Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal

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Feuille de route R&D de la filière Chimie du végétal
Feuille de route
R&D de la filière Chimie du végétal
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Feuille de route
    R&D de la filière Chimie du végétal

    Sommaire
    > 1. Fondamentaux des feuilles de route                                                                                             4

    > 2. La filière « chimie du végétal »                                                                                               4

    > 3. Périmètre de la feuille de route                                                                                               7

    > 4. Défis et enjeux                                                                                                               11

    > 5. Les visions prospectives                                                                                                      13

    > 6. Les verrous à lever pour favoriser le développement de la filière                                                             17

    > 7. Les besoins de R&D, de démonstrateurs et de plates-formes technologiques                                                      20

    > 8. Benchmark                                                                                                                     26

    > 9. Annexe sur les produits chimiques                                                                                             35

    Liste des membres du groupe d’experts
     Nature de l’organisme                   Experts                          Organismes d’appartenance

     Organisme de recherche et centre        Philippe Chemineau               INRA (Institut national de la recherche agronomique)
     technique                               Paul Colonna                     INRA (Institut national de la recherche agronomique)
                                             Pierre Monsan                    INSA (Institut national des sciences appliquées) / CNRS

     Entreprise privée                       Denis Botzmeyer                  Arkema
                                             Stéphane Delalande               PSA Peugeot Citroën
                                             Franck Fajardie                  Rhodia
                                             Jean-Claude Lumaret              Metabolic Explorer
                                             Valérie Mazza                    Limagrain
                                             Franck Raymond                   DRT (Dérivés Résiniques et Terpéniques)
                                             Jean-François Rous               Sofiproteol
                                             Christophe Rupp Dahlem           Roquette et ACDV (Association Chimie du Végétal)
                                             Chantal Sandoz                   Groupe Carrefour
                                             Jean-Marie Sonet                 PCAS Biosolution

     Fédérations et organisations            Sylvestre Bertucelli             FNPC (Fédération Nationale des Producteurs de Chanvre)
     professionnelles                        Patricia Lexcellent              Fédération de la plasturgie
                                             Valérie Lucas                    UIC (Union des industries chimiques) et ACDV

     Pôles de compétitivité                  Thierry Stadler                  Pôle IAR (Industries et agro-ressources)
                                             Patrick Vuillermoz               Pôle Plastipolis

    Les membres du groupe d’experts ont été appuyés par un secrétariat technique composé d’Hilaire Bewa, Alba Departe, Karine
    Filmon, Michel Gioria, Virginie Le Ravalec, Jean-Christophe Pouet et Nicolas Tonnet de l’ADEME.

2
Depuis 2010, l’ADEME gère quatre programmes dans le cadre des Investissements d’avenir1. Des groupes d’experts issus de la
recherche dans les secteurs de l’industrie, des organismes de recherche et des agences de financement et de programmation de la
recherche, sont chargés, dans le cadre d’un travail collectif, de la réalisation de feuilles de route stratégiques. Celles-ci sont utilisées
pour lancer les appels à manifestations d’intérêt (AMI).

Les feuilles de route ont pour objectifs :
• d’éclairer les enjeux industriels, technologiques, environnementaux et sociétaux ;
• d’élaborer des visions cohérentes et partagées des technologies ou du système sociotechnique en question ;
• de mettre en avant les verrous technologiques, organisationnels et socio-économiques à dépasser ;
• d’associer aux thématiques de recherche prioritaires, des objectifs temporels en termes de disponibilité technologique et de
  déploiement ;
• de rendre prioritaires les besoins de recherche industrielle, de démonstrateurs de recherche, d’expérimentation
  préindustrielle et de plates-formes technologiques d’essai qui servent ensuite de base pour :
    >> la rédaction des AMI ;
    >> la programmation de la recherche au sein de l’ADEME et d’autres institutions comme l’Agence nationale de la recherche (ANR),
       le Comité stratégique national sur la recherche énergie ou l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie
       (ANCRE).

Les priorités de recherche et d’expérimentation proviennent du croisement entre les visions et les verrous, mais prennent également
en compte les capacités françaises dans les domaines de la recherche et de l’industrie.

Ces feuilles de route stratégiques peuvent également inclure une partie benchmark international se focalisant sur les opérations, les
programmes et les mesures politiques mis en œuvre dans les pays particulièrement actifs dans le domaine.

1 - Les Investissements d’avenir s’inscrivent dans la continuité des orientations du Fonds démonstrateur de recherche géré par l’ADEME. Les programmes et actions
confiés à l’ADEME sont : les programmes « démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte » (1,6 milliard d’euros)
et « véhicules du futur » (1 milliard d’euros), et la thématique « réseaux électriques intelligents » (250 millions d’euros) du programme « développement de l’économie
numérique ».
                                                                                                                                                                           3
Feuille de route
    R&D de la filière Chimie du végétal

    > 1. Fondamentaux des feuilles de                                                    > 2. La filière « chimie du végétal »
    route
                                                                                         L’industrie chimique est à l’heure actuelle très fortement
                                                                                         dépendante des ressources fossiles, dont elle tire la plupart
    Une des hypothèses de base des feuilles de route animées par
                                                                                         de ses produits (voir annexe). Leur raréfaction entraînera, à
    l’ADEME est de chercher à atteindre les objectifs du Grenelle
                                                                                         terme, une augmentation inévitable de leur coût ainsi que des
    de l’environnement et du « facteur 4 ». Ce dernier, issu de la
                                                                                         problématiques géopolitiques accrues, notamment pour l’accès
    loi Pope (Programme d’orientation de la politique énergétique
                                                                                         aux ressources. Il est donc nécessaire de trouver, à terme, des
    française) de 2005, vise à diviser par quatre les émissions
                                                                                         matières premières de substitution telles que la biomasse
    françaises de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050 par
                                                                                         (encadré ci-dessous), ressource renouvelable.
    rapport à leur niveau de 1990. Les contraintes liées à la transition
    d’une économie fossile vers une économie du renouvelable sont
    autant de défis à relever par la société française. Les 4 grands
                                                                                          Qu’est-ce que la biomasse ?
    enjeux sont :
    • la lutte contre le changement climatique (objectifs                                 La directive 2009/28/CE relative à la promotion de l’utilisation
      européens 3 x 202 et facteur 4) ;                                                   de l’énergie produite à partir de sources renouvelables définit
                                                                                          la biomasse comme « la fraction biodégradable des produits,
    • la sécurité de l’approvisionnement (diversification du
                                                                                          des déchets et des résidus d’origine biologique provenant de
      bouquet énergétique) ;                                                              l’agriculture (y compris les substances végétales et animales), de
    • la préservation de la santé humaine et de l’environnement                           la sylviculture et des industries connexes, y compris la pêche et
      (amélioration de la qualité de l’air, lutte contre les pollutions                   l’aquaculture, ainsi que la fraction biodégradable des déchets
      environnementales, préservation des écosystèmes… ) ;                                industriels et municipaux ».

