Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal Sommaire > 1. Fondamentaux des feuilles de route 4 > 2. La filière « chimie du végétal » 4 > 3. Périmètre de la feuille de route 7 > 4. Défis et enjeux 11 > 5. Les visions prospectives 13 > 6. Les verrous à lever pour favoriser le développement de la filière 17 > 7. Les besoins de R&D, de démonstrateurs et de plates-formes technologiques 20 > 8. Benchmark 26 > 9. Annexe sur les produits chimiques 35 Liste des membres du groupe d’experts Nature de l’organisme Experts Organismes d’appartenance Organisme de recherche et centre Philippe Chemineau INRA (Institut national de la recherche agronomique) technique Paul Colonna INRA (Institut national de la recherche agronomique) Pierre Monsan INSA (Institut national des sciences appliquées) / CNRS Entreprise privée Denis Botzmeyer Arkema Stéphane Delalande PSA Peugeot Citroën Franck Fajardie Rhodia Jean-Claude Lumaret Metabolic Explorer Valérie Mazza Limagrain Franck Raymond DRT (Dérivés Résiniques et Terpéniques) Jean-François Rous Sofiproteol Christophe Rupp Dahlem Roquette et ACDV (Association Chimie du Végétal) Chantal Sandoz Groupe Carrefour Jean-Marie Sonet PCAS Biosolution Fédérations et organisations Sylvestre Bertucelli FNPC (Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre) professionnelles Patricia Lexcellent Fédération de la plasturgie Valérie Lucas UIC (Union des industries chimiques) et ACDV Pôles de compétitivité Thierry Stadler Pôle IAR (Industries et agro-ressources) Patrick Vuillermoz Pôle Plastipolis Les membres du groupe d’experts ont été appuyés par un secrétariat technique composé d’Hilaire Bewa, Alba Departe, Karine Filmon, Michel Gioria, Virginie Le Ravalec, Jean-Christophe Pouet et Nicolas Tonnet de l’ADEME. 2
Depuis 2010, l’ADEME gère quatre programmes dans le cadre des Investissements d’avenir1. Des groupes d’experts issus de la recherche dans les secteurs de l’industrie, des organismes de recherche et des agences de financement et de programmation de la recherche, sont chargés, dans le cadre d’un travail collectif, de la réalisation de feuilles de route stratégiques. Celles-ci sont utilisées pour lancer les appels à manifestations d’intérêt (AMI). Les feuilles de route ont pour objectifs : • d’éclairer les enjeux industriels, technologiques, environnementaux et sociétaux ; • d’élaborer des visions cohérentes et partagées des technologies ou du système sociotechnique en question ; • de mettre en avant les verrous technologiques, organisationnels et socio-économiques à dépasser ; • d’associer aux thématiques de recherche prioritaires, des objectifs temporels en termes de disponibilité technologique et de déploiement ; • de rendre prioritaires les besoins de recherche industrielle, de démonstrateurs de recherche, d’expérimentation préindustrielle et de plates-formes technologiques d’essai qui servent ensuite de base pour : >> la rédaction des AMI ; >> la programmation de la recherche au sein de l’ADEME et d’autres institutions comme l’Agence nationale de la recherche (ANR), le Comité stratégique national sur la recherche énergie ou l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE). Les priorités de recherche et d’expérimentation proviennent du croisement entre les visions et les verrous, mais prennent également en compte les capacités françaises dans les domaines de la recherche et de l’industrie. Ces feuilles de route stratégiques peuvent également inclure une partie benchmark international se focalisant sur les opérations, les programmes et les mesures politiques mis en œuvre dans les pays particulièrement actifs dans le domaine. 1 - Les Investissements d’avenir s’inscrivent dans la continuité des orientations du Fonds démonstrateur de recherche géré par l’ADEME. Les programmes et actions confiés à l’ADEME sont : les programmes « démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » (1,6 milliard d’euros) et « véhicules du futur » (1 milliard d’euros), et la thématique « réseaux électriques intelligents » (250 millions d’euros) du programme « développement de l’économie numérique ». 3
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal > 1. Fondamentaux des feuilles de > 2. La filière « chimie du végétal » route L’industrie chimique est à l’heure actuelle très fortement dépendante des ressources fossiles, dont elle tire la plupart Une des hypothèses de base des feuilles de route animées par de ses produits (voir annexe). Leur raréfaction entraînera, à l’ADEME est de chercher à atteindre les objectifs du Grenelle terme, une augmentation inévitable de leur coût ainsi que des de l’environnement et du « facteur 4 ». Ce dernier, issu de la problématiques géopolitiques accrues, notamment pour l’accès loi Pope (Programme d’orientation de la politique énergétique aux ressources. Il est donc nécessaire de trouver, à terme, des française) de 2005, vise à diviser par quatre les émissions matières premières de substitution telles que la biomasse françaises de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050 par (encadré ci-dessous), ressource renouvelable. rapport à leur niveau de 1990. Les contraintes liées à la transition d’une économie fossile vers une économie du renouvelable sont autant de défis à relever par la société française. Les 4 grands Qu’est-ce que la biomasse ? enjeux sont : • la lutte contre le changement climatique (objectifs La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation européens 3 x 202 et facteur 4) ; de l’énergie produite à partir de sources renouvelables définit la biomasse comme « la fraction biodégradable des produits, • la sécurité de l’approvisionnement (diversification du des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de bouquet énergétique) ; l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de • la préservation de la santé humaine et de l’environnement la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et (amélioration de la qualité de l’air, lutte contre les pollutions l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets environnementales, préservation des écosystèmes… ) ; industriels et municipaux ». • le développement d’une économie « verte » (structuration et la consolidation des filières industrielles vertes françaises pour La chimie du végétal peut contribuer à la réduction de la permettre l’émergence de champions nationaux compétitifs vulnérabilité de l’industrie chimique « classique » aux face à la concurrence internationale). ressources fossiles. C’est une filière naissante qui inclut l’ensemble des acteurs intervenant dans l’élaboration de produits biosourcés (encadré ci-dessous) : de la production de la biomasse à la distribution du produit fini, en passant par toutes les étapes intermédiaires de transformation réalisées par les agro-industriels, les chimistes, les plasturgistes… Qu’est-ce qu’un produit biosourcé ? C’est un produit non alimentaire, partiellement ou totalement issu de la biomasse. Les produits biosourcés incluent les produits à haute valeur tels que ceux issus de la chimie fine (pharmaceutiques, parfums, additifs alimentaires, etc...), ainsi que les produits de spécialité (lubrifiants, détergents, etc...), ou encore les produits de commodité (polymères, intermédiaires chimiques, etc...). Le concept exclu les produits biosourcés traditionnels, tels que ceux qui proviennent de la pulpe et du papier, du bois et de la biomasse, utilisée comme source d’énergie. 2 - Objectifs à l’horizon 2020 : réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, réduction de 20 % de la consommation d’énergie primaire, part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie égale à 20 %. 4
En outre, la chimie du végétal a un rôle majeur à jouer pour Cette filière doit se développer en complémentarité avec la contribuer à la substitution de certains produits pétrochimiques filière pétrochimique, très bien installée. Pour être compétitive, polluants et/ou toxiques par des produits plus respectueux de un soutien public sera nécessaire dans les premières phases l’environnement, en accord avec la volonté exprimée dans la de développement tant des procédés que des organisations, réglementation REACH3. des produits et des services. Les évolutions des cadres réglementaires internationaux, européens et nationaux, En 2004/2005, l’industrie chimique mondiale a consommé des dispositifs de soutien économique et des systèmes de 850 millions de tonnes (Mt) par an de carbone fossile, ce qui labellisation et de certification (en réponse aux attentes représentait 9 % de la consommation totale, dont 400 Mt pour sociétales exprimées par les consommateurs et les citoyens) ses matières premières et 450 Mt pour l’électricité et la chaleur4. peuvent avoir un impact favorable ou défavorable sur le Même si ce n’est pas le secteur qui aura le plus d’impact sur développement de la filière. Les politiques publiques doivent le changement climatique, la filière chimie du végétal se éviter la déstabilisation des filières existantes en permettant le devra de contribuer autant que possible en développant des maintien des usines déjà en place et/ou en accompagnant procédés sobres en carbone (économies d’énergie, procédés leur conversion. La visibilité et la cohérence des politiques moins émetteurs de GES, filière vertueuse de production et publiques auront un impact important dans l’émergence de transformation de la biomasse, recyclage… ). cette filière, qui a le potentiel pour créer des emplois directs et indirects non délocalisables. La substitution des molécules d’origine pétrochimique par des molécules biosourcées compétitives doit permettre de Cette feuille de route vise donc à éclairer les choix pour contribuer à maintenir en France l’outil industriel existant. En accompagner la mutation des technologies traditionnelles parallèle, le développement de molécules aux fonctionnalités de l’industrie chimique vers des procédés cherchant à nouvelles ouvre la perspective de créer de nouvelles industries, incorporer une part de plus en plus importante de matières génératrices d’emplois, et de conquérir de nouveaux marchés. premières végétales (céréales, betteraves, ressources lignocellulosiques autrement dit les tissus végétaux, algues, etc...). Les actions et recommandations suggérées devront Le développement de la filière chimie du végétal dépend permettre de développer sur le territoire national une filière aujourd’hui largement de la mise en place de diverses chimie du végétal compétitive intégrant l’ensemble des politiques publiques tels que des outils de soutien dédiés et acteurs (producteurs de biomasse, agro-industriels, chimistes, des politiques d’accompagnement (soutien à l’industrialisation, distributeurs...), afin d’évoluer à terme vers le modèle des politiques d’achat public préférentiel5… ). Elle bénéficiera bioraffineries (encadré ci-dessous). aussi certainement considérablement d’autres dispositifs liés à l’agriculture (politique agricole commune de la Commission européenne), à la chimie (cadres réglementaires de gestion des Qu’est-ce qu’une bioraffinerie ? substances chimiques REACH6 et des composés organiques volatils7), à des filières connexes (biocarburants notamment), C’est un ensemble industriel, localisé sur un même site, ou encore à la traçabilité des produits (critères de durabilité, mettant en œuvre des procédés destinés à fractionner les labels et certifications… ). composants de la biomasse (tige, grain, tubercule etc...) en ses différents éléments constitutifs (fibres, lipides, amidons, sucres, protéines… ). Ces derniers peuvent être ensuite fonctionnalisés par différents procédés mécaniques, physico-chimiques ou biologiques, afin d’obtenir des produits intermédiaires non alimentaires (chimie et énergie) et alimentaires (alimentation humaine comme des huiles, animale comme des tourteaux8). Ces produits sont ensuite directement utilisés ou formulés selon les besoins des industriels finaux (alimentaires, non alimentaires comme les matériaux, carburants, détergents, lubrifiants… ). Selon le concept de la bioraffinerie, l’intégralité de la bioressource utilisée doit être valorisée. 