rentre plus dans la terre. Les déchets Sénégal, anime depuis organiques pourraient également apporter des éléments nutritifs, mais ici les gens n’ont deux ans une pas cette habitude. Nous brûlons souvent ces dynamique de déchets organiques, alors qu’on pourrait les sécurisation foncière utiliser pour faire du compost, ou même juste dans la zone de Sanghé. les mettre sur les champs… Dans cette zone essentiellement rurale, Je pense que nous devons planter beaucoup environ 80% de la population vit de d’arbres, car le vent appauvrit aussi les sols; il l’agriculture, majoritairement familiale, emmène tous les éléments nutritifs du sol. La détenant ainsi la grande partie des terres plantation de haies vives et d’arbres dans les exploitées. Cependant, dans la plupart des champs est un vrai remède aussi ». cas, ces terres constituent des propriétés Vous avez dit : « nous avons de familiales traditionnelles qui ne sont pas moins en moins de terre ». Êtes reconnues par la loi. Cet état de fait les vous exposé à l’insécurité expose ainsi à une insécurité foncière foncière ? latente, exacerbée par une forte pression foncière (habitats, agrobusiness, croissance « Oui. Dans notre zone nous sommes démographique). Dès lors, la sécurisation menacés par les carrières de phosphate, qui L’insécurité foncière est une situation où les acteurs considèrent leurs droits fonciers menacés (droits d’appropriation et droits d’exploitation) par d’autres acteurs (particuliers, communautés, collectivités ou l’État) et incertains quant à la durée. (Source : note sur l’insécurité foncière http://www.cek.com.ml) Photo : Hamet Diallo, géographe environnementaliste, chargé de programme au GRAIM. 9
Dossier Dégradation, appauvrissement et restauration des sols des droits hérités de ces terres demeure Dégradation et perte de fertilité un enjeu de taille pour les producteurs, des sols ainsi que pour le Conseil rural qui se doit d’appliquer les prescriptions de la Le sol est une ressource naturelle qui loi sur le domaine national. Cette présente une structure et renferme insécurité foncière freine les différents éléments nutritifs, de la investissements productifs à long terme matière organique et de l’humus ; toute des exploitations agricoles, qui ne une diversité biologique. souhaitent pas investir sur une terre qui La fertilité d’un sol dépend de la peut leur être retirée. C’est pourquoi le disponibilité de ces éléments, de sa GRAIM accompagne les acteurs locaux capacité à les fournir à partir de ses (élus et producteurs) à trouver un propres réserves et de ses réactions face consensus pour sécuriser le foncier. aux apports externes d'autres éléments. L’approche a consisté d’abord à Au Sénégal, les sols sont fortement mobiliser, organiser et sensibiliser les dégradés. Spécifiquement, dans les producteurs sur les enjeux et les zones arides, semiarides et sèches démarches de sécurisation de leurs subhumides, la désertification est la terres, ensuite à former et doter les élus forme particulière de dégradation des d’outils de gestion du foncier. Cela a sols. Elle est la résultante des abouti en 2012 à une première changements climatiques et des activités délibération d’attribution de 30 parcelles humaines inappropriées (coupe abusive individuelles et collectives au profit des des bois, surpâturage, brûlis, érosion, producteurs de la zone de Sanghé. destruction des microorganismes du sol par les pesticides…), entrainant la baisse de rendements des cultures au Sénégal. La baisse de la production agricole, notée au cours de ces 20 dernières années, est environ de 35 à 45% au Nord et de 20 à 25% au Sud. Les conséquences sont environnementales (perte de biodiversité, réduction de sa capacité à fixer le carbone), sociales (pauvreté, dégradation de la santé, insécurité alimentaire) et économiques (baisse de revenus). Photo : sols dégradés, Sénégal. 10