    • le développement d’une économie « verte » (structuration et
      la consolidation des filières industrielles vertes françaises pour
                                                                                         La chimie du végétal peut contribuer à la réduction de la
      permettre l’émergence de champions nationaux compétitifs
                                                                                         vulnérabilité de l’industrie chimique « classique » aux
      face à la concurrence internationale).
                                                                                         ressources fossiles. C’est une filière naissante qui inclut
                                                                                         l’ensemble des acteurs intervenant dans l’élaboration de
                                                                                         produits biosourcés (encadré ci-dessous) : de la production
                                                                                         de la biomasse à la distribution du produit fini, en passant par
                                                                                         toutes les étapes intermédiaires de transformation réalisées par
                                                                                         les agro-industriels, les chimistes, les plasturgistes…

                                                                                          Qu’est-ce qu’un produit biosourcé ?

                                                                                          C’est un produit non alimentaire, partiellement ou totalement
                                                                                          issu de la biomasse. Les produits biosourcés incluent les
                                                                                          produits à haute valeur tels que ceux issus de la chimie fine
                                                                                          (pharmaceutiques, parfums, additifs alimentaires, etc...), ainsi
                                                                                          que les produits de spécialité (lubrifiants, détergents, etc...), ou
                                                                                          encore les produits de commodité (polymères, intermédiaires
                                                                                          chimiques, etc...). Le concept exclu les produits biosourcés
                                                                                          traditionnels, tels que ceux qui proviennent de la pulpe et
                                                                                          du papier, du bois et de la biomasse, utilisée comme source
                                                                                          d’énergie.

    2 - Objectifs à l’horizon 2020 : réduction de 20 % des émissions de gaz à effet de
    serre, réduction de 20 % de la consommation d’énergie primaire, part des énergies
    renouvelables dans la consommation d’énergie égale à 20 %.
4
En outre, la chimie du végétal a un rôle majeur à jouer pour                               Cette filière doit se développer en complémentarité avec la
contribuer à la substitution de certains produits pétrochimiques                           filière pétrochimique, très bien installée. Pour être compétitive,
polluants et/ou toxiques par des produits plus respectueux de                              un soutien public sera nécessaire dans les premières phases
l’environnement, en accord avec la volonté exprimée dans la                                de développement tant des procédés que des organisations,
réglementation REACH3.                                                                     des produits et des services. Les évolutions des cadres
                                                                                           réglementaires internationaux, européens et nationaux,
En 2004/2005, l’industrie chimique mondiale a consommé                                     des dispositifs de soutien économique et des systèmes de
850 millions de tonnes (Mt) par an de carbone fossile, ce qui                              labellisation et de certification (en réponse aux attentes
représentait 9 % de la consommation totale, dont 400 Mt pour                               sociétales exprimées par les consommateurs et les citoyens)
ses matières premières et 450 Mt pour l’électricité et la chaleur4.                        peuvent avoir un impact favorable ou défavorable sur le
Même si ce n’est pas le secteur qui aura le plus d’impact sur                              développement de la filière. Les politiques publiques doivent
le changement climatique, la filière chimie du végétal se                                  éviter la déstabilisation des filières existantes en permettant le
devra de contribuer autant que possible en développant des                                 maintien des usines déjà en place et/ou en accompagnant
procédés sobres en carbone (économies d’énergie, procédés                                  leur conversion. La visibilité et la cohérence des politiques
moins émetteurs de GES, filière vertueuse de production et                                 publiques auront un impact important dans l’émergence de
transformation de la biomasse, recyclage… ).                                               cette filière, qui a le potentiel pour créer des emplois directs et
                                                                                           indirects non délocalisables.
La substitution des molécules d’origine pétrochimique par
des molécules biosourcées compétitives doit permettre de                                   Cette feuille de route vise donc à éclairer les choix pour
contribuer à maintenir en France l’outil industriel existant. En                           accompagner la mutation des technologies traditionnelles
parallèle, le développement de molécules aux fonctionnalités                               de l’industrie chimique vers des procédés cherchant à
nouvelles ouvre la perspective de créer de nouvelles industries,                           incorporer une part de plus en plus importante de matières
génératrices d’emplois, et de conquérir de nouveaux marchés.                               premières végétales (céréales, betteraves, ressources
                                                                                           lignocellulosiques autrement dit les tissus végétaux, algues,
                                                                                           etc...). Les actions et recommandations suggérées devront
Le développement de la filière chimie du végétal dépend                                    permettre de développer sur le territoire national une filière
aujourd’hui largement de la mise en place de diverses                                      chimie du végétal compétitive intégrant l’ensemble des
politiques publiques tels que des outils de soutien dédiés et                              acteurs (producteurs de biomasse, agro-industriels, chimistes,
des politiques d’accompagnement (soutien à l’industrialisation,                            distributeurs...), afin d’évoluer à terme vers le modèle des
politiques d’achat public préférentiel5… ). Elle bénéficiera                               bioraffineries (encadré ci-dessous).
aussi certainement considérablement d’autres dispositifs liés à
l’agriculture (politique agricole commune de la Commission
européenne), à la chimie (cadres réglementaires de gestion des
                                                                                            Qu’est-ce qu’une bioraffinerie ?
substances chimiques REACH6 et des composés organiques
volatils7), à des filières connexes (biocarburants notamment),
                                                                                            C’est un ensemble industriel, localisé sur un même site,
ou encore à la traçabilité des produits (critères de durabilité,
                                                                                            mettant en œuvre des procédés destinés à fractionner les
labels et certifications… ).
                                                                                            composants de la biomasse (tige, grain, tubercule etc...) en ses
                                                                                            différents éléments constitutifs (fibres, lipides, amidons, sucres,
                                                                                            protéines… ). Ces derniers peuvent être ensuite fonctionnalisés
                                                                                            par différents procédés mécaniques, physico-chimiques ou
                                                                                            biologiques, afin d’obtenir des produits intermédiaires non
                                                                                            alimentaires (chimie et énergie) et alimentaires (alimentation
                                                                                            humaine comme des huiles, animale comme des tourteaux8).
                                                                                            Ces produits sont ensuite directement utilisés ou formulés
                                                                                            selon les besoins des industriels finaux (alimentaires, non
                                                                                            alimentaires comme les matériaux, carburants, détergents,
                                                                                            lubrifiants… ). Selon le concept de la bioraffinerie, l’intégralité de
                                                                                            la bioressource utilisée doit être valorisée.
3 - Registration, Evaluation, Authorisation and restriction of Chemical substances,
réglementation chimique européenne entré en vigueur en juin 2007