3 - Registration, Evaluation, Authorisation and restriction of Chemical substances, réglementation chimique européenne entré en vigueur en juin 2007 4 - Source : groupe d’experts. Mutations économiques dans le domaine de la chimie, février 2010. Ce rapport a été élaboré par le Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame). 5 - Green public procurement - http://ec.europa.eu/environment/gpp/ 6 - Règlement n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil datant du 16/12/08, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (système Reach). 7 - Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 8 - Les tourteaux, généralement utilisés comme source de protéines en 2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la alimentation animale, sont constitués des graines de plantes oléagineuses pollution). compressées, après extraction de l’essentiel de leur huile. 5
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal La figure ci-dessous compare les raffineries pétrolières actuelles au modèle des bioraffineries. Raffinerie : voie pétrochimique à partir de pétrole, charbon ou gaz naturel Source Transformation Produits Procédé en aval Champs Raffinage Procédés Formulation pétrolifères & Cracking chimiques Pétrole brut Naphta Monomères Produit fini gaz/charbon et polymères Bioraffinerie : transformation de la biomasse (maïs, colza, blé, bois, etc...) Source Transformation Produits Produits Procédé en aval Agro Procédés Procédés Biomasse Formulation industries biotech chimiques Maïs/Blé/Colza Glucose/Acides gras Monomères et polymères Produit fini Métiers actuels intervenant dans une raffinerie et à développer dans une bioraffinerie (Source : groupe d’experts). 6
> 3. Périmètre de la feuille de route Biotechnologies vertes La définition des champs thématiques et géographiques est En Europe, les grandes branches des biotechnologies ont été complexe, du fait de la multiplicité des sources de biomasse regroupées sous des codes couleur. Les biotechnologies mobilisables, des procédés de transformation envisagés et des vertes regroupent les biotechnologies, parfois très anciennes, types de produits potentiels, ces derniers pouvant également qui intéressent l’agriculture, l’élevage et l’agro-alimentaire. être utilisés dans de nombreux domaines d’application. Ces technologies regroupent de nouvelles techniques de la biologie moléculaire et leurs applications génétiques. Les biotechnologies vertes regroupent à la fois des approches Le champ thématique transgéniques (sélection, manipulation et/ou transfert de gènes, Bioressources typage de l’ADN et clonage de gènes végétaux, algaux, animaux ou microbiens) et non transgéniques (permettant notamment Toutes les sources de biomasse devront être gérées afin de l’exploration de la biodiversité disponible). satisfaire tous les besoins et éviter les concurrences d’usage (alimentaire, énergie, chimie du végétal). Les ressources végétales envisagées à court terme sont d’origine terrestre. Certaines bioressources pourraient potentiellement devenir Procédés intéressantes à moyen terme, notamment les algues et la La transformation des matières premières végétales pourra faire biomasse microbienne. appel à différentes technologies de transformation et/ou à leur combinaison : Plusieurs catégories de ressources terrestres peuvent être • les procédés physicochimiques et thermiques classiques distinguées en fonction des filières de valorisation : de transformation de la biomasse (fractionnement, fonctionnalisation, micro-ondes, pyrolyse, etc...), • les plantes oléagineuses, comme le colza pour l’oléochimie, • les nouveaux procédés des biotechnologies • les plantes protéagineuses, comme le pois, industrielles (encadré ci-dessous). • les plantes amidonnières (blé, maïs, pomme de terre) et sucrières (betterave) pour la chimie des sucres (glucose), Biotechnologies industrielles • les ressources lignocellulosiques, qui sont de nature hétérogène : ressources sylvicoles (forêts), plantes Les biotechnologies industrielles, également qualifiées herbacées (miscanthus) ou à fibres (chanvre, lin), ainsi de biotechnologies blanches, désignent l’utilisation de que plusieurs ressources résiduelles (résidus agricoles, systèmes biologiques pour la fabrication, la transformation forestiers ou de l’industrie papetière). Des procédés de ou la dégradation de molécules grâce à des procédés xylochimie (chimie du bois) donnent accès à la cellulose et à biocatalytiques (avec des enzymes) ou de fermentation l’hémicellulose, valorisables en chimie des sucres (hexoses et (avec des micro-organismes) dans un but industriel. Elles pentoses), ainsi qu’à la lignine. Actuellement la valorisation sont utilisées comme alternatives ou en complément des procédés classiques et transforment des matières premières principale de la lignine est le papier et le carton, le bois renouvelables. Elles bénéficient des méthodologies de d’œuvre et l’énergie. De nouvelles applications en chimie à l’ingénierie enzymatique et métabolique et de la biologie de plus haute valeur ajoutée sont à développer. synthèse. Le recours aux biotechnologies permet, d’une part, de pouvoir opérer dans des conditions plus douces (température, pression, pH, etc...) et, d’autre part, de limiter les consommations