L’appauvrissement des sols vu la dispersion du bétail et la difficulté de par les yeux des paysans collaboration avec les éleveurs. Dans le cadre du programme Disso Bay Dundé de ADG, des Plans de Développement des Terroirs (PDT) sont élaborés avec les habitants. L’appauvrissement des sols est ressorti comme un des problèmes principaux dans toutes les zones d’intervention. Selon les exploitations familiales (EF) ellesmêmes, les causes de cet Restauration des sols, un enjeu appauvrissement des sols sont : crucial pour le Sénégal 1. Mauvaises pratiques culturales Pour inverser le processus de perte de L’exploitation des mêmes terres chaque fertilité des sols, il faut adopter des année (absence de jachère) est techniques appropriées de défenses et identifiée comme une mauvaise de restauration des sols. Ces techniques pratique, responsable de la dégradation doivent se baser sur : des sols. Les EF sont conscientes de cet une occupation des sols par des cultures effet, mais la culture sans jachère se en rotation et en association poursuit, en raison d’une pression foncière importante, ou à cause de un entretien et un accroissement des terres trop difficiles à cultiver réserves organiques (enfouissement des (argileuses, trop lourdes à travailler, résidus de récoltes, jachère, utilisation etc.). d’engrais verts, fumure organique). 2. Dégradation des terres en général L’homme est l’élément central pour lutter contre la dégradation des sols. Il Les exploitants citent le lessivage du peut exercer une action importante sur sol, le ruissèlement et l'érosion de la la végétation : selon qu’il la favorise, la couche supérieure du sol comme effets protège ou la détruit, il accroît ou de dégradation des terres. diminue l’érosion. Tout est alors 3. Manque de restauration question de volonté et de changement de mentalité, soutenus par une Les EF ressentent une impuissance formation, une recherche action et un pour compenser ce déclin avec des partenariat juste et équitable. techniques de restauration. L’utilisation de fumier par exemple, est freinée par Photo : sols dégradés, Sénégal. 11
En bref... Parcourir la terre… « Que font les gens au Nord, de quel type favorisent l’apprentissage mutuel et d’équipement disposentils, quelle est la l’approfondissement des débats à partir du qualité de leurs productions, comment croisement de regards Nord et Sud, sontils devenus fermiers, comment ontils étudiants et professionnels. fait pour financer leur ferme ? » « Je suis surpris de l’ampleur de la tâche Autant de questions que se posait Daouda qu’ADG fait dans le Nord et de sa pertinence. Diallo, Président du RESOPP1. Cet échange avec le Nord est très éducatif ! » « Durant le mois d'octobre 2012 je suis allé à À côté de ces échanges, Daouda a eu Gembloux, en Belgique. Ce voyage m'a permis l’occasion de rencontrer des acteurs du de visiter ce beau pays qui m'a beaucoup impressionné par sa nature luxuriante malgré secteur au Nord. Coopératives, bailleurs de son niveau de développement. J'ai été séduit fonds, chercheurs, exploitations agricoles…. par ce que ADG fait dans le Nord avec un De quoi alimenter ces quelques réflexions personnel aussi réduit et des moyens de départ. modestes. Cela m'a réconforté de savoir que « Ma rencontre avec les étudiants, les seuls la détermination et l'engagement professeurschercheurs ainsi que les bailleurs comptent. Certes il y a des hommes au niveau de fonds m'a permis de mieux appréhender de la direction de l'ONG mais je louerai ici l'ampleur des défis que nous devons affronter surtout le rôle des femmes pour leurs et d'entrevoir aussi des pistes de solution. compétences, leur rigueur, leur ponctualité et Cependant nous ne devons pas recopier leur dévouement ». textuellement ce qui se passe au Nord. La mission que nous lui avons confié D'ailleurs la duplication serait impossible vu n'était pas simple... que les contextes ne sont pas les mêmes. Nous pouvons utiliser les résultats de ces ...Intensifier les liens entre les recherches pour avancer plus vite mais en thématiques de l’Éducation au tenant compte de nos réalités ». Développement et celles d’actions au Sud au travers d’échanges entre acteurs du Sud et étudiants du Nord. Ces échanges et témoignages sont l’occasion pour le partenaire de relayer les messages vers nos jeunes au Nord. À l’inverse, les interrogations et réactions des étudiants permettent à Daouda de bénéficier d’un regard extérieur sur la situation et les activités au Sénégal. Cette mission ne l’a pas laissé indifférent. En effet, de tels échanges 1. Réseau des Organisations Paysannes et Pastorales au Sénégal. 12 Photo : Daouda Diallo, visite de la chèvrerie « Chèvrefeuille », octobre 2012.
