AGRONEWS L'AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION - DOSSIER - QualiREG
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AGRONEWS Édition Réunion-Mayotte / océan Indien le journal du cirad en outre-mer DOSSIER L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION Numéro 7 # novembre 2017
EDITO SOMMAIRE faire de l’agriculture réunionnaise et de la bio-économie circulaire DOSSIER L’agro-écologie porte tropicale des atouts ses fruits à La Réunion de notre territoire (pages centrales, numérotées de I à IV) L d ra Ci e Cirad a fait de la recherche © l yo agronomique en partenariat ra Ca sa marque de fabrique, R. et depuis plus de 50 ans, il accompagne le développement des filières agricoles LE CIRAD À LA RÉUNION INNOVATION Page 3 Page 10 réunionnaises. Des infrastructures certifiées Des plantes pièges contre le foreur de tige Nos programmes pour et qui se déploient Lutte biologique. La punaise de La Coccinelle la période 2015 à 2020 prennent Page 4 Page 11 en compte les besoins identifiés Répondre aux grands enjeux de Première mondiale. Handa, une nouvelle développement de l’océan Indien variété de vanille avec les professionnels au travers d’un accord-cadre signé avec l’Etat, Page 5 Jean-Bernard Dijoux, co-obtenteur La recherche en partenariat, de la variété Handa la Région et le Département. Qu’ils en soient remerciés ADN du Cirad car ainsi tout est rendu possible. Page 12 Ananas Victoria. Un outil pour planifier Ensemble nous avons convenu de faire de l’agriculture la production réunionnaise et de la bio-économie circulaire tropicale RECHERCHE Analyses sensorielles. Cinq jurys d’experts des atouts de notre territoire et de notre insertion régionale opérationnels Page 6 pour relever les grands défis de la sécurité alimentaire L’antibiorésistance sous surveillance Page 13 et de la valorisation optimisée de notre biodiversité. dans l’océan Indien Mieux connaître la composition des fourrages Emergence de résistances au cuivre Des préconisations pour réduire les risques Prévenir et renforcer nos moyens de protection contre de salmonelles dans l’outre-mer français les grands fléaux qui menacent la santé animale et la santé Page 7 végétale, adapter nos productions agricoles face Santé de l’abeille. Le point aux changements globaux, proposer de nouveaux itinéraires techniques de production « propres » et sans recours avec Hélène Delatte COOPÉRATION RÉGIONALE Page 8 Page 14 aux intrants chimiques, tester ainsi des modèles Agro-écologie. Une école-chercheur Prerad. Renforcer la capacité des acteurs de production rentables et pérennes, en lien avec à La Réunion Page 15 les demandes des filières agroalimentaires, accompagner Mangues. Une thèse réconcilie le vert Abeilles de l'océan Indien. Un patrimoine de façon globale les transitions écologiques, mais aussi et l’orange unique promouvoir de nouveaux « services environnementaux » Page 9 Fièvre aphteuse à Rodrigues. Un appui et mettre en valeur les « services écosystémiques » Boues d’épuration. Un bon fertilisant pour à la gestion de crise de notre agriculture… Tels sont les nombreux champs la canne à sucre ? Page 16 d’investigations que nous menons par la recherche, Stockage du carbone. Les sols réunionnais Le Cirad à La Réunion en chiffres battent des records l’innovation et la formation, véritables moteurs des réseaux Ma thèse en 180 secondes. Cécile Nobile d’innovations et de transferts agricoles dans lesquels en finale régionale nous participons activement. Cette nouvelle formule d’AGRONEWS, sous forme d’un journal de 16 pages, plus un dossier spécifique consacré cette année à l’agro-écologie, passe au crible notre activité et Directeur de publication : Eric Jeuffrault Photo de couverture : © Antoine Franck, Cirad vous en présente ici l’essentiel. Elle se veut illustrer Conception éditoriale et coordination : Les coccinelles sont connues pour se nourrir de pucerons. Certaines espèces sont aussi prédatrices notre engagement à mieux communiquer sur Sophie Della Mussia de cochenilles, mouches blanches (aleurodes) notre recherche pour la rendre plus visible, plus accessible. Conception graphique : Patricia Doucet ou d’acariens. Une lutte biologique naturelle très efficace en agro-écologie. Textes : Laurent Decloitre, Bernard Grollier, Bonne lecture, Renaud Levantidis, Chloé Glad, Rémi Kenzo-Pagès, Impression : Impact Imprimerie, Saint-Gély-du-Fesc (34). Stéphanie Buttard, Imprimé sur Cocoon offset 90 g en fibres recyclées avec la contribution de l’ensemble des équipes du Cirad avec des encres végétales Eric Jeuffrault, directeur régional du Cirad et de ses partenaires cités dans le journal. pour La Réunion-Mayotte et les pays de la COI (hors Madagascar) Direction régionale du Cirad pour La Réunion-Mayotte et les pays de la COI Le Cirad est (hors Madagascar) membre du Les projets du Cirad à La Réunion sont financés par l’Union européenne RITA Réunion (Feader et Feder), l’État, la Région et le département de La Réunion Station de la Bretagne - 40, Chemin de Grand Canal - CS 12014 97743 Saint-Denis Cedex 9 - Ile de La Réunion Tél. standard : +262 (0)2 62 72 78 00 - Tél. direction : +262 (0)2 62 72 78 40 Le Cirad est Fax : +262 (0)2 62 52 80 01 membre fondateur Courriel : dir-reg.reunion@cirad.fr - Site web : http://reunion-mayotte.cirad.fr de MUSE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EUROPÉENNES 2 AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMBRE 2017