La valorisation des coproduits des différentes filières, ces de réactifs et la production de sous-produits grâce à des composés inévitablement obtenus en même temps que le réactions plus sélectives. produit principal dans les procédés, doit néanmoins être prise en compte, notamment pour les coproduits issus des biocarburants ou des industries agro-alimentaires (IAA), comme le glycérol et à terme la lignine ou les rebuts de fabrication des IAA. Le produit Le développement de procédés adaptés à la spécificité des fini principal et le coproduit doivent tous les deux répondre à matières premières végétales (modifications chimiques, des caractéristiques spécifiques. formulation, transformation… ) et l’adaptation des procédés existants sont des enjeux importants pour assurer le Les biotechnologies vertes (encadré ci-dessous) pourraient développement d’une activité chimie du végétal par les permettre par exemple le développement d’espèces végétales industries traditionnelles (chimistes, plasturgistes… ). ou algales adaptées aux procédés de conversion et à l’utilisation finale recherchée (ex : augmentation du ratio cellulose/ lignine pour la fabrication du papier). Toutefois, l’impact sur l’environnement et l’innocuité sur la santé humaine de chaque plante issue de ces technologies devront être évalués, avant son exploitation industrielle. Elle devra être acceptée par le consommateur final. 7
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal Les procédés permettant d’exploiter et de valoriser à la fois Produits, services et applications les produits complexes issus de la photosynthèse et/ou les Trois approches complémentaires sont possibles pour le associations de molécules (telles que l’amidon et les protéines développement des produits biosourcés : qui, produits par la plante dans les bonnes proportions, • la production de molécules identiques à celles d’origine permettent de formuler des colles) sont à développer. pétrochimique, en partant de biomasse : reproduction des Contrairement aux procédés classiques qui visent à fragmenter molécules d’origine pétrochimique ; le végétal afin d’en extraire les molécules de base puis à les recombiner, ils permettent de réaliser des économies d’énergie • la production de molécules biosourcées originales présentant et de matières en exploitant au mieux les compositions de la des fonctionnalités (usages) similaires à celles des molécules biomasse. d’origine pétrochimique : innovation de substitution ; • l’élaboration de molécules dotées de nouvelles fonctionnalités L’intégration des procédés au sein de bioraffineries est permettant de valoriser les caractéristiques propres des un des objectifs à long terme. A court terme, les procédés matières premières végétales : innovation de rupture. déjà développés ou en cours de développement permettront de valoriser des matières premières telles que l’amidon et Les applications décrites dans cette feuille de route se les huiles végétales. A moyen terme, le développement situent aujourd’hui dans les domaines de la chimie et des de nouveaux procédés permettra d’élargir la palette des matériaux. Les nombreux travaux de R&D menés actuellement ressources de biomasse mobilisées, notamment les ressources pourraient aboutir à de nouveaux produits dans de nouveaux lignocellulosiques (biomasse forestière, sous-produits de secteurs d’application. Le schéma suivant présente les acteurs l’agriculture… ). Les réflexions doivent être menées à l’échelle de la filière, les différentes étapes générales de transformation de la filière en considérant l’ensemble de la chaîne de valeur. dans lesquelles ils interviennent et les différents types de La modification des procédés en amont doit en particulier tenir produits intermédiaires (intermédiaires chimiques, produits compte des conséquences sur le marché final des produits fonctionnalisés… ) (encadrés ci-dessous), à partir de la biomasse développés. jusqu’aux produits finaux commercialisés. 8
Agriculteurs, Agro-industries Industries chimiques Industries Distributeurs coopératives process agricoles... Groupes de molécules récolte et transport valorisables des bioressources Amidon/Protéines pour fabrication Production de colles... Eco-conception de biomasse Formulation Mise en forme Plantes Fabrication oléagineuses, Distribution / prétraitements Assemblage Commercialisation protéagineuses, Produits Finition / du produit fini amidonnières, fonctionnalisés Décoration ressources sylvicoles,... Tensioactifs, solvants, Matériaux biosourcés lubrifiants, adhésifs, (plastiques et polymères... composites), parfums, arômes, Biomasse médicaments, lessives, Eléments issus peintures, vernis, résiduelle des premières séparation fonctionnalisation encres, lubrifiants, séparations additifs carburants, Résidus physiques purification forestiers et fonctionnalisation etc... ou (bio)chimiques agricoles, Intermédiaires coproduits des • Grain, tige, chimiques biocarburants, séparation tubercule... boues de STEP, purification Ethanol, acroléine, ... • Huile, amidon, 1,3-propanediol, lignine, cellulose, épichlorhydrine, protéine, résines... acides lactique / succinique, • Sucres, acides gras, isosorbide... fibres... Secteurs d'applications : emballage, films de paillage agricole, transport, construction, équipements électriques / électroniques, cosmétique, pharmaceutique, solvants, détergence, dégraissage, forage, hydrolique, traitement du bois, revêtements... 9