La fiche d'ADG N°8 L’ IMPORTANCE DE L’ARBRE POUR LA FERTILITÉ DES SOLS Michèle Vahsen, Tout d’abord j’ai réalisé un inventaire des étudiante à la Haute systèmes d’embocagements dans les Ecole de la Province de trois communautés rurales d’intervention Liège, La Reid, section du programme. Ensuite, j’ai mené des enquêtes dans les villages, pour prendre environnement, a connaissance des aspects réalisé son stage de fin d’étude au environnementaux et tenir compte de la Sénégal dans le cadre du programme volonté des populations locales à changer Disso Bay Dundé. Elle explique ses certaines habitudes ou pratiques. En ce recherches menées sur les systèmes qui concerne la RNA, j’ai réalisé des d’embocagement. mesures de présence de trois espèces d'arbres fertilisants dans les parcelles « La dégradation des sols pose problème pour pouvoir calculer la densité, et ainsi le sur tout le territoire sénégalais. En plus de niveau de fertilisation par la régénération. cela, la divagation du bétail cause des pertes considérables pour les récoltes. Durant ces 4 mois, j’ai rencontré une Cela diminue les quantités produites, et culture, un pays, des personnes qui m’ont donc l’autosuffisance alimentaire. C’est marqué et j’ai eu un aperçu du travail pour cela que j’ai étudié les différents dans le secteur de l’aide au systèmes d’embocagements pour la développement. Même si les conditions protection des champs, et l’état de la n’étaient pas toujours idéales (langue, régénération naturelle assistée (RNA) de matériel, accès aux villages, etc.), c’était trois espèces d’arbres fertilisants. une expérience personnelle et professionnelle que je répèterai ». La régénération naturelle assistée, Kézako ? La régénération naturelle assistée (RNA) consiste à laisser au cours du défrichement1 (en saison sèche ou en saison des pluies) un à trois rejets issus des souches des différents arbres et arbustes pour qu’ils poursuivent leur croissance. Les objectifs poursuivis à travers la RNA sont : la protection des terres de cultures à travers la lutte contre l’érosion éolienne et hydrique ; l’amélioration de la fertilité des sols ; la production de bois de chauffe ou de service ; la production du fourrage pour les animaux ; la réduction de l’évapotranspiration. 1. Le défrichement est la destruction volontaire d'espaces boisés.
L’embocagement est une technique (fruits, bois de chauffe ou de d’agroforesterie qui consiste à planter construction)). des arbustes et des arbres autour et L’embocagement permet une dans les parcelles cultivées pour créer augmentation significative de la un effet de bocage. Les haies vives et productivité des espaces cultivés les arbres ont un effet à la fois : (nombres de cycles annuels, diversité protecteur (vent et/ou animaux en et association de cultures) et autorise divagation) ; une intensification durable des systèmes agricoles sans mettre en régulateur (ombrage et effet brise danger les ressources naturelles vent, maintien de l’humidité des sols, mobilisées2. remontée des eaux souterraines par les racines) ; améliorant (production de biomasse, décomposition de la litière, compostage, aération du sol, recyclage des éléments minéraux) ; économique (les produits et sous produits des arbres sont valorisables en autoconsommation ou sur le marché Qu'est ce que Schéma d'implatation de haies dans un jardin maraicher l’agroforesterie ? L’ agroforesterie est un Editeur responsable : Anne Vanesse Willocq Passage des Déportés, 2 5030 Gembloux mode de production associant la culture d’arbres / arbustes et des cultures sousjacentes ou intercalaires (cultures maraîchères, fourragères…). L’agroforesterie favorise la biodiversité au sein des agroécosystèmes et améliore la productivité tout en limitant la dégradation des sols. Photo : champs embocagés par des haies vives de Jatropha à Dialacoto, Sénégal. 2. Article inspiré d'Agrisud, Guide : « L’agroécologie en pratiques », édition 2010 et du site http://www.fidafrique.net/article1249.html