4 - Source : groupe d’experts. Mutations économiques dans le domaine de la
chimie, février 2010. Ce rapport a été élaboré par le Pôle interministériel de
prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame).

5 - Green public procurement - http://ec.europa.eu/environment/gpp/

6 - Règlement n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil datant du
16/12/08, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et
des mélanges (système Reach).

7 - Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre                8 - Les tourteaux, généralement utilisés comme source de protéines en
2010, relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la        alimentation animale, sont constitués des graines de plantes oléagineuses
pollution).                                                                                compressées, après extraction de l’essentiel de leur huile.
                                                                                                                                                                       5
Feuille de route
    R&D de la filière Chimie du végétal

    La figure ci-dessous compare les raffineries pétrolières actuelles au modèle des bioraffineries.

        Raffinerie : voie pétrochimique à partir de pétrole, charbon ou gaz naturel
                            Source                          Transformation                      Produits                  Procédé en aval

                            Champs                          Raffinage                           Procédés
                                                                                                                          Formulation
                            pétrolifères                    & Cracking                          chimiques

                            Pétrole brut                    Naphta                              Monomères                 Produit fini
                            gaz/charbon                                                         et polymères

        Bioraffinerie : transformation de la biomasse (maïs, colza, blé, bois, etc...)
                           Source                 Transformation              Produits                Produits            Procédé en aval

                                                  Agro                        Procédés                Procédés
                           Biomasse                                                                                       Formulation
                                                  industries                  biotech                 chimiques

                           Maïs/Blé/Colza         Glucose/Acides gras         Monomères et polymères                      Produit fini

    Métiers actuels intervenant dans une raffinerie et à développer dans une bioraffinerie (Source : groupe d’experts).

6
> 3. Périmètre de la feuille de route                                 Biotechnologies vertes

La définition des champs thématiques et géographiques est             En Europe, les grandes branches des biotechnologies ont été
complexe, du fait de la multiplicité des sources de biomasse          regroupées sous des codes couleur. Les biotechnologies
mobilisables, des procédés de transformation envisagés et des         vertes regroupent les biotechnologies, parfois très anciennes,
types de produits potentiels, ces derniers pouvant également          qui intéressent l’agriculture, l’élevage et l’agro-alimentaire.
être utilisés dans de nombreux domaines d’application.                Ces technologies regroupent de nouvelles techniques de la
                                                                      biologie moléculaire et leurs applications génétiques. Les
                                                                      biotechnologies vertes regroupent à la fois des approches
Le champ thématique                                                   transgéniques (sélection, manipulation et/ou transfert de gènes,
Bioressources                                                         typage de l’ADN et clonage de gènes végétaux, algaux, animaux
                                                                      ou microbiens) et non transgéniques (permettant notamment
Toutes les sources de biomasse devront être gérées afin de
                                                                      l’exploration de la biodiversité disponible).
satisfaire tous les besoins et éviter les concurrences d’usage
(alimentaire, énergie, chimie du végétal). Les ressources
végétales envisagées à court terme sont d’origine terrestre.
Certaines bioressources pourraient potentiellement devenir           Procédés
intéressantes à moyen terme, notamment les algues et la              La transformation des matières premières végétales pourra faire
biomasse microbienne.                                                appel à différentes technologies de transformation et/ou à leur
                                                                     combinaison :
Plusieurs catégories de ressources terrestres peuvent être           • les procédés physicochimiques et thermiques classiques
distinguées en fonction des filières de valorisation :                 de transformation de la biomasse (fractionnement,
                                                                       fonctionnalisation, micro-ondes, pyrolyse, etc...),
• les plantes oléagineuses, comme le colza pour l’oléochimie,
                                                                     • les nouveaux procédés des biotechnologies
• les plantes protéagineuses, comme le pois,
                                                                       industrielles (encadré ci-dessous).
• les plantes amidonnières (blé, maïs, pomme de terre) et
  sucrières (betterave) pour la chimie des sucres (glucose),          Biotechnologies industrielles
• les ressources lignocellulosiques, qui sont de nature
  hétérogène : ressources sylvicoles (forêts), plantes                Les biotechnologies industrielles, également qualifiées
  herbacées (miscanthus) ou à fibres (chanvre, lin), ainsi            de biotechnologies blanches, désignent l’utilisation de
  que plusieurs ressources résiduelles (résidus agricoles,            systèmes biologiques pour la fabrication, la transformation
  forestiers ou de l’industrie papetière). Des procédés de            ou la dégradation de molécules grâce à des procédés
  xylochimie (chimie du bois) donnent accès à la cellulose et à       biocatalytiques (avec des enzymes) ou de fermentation
  l’hémicellulose, valorisables en chimie des sucres (hexoses et      (avec des micro-organismes) dans un but industriel. Elles
  pentoses), ainsi qu’à la lignine. Actuellement la valorisation      sont utilisées comme alternatives ou en complément des
                                                                      procédés classiques et transforment des matières premières
  principale de la lignine est le papier et le carton, le bois
                                                                      renouvelables. Elles bénéficient des méthodologies de
  d’œuvre et l’énergie. De nouvelles applications en chimie à
                                                                      l’ingénierie enzymatique et métabolique et de la biologie de
  plus haute valeur ajoutée sont à développer.                        synthèse. Le recours aux biotechnologies permet, d’une part, de
                                                                      pouvoir opérer dans des conditions plus douces (température,
                                                                      pression, pH, etc...) et, d’autre part, de limiter les consommations
 La valorisation des coproduits des différentes filières, ces         de réactifs et la production de sous-produits grâce à des
 composés inévitablement obtenus en même temps que le                 réactions plus sélectives.
 produit principal dans les procédés, doit néanmoins être prise en
 compte, notamment pour les coproduits issus des biocarburants
 ou des industries agro-alimentaires (IAA), comme le glycérol et à
 terme la lignine ou les rebuts de fabrication des IAA. Le produit   Le développement de procédés adaptés à la spécificité des
 fini principal et le coproduit doivent tous les deux répondre à     matières premières végétales (modifications chimiques,
 des caractéristiques spécifiques.                                   formulation, transformation… ) et l’adaptation des procédés
                                                                     existants sont des enjeux importants pour assurer le
 Les biotechnologies vertes (encadré ci-dessous) pourraient          développement d’une activité chimie du végétal par les
 permettre par exemple le développement d’espèces végétales          industries traditionnelles (chimistes, plasturgistes… ).
 ou algales adaptées aux procédés de conversion et à l’utilisation
 finale recherchée (ex : augmentation du ratio cellulose/
 lignine pour la fabrication du papier). Toutefois, l’impact sur
 l’environnement et l’innocuité sur la santé humaine de chaque
 plante issue de ces technologies devront être évalués, avant
 son exploitation industrielle. Elle devra être acceptée par le
 consommateur final.