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal Les industries historiques de transformation du végétal Intermédiaires chimiques (industries papetières, etc...) sont exclues du champ thématique de cette feuille de route, sauf sur des technologies ou des Egalement appelés synthons, molécules plates-formes procédés en rupture. ou molécules portail, ces composés chimiques sont des intermédiaires de synthèse qui viennent alimenter, en aval, les La production de biocarburants avancés9 fait l’objet d’une feuille industries chimiques qui vont les transformer, les fonctionnaliser puis les formuler dans des produits finaux. Actuellement, de route dédiée, cependant, dans un objectif d’optimisation ils sont majoritairement d’origine pétrochimique (éthylène, des procédés, la valorisation des coproduits des installations propylène… ). Les intermédiaires chimiques biosourcés de production de biocarburants sera prise en compte, de commencent à se développer et peuvent être issus de procédés même que le développement des bioraffineries coproduisant chimiques classiques ou de biotechnologies industrielles des molécules destinées à la chimie et des biocarburants (éthanol, acroléine, épichlorhydrine, acide succinique, 1-3 avancés. propanediol, etc...). Bilans environnementaux et énergétiques Les bilans environnementaux et énergétiques des filières, des procédés et/ou des produits étudiés sont fondamentaux Quelques produits fonctionnalisés et doivent nécessairement être pris en compte afin de limiter la pression sur les ressources et l’environnement. Les analyses Un solvant est un liquide, souvent volatil, qui a la propriété de cycle de vie (ACV) devront être considérées attentivement de dissoudre et de diluer d’autres substances sans les modifier et elles serviront par ailleurs aux industriels pour l’optimisation chimiquement et sans se modifier lui-même. Les solvants des bilans environnementaux et énergétiques de leurs procédés peuvent servir de dégraissants, d’adjuvants et de diluants et/ou produits. (peintures, encres, vernis, colles et pesticides), de décapants et de solvants d’extraction (parfums, médicaments). Les voies de production de solvants biosourcés les plus étudiées La gestion de la fin de vie des produits biosourcés joue un actuellement sont la lipochimie (chimie des corps gras pour rôle important dans ces bilans. L’ensemble des procédés produire des esters d’huiles végétales) et la sucrochimie (pour de valorisation doit être étudié : le recyclage matière (ou produire des esters d’acides de fermentation). mécanique) en priorité, le recyclage chimique (spécifique aux matières plastiques)10 et le recyclage organique (compostage Un tensioactif est un composé qui modifie la tension entre deux industriel et méthanisation) en intégrant ces nouveaux produits surfaces. Les tensioactifs sont des molécules amphiphiles, qui dans les filières de recyclage existantes ou en créant des filières présentent deux parties de polarité différente, l’une lipophile spécifiques, mais également la valorisation énergétique à (miscible dans l’huile) et apolaire, l’autre hydrophile (miscible haute efficacité. Plus largement, de nouvelles filières de fin de dans l’eau) et polaire. Selon leur structure, ils peuvent avoir un vie innovantes doivent être développées, incluant par exemple pouvoir émulsionnant, adoucissant, mouillant ou détergent. de nouveaux outils de tri ou de valorisation. Ils entrent dans la composition de nombreux produits de consommation : produits de l’hygiène, de la cosmétique, de la pharmacie, des détergents, etc... Concernant les tensioactifs biosourcés, la partie lipophile peut provenir de matières premières oléochimiques dérivées du colza, tournesol, palme, etc..., tandis que la partie hydrophile peut provenir de coproduits de l’amidon ou du sucre (betterave, céréales). Un lubrifiant a pour principales fonctions de réduire le frottement de pièces entre elles ou bien d’assurer des transferts thermiques dans des ensembles mécaniques en mouvement. Les lubrifiants sont utilisés pour des applications diverses, et notamment pour les matériels forestiers et agricoles (chaînes de scie…), les moteurs, les équipements agro-alimentaires, les fluides de forage, le décoffrage, etc... Un plastifiant est un additif qui entre dans la formulation d’un matériau plastique pour augmenter sa plasticité et sa fluidité. 9 - Ce sont les biocarburants dits de deuxième génération obtenus à partir de biomasse lignocellulosique ou les biocarburants dits de troisième génération, obtenus à partir d’algues ou de micro-organismes. 10 - Le recyclage chimique englobe une série de procédés permettant de fragmenter les molécules de polymère, qui constituent les matières plastiques, en molécules plus petites. Celles-ci peuvent être soit des monomères, qui peuvent être utilisés directement pour produire de nouveaux polymères, soit d’autres substances qui peuvent servir ailleurs comme substances chimiques de base. 10
Champ géographique > 4. Défis et enjeux Le champ géographique privilégié dans le cadre de cette feuille de route est celui du territoire français (métropole et DROM- L’accès aux ressources COM). Cependant, des dimensions locales, européennes et internationales devront être intégrées lorsqu’elles s’avéreront L’exploitation de la biomasse pour la filière chimie du végétal pertinentes. doit impérativement se faire dans le respect des hommes (éventuelles compétitions d’usages avec les cultures vivrières) et de l’environnement (qualité de l’eau, des sols, minimisation des 1. Les problématiques de l’accès à la biomasse disponible et de émissions de CO2… ). la gestion des conflits d’usage devront être considérées. 