Le cirad à la réunion Le Pôle de protection des plantes s’agrandit. Le chantier a été lancé le 1er janvier 2016 et plus de 1 900 m2 de laboratoires sortiront de terre d’ici fin 2020. R. Carayol © Cirad > Le Cirad se renforce au service de la science et de l’agriculture réunionnaise : déploiement du Pôle LE DISPOSITIF DU CIRAD À LA RÉUNION de protection des plantes, certification de son centre de ressources biologiques, mise en place d’un laboratoire d’analyse sensorielle et d’un des quatre Des infrastructures certifiées observatoires environnementaux français des produits résiduaires organiques. et qui se déploient À Saint-Pierre, le Pôle de protection sables, poursuit Éric Jeuffrault, pour faire sance et la valorisation des produits réu- des plantes (3P) s’agrandit, grâce de l’agro-écologie une solution durable nionnais », précise Eric Jeuffrault. Cinq à l’appui de la Région Réunion et pour nos agricultures insulaires, dans un jurys d’experts (café, miel, mangue, cacao, des fonds européens. Objectif : mieux contexte économique concurrentiel. » poivre) ont d’ores et déjà été formés. accueillir chercheurs, étudiants et parte- Enfin, dans le nord de La Réunion, le Autre reconnaissance : le centre de naires de la zone océan Indien dans le ressources biologiques a obtenu la certifi- site de La Mare héberge l’un des quatre domaine de la protection des cultures et cation NF S96-900. Le CRB Vatel gère trois observatoires français de l’environnement des milieux naturels. « Le 3P était victime collections de ressources végétales tropi- spécialisé dans le devenir des matières de son énorme succès depuis son inaugu- cales : vanilliers, aulx tropicaux et légumes organiques issues des biomasses agri- ration en 2001. Son agrandissement deve- sous-utilisés (dit lontan). Toutes ces res- coles. Ce dispositif répond à la priorité de nait nécessaire », confie Eric Jeuffrault, sources sont désormais accessibles dans bio-économie circulaire tropicale fixée par directeur régional du Cirad à La Réu- un catalogue en ligne pour tout l’outre- la région Réunion. nion-Mayotte. Le 3P est la seule plate- mer français http://crb-tropicaux.com/ forme technologique de recherche Portail. Le Cirad entend ainsi répondre ultramarine labellisée par le Groupement « à l’immense enjeu de préservation et d’intérêt scientifique (GIS) Infrastructures de valorisation de l’agro-biodiversité mon- Vanilliers, aulx tropicaux, en biologie santé et agronomie (IBiSA). diale ». légumes lontan. Le chantier a été lancé le 1er janvier Toujours à Saint-Pierre sur le site de Toutes ces ressources sont 2016 et plus de 1 900 m2 de laboratoires Ligne-Paradis, un laboratoire d’analyse désormais accessibles en ligne sortiront de terre d’ici fin 2020 avec sensorielle est opérationnel depuis 2016 des infrastructures modernes en écolo- avec 10 cabines informatisées. « L’enjeu pour tout l’outre-mer français gie chimique et en biologie moléculaire. est l’accompagnement des professionnels http://crb-tropicaux.com/Portail « Ces disciplines scientifiques sont indispen- de l’agroalimentaire, dans la reconnais- Cinq sites de recherche et d’expérimentation A La Réunion, le Cirad est doté Le site de La Bretagne accueille la Direction régionale du Cirad à La Réunion de plateaux Le site des Colimaçons était historiquement consacré et Mayotte pour la zone océan Indien (hors Madagascar), un arboretum de recherche à la diversification des cultures (légumes, fourrages, céréales, pédagogique, ainsi qu’un laboratoire d’agronomie et de biogéochimie. exceptionnels canne à sucre...). Aujourd’hui, il accueille une collection en milieu tropical, de plantes de services, et deux essais de long terme sur qui répondent Le site voisin de La Mare est dédié à l’expérimentation sur la culture l’intérêt agronomique et l’impact environnemental de canne à sucre. En collaboration avec eRcane et le CTICS, le site aux besoins de l’île du recyclage des effluents d’élevage. accueille de nombreux essais sur les nouvelles variétés, les systèmes et de son de cultures innovants. environnement Le site de Ligne Paradis accueille le Pôle de protection régional. Ils sont des plantes (3P), son centre de ressources biologiques, un complétés par trois laboratoire de quarantaine, des plateaux d’écologie et de biologie grands terrains moléculaire. À cela s’ajoutent les bureaux des équipes spécialisées en information spatiale, en élevage-zootechnie et des laboratoires Le site de Bassin Plat héberge des collections historiques d’expérimentations d’arbres fruitiers (manguiers, litchis, agrumes…), de légumes sur 48 hectares d’analyse sensorielle, de microbiologie alimentaire et de spectrométrie. lontan et de vanilliers et des expérimentations agricoles et 14 000 m² *Le 3P gère également des serres et parcelles d’études en milieu agricole sur des ruptures d’itinéraires techniques tropicaux au profit de laboratoires. et en milieu naturel. de l’agro-écologie et de la réduction des intrants chimiques. AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMbre 2017 3
La parole à nos partenaires PROGRAMMATION EN PARTENARIAT Le cirad à la réunion Frédéric MIRANVILLE, Président de l’Université Répondre aux grands enjeux de La Réunion « Notre partenariat avec le Cirad est inscrit dans de développement de l’océan Indien notre Schéma Opérationnel » Sécurité alimentaire, développement durable, adaptation de l’agriculture au changement climatique et bioéconomie circulaire. Le Cirad répond, par ses recherches, aux grands enjeux de développement de La Réunion-Mayotte et des pays de la Commission de l’océan Indien. © Université de La Réunion D ans l’océan Indien, comme dans la au service de l’économie du vivant ». Ils plupart des autres régions du prennent en compte, les grandes orien- monde, la sécurité alimentaire et A La Réunion, tations stratégiques de soutien au déve- l’adaptation aux changements globaux loppement de l’agriculture et des filières les objectifs constituent des défis sans précédents. « Le portées par le Programme Réunionnais Cirad relève ces défis dans un esprit du Cirad sont de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire « L’Université de La Réunion s’est enga- de solidarité en travaillant avec ses par- en phase avec Durables (PRAAD 2014-2020). Les travaux gée dans un important processus d’évolu- tion visant à accroître son ancrage tenaires dans la recherche de solu- du Cirad sont menés dans le cadre d’un la Stratégie de territorial, son rayonnement et son attrac- tions viables et pérennes », souligne Eric accord-cadre signé avec l’État, le Conseil tivité, à travers le Schéma