À l'actu ! Retour de quatre stagiaires ADG remercie, les quatre étudiantes de la section agronomique de la Haute École de La Reid pour les études menées au sein des actions Sud d’ADG. Au Sénégal, Aline a réalisé une étude comparative sur l’accès à l’eau pour les filières mangue et caprine. Michèle a quant à elle étudié les systèmes d’embocagement et d’assistance à la régénération naturelle (RNA) dans la zone du programme de « Disso Bay Dundé ». Au Cambodge, Céline a enquêté sur les pratiques de contrôle des maladies et ravageurs auprès des producteurs de légumes et de riz au Cambodge. Maude, a étudié les bonnes pratiques concernant la production, la récolte, le transport, le stockage, le décorticage et la commercialisation du riz parfumé d’une coopérative de producteurs à Takeo. Un débriefing au siège nous a permis de conclure que ces expériences furent positives et enrichissantes. Les étudiantes doivent maintenant s’atteler à l’analyse des résultats et à la rédaction de leur mémoire. Un travail de compilation de synthèse et de vulgarisation des informations issues des stages et mémoires effectués au Sud par les étudiants sera réalisé et diffusé fin 2013 sous forme d’une publication, reprenant les bonnes pratiques existantes en agriculture familiale, à destination des acteurs du Sud et du Nord. Création d’outils pédagogiques En 2012, autour du programme de sensibilisation intitulé : « Jeunes Agros & Souveraineté Alimentaire », les ONG (ADG, SOS Faim et VSF) et les Hautes Ecoles ont réalisé une boîte à outils proposant des animations clés en main sur trois thématiques : le lait, l’agroécologie et l’accès à la terre. Cette boîte à outils est disponible sur le site www.jagros.be Un livretDVD « Futur Agro, la souveraineté alimentaire, ça te concerne ! », a également été conçu suite aux différentes animations réalisées avec les Hautes Ecoles. Face aux défis que devra relever l’agriculture actuelle, ce livret met en exergue les principes qui soustendent la souveraineté alimentaire, proposée ici comme modèle alternatif, et ce que cela implique. Le livret – DVD est disponible au bureau d’ADG. Photo : Maude, lors d'une enquête avec les agriculteurs du riz bio, apprend à faire souffler le riz parfumé, Takéo, Cambodge. 15
À l'agenda ... Campus Plein Sud du 1er au 31 Mars 2013 Ton campus s’anime aux couleurs du Sud…. L’édition Campus Plein Sud 2013 « Arrêtons de nous terre ! » approche à grand pas. Cette terre nourricière qui nous abrite est une ressource essentielle pour la survie de l’humanité. Elle est en péril ! Heureusement, des dynamiques locales et solidaires se mettent en place un peu partout dans le monde pour la préserver. Pendant le mois de mars, des animations, des conférences, des filmsdébats et d’autres activités sur cette thématique seront organisées sur les différents campus francophones et néerlandophones du pays. Tu veux t’engager dans l’organisation de ces activités ? Fais part de tes idées à la commission Action Sud sur le campus de Gembloux. ADG accueil un partenaire du Sud du 28/02 au 14/03 Dans le cadre de sa campagne « Campus Plein Sud », ADG a le plaisir d’accueillir un partenaire du Sud. Malang Cissao, directeur exécutif de l’OPDAD (Organisation pour la Promotion Autonome de Dialacoto au Sénégal) et partenaire Sud d’ADG viendra nous parler de la ressource terre ! Précisions sur l'ADG News N° 30 Dans le dossier « Où va le monde et que peuvent les hommes... », l'enseignement classique qui est mentionné l'est en tant que méthode d'enseignement et non en tant que filière d'enseignement. Le terme « classique » est à comprendre par rapport à « moderne ». On parle ici d'une manière d'enseigner telle qu'elle se donnait au début du siècle dernier. La solidarité c'est l'affaire de tous ! Pour continuer à mener à bien nos actions, nous avons besoin de vous. Grâce au soutien de nos bailleurs institutionnels, chaque euro versé permet de mobiliser jusqu'à 10 euros pour nos actions. Tout don d'au moins 40 euros par an donne droit à une attestation fiscale qui vous permet de récuperer 45 % de votre don. Compte dons IBAN : BE04 5230 8027 2831 (banque Triodos, code BIC : TRIOBEBB). ADG Passage des Déportés, 2 5030 Gembloux | Tél. : +32 81 62 25 75 Fax : +32 81 60 00 22 Courriel : info@ongadg.be www.ongadg.be
Vous pouvez aussi lire