2. Le développement des projets devra se faire en cohérence La diversification des ressources renouvelables mobilisables avec les actions déjà mises en place sur le territoire permettrait de minimiser les risques de tensions liés aux [notamment, articulation avec l’ensemble des actions compétitions entre les différents usages (alimentation, mises en place dans le cadre des Investissements d’avenir biocarburants, chaleur, électricité, urbanisation, chimie… ). (biocarburants avancés, économie circulaire… ) et les autres systèmes de soutien (FUI, NER 300, PCRD11…]. La filière chimie du végétal devra donc être coconstruite 3. Les stratégies françaises devront être établies en cohérence avec les producteurs de biomasse (secteurs agricole et avec les stratégies européennes et internationales, que ce forestier) pour avoir accès à une ressource en quantité et soit en termes de structuration de la filière (R&D, produits, qualité suffisantes pour ses développements alimentaires ressources, marchés, acteurs), ou en ce qui concerne la et non alimentaires. Elle devra s’appuyer sur une agriculture politique d’accompagnement (réglementations, labels, durable. Les producteurs de biomasse devront tenir compte de subventions, aides à l’investissement, etc...). la disponibilité en intrants minéraux [éléments fertilisants (azote, phosphore), etc...] et devront en assurer la meilleure gestion possible. L’accès à l’eau et sa gestion seront aussi Horizon temporel des facteurs déterminants qui conditionneront le déploiement L’horizon temporel couvert s’étend jusqu’en 2050 (long terme), spatial des zones cultivables et impacteront le développement notamment pour être cohérent avec l’objectif facteur 4, avec géographique de la filière. Des problèmes d’accès à la un stade intermédiaire en 2020 (moyen terme) qui décrit ressource et de compétition d’usages peuvent surgir dans la situation en supposant que les objectifs du Grenelle de certaines régions où la disponibilité de l’eau est plus faible à l’environnement seront atteints. certaines périodes de l’année ; certaines régions sont ou seront confrontées à des problèmes de qualité de l’eau (salinité… ). A terme, les effets du changement climatique risquent par ailleurs d’étendre ces problématiques de disponibilité et de qualité de l’eau à de nouveaux territoires. 11 - FUI : Fonds unique interministériel ; NER 300 : New Entrants Reserve (réserve de 300 millions de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour les nouveaux entrants dans le système d’échange de l’Union européenne) ; PCRD : Programme cadre européen de recherche et développement. 11
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal Les enjeux sociétaux Les enjeux environnementaux Les industriels doivent tenir compte dès maintenant des Afin de se positionner correctement par rapport à des préoccupations et attentes exprimées par les consommateurs filières concurrentes, un fil conducteur important pour le et les citoyens en termes de santé et d’environnement pour développement de la filière est la « sobriété matière » de développer une filière respectueuse de la société. La stratégie l’ensemble de la chaîne de valeur : de l’approvisionnement en d’usage de la biomasse devra être analysée et explicitée (fins biomasse (production, transport… ) à sa transformation en alimentaires, chimiques et énergétiques), et les impacts des produit, puis à sa distribution en bien commercialisable et enfin procédés de production et des produits étudiés (traçabilité, à sa gestion en fin de vie. En effet, il est important de considérer ACV). la matière en tant que telle et non uniquement son contenu en carbone : la biomasse contient des proportions quasi similaires La filière doit donc être coconstruite avec les organisations de carbone et d’oxygène qui sont utilisés pour la production non gouvernementales (ONG), les consommateurs, les de produits biosourcés. L’Association Chimie du Végétal (ACDV) citoyens, afin de ne pas aboutir aux mêmes controverses que travaille par exemple à la mise au point d’un indicateur sur le celles générées par les biocarburants ou par les organismes taux de biomasse dans les produits, complémentaire à celui génétiquement modifiés. La recherche de débouchés doit être spécifiant le taux de carbone renouvelable par rapport au taux un enjeu d’innovation et de communication. de carbone global. Comme évoqué plus haut, l’accès à l’eau est un enjeu Les défis économiques et industriels environnemental important. Les impacts sur la santé et Le développement de compétences nationales associé à sur l’environnement des produits biosourcés (toxicité et une protection accrue à travers la propriété intellectuelle et écotoxicité respectivement) devront par ailleurs être évalués industrielle (licences, brevets), doit précéder et accompagner la sur l’ensemble du cycle de vie du produit. La comparaison avec mise en place rapide d’une phase d’exploitation industrielle. les bilans de leurs homologues fossiles (molécules identiques ou produits à isofonctionnalités) permettra de mettre en évidence un éventuel gain environnemental. Les impacts des productions Les échanges de compétences croisées entre le monde de la issues des biotechnologies devront être également analysés. chimie classique et les agro-industriels devront se poursuivre et s’intensifier. La structuration de la filière passe nécessairement par un partage équitable des revenus entre l’ensemble des La filière chimie du végétal doit intégrer dès maintenant des acteurs de la chaîne de valeur: producteurs de biomasse, réflexions sur la minimisation des impacts en fin de vie des transformateurs, distributeurs, etc... produits biosourcés. Les meilleures options de valorisation pour chacun des produits (recyclage matière en priorité, valorisations organique ou énergétique) devront être prises en compte dès Les investissements dans les outils de production étant lourds, leur conception. les nouveaux produits et composés se substituant aux produits d’origine fossile devront s’intégrer dans l’outil industriel existant et, en aval, répondre aux attentes techniques et Enfin, comme évoqué précédemment, des systèmes fiables économiques des industriels. Parallèlement, il sera nécessaire de traçabilité, de labellisation ou de certification devront de développer de nouvelles chaînes de production spécifiques être développés, harmonisés et rendus visibles pour les à la filière chimie du végétal. Des démonstrateurs industriels consommateurs. Ils devront attester de la durabilité des seront nécessaires pour préparer ces intégrations et créations. produits. Ils valideront les paramètres de viabilité (économiques et techniques) dans une mise en situation quasi réelle permettant de tester les marchés. 12