Opérationnel de Jeuffrault, directeur régional du Cirad à Spécialisation régional et le Conseil départemental de La l’Université de La Réunion adossé à son Contrat d’Établissement. Notre partenariat La Réunion-Mayotte, zone océan Indien Intelligente (S3) Réunion pour la période 2015-2020. avec le Cirad s’inscrit pleinement dans (hors Madagascar). « Les programmes « La Réunion À Mayotte, les projets sont conduits cette démarche. Après une période de de recherche et d’expérimentation ont productrice dans le cadre d’une convention avec l’Etat structuration qui a permis la naissance de été structurés pour répondre aux priorités et sont en phase avec les priorités locales deux unités mixtes de recherche (UMR PVBMT et UMR Qualisud), vient celle du des territoires de La Réunion-Mayotte, et de solutions portées par le Réseau d’Innovation et de renforcement de la collaboration autour des pays membres de la Commission de en bio-économie Transfert Agricole, comme à La Réunion. d’une même ambition : mieux répondre, l’océan Indien. » ensemble, aux enjeux de notre territoire. tropicale L’ensemble des recherches rayonne Qu’il s’agisse de recherche, où la différen- À La Réunion, les objectifs de l’inter- dans l’océan Indien à travers des grands ciation et l’ancrage sociétal sont les au service vention du Cirad sont ainsi en phase avec la réseaux de coopération régionale, coor- maîtres-mots, de formation, pour per- de l’économie mettre l’insertion de nos jeunes à La Réu- stratégie bioéconomique de l’Union Euro- donnés au sein d’une Plateforme Régio- nion et dans notre environnement de péenne et la Stratégie de Spécialisation du vivant ». nale de Recherche Agronomique pour le proximité ou encore de coopération régio- Intelligente (S3) « La Réunion productrice Développement (Prerad) sous l’égide de la nale, où l’ambition est de positionner de solutions en bio-économie tropicale Commission de l’océan Indien (COI). La Réunion dans l’espace indianocéa- nique de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, l’Université et le Cirad partagent une vision commune. Ceci est gage d’un partenariat fécond, responsable et durable ». Patrick HOARAU, Directeur général de la FRCA « Jouer la complémentarité de nos métiers avec le Cirad pour mener à bien nos projets » R. Carayol © Cirad « Depuis plusieurs années, la Fédération régionale des coopératives agricoles (FRCA) participe avec le Cirad au dévelop- pement des filières animales réunion- naises, à travers le RITA Elevage, et à la coopération agricole avec les pays de la R. Carayol © Cirad COI. Nos échanges sont essentiels pour mener à bien l’ensemble de nos projets, par la complémentarité de nos métiers et de nos expériences ». 4 AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMBRE 2017
La parole à DU LOCAL AU REGIONAL nos partenaires Le cirad à la réunion La recherche en partenariat, Olivier DEGENMANN, Directeur adjoint de la Daaf ADN du Cirad de La Réunion « Le Cirad, un partenaire extrêmement précieux pour faire Le Cirad a fait de la recherche en partenariat Les résultats des recherches sont diffusés face aux enjeux de l’agriculture au service des agricultures de demain aux professionnels de l’agriculture à travers réunionnaise et de la zone sa marque de fabrique. C’est la raison les Réseaux d’Innovation et de Transfert océan Indien » pour laquelle il met les bénéficiaires Agricole (RITA). Trois RITA spécialisés de ses travaux de recherche, au cœur à La Réunion (canne, élevage, horticulture) de ses projets scientifiques, à La Réunion- et un RITA à Mayotte œuvrent depuis 2012 Mayotte comme dans la région océan Indien. au transfert et à l’appropriation À La Réunion, les recherches sont des innovations dans le milieu agricole. programmées en partenariat avec l’Etat, « L’objectif est de renforcer l’articulation le Conseil régional et le Conseil entre sciences et pratiques au service départemental de La Réunion, au sein du développement de la production agricole R. Carayol © Cirad de quatre grands dispositifs thématiques : et agro-alimentaire », explique • Biodiversité et santé végétale (BSV) Eric Jeuffrault, directeur régional du Cirad à La Réunion-Mayotte. • Réseau de santé animale et humaine (One Health-OI) Une unité mixte de Technologie (UMT SPAT), • Co-construction de systèmes animée par le Cirad et l’Armeflhor, « Le Cirad constitue un partenaire de agroalimentaires de qualité (Cosaq) vient compléter ce dispositif dans le domaine grande qualité et extrêmement précieux pour la Direction de l’alimentation, de • Services et impacts des activités agricoles de la santé végétale et de la production l’agriculture et de la forêt (Daaf) de La en milieu tropical (Siaam) agro-écologique des cultures en milieu Réunion, face aux enjeux multiples que tropical. doit relever l’agriculture réunionnaise et, Les programmes Les travaux de recherche, au sein de plus largement, l’agriculture de la zone de recherche et ces dispositifs, sont menés pour la période Enfin, dans l’océan Indien, les projets océan indien. C’est notamment le cas au d’expérimentation 2015-2020 avec le soutien des fonds de coopération sont coordonnés au sein travers de la plateforme Prerad, qui vise à du Cirad à européens Feder et Feader. La Réunion ont de la Plateforme Régionale de Recherche mettre en réseau les intelligences collec- été structurés pour Agronomique pour le Développement tives pour partager les connaissances, À Mayotte, les actions sont portées diffuser les bonnes pratiques mais égale- répondre aux (Prerad) avec l’Etat français, le Conseil priorités du au travers trois grands projets sur ment promouvoir l’innovation et le trans- l’amélioration des filières végétales Régional de La Réunion, la Commission fert, dans une logique «gagnant-gagnant». territoire. Ils sont menés dans le cadre et animales, l’exploitation meilleure de l’Océan Indien (COI) et le Cirad. Le comité Au final, le Cirad est un acteur majeur du d’un accord signé des biomasses issues de l’agriculture avec de pilotage de Prerad est composé