                                                                                                                                             7
Feuille de route
    R&D de la filière Chimie du végétal

    Les procédés permettant d’exploiter et de valoriser à la fois      Produits, services et applications
    les produits complexes issus de la photosynthèse et/ou les         Trois approches complémentaires sont possibles pour le
    associations de molécules (telles que l’amidon et les protéines    développement des produits biosourcés :
    qui, produits par la plante dans les bonnes proportions,
                                                                       • la production de molécules identiques à celles d’origine
    permettent de formuler des colles) sont à développer.
                                                                         pétrochimique, en partant de biomasse : reproduction des
    Contrairement aux procédés classiques qui visent à fragmenter
                                                                         molécules d’origine pétrochimique ;
    le végétal afin d’en extraire les molécules de base puis à les
    recombiner, ils permettent de réaliser des économies d’énergie     • la production de molécules biosourcées originales présentant
    et de matières en exploitant au mieux les compositions de la         des fonctionnalités (usages) similaires à celles des molécules
    biomasse.                                                            d’origine pétrochimique : innovation de substitution ;
                                                                       • l’élaboration de molécules dotées de nouvelles fonctionnalités
    L’intégration des procédés au sein de bioraffineries est             permettant de valoriser les caractéristiques propres des
    un des objectifs à long terme. A court terme, les procédés           matières premières végétales : innovation de rupture.
    déjà développés ou en cours de développement permettront
    de valoriser des matières premières telles que l’amidon et         Les applications décrites dans cette feuille de route se
    les huiles végétales. A moyen terme, le développement              situent aujourd’hui dans les domaines de la chimie et des
    de nouveaux procédés permettra d’élargir la palette des            matériaux. Les nombreux travaux de R&D menés actuellement
    ressources de biomasse mobilisées, notamment les ressources        pourraient aboutir à de nouveaux produits dans de nouveaux
    lignocellulosiques (biomasse forestière, sous-produits de          secteurs d’application. Le schéma suivant présente les acteurs
    l’agriculture… ). Les réflexions doivent être menées à l’échelle   de la filière, les différentes étapes générales de transformation
    de la filière en considérant l’ensemble de la chaîne de valeur.    dans lesquelles ils interviennent et les différents types de
    La modification des procédés en amont doit en particulier tenir    produits intermédiaires (intermédiaires chimiques, produits
    compte des conséquences sur le marché final des produits           fonctionnalisés… ) (encadrés ci-dessous), à partir de la biomasse
    développés.                                                        jusqu’aux produits finaux commercialisés.

8
Agriculteurs,             Agro-industries                         Industries chimiques                Industries        Distributeurs
coopératives                                                                                           process
 agricoles...
                                               Groupes de
                                               molécules
         récolte et transport                  valorisables
         des bioressources
                                               Amidon/Protéines
                                               pour fabrication
Production                                     de colles...                                          Eco-conception
de biomasse                                                                                          Formulation
                                                                                                     Mise en forme
Plantes                                                                                              Fabrication
oléagineuses,                                                                                                            Distribution /
                prétraitements                                                                       Assemblage        Commercialisation
protéagineuses,                                                            Produits
                                                                                                     Finition /          du produit fini
amidonnières,                                                              fonctionnalisés
                                                                                                     Décoration
ressources
sylvicoles,...                                                             Tensioactifs, solvants,                    Matériaux biosourcés
                                                                           lubrifiants, adhésifs,                        (plastiques et
                                                                           polymères...                                   composites),
                                                                                                                        parfums, arômes,
Biomasse                                                                                                              médicaments, lessives,
                      Eléments issus                                                                                    peintures, vernis,
résiduelle            des premières
                                                 séparation       fonctionnalisation                                   encres, lubrifiants,
                      séparations                                                                                      additifs carburants,
Résidus               physiques                  purification
forestiers et                                    fonctionnalisation                                                            etc...
                      ou (bio)chimiques
agricoles,                                                                 Intermédiaires
coproduits des        • Grain, tige,                                       chimiques
biocarburants,                                   séparation
                      tubercule...
boues de STEP,                                   purification              Ethanol, acroléine,
...                   • Huile, amidon,                                     1,3-propanediol,
                      lignine, cellulose,                                  épichlorhydrine,
                      protéine, résines...                                 acides lactique /
                                                                           succinique,
                      • Sucres, acides gras,                               isosorbide...
                      fibres...