> 5. Les visions prospectives La mise en place de politiques incitatives et de dispositifs de soutien à l’industrialisation est nécessaire pour une forte pénétration des produits issus de la chimie du végétal sur le Les visions à long terme ont vocation à décrire, de manière marché : caricaturale, les modalités de déploiement des options technologiques, organisationnelles et socio-économiques • l’accès à la biomasse en quantité suffisante, avec une qualité possibles. Elles n’ont pas la prétention de décrire ce que sera garantie et un prix compétitif permet la structuration la réalité à l’horizon 2050, mais plutôt de définir le « champ d’une bio-économie (ou économie biosourcée) au niveau des possibles » pour ensuite en déduire un large ensemble français et/ou européen. Les politiques rurales favorisent de verrous, de priorités de recherche et de besoins de le développement des bioraffineries consommatrices de démonstrateurs de recherche. La réalité sera très probablement matières renouvelables et créatrices d’emplois verts ; une combinaison des différents scénarios établis. • de nombreux instruments sont mis en place pour permettre et encourager cette progression : législation favorisant Le groupe d’experts a introduit un scénario à moyen terme l’émergence d’un marché des produits biosourcés, marchés pour présenter à l’horizon 2020 les perspectives de pénétration publics verts (achat préférentiel de produits biosourcés), des produits biosourcés sur les marchés français et européens, méthodes d’évaluation claires, non controversées et durables, au regard du développement actuel de la filière et des objectifs normalisation à l’échelle mondiale ; définis. • un programme de recherche européen favorise des projets transversaux sur l’ensemble de la chaîne de valeur comme le La vision 2020 financement de pilotes et de démonstrateurs de bioraffineries (principalement sous la forme de partenariats publics-privés) ; Actuellement, il est estimé que seul 8 % des matières premières de l’industrie chimique française sont d’origine renouvelable. • un plan d’action européen promeut le lancement industriel et En 2007, cette dernière a déclaré s’engager à utiliser 15 % la commercialisation des produits biosourcés. de matières premières d’origine végétale d’ici à 2017 et à diversifier les ressources utilisées (les ressources agricoles et lignocellulosiques ainsi que les déchets et les coproduits)12. Les paramètres clés et les visions 2050 Le groupe d’experts a identifié les deux paramètres clés suivants, A l’échelle de l’Union européenne, à l’horizon 2020, la chimie permettant de compartimenter les réalités possibles de 2050 en du végétal devrait représenter 4 % des surfaces agricoles utiles, 4 visions contrastées : toutes biomasses confondues13. L’Europe a les compétences 1. Le ratio prix du pétrole/prix des matières premières pour prendre la tête au niveau mondial de la filière des produits végétales biosourcés à cet horizon, en particulier si l’objectif préconisé par Il détermine les seuils de rentabilité des produits des associations telles qu’EuropaBio et ERRMA14 (atteindre 20 % biosourcés. Les valeurs du ratio pour lesquelles les procédés de produits biosourcés en 2020) est atteint. de la chimie du végétal deviennent plus avantageux que les procédés pétrochimiques équivalents (produits visés De fait, selon ERRMA15, une forte croissance du marché présentant des fonctionnalités comparables) ne sont pas européen est attendue sur la période 2010-2020, principalement connues et évolueront avec le progrès technique. Le seuil pour les intermédiaires chimiques (acide succinique, acide de rentabilité différera pour chacun des procédés, mais acrylique, isoprène…). La France, qui dispose de ressources globalement, plus ce ratio est élevé, plus la filière chimie particulièrement riches en matière de biomasse et d’une agro- du végétal devient compétitive. A l’inverse, plus ce ratio est industrie performante, est bien placée pour devenir le principal faible, plus les procédés pétrochimiques sont avantagés. La fournisseur européen. contrainte de raréfaction des ressources pétrolières sera de plus en plus présente et le prix du baril risque de continuer d’augmenter avec le temps (5 $ en 1970, 100 $ en février 2011). 2. L’intensité des incitations politiques et sociétales Elles influeront sur l’industrie en général et sur le degré de « verdissement » de l’industrie chimique en particulier. L’intensité sera faible s’il y a peu d’attentes sociétales et si les politiques publiques en faveur des produits biosourcés sont limitées, voire inefficaces ou contradictoires. Les facteurs 12 - Feuille de route SusChem France 2010 et groupe d’experts. sociétaux pourront même jouer en défaveur de la filière si des controverses apparaissent (OGM, usages alimentaires ou non 13 - Source interne ACDV. alimentaires de la biomasse… ). 14 - European Renewable Resources and Materials Association. 15 - ERRMA, “Building the Bio-Economy by 2020“, Flagship initiative within the Europe 2020 strategy. 13
Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal A l’opposé, la mise en place de politiques ambitieuses en faveur La forte tension sur les multiples usages de la biomasse est de l’environnement et du climat contraindra les industriels réelle et doit être prise en compte. Toutefois, le groupe d’experts à modifier leurs procédés de fabrication et à adapter leurs a émis l’hypothèse que les bioressources nécessaires au produits. La demande des consommateurs en produits développement de la filière seront suffisantes et disponibles, respectueux de la santé et de l’environnement pourra aussi dans le but de faire ressortir les organisations et technologies avoir un fort impact sur le futur métier des industriels et leur nécessaires. Dans un deuxième temps, il conviendra de regarder capacité à répondre à ces attentes sera certainement un moteur les visions décrites à l’aune de ce paramètre « disponibilité des économique. intrants » et d’étudier son impact. Les scénarios 2050 sont représentés dans le tableau ci-dessous, en fonction de ces deux paramètres clés : Incitations politiques et sociétales Faibles Fortes Ratio prix du pétrole/prix des matières premières végétales Faible Vision 1 : Vision 2 : Marchés de spécialités pour les produits Incitations politiques pour l’émergence biosourcés de la filière Fort Vision 3 : Vision 4 : Marchés de spécialités et de commodités Réussite industrielle de la chimie du pour les produits biosourcés végétal en France 14
Vision 1 : marchés de spécialités pour les produits Vision 2 : incitations politiques pour l’émergence de la biosourcés filière. Dans cette vision « conservatrice », le contexte économique La raréfaction du pétrole a été anticipée bien qu’il soit toujours est favorable au développement de la filière (ratio prix du la ressource la plus compétitive. Le changement climatique a été pétrole / prix des matières premières végétales faible) et peu profondément pris en compte dans les accords internationaux de facteurs incitatifs s’exercent sur les industriels de la chimie et nationaux et les politiques publiques sont fortement qui continuent leurs activités en ayant recours ponctuellement orientées vers des mesures en faveur de l’environnement et à des intermédiaires issus de la biomasse. La demande des de la diminution des émissions de GES. Les consommateurs consommateurs, qui reste sur un modèle de consommation de exercent une forte pression pour s’assurer de l’empreinte masse et à bas coût, est faible, diffuse ou mal structurée : elle environnementale des produits et des biens commercialisés n’est donc pas moteur. ainsi que de leur impact sur la santé. Cela oblige les filières à « éco-concevoir » leurs produits, à proposer des options de Aucune politique publique n’est dédiée aux produits fin de vie respectueuses (recyclage, valorisation énergétique, biosourcés et leur émergence n’est due qu’à leur spécificité : compostage… ), et à utiliser des procédés éco‑efficients (moins des fonctionnalités autres que celles proposées par les produits énergétivores, moins polluants… ). pétrochimiques en réponse à des demandes sociétales ponctuelles spécifiques, à haute valeur ajoutée (marchés de Dans ce contexte, les incitations des politiques publiques niches et spécialités… ). ont permis la mise en place d’outils (réglementation, fiscalité, label… ) pour faire évoluer les pratiques des filières industrielles L’utilisation des biocarburants a peu progressé en France. Elle (prise en compte des critères de durabilité… ). Bien que est cantonnée à des filières ou à des pays où ils sont compétitifs. les produits pétrochimiques soient économiquement plus Les principales bioraffineries sont les unités de production concurrentiels, les produits biosourcés sont valorisés et leur de biocarburant valorisant les coproduits pour leur équilibre déploiement est généralisé à tous les secteurs (dont les économique. Peu d’innovations de rupture ont vu le jour et la biocarburants pour le transport). Les soutiens publics visent, recherche est surtout orientée vers des applications industrielles en premier lieu, principalement des produits de substitution avec un fort retour sur investissement. aux équivalents fossiles, et dans un deuxième temps, le développement de produits innovants présentant de nouvelles fonctionnalités. La biomasse est produite et transformée par les agro-industries qui voient dans la demande ponctuelle des industries chimiques en intermédiaires biosourcés des débouchés pour certaines Dans cette vision, la percée des produits biosourcés a été molécules spécifiques à fort intérêt économique. La production permise par un soutien politique fort en R&D et des innovations de biomasse est concentrée dans de grands pays producteurs incrémentales dans le domaine du traitement de la biomasse où les contextes économique et climatique sont favorables. De et de la chimie du végétal : ces deux secteurs sont montés en grandes agro-industries réalisent les premières transformations compétence sur leur cœur de métier et ont optimisé fortement de la biomasse et commercialisent des produits chimiques de leurs procédés pour répondre à la demande (sobriété carbone, spécialités sur un marché mondial. pollutions, éco-toxicité… ). L’implantation des usines de transformation chimique est L’apport des biotechnologies est important et permet de peu dépendante d’un territoire donné (préférence pour une diminuer les coûts de transformation des produits biosourcés. localisation proche du client/consommateur). L’Etat a mis en place des mesures pour assurer la traçabilité Dans ce paysage, les échanges de compétences entre les des produits biosourcés, des méthodes et des procédés, différents acteurs de la filière sont faibles. La traçabilité, l’éco- en développant des labels et des certificats. Ainsi, une conception et la fin de vie des produits biosourcés ne sont pas labellisation unique a été développée permettant une meilleure déterminantes pour leur commercialisation. transparence et compréhension pour les consommateurs. 15
Vous pouvez aussi lire