développement de l’agriculture dans la avec l’Etat, le Conseil zone océan Indien, au bénéfice de la sécu- le soutien des fonds européens du Feader, des ministres de l’agriculture des cinq pays régional et le Conseil rité sanitaire et alimentaire. » départemental du Conseil Départemental de Mayotte, de la COI, adossé à un comité scientifique de La Réunion. de l’Odeadom et de l’Etat. et technique, animé par le Cirad. Alain DAMBREVILLE, Président de l’Armeflhor « Notre partenariat avec le Cirad, une histoire d’hommes et de femmes qui font avancer La Réunion » R. Carayol © Cirad « L’accord-cadre que nous avons signé avec le Cirad en 2017 est la formalisation d’une collaboration de longue date qui a tout son sens sur un territoire comme La Réunion. Nous œuvrons sur des champs d’action communs grâce à la complémen- tarité de nos métiers. L’Armeflhor vise à répondre aux exigences économiques des agriculteurs, de qualité et de diversité de l’offre des consommateurs. Le Cirad, par ses travaux de recherche tant sur le maté- riel végétal que sur les grands équilibres écologiques, nous permet de prendre un peu de hauteur et poser un autre regard sur la production. C’est une histoire d’hommes et de femmes qui font avancer La Réunion. » AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMbre 2017 5
Une étude, menée par le Cirad ANTIBIOTIQUES RECHERCHE dans le cadre du partenariat de recherche ONE HEALTH -OI, révèle une forte résistance d’une famille L’antibiorésistance sous surveillance dans l’océan Indien bactérienne très répandue à l’une des plus larges classes d’antibiotiques. D ans les îles du sud-ouest de l’océan Indien, une famille bactérienne particulièrement répandue, les entérobactéries, résiste aux bétalacta- mines, l’une des plus anciennes et des plus larges classes d’antibiotiques. Ces derniers sont les plus utilisés en médecine générale, en santé humaine comme vétérinaire, notamment pour traiter les infections pul- monaires et digestives. Ces entérobactéries résistantes se retrouvent en particulier dans les élevages hors-sols de volailles et de porcs réu- nionnais, mahorais et malgaches. « Une présence à plus de 62 % a été enregistrée dans les élevages de volailles réunionnais en 2015/2016 », signale Éric Cardinale, chercheur au Cirad. « À Madagascar, sur 30 élevages porcins testés en 2016, 87 % se sont révélés contaminés », ajoute Noellie Gay, doctorante au Cirad qui a publié en 2017 un état des lieux de l’antibiorésis- tance dans la zone, en collaboration avec © Chloé Glad, Cirad l’ensemble des territoires de la Commis- sion de l’océan Indien. Elle préconise de renforcer la surveillance épidémiologique de la consommation d’antibiotiques. Les travaux du Cirad confirment l’émergence de résistance bactérienne aux antibiotiques et aux pesticides. Autre sujet d’inquiétude, la résistance aux carbapénèmes. Ces antibiotiques de dernière génération voient leur effica- cité mise à mal dans les unités de soins L’antibiorésistance, Phénomène décrit depuis une vingtaine d’années, la résistance aux antibiotiques se traduit par une sensibilité moindre des bactéries pathogènes, ou non pathogènes, vis-à-vis des molécules intensifs des hôpitaux de la zone océan Indien. « Les objectifs de mon doctorat sont désormais d’étudier les facteurs de un phénomène antibiotiques. En d’autres termes, les traitements sont de moins en moins efficaces. Présent tout autour du globe, ce phénomène transmission de ces bactéries résistantes et leurs supports moléculaires, » explique prend une dimension variable selon les régions. En Europe, mondial qui ignore il conduit aujourd’hui à la mort de 25 000 personnes par an pour une population de 500 millions d’habitants et représente un coût Noellie Gay. « Mais il s’agit aussi d’avancer sur de potentielles alternatives aux antibio- de 1,5 milliards d’euros. L’ampleur est telle que l’OMS parle tiques inspirées des nombreuses ressources les frontières aujourd’hui « d’ère post-antibiotique » à venir. offertes par la biodiversité régionale », complète Eric Cardinale. PRODUITS PHYTOSANITAIRES Emergence de résistances au cuivre dans l’outre-mer français Utilisés de façon intensive depuis les années entre bactéries par l’intermédiaire 1920, les pesticides à base de sels de cuivre de leur plasmide », précise-t-il. ont conduit à l’apparition de résistances chez plusieurs bactéries phytopathogènes. Après avoir suivi des populations résistantes et les avoir comparées avec des populations Chez la bactérie responsable du chancre sensibles déjà présentes dans les vergers asiatique des agrumes (Xanthomonas citri pv. citri), la résistance au cuivre a été décrite réunionnais, l’équipe de recherche a montré pour la première fois en Argentine en 1994. que la résistance chez X. citri pv. citri à La Les équipes du Cirad l’ont mise en évidence Réunion n’est probablement pas liée à en 2014 à La Réunion et en Martinique. l’introduction de nouvelles souches. Les A La Réunion, la résistance a également souches établies semblent avoir acquis ces été mise à jour chez des Xanthomonas résistances en échangeant leurs plasmides F. Le Bellec © Cirad responsables de la gale bactérienne sur avec d’autres bactéries de l’environnement. la tomate, le piment ou encore sur le poivron. Prochain objectif : comprendre « Le séquençage du génome de souches résistantes a permis de mettre en évidence la phylogéographie de souches originaires plusieurs groupes de gènes à l’origine de cette de la zone océan Indien, et développer un test résistance », révèle Olivier Pruvost, chercheur Les équipes du Cirad ont mis en évidence la résistance au cuivre de moléculaire de diagnostic de la résistance au Cirad. « Ces gènes peuvent s’échanger la bactérie responsable du chancre citrique en Martinique et à La Réunion. au cuivre utilisable sur le terrain. 6 AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMBRE 2017