    Secteurs d'applications :
    emballage, films de paillage agricole, transport, construction, équipements électriques / électroniques,
    cosmétique, pharmaceutique, solvants, détergence, dégraissage, forage, hydrolique, traitement du bois,
    revêtements...

                                                                                                                                               9
Feuille de route
     R&D de la filière Chimie du végétal

                                                                            Les industries historiques de transformation du végétal
      Intermédiaires chimiques                                              (industries papetières, etc...) sont exclues du champ thématique
                                                                            de cette feuille de route, sauf sur des technologies ou des
      Egalement appelés synthons, molécules plates-formes                   procédés en rupture.
      ou molécules portail, ces composés chimiques sont des
      intermédiaires de synthèse qui viennent alimenter, en aval, les
                                                                            La production de biocarburants avancés9 fait l’objet d’une feuille
      industries chimiques qui vont les transformer, les fonctionnaliser
      puis les formuler dans des produits finaux. Actuellement,             de route dédiée, cependant, dans un objectif d’optimisation
      ils sont majoritairement d’origine pétrochimique (éthylène,           des procédés, la valorisation des coproduits des installations
      propylène… ). Les intermédiaires chimiques biosourcés                 de production de biocarburants sera prise en compte, de
      commencent à se développer et peuvent être issus de procédés          même que le développement des bioraffineries coproduisant
      chimiques classiques ou de biotechnologies industrielles              des molécules destinées à la chimie et des biocarburants
      (éthanol, acroléine, épichlorhydrine, acide succinique, 1-3           avancés.
      propanediol, etc...).
                                                                            Bilans environnementaux et énergétiques
                                                                            Les bilans environnementaux et énergétiques des filières,
                                                                            des procédés et/ou des produits étudiés sont fondamentaux
      Quelques produits fonctionnalisés
                                                                            et doivent nécessairement être pris en compte afin de limiter
                                                                            la pression sur les ressources et l’environnement. Les analyses
      Un solvant est un liquide, souvent volatil, qui a la propriété        de cycle de vie (ACV) devront être considérées attentivement
      de dissoudre et de diluer d’autres substances sans les modifier       et elles serviront par ailleurs aux industriels pour l’optimisation
      chimiquement et sans se modifier lui-même. Les solvants               des bilans environnementaux et énergétiques de leurs procédés
      peuvent servir de dégraissants, d’adjuvants et de diluants
                                                                            et/ou produits.
      (peintures, encres, vernis, colles et pesticides), de décapants
      et de solvants d’extraction (parfums, médicaments). Les
      voies de production de solvants biosourcés les plus étudiées          La gestion de la fin de vie des produits biosourcés joue un
      actuellement sont la lipochimie (chimie des corps gras pour           rôle important dans ces bilans. L’ensemble des procédés
      produire des esters d’huiles végétales) et la sucrochimie (pour       de valorisation doit être étudié : le recyclage matière (ou
      produire des esters d’acides de fermentation).                        mécanique) en priorité, le recyclage chimique (spécifique aux
                                                                            matières plastiques)10 et le recyclage organique (compostage
      Un tensioactif est un composé qui modifie la tension entre deux       industriel et méthanisation) en intégrant ces nouveaux produits
      surfaces. Les tensioactifs sont des molécules amphiphiles, qui        dans les filières de recyclage existantes ou en créant des filières
      présentent deux parties de polarité différente, l’une lipophile       spécifiques, mais également la valorisation énergétique à
      (miscible dans l’huile) et apolaire, l’autre hydrophile (miscible     haute efficacité. Plus largement, de nouvelles filières de fin de
      dans l’eau) et polaire. Selon leur structure, ils peuvent avoir un    vie innovantes doivent être développées, incluant par exemple
      pouvoir émulsionnant, adoucissant, mouillant ou détergent.            de nouveaux outils de tri ou de valorisation.
      Ils entrent dans la composition de nombreux produits de
      consommation : produits de l’hygiène, de la cosmétique, de la
      pharmacie, des détergents, etc... Concernant les tensioactifs
      biosourcés, la partie lipophile peut provenir de matières
      premières oléochimiques dérivées du colza, tournesol, palme,
      etc..., tandis que la partie hydrophile peut provenir de coproduits
      de l’amidon ou du sucre (betterave, céréales).

      Un lubrifiant a pour principales fonctions de réduire le
      frottement de pièces entre elles ou bien d’assurer des transferts
      thermiques dans des ensembles mécaniques en mouvement.
      Les lubrifiants sont utilisés pour des applications diverses, et
      notamment pour les matériels forestiers et agricoles (chaînes
      de scie…), les moteurs, les équipements agro-alimentaires, les
      fluides de forage, le décoffrage, etc...

      Un plastifiant est un additif qui entre dans la formulation d’un
      matériau plastique pour augmenter sa plasticité et sa fluidité.
                                                                            9 - Ce sont les biocarburants dits de deuxième génération obtenus à partir
                                                                            de biomasse lignocellulosique ou les biocarburants dits de troisième
                                                                            génération, obtenus à partir d’algues ou de micro-organismes.