RECHERCHE Santé de l’abeille Le point avec « Développer sa capacité de nettoyage » Hélène Delatte, Le varroa est arrivé à La Réunion en mai 2017 et s’est répandu en quelques mois dans la majorité chercheuse des ruchers. Le Cirad connaît bien ce parasite de l’abeille qu’il étudie à Madagascar et Maurice au Cirad depuis son arrivée sur ces îles, respectivement en 2010 puis 2014. Une façon d’en diminuer l’impact consisterait à développer l’hygiénisme des abeilles. Comment les abeilles peuvent-elles lutter contre le varroa ? En adoptant un comportement hygié- niste, c’est-à-dire en développant leur capacité de nettoyage. En cas d’infec- tion par une bactérie, certaines souches d’abeilles éliminent les larves malades et nettoient les opercules infectés. Ce comportement peut être aussi appliqué par l’abeille à l’ectoparasite Varroa des- tructor qui se développe dans le couvain © Chloé Glad, Cirad des abeilles. Dans le cadre de la thèse d’Henriette Rasolofoarivao*, nous avons d’abord étudié les taux d’hygiénisme à Madagascar avant et après l’arrivée du varroa. Puis nous avons procédé à des essais à La Réunion, mais avant 2017 et l’apparition du para- site : nous avons détruit artificiellement une partie du couvain et vérifié ensuite si les abeilles se lançaient dans le nettoyage. Quels sont les résultats ? Sur 192 colonies de 10 ruchers de l’île, nous avons observé que seuls 21 % présentaient cette capacité. Comment faire pour augmenter cette capacité de défense ? Ces 21 % de colonies plus résistantes sont notre espoir. Car ce comportement de nettoyage peut être sélectionné, tout comme l’épouillage, une autre pratique qui aide l’abeille à résister à ce parasite. Nous appuyons donc, avec le Groupement de Défense Sanitaire de La Réunion, les apiculteurs dans un programme de sélection de lignées d’abeilles réunionnaises plus résistantes. * Thèse cofinancée par le Cirad et l’AIRD-Sud (Agence inter-établissements de recherche pour le développement), en co-tutelle avec les universités d’Antananarivo et de La Réunion. Une étude a également été lancée fin 2014 dans le cadre du projet ePRPV (Elargissement et pérennisation du réseau de protection des végétaux) mobilisant les équipes de recherche du Cirad, de l’université de La Réunion et du Groupement de Défense Sanitaire de La Réunion. De haut en bas. Le varroa (Varroa destructor) est un acarien parasite de l’abeille. Il se fixe à son abdomen pour se nourrir de son hémolymphe. Une colonie est infestée lors de l’arrivée d’un acarien sur l’une des ouvrières ou sur les faux bourdons au sein de la ruche. © A. Franck, Cirad Outre un affaiblissement des ruches, le varroa est responsable de l’acheminement de nouveaux virus et maladies de l’abeille. A son arrivée à Madagascar en 2010, le varroa avait causé la perte de plus de 60 % des colonies des hauts plateaux. Étude génétique évidence une très forte prévalence d’un phy- par des épisodes de telles bavites. Ces mala- EN BREF de Ralstonia solanacearum La phyto-bactérie Ralstonia solanacearum lotype I (88 %). Quant aux phylotypes II et III, ils n’ont été identifiés qu’à La Réunion et le phylotype IV, jusqu’ici inconnu dans la région, dies influent sur la productivité de viande et de lait, entraînant un coût économique non négligeable pour les éleveurs. « Si les pre- affecte gravement tomates, pommes de seulement sur l’île Maurice. miers résultats démontrent une diversité plus terre, piments, aubergines, poivrons ou encore le géranium rosat. Or sa structure élevée à Mayotte qu’à La Réunion, on relève génétique est mal connue dans la zone Les espèces vectrices surtout la présence des deux espèces océan Indien. Afin de valider les outils de des bavites identifiées afrotropicales particulièrement vectrices, diagnostic génétique et d’adapter les plans Petits moucherons en apparence inoffensifs, C. imicola et C. bolitinos », livre Claire Garros de lutte au sein des filières maraîchères, le les culicoïdes sont en réalité des vecteurs de du Cirad. A La Réunion, cinq espèces ont Cirad, l’Anses, l’université de La Réunion virus particulièrement néfastes pour les éle- été identifiées dont trois espèces connues et leurs partenaires ont mené une étude sur vages. Les îles de Mayotte et de La Réunion pour être vectrices (C. imicola, C. bolitinos, 1 871 souches isolées. Celle-ci met en voient régulièrement leurs ruminants touchés C. grahamii). AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMbre 2017 7
Le Cirad et Montpellier SupAgro L’AGRO-ECOLOGIE À LA CROISÉE DES DISCIPLINES RECHERCHE ont organisé une « école- chercheur » sur l’agro-écologie fin 2016 à La Réunion. Une école-chercheur à La Réunion A gronomie, écologie, biologie, gique innovante, issue des réflexions et sciences humaines… Comme savoir-faire développés dans le cadre du l’agro-écologie mobilise différentes projet Parmi, et dans son ancrage sur des disciplines, les chercheurs doivent pouvoir expériences de terrain très diversifiées de échanger entre eux pour « avoir une vision l’île de La Réunion portant sur les sys- globale des systèmes agricoles et alimen- tèmes canne à sucre-élevage, agrumes, taires », rappellent Fabrice Le Bellec et mangues et maraîchage » soulignent Thierry Michels du Cirad. C’est la raison qui les deux chercheurs. Pour clore la mani- a poussé les deux chercheurs à organiser, festation, un séminaire a réuni les parti- avec leur équipe et Montpellier SupAgro, cipants de cette école-chercheur et une une école-chercheur fin novembre 2016 à soixantaine d’acteurs du monde agricole La Réunion. Celle-ci a rassemblé une qua- réunionnais. Illustration : Aurélie Bordenave rantaine de scientifiques du Cirad, de l’Inra, de l’IRD, de Montpellier SupAgro, de l’uni- versité de Liège, de l’université d’Anta- nanarivo et d’instituts techniques réunionnais et mauriciens (Chambres Plus d’information d’agriculture, Armefhlor, eRcane). sur les terrains d’études « L’originalité de la démarche rési- de cette école dans dait à la fois dans son approche pédago- notre dossier central. FACE À LA PRODUCTION IRRÉGULIÈRE DE MANGUES Une thèse réconcilie le vert et l’orange De nouvelles techniques de taille sont à l’étude