                                                                            10 - Le recyclage chimique englobe une série de procédés permettant de
                                                                            fragmenter les molécules de polymère, qui constituent les matières plastiques, en
                                                                            molécules plus petites. Celles-ci peuvent être soit des monomères, qui peuvent
                                                                            être utilisés directement pour produire de nouveaux polymères, soit d’autres
                                                                            substances qui peuvent servir ailleurs comme substances chimiques de base.
10
Champ géographique                                                                   > 4. Défis et enjeux
Le champ géographique privilégié dans le cadre de cette feuille
de route est celui du territoire français (métropole et DROM-                        L’accès aux ressources
COM). Cependant, des dimensions locales, européennes et
internationales devront être intégrées lorsqu’elles s’avéreront                      L’exploitation de la biomasse pour la filière chimie du végétal
pertinentes.                                                                         doit impérativement se faire dans le respect des hommes
                                                                                     (éventuelles compétitions d’usages avec les cultures vivrières) et
                                                                                     de l’environnement (qualité de l’eau, des sols, minimisation des
1. Les problématiques de l’accès à la biomasse disponible et de
                                                                                     émissions de CO2… ).
   la gestion des conflits d’usage devront être considérées.
2. Le développement des projets devra se faire en cohérence                          La diversification des ressources renouvelables mobilisables
   avec les actions déjà mises en place sur le territoire                            permettrait de minimiser les risques de tensions liés aux
   [notamment, articulation avec l’ensemble des actions                              compétitions entre les différents usages (alimentation,
   mises en place dans le cadre des Investissements d’avenir                         biocarburants, chaleur, électricité, urbanisation, chimie… ).
   (biocarburants avancés, économie circulaire… ) et les autres
   systèmes de soutien (FUI, NER 300, PCRD11…].
                                                                                     La filière chimie du végétal devra donc être coconstruite
3. Les stratégies françaises devront être établies en cohérence                      avec les producteurs de biomasse (secteurs agricole et
   avec les stratégies européennes et internationales, que ce                        forestier) pour avoir accès à une ressource en quantité et
   soit en termes de structuration de la filière (R&D, produits,                     qualité suffisantes pour ses développements alimentaires
   ressources, marchés, acteurs), ou en ce qui concerne la                           et non alimentaires. Elle devra s’appuyer sur une agriculture
   politique d’accompagnement (réglementations, labels,                              durable. Les producteurs de biomasse devront tenir compte de
   subventions, aides à l’investissement, etc...).                                   la disponibilité en intrants minéraux [éléments fertilisants
                                                                                     (azote, phosphore), etc...] et devront en assurer la meilleure
                                                                                     gestion possible. L’accès à l’eau et sa gestion seront aussi
Horizon temporel                                                                     des facteurs déterminants qui conditionneront le déploiement
L’horizon temporel couvert s’étend jusqu’en 2050 (long terme),                       spatial des zones cultivables et impacteront le développement
notamment pour être cohérent avec l’objectif facteur 4, avec                         géographique de la filière. Des problèmes d’accès à la
un stade intermédiaire en 2020 (moyen terme) qui décrit                              ressource et de compétition d’usages peuvent surgir dans
la situation en supposant que les objectifs du Grenelle de                           certaines régions où la disponibilité de l’eau est plus faible à
l’environnement seront atteints.                                                     certaines périodes de l’année ; certaines régions sont ou seront
                                                                                     confrontées à des problèmes de qualité de l’eau (salinité… ). A
                                                                                     terme, les effets du changement climatique risquent par ailleurs
                                                                                     d’étendre ces problématiques de disponibilité et de qualité de
                                                                                     l’eau à de nouveaux territoires.

11 - FUI : Fonds unique interministériel ; NER 300 : New Entrants Reserve (réserve
de 300 millions de quotas d’émission de gaz à effet de serre pour les nouveaux
entrants dans le système d’échange de l’Union européenne) ; PCRD : Programme
cadre européen de recherche et développement.
                                                                                                                                                          11
Feuille de route
     R&D de la filière Chimie du végétal

     Les enjeux sociétaux                                                 Les enjeux environnementaux
     Les industriels doivent tenir compte dès maintenant des              Afin de se positionner correctement par rapport à des
     préoccupations et attentes exprimées par les consommateurs           filières concurrentes, un fil conducteur important pour le
     et les citoyens en termes de santé et d’environnement pour           développement de la filière est la « sobriété matière » de
     développer une filière respectueuse de la société. La stratégie      l’ensemble de la chaîne de valeur : de l’approvisionnement en
     d’usage de la biomasse devra être analysée et explicitée (fins       biomasse (production, transport… ) à sa transformation en
     alimentaires, chimiques et énergétiques), et les impacts des         produit, puis à sa distribution en bien commercialisable et enfin
     procédés de production et des produits étudiés (traçabilité,         à sa gestion en fin de vie. En effet, il est important de considérer
     ACV).                                                                la matière en tant que telle et non uniquement son contenu en
                                                                          carbone : la biomasse contient des proportions quasi similaires
     La filière doit donc être coconstruite avec les organisations        de carbone et d’oxygène qui sont utilisés pour la production
     non gouvernementales (ONG), les consommateurs, les                   de produits biosourcés. L’Association Chimie du Végétal (ACDV)
     citoyens, afin de ne pas aboutir aux mêmes controverses que          travaille par exemple à la mise au point d’un indicateur sur le
     celles générées par les biocarburants ou par les organismes          taux de biomasse dans les produits, complémentaire à celui
     génétiquement modifiés. La recherche de débouchés doit être          spécifiant le taux de carbone renouvelable par rapport au taux
     un enjeu d’innovation et de communication.                           de carbone global.

                                                                          Comme évoqué plus haut, l’accès à l’eau est un enjeu
     Les défis économiques et industriels                                 environnemental important. Les impacts sur la santé et
     Le développement de compétences nationales associé à                 sur l’environnement des produits biosourcés (toxicité et
     une protection accrue à travers la propriété intellectuelle et       écotoxicité respectivement) devront par ailleurs être évalués
     industrielle (licences, brevets), doit précéder et accompagner la    sur l’ensemble du cycle de vie du produit. La comparaison avec
     mise en place rapide d’une phase d’exploitation industrielle.        les bilans de leurs homologues fossiles (molécules identiques ou
                                                                          produits à isofonctionnalités) permettra de mettre en évidence
                                                                          un éventuel gain environnemental. Les impacts des productions
     Les échanges de compétences croisées entre le monde de la
                                                                          issues des biotechnologies devront être également analysés.
     chimie classique et les agro-industriels devront se poursuivre et
     s’intensifier. La structuration de la filière passe nécessairement
     par un partage équitable des revenus entre l’ensemble des            La filière chimie du végétal doit intégrer dès maintenant des
     acteurs de la chaîne de valeur: producteurs de biomasse,             réflexions sur la minimisation des impacts en fin de vie des
     transformateurs, distributeurs, etc...                               produits biosourcés. Les meilleures options de valorisation pour
                                                                          chacun des produits (recyclage matière en priorité, valorisations
                                                                          organique ou énergétique) devront être prises en compte dès
     Les investissements dans les outils de production étant lourds,
                                                                          leur conception.
     les nouveaux produits et composés se substituant aux produits
     d’origine fossile devront s’intégrer dans l’outil industriel
     existant et, en aval, répondre aux attentes techniques et            Enfin, comme évoqué précédemment, des systèmes fiables
     économiques des industriels. Parallèlement, il sera nécessaire       de traçabilité, de labellisation ou de certification devront
     de développer de nouvelles chaînes de production spécifiques         être développés, harmonisés et rendus visibles pour les
     à la filière chimie du végétal. Des démonstrateurs industriels       consommateurs. Ils devront attester de la durabilité des
     seront nécessaires pour préparer ces intégrations et créations.      produits.
     Ils valideront les paramètres de viabilité (économiques et
     techniques) dans une mise en situation quasi réelle permettant
     de tester les marchés.