pour améliorer l’irrégularité de production des manguiers. À La Réunion, le rendement moyen des manguiers est assez faible : 8 à 10 tonnes de fruits par an et par hectare. L’exploitation des vergers est d’autant plus difficile que la production est irrégulière, d’une année sur l’autre, voire d’un verger à l’autre. Depuis plusieurs années, une équipe du Cirad cherche à mieux comprendre ce phénomène pour améliorer le conseil aux producteurs. Dans le cadre de sa thèse, Mathilde Capelli a travaillé sur quatre variétés de mangues cultivées à La Réunion, dont José et Cogshall. Elle a étudié les effets de la production de fruits sur la croissance végétative de l’arbre. Elle s’est également interrogée sur les conséquences de cette croissance végétative sur la production de l’année suivante. Ses résultats montrent qu’en général, plus il y a de fruits, plus la croissance végétative est faible. Le problème, c’est qu’un arbre qui pousse peu donnera moins de mangues plus tard. Au contraire, plus la croissance végétative est importante, plus la production de fruits de l’année est élevée. Comment faire alors pour combiner L. Decloitre © Cirad le vert des feuilles et l’orange des fruits ? « Ce paradoxe est en train de se résoudre en déterminant des techniques de taille stimulant une croissance végétative importante et précoce, favorable à une floraison abondante » se réjouit Frédéric Normand qui poursuit les travaux. Gabir* : mieux utiliser les biomasses. Ananabio* : vers des ananas bio Protection EN BREF Comment utiliser au mieux la biomasse issue des secteurs agricole, industriel, urbain ? Le projet Gabir (Gestion Agricole des Biomasses Ananabio est un projet dont l’objectif est d’élaborer et de diffuser des systèmes de production d’ananas en Agriculture Biologique agro-écologique des cultures Cet ouvrage collectif, à La Réunion), lancé en 2017, vise à favoriser à La Réunion. Sous l’égide du Cirad, des pra- paru aux éditions une gestion circulaire et durable de cette tiques innovantes sont élaborées et testées Quae, analyse plu- ressource encore peu utilisée. Or les bio- en associant les producteurs dès la phase de sieurs techniques masses sont valorisables en agriculture, sous conception : fertilisation organique, usage de d’agro-écologie réali- forme de fertilisation organique pour les plantes de services, induction florale bio… Le sées en grandeur cultures, d’alimentation et de litière pour les projet, mené en partenariat avec l’Armeflhor, nature. Les coordi- troupeaux. Coordonné par le Cirad, ce projet l’Aropfl, la Chambre d’Agriculture, l’Eplefpa, nateurs du Cirad, implique l’ensemble des acteurs de l’agricul- s’achèvera en 2018. Jean-Philippe Deguine et Alain Ratnadass, ture et de l’environnement. Il doit aboutir à la en tirent des recommandations concrètes mise au point de modèles de simulation et pour l’ensemble des systèmes de culture faire émerger des solutions innovantes. * Gabir et Ananabio sont des projets Casdar. tempérés et tropicaux. 8 AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMBRE 2017
Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION E n France, plus de 60 000 tonnes de pesticides sont utilisées chaque année par les agriculteurs ; à La Réunion, il y a peu encore, certains d’entre eux traitaient leurs cultures plusieurs fois par mois, voire plusieurs fois par semaine ! Pourtant, même si le climat de l’île favorise les ravageurs et les maladies, on peut diminuer et même parfois supprimer le recours aux pesticides. Comment ? Avec ses partenaires, le Cirad aide les producteurs de fruits et légumes à adopter des techniques innovantes en agro-écologie. Dans le même but d’utiliser au mieux les ressources de la nature, il favorise l’économie circulaire entre les filières de la canne à sucre et l’élevage. Le Cirad fera de cette approche intégrée sa thématique annuelle en 2018. Car la démarche, co-construite avec l’ensemble des acteurs, porte aujourd’hui ses fruits. La Réunion est devenue l’un des territoires français les plus avancés en matière d’agro-écologie. Le dossier fait le point sur cette transition historique, en s’appuyant sur les terrains étudiés par l’école-chercheur* qui s’est tenue fin 2016 sur l’île. Textes Laurent * Organisée par le Cirad et Montpellier Sup’agro, Decloitre en collaboration avec l’Armeflhor, eRcane, Illustrations la FRCA, la Chambre d’agriculture, Marie Rousse l’Inra, l’INP-Ensat, la FDGDON. http://www.cirad.fr/nos-recherches/themes-de-recherche/agro-ecologie/que-fait-le-cirad D’INFO PLUS https://cosaq.cirad.fr/animation-scientifique/agro-ecologie-en-actions/ecole-chercheurs http://www.agriculture-biodiversite-oi.org/Biophyto AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMBRE 2017 I Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION
L’agro-écologie Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION privilégie la régulation naturelle des espèces végétales et animales entre elles : insectes utiles contre nuisibles, plantes rendant service aux cultures... Cet acarien prédateur se nourrit d’arthropodes, tels que thrips, cochenilles, cicadelles, nuisibles en vergers d’agrumes, de manguiers et de litchis. © A. Franck / Cirad Cultiver sans intrant chimique Pour Jean-Philippe Deguine, plusieurs « Prouver que c’est possible » déterminants entrent en jeu dans l’appropriation des innovations en agro-écologie : les systèmes de culture, l’organisation des producteurs, leur accompagnement, la structuration de la filière et les débouchés. > L’agro-écologie Pourquoi préconisez-vous de laisser pousser l’herbe Vous constatez une différence est une façon sous les citronniers, orangers, manguiers… ? d’appropriation des innova- F. Le Bellec : L’enherbement sert de gîte et de couvert aux tions en agro-écologie selon de concevoir la les producteurs. Comment auxiliaires de culture qui s’attaquent aux ravageurs. Ce production agricole tapis végétal peut être constitué d’espèces spontanées ou l’expliquez-vous ? en s’appuyant sur de plantes de services. J.P Deguine : Les