12
> 5. Les visions prospectives                                                    La mise en place de politiques incitatives et de dispositifs
                                                                                 de soutien à l’industrialisation est nécessaire pour une forte
                                                                                 pénétration des produits issus de la chimie du végétal sur le
Les visions à long terme ont vocation à décrire, de manière                      marché :
caricaturale, les modalités de déploiement des options
technologiques, organisationnelles et socio-économiques                          • l’accès à la biomasse en quantité suffisante, avec une qualité
possibles. Elles n’ont pas la prétention de décrire ce que sera                    garantie et un prix compétitif permet la structuration
la réalité à l’horizon 2050, mais plutôt de définir le « champ                     d’une bio-économie (ou économie biosourcée) au niveau
des possibles » pour ensuite en déduire un large ensemble                          français et/ou européen. Les politiques rurales favorisent
de verrous, de priorités de recherche et de besoins de                             le développement des bioraffineries consommatrices de
démonstrateurs de recherche. La réalité sera très probablement                     matières renouvelables et créatrices d’emplois verts ;
une combinaison des différents scénarios établis.                                • de nombreux instruments sont mis en place pour permettre
                                                                                   et encourager cette progression : législation favorisant
Le groupe d’experts a introduit un scénario à moyen terme                          l’émergence d’un marché des produits biosourcés, marchés
pour présenter à l’horizon 2020 les perspectives de pénétration                    publics verts (achat préférentiel de produits biosourcés),
des produits biosourcés sur les marchés français et européens,                     méthodes d’évaluation claires, non controversées et durables,
au regard du développement actuel de la filière et des objectifs                   normalisation à l’échelle mondiale ;
définis.
                                                                                 • un programme de recherche européen favorise des projets
                                                                                   transversaux sur l’ensemble de la chaîne de valeur comme le
La vision 2020                                                                     financement de pilotes et de démonstrateurs de bioraffineries
                                                                                   (principalement sous la forme de partenariats publics-privés) ;
Actuellement, il est estimé que seul 8 % des matières premières
de l’industrie chimique française sont d’origine renouvelable.                   • un plan d’action européen promeut le lancement industriel et
En 2007, cette dernière a déclaré s’engager à utiliser 15 %                        la commercialisation des produits biosourcés.
de matières premières d’origine végétale d’ici à 2017 et à
diversifier les ressources utilisées (les ressources agricoles et
lignocellulosiques ainsi que les déchets et les coproduits)12.                   Les paramètres clés et les visions 2050
                                                                                 Le groupe d’experts a identifié les deux paramètres clés suivants,
A l’échelle de l’Union européenne, à l’horizon 2020, la chimie                   permettant de compartimenter les réalités possibles de 2050 en
du végétal devrait représenter 4 % des surfaces agricoles utiles,                4 visions contrastées :
toutes biomasses confondues13. L’Europe a les compétences                        1. Le ratio prix du pétrole/prix des matières premières
pour prendre la tête au niveau mondial de la filière des produits                   végétales
biosourcés à cet horizon, en particulier si l’objectif préconisé par                Il détermine les seuils de rentabilité des produits
des associations telles qu’EuropaBio et ERRMA14 (atteindre 20 %                     biosourcés. Les valeurs du ratio pour lesquelles les procédés
de produits biosourcés en 2020) est atteint.                                        de la chimie du végétal deviennent plus avantageux que
                                                                                    les procédés pétrochimiques équivalents (produits visés
De fait, selon ERRMA15, une forte croissance du marché                              présentant des fonctionnalités comparables) ne sont pas
européen est attendue sur la période 2010-2020, principalement                      connues et évolueront avec le progrès technique. Le seuil
pour les intermédiaires chimiques (acide succinique, acide                          de rentabilité différera pour chacun des procédés, mais
acrylique, isoprène…). La France, qui dispose de ressources                         globalement, plus ce ratio est élevé, plus la filière chimie
particulièrement riches en matière de biomasse et d’une agro-                       du végétal devient compétitive. A l’inverse, plus ce ratio est
industrie performante, est bien placée pour devenir le principal                    faible, plus les procédés pétrochimiques sont avantagés. La
fournisseur européen.                                                               contrainte de raréfaction des ressources pétrolières sera de
                                                                                    plus en plus présente et le prix du baril risque de continuer
                                                                                    d’augmenter avec le temps (5 $ en 1970, 100 $ en février
                                                                                    2011).

                                                                                 2. L’intensité des incitations politiques et sociétales
                                                                                    Elles influeront sur l’industrie en général et sur le degré de
                                                                                    « verdissement » de l’industrie chimique en particulier.
                                                                                    L’intensité sera faible s’il y a peu d’attentes sociétales et si les
                                                                                    politiques publiques en faveur des produits biosourcés sont
                                                                                    limitées, voire inefficaces ou contradictoires. Les facteurs
12 - Feuille de route SusChem France 2010 et groupe d’experts.                      sociétaux pourront même jouer en défaveur de la filière si des
                                                                                    controverses apparaissent (OGM, usages alimentaires ou non
13 - Source interne ACDV.
                                                                                    alimentaires de la biomasse… ).
14 - European Renewable Resources and Materials Association.

15 - ERRMA, “Building the Bio-Economy by 2020“, Flagship initiative within the
Europe 2020 strategy.
                                                                                                                                                           13
Feuille de route
     R&D de la filière Chimie du végétal

     A l’opposé, la mise en place de politiques ambitieuses en faveur      La forte tension sur les multiples usages de la biomasse est
     de l’environnement et du climat contraindra les industriels           réelle et doit être prise en compte. Toutefois, le groupe d’experts
     à modifier leurs procédés de fabrication et à adapter leurs           a émis l’hypothèse que les bioressources nécessaires au
     produits. La demande des consommateurs en produits                    développement de la filière seront suffisantes et disponibles,
     respectueux de la santé et de l’environnement pourra aussi            dans le but de faire ressortir les organisations et technologies
     avoir un fort impact sur le futur métier des industriels et leur      nécessaires. Dans un deuxième temps, il conviendra de regarder
     capacité à répondre à ces attentes sera certainement un moteur        les visions décrites à l’aune de ce paramètre « disponibilité des
     économique.                                                           intrants » et d’étudier son impact.

     Les scénarios 2050 sont représentés dans le tableau ci-dessous, en fonction de ces deux paramètres clés :

                  Incitations politiques et sociétales   Faibles                                    Fortes

      Ratio prix du pétrole/prix des matières
      premières végétales

      Faible                                             Vision 1 :                                 Vision 2 :
                                                         Marchés de spécialités pour les produits   Incitations politiques pour l’émergence
                                                         biosourcés                                 de la filière

      Fort                                               Vision 3 :                                 Vision 4 :
                                                         Marchés de spécialités et de commodités    Réussite industrielle de la chimie du
                                                         pour les produits biosourcés               végétal en France

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Vision 1 : marchés de spécialités pour les produits                     Vision 2 : incitations politiques pour l’émergence de la
biosourcés                                                              filière.
Dans cette vision « conservatrice », le contexte économique             La raréfaction du pétrole a été anticipée bien qu’il soit toujours
est favorable au développement de la filière (ratio prix du             la ressource la plus compétitive. Le changement climatique a été
pétrole / prix des matières premières végétales faible) et peu          profondément pris en compte dans les accords internationaux
de facteurs incitatifs s’exercent sur les industriels de la chimie      et nationaux et les politiques publiques sont fortement
qui continuent leurs activités en ayant recours ponctuellement          orientées vers des mesures en faveur de l’environnement et
à des intermédiaires issus de la biomasse. La demande des               de la diminution des émissions de GES. Les consommateurs
consommateurs, qui reste sur un modèle de consommation de               exercent une forte pression pour s’assurer de l’empreinte
masse et à bas coût, est faible, diffuse ou mal structurée : elle       environnementale des produits et des biens commercialisés
n’est donc pas moteur.                                                  ainsi que de leur impact sur la santé. Cela oblige les filières à
                                                                        « éco-concevoir » leurs produits, à proposer des options de
Aucune politique publique n’est dédiée aux produits                     fin de vie respectueuses (recyclage, valorisation énergétique,
biosourcés et leur émergence n’est due qu’à leur spécificité :          compostage… ), et à utiliser des procédés éco‑efficients (moins
des fonctionnalités autres que celles proposées par les produits        énergétivores, moins polluants… ).
pétrochimiques en réponse à des demandes sociétales
ponctuelles spécifiques, à haute valeur ajoutée (marchés de             Dans ce contexte, les incitations des politiques publiques
niches et spécialités… ).                                               ont permis la mise en place d’outils (réglementation, fiscalité,
                                                                        label… ) pour faire évoluer les pratiques des filières industrielles
L’utilisation des biocarburants a peu progressé en France. Elle         (prise en compte des critères de durabilité… ). Bien que
est cantonnée à des filières ou à des pays où ils sont compétitifs.     les produits pétrochimiques soient économiquement plus
Les principales bioraffineries sont les unités de production            concurrentiels, les produits biosourcés sont valorisés et leur
de biocarburant valorisant les coproduits pour leur équilibre           déploiement est généralisé à tous les secteurs (dont les
économique. Peu d’innovations de rupture ont vu le jour et la           biocarburants pour le transport). Les soutiens publics visent,
recherche est surtout orientée vers des applications industrielles      en premier lieu, principalement des produits de substitution
avec un fort retour sur investissement.                                 aux équivalents fossiles, et dans un deuxième temps, le
                                                                        développement de produits innovants présentant de nouvelles
                                                                        fonctionnalités.
La biomasse est produite et transformée par les agro-industries
qui voient dans la demande ponctuelle des industries chimiques
en intermédiaires biosourcés des débouchés pour certaines               Dans cette vision, la percée des produits biosourcés a été
molécules spécifiques à fort intérêt économique. La production          permise par un soutien politique fort en R&D et des innovations
de biomasse est concentrée dans de grands pays producteurs              incrémentales dans le domaine du traitement de la biomasse
où les contextes économique et climatique sont favorables. De           et de la chimie du végétal : ces deux secteurs sont montés en
grandes agro-industries réalisent les premières transformations         compétence sur leur cœur de métier et ont optimisé fortement
de la biomasse et commercialisent des produits chimiques de             leurs procédés pour répondre à la demande (sobriété carbone,
spécialités sur un marché mondial.                                      pollutions, éco-toxicité… ).

L’implantation des usines de transformation chimique est                L’apport des biotechnologies est important et permet de
peu dépendante d’un territoire donné (préférence pour une               diminuer les coûts de transformation des produits biosourcés.
localisation proche du client/consommateur).
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Dans ce paysage, les échanges de compétences entre les                  des produits biosourcés, des méthodes et des procédés,
différents acteurs de la filière sont faibles. La traçabilité, l’éco-   en développant des labels et des certificats. Ainsi, une
conception et la fin de vie des produits biosourcés ne sont pas         labellisation unique a été développée permettant une meilleure
déterminantes pour leur commercialisation.                              transparence et compréhension pour les consommateurs.

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