pro- la biodiversité ducteurs de chouchous Mais si l’herbe pousse trop, le producteur ne peut plus et de mangues sont struc- des écosystèmes récolter… turés au sein d’organismes cultivés. Pour Oui, il faut couper, faucher ou broyer, régulièrement, mais professionnels. Ils profitent Jean-Philippe pas toute la surface en même temps, pour ne des expériences Deguine et pas rompre l’équilibre. des uns et des autres, et Fabrice Le Bellec, L’AGRO-ÉCOLOGIE bénéficient d’un accompagnement rapproché. C’est de l’énergie et du temps… Vous arrivez A contrario, les producteurs de concombres, il faut prendre à convaincre les producteurs ? NÉCESSITE etc. ont pour la plupart d’autres activités ; ils en compte Il y a chez eux une réelle prise de conscience. UNE APPROCHE cultivent sur de petites parcelles, souvent les contraintes Cela étant, on tient compte des contraintes de CONCERTÉE en fonction du prix du légume. Si les cours chaque agriculteur, sans être dans la rupture montent, ils plantent, si les cours baissent, ils des systèmes ENTRE totale. On prône la modération dans l’utilisa- remplacent le concombre par de la salade. de production TECHNICIENS, tion des produits phytosanitaires, mais on peut Cette volatilité est-elle préjudiciable ? propres à comprendre un producteur qui traite de temps CHERCHEURS Tout à fait. Prenez la courgette. Pour la proté- chaque exploitant en temps… ET ger des ravageurs, un mois avant de la plan- et accompagner PRODUCTEURS. ter, il faut faire pousser autour de la parcelle Les résultats sont-ils probants ? ces producteurs du maïs, qui attire la mouche des légumes. Nous avons suivi six producteurs fruitiers. dans cette transition Il convient donc de planifier sa production. Aujourd’hui, ils échangent entre eux et se sont agro-écologique. approprié les différentes techniques de façon pérenne. Ils Tout dépend aussi de la complexité des techniques ont compris que l’on visait une performance globale, envi- préconisées… ronnementale et économique. Tous ont réduit l’utilisation On travaille en concertation avec l’ensemble des acteurs. Il des traitements phytosanitaires. s’avère que les pratiques d’agro-écologie sont plus faciles à utiliser que les pratiques conventionnelles. Pour simplifier, Mais à La Réunion, où le climat on demande de supprimer les herbicides et insecticides, Pour favoriser favorise les ravageurs et les de laisser pousser une couverture végétale au sol et de l’adoption des pratiques maladies, se passer d’intrants ramasser les fruits piqués. De cette façon, on fait revenir la agro-écologiques, chimiques est-il réaliste ? biodiversité dans le système cultural, et, via la prophylaxie, Fabrice Le Bellec recommande On souhaite prouver aux agri on réduit fortement l’infestation des ravageurs. de prendre en compte culteurs que c’est possible. Quels sont les résultats sur les 13 producteurs de man- les contraintes propres Nous travaillons sur un projet à chaque exploitant. gues et 30 producteurs de chouchous qui ont participé ambitieux : exploiter trois par- aux expérimentations Gamour et Biophyto ? > celles d’un demi hectare cha- cune, dans lesquelles on cultivera Ils dépassent nos espérances. Ces producteurs n’utilisent plus, ou peu, de pesticide, ils ont diminué leurs coûts d’ex- des légumes et des fruits, en n’utilisant ploitation, ils y passent moins de temps et les volumes n’ont L. Decloitre © Cirad aucun produit chimique. pas diminué. Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION II AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMbre 2017
CROISSANCE DU MANGUIER DES AGRUMES MOINS AGRESSÉS Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION À la recherche de l’harmonie Des fleurs et des abeilles J ean-Luguy Yebo parvenu. Après un an ne doit pas sa singularité d’expérimentation, les cinq à son seul patronyme autres producteurs suivis fleuri : l’agrumiculteur, par le Cirad avaient déjà réduit un zeste intrépide, est l’un de 30 % leurs traitements. des producteurs de citrons Jean-Luguy Yebo a gagné la les plus avancés de La Réunion en termes d’agro-écologie. confiance des consommateurs Comme le reconnaît Fabrice qui viennent aujourd’hui Le Bellec, chercheur au Cirad cueillir directement ses fruits qui a coordonné Agrum’Aide dans son verger. Pour aller de l’appel à projet de plus loin dans sa démarche Illustration : Marie Rousse recherche ‘Biodiversité- agro-écologique, il projette Ecophyto’, « on ne fait que de gérer l’enherbement l’accompagner et le sécuriser de sa parcelle… à l’aide dans sa démarche ». Ce projet, de moutons ! Laisser pousser qui se termine en mars 2018, l’herbe sous les arbres favorise visait à réduire l’emploi en effet la présence de pesticides en mobilisant d’auxiliaires de culture, la biodiversité fonctionnelle : qui viennent polliniser dans son verger de Petite-Ile, les citronniers et orangers tout Jean-Luguy Yebo y est en attaquant les ravageurs. Les abeilles sont de retour sur les citronniers grâce aux méthodes d’agro-écologie. > J ean-Luc Maillot était de l’ouest de l’île, une zone « un vrai chimiste »… sèche, oblige à irriguer ; jusqu’en 2010. or le manguier a besoin Cette année, les pesticides d’un stress hydrique, ne venant pas à bout d’une invasion de cochenilles, c’est-à-dire d’être privé d’eau, pour fleurir. > du bourgeonnement, le producteur de mangues Pas facile de concilier les deux un dernier juste en feuilles. fait appel au Cirad. impératifs ! Le Cirad a donc mis au point Et adopte les méthodes de l’agro-écologie, comme Autre défi pour réduire un outil de modélisation laisser pousser l’herbe, les traitements : diminuer qui simule le développement installer des plantes pièges, la période de floraison, végétatif et la floraison du manguier. Objectif : L. Decloitre © Cirad des bandes fleuries, ramasser car c’est à ce moment que les fruits piqués… Depuis, le manguier est le plus fragile expérimenter les meilleures il en a fini avec les produits et que les ravageurs font façons d’intervenir sur la taille phytosanitaires ! Mais ce n’est des dégâts. Or, dans un même de l’arbre, l’irrigation, pas si simple. Car favoriser verger, un manguier peut être la fertilisation pour harmoniser l’enherbement dans un verger en fleurs, un autre au stade les cycles de croissance. Parole d'agriculteur René-Claude Barret, agrumiculteur « Dans les années 90, je passais trois à quatre fois par an du glyphosate pour désherber mes 9 hectares de citrons et d’oranges, et une dizaine de fois des pesticides pour lutter contre les ravageurs. Puis j’ai pensé aux générations futures... Alors j’ai suivi le Cirad qui m’a proposé de nouvelles techniques. Aujourd’hui, j’ai réduit de 70 % mes produits phyto et je vois des lièvres, des cailles… L. Decloitre © Cirad dans mon verger. Si je constate une attaque de cochenille, je ne pulvérise pas automatiquement ; je regarde dans les arbres, et s’il y a des larves de coccinelles, eh bien, je laisse faire la nature ». > René-Claude Barret laisse pousser l’herbe pour favoriser la présence d’auxiliaires qui attaqueront les ravageurs. AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMBRE 2017 III Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION
Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION Parole d'agriculteur Raoul Nativel, engraisseur de taurillons « À l’époque de mon père, il ne venait à l’esprit de personne de donner à manger aux bêtes de la paille sèche, il fallait de l’herbe verte. J’ai été l’un des premiers à mélanger à l’alimentation de la paille de canne. C’est un très bon apport en fibre, qui aide à la rumination. Je donne aussi de la bagasse, un autre résidu de la canne à sucre, en complément du foin, des céréales et de l’ensilage. Enfin, j’épands sur mes champs L. Decloitre © Cirad de la vinasse, également fournie par les usines à sucre, pour fertiliser le sol. Il y a toujours à profiter dans la canne ! » > Raoul Nativel récupère chaque année 700 bottes de paille de canne pour nourrir ses taurillons. CANNE À SUCRE ET ÉLEVAGE Favoriser une économie circulaire E ntre la canne et l’élevage, herbes. Une étude* a montré à ce cercle vertueux, lorsqu’il « in min lave lot’ », qu’un paillis de 12 tonnes étudie notamment la quantité comme le résume en de matière sèche à l’hectare de paille que l’on peut prélever créole (une main lave l’autre, réduit l’enherbement de 70 % sur un champ sans pénaliser tout le monde y gagne) sur les trois premiers mois le planteur, quitte à Raoul Nativel ; l’engraisseur suivant la coupe, diminuant la remplacer en partie de Pierrefonds récupère l’indice de fréquence de par des lisiers ou des boues de la paille de canne à sucre traitement herbicide de 35 % ! de station d’épuration. pour la litière et l’alimentation Mais la paille peut devenir Les effluents d’élevage sont de ses taurillons. C’est aussi gênante lorsqu’elle empêche d’ailleurs soumis à un plan cela, l’agro-écologie : utiliser la repousse de la canne d’épandage dont une partie au mieux les ressources de la ou la plantation de nouveaux se situe sur la sole cannière. pieds. Dans ce cas, Des voies d’optimisation des nature, tout en préservant ses les éleveurs, qui en sont épandages sont actuellement capacités de renouvellement. friands, sont les bienvenus. recherchées dans le cadre de Pour les planteurs, la paille est La concertation entre différents projets. utile lorsque qu’elle favorise les deux filières est donc l’humidité et la fertilisation primordiale pour parvenir des sols, lorsqu’elle empêche à une véritable économie la germination des mauvaises circulaire. Le Cirad contribue *Projet CanecoH Dephy Expé > R. Carayol © Cirad A La Réunion, les feuilles de canne sont laissées au sol après la récolte des tiges. Ce paillis contribue à protéger le sol de l’érosion, limite le développement des adventices et régule l’humidité et la température du sol. Lors de sa décomposition, le sol est ainsi amendé en matière organique. En cas de surplus, la paille de canne peut être utilisée par les éleveurs. https://reunion-mayotte.cirad.fr/actualites/2016/paillis-de-canne-fertilisant/ © A. Chabanne / Cirad Nombreuses plantes de service permettent de diversifier la production agricole, soit par la production de graines alimentaires, soit parce qu’elles sont aussi fourragères. Des plantes au Cirad, se sont tournés herbes en culture de canne. de croissance et de La plupart de ces plantes vers les plantes de service. Une dizaine de planteurs sont leur capacité à produire permettent de diversifier en train d’expérimenter une forte biomasse. la production agricole, Les chercheurs ont mis qui rendent sur pied, depuis 2014, une collection. « À ce jour, ce système cultural innovant. Le pois sabre est d’autant Ces plantes de couverture servent d’habitat pour les auxiliaires de culture, qui vont soit par la production de graines alimentaires (cajanus cajan, voème), plus utile qu’il capte l’azote service nous disposons sur trois sites polliniser certaines cultures soit parce qu’elles sont aussi atmosphérique pour de l’île d’une centaine ou s’attaquer naturellement fourragères (millet, sorgho, le restituer au sol et contribue d’espèces, sous-espèces et aux ravageurs. Certaines avoine…). Certaines ainsi à sa fertilisation. Comment lutter, sans produit variétés multifonctionnelles », crotalaires, par exemple, présentent même une double chimique, contre les se félicite André Chabanne. Le Cirad étudie bien d’autres détruisent les nématodes, vertu : énergétique et piège bioagresseurs des cultures ? Parmi elles, le pois sabre, qui espèces (zantaques, sorghos, microscopiques vers ronds comme Erianthus désormais André Chabanne et va couvrir le sol et empêcher crotalaires, niger…) utiles qui s’attaquent aux racines utilisé par les planteurs Pascal Marnotte, agronomes ainsi la pousse de mauvaises en raison de leur vitesse de l’ananas. contre le foreur de la canne ! Dossier > L’AGRO-ÉCOLOGIE PORTE SES FRUITS À LA RÉUNION IV AGRO NEWS > Edition Réunion-Mayotte / océan Indien • Numéro 7 - NOVEMbre 2017
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