Allocation d'installation scientifique 2018 de Rennes Métropole pour Eric Edeline (ESE, INRA)
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Allocation d'installation scientifique 2018 de Rennes Métropole pour Eric Edeline (ESE, INRA) Rennes Métropole vient d'annoncer les lauréats 2018 des allocations d'installation scientifique (AIS) : Eric Edeline (ESE / associé à l'OSUR), chargé de recherche à l'INRA, est une des 3 lauréats OSUR. Il se voit attribuer une allocation de 57 K€. Les AIS sont des aides de Rennes Métropole visant à faciliter l'accueil, l'installation et le démarrage des travaux de recherche de chercheurs récemment arrivés sur le territoire métropolitain. L'objectif est de faire de Rennes un site universitaire majeur, accueillant et attractif pour des chercheurs de haut niveau. Ce dispositif s'adresse aux chercheurs recrutés depuis moins de trois ans dans un établissement d'enseignement supérieur et de recherche localisé sur le territoire de Rennes Métropole. Un appel à candidatures est publié chaque année. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ "NOUVEAU : DyNamiques écO‐evolUtiVes en réponsE aux Activités hUmaines" (Eric Edeline, ESE, INRA / OSUR) Le projet NOUVEAU porté par Eric Edeline du labo ESE – Ecologie et Santé des Ecosystèmes ‐ ambitionne d’explorer les interactions écologie évolution induites dans les réseaux trophiques perturbés par l’homme, en utilisant deux cas expérimentaux complémentaires: l’exploitation des populations de poissons par la pêche et l’introduction d’une espèce invasive. Ce projet a pour triple objectif de développer des travaux (1) novateurs et intégratifs tant sur le plan scientifique que sur le plan finalisé, (2) fédérateurs et en cohérence avec la dynamique de recherche locale et (3) attractifs pour les chercheurs français et étrangers afin de développer une équipe de recherche Rennaise sur les dynamiques écologie‐évolution. Le « volet pêche » de NOUVEAU correspond à la poursuite de travaux qu’Eric Edeline a initiée à Paris et s’appuie sur deux financements internationaux en cours incluant quatre post‐doctorants de 3 ans (projets REEF et EvoSIZE, 2016‐2020). Le «volet invasion» correspond au développement à Rennes de travaux nouveaux sur l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii), projet pour lequel il a été recruté à l’INRA en 2017.
Un contexte scientifique nouveau : un front de science majeur s’ouvre en biologie Classiquement, l’évolution des traits phénotypiques en réponse à la sélection naturelle est considérée comme un processus lent, observable uniquement à l’échelle des temps géologiques (cf. Darwin et ses travaux sur l'évolution des espèces vivantes qui ont révolutionné la biologie avec son ouvrage « De l'origine des espèces » paru en 1859). Or, depuis une vingtaine d’années des travaux se multiplient qui viennent briser ce dogme, en démontrant au contraire que l’évolution peut être très rapide et observable à l’échelle d’une ou de quelques générations. Par exemple, la taille corporelle et la forme et la taille du bec des pinsons sur les îles Galápagos évoluent en seulement quelques générations en réponse aux variations de la disponibilité des différents types de graines. Cependant, dans des environnements fortement anthropisés, ce sont en réalité les pressions de sélection induites par les humains qui génèrent l’évolution la plus rapide dans les populations naturelles. Ces pressions de sélection anthropiques sont généralement liées à l’exploitation des ressources biologiques naturelles (chasse, pêche), à la fragmentation des habitats ou aux changements climatiques, aux invasions biologiques et aux pollutions par les xénobiotiques, i.e. des substances présentes dans un organisme vivant mais qui lui sont étrangères (ni produites par l'organisme lui‐même, ni par son alimentation naturelle). Par ailleurs, l’écologie considère depuis Lotka et Volterra (1926) que la force des interactions entre organismes ‐ notamment entre un prédateur et sa proie ‐ est contrôlée par les densités des populations, un dogme appelé « loi d’action de masse ». Or, on sait maintenant que les traits phénotypiques, c'est‐à‐dire l'ensemble des traits observables d'un organisme, jouent aussi un rôle majeur dans le contrôle des interactions écologiques, et que ces effets traits‐dépendants peuvent souvent dépasser en force les effets densité‐dépendants. Par exemple, la force des interactions prédateur‐proie et les effets en cascade qui en découlent peuvent dépendre plus fortement de la taille corporelle des prédateurs que de la densité en prédateurs. La chute récente et simultanée de ces dogmes en évolution et en écologie ouvre la voie vers la fusion des deux disciplines : les scientifiques sont désormais enclins à considérer que les dynamiques évolutives opèrent sur des échelles de temps écologiques et affectent des traits qui déterminent en retour la sélection naturelle, donnant naissance à des « boucles de rétrocontrôle éco‐évolutives » (dit BR2E, Fig.1). L’étude des BR2E représente aujourd’hui un front de science majeur en biologie.
D’un point de vue théorique, les BR2E sont fondamentales pour prédire la dynamique de la biodiversité, en particulier dans le contexte des perturbations anthropiques. Pourtant, les BR2E restent très mal comprises d’un point de vue empirique, et sont de fait totalement ignorées dans les programmes de conservation ou de restauration des écosystèmes qui restent souvent focalisés sur des approches purement densité‐dépendantes. Afin de combler cette lacune, le projet d’Eric Edeline a pour objectif d’améliorer notre compréhension empirique des BR2E, en se focalisant sur la réponse aux perturbations anthropiques dans les réseaux trophiques complexes. Cette approche est un challenge en raison de la complexité des rétrocontrôles possibles dans les réseaux trophiques, mais elle représente aussi la synthèse biologique la plus aboutie à ce jour. Ainsi, fondamentalement cette nouvelle synthèse apportera de grands progrès dans notre compréhension des processus biologiques à l’oeuvre dans la nature. D’un point de vue appliqué, la compréhension des BR2E améliorera considérablement notre capacité à gérer les écosystèmes et les services qu’ils apportent aux humains. Concrètement, Eric propose d’étudier les BR2E induites dans les réseaux trophiques aquatiques par la pêche et par l’introduction d’une espèce invasive, qui sont deux des grandes causes de perte de biodiversité à l’échelle mondiale. La compréhension des BR2E associées à ces perturbations d’origine humaines a donc un fort potentiel d’application à des cas concrets.
Les BR2E induites par la pêche Ce volet du projet NOUVEAU s’appuie sur la simulation de la pêche, en parallèle au laboratoire et en bassins extérieurs, sur des populations expérimentales de médaka (Fig. 2). Fig. 2 : Mâle de médaka (Oryzias latipes) Le médaka est un petit poisson (3 à 5 cm à l’âge adulte) originaire d’Asie du sud‐est, très tolérant aux variations de température et de salinité. Il a l’avantage d’être en même temps adapté à l’élevage au laboratoire, où à 27°C le temps de génération est de 3 mois ; mais également à l’élevage, dans des bassins extérieurs où il peut hiverner et où des densités moyennes 15‐50 individus/m2 sont obtenues sans aucun nourrissage artificiel. Jusqu’à maintenant, les travaux d’Eric sur les médakas au laboratoire et en bassins extérieurs ont été conduits au CEREEP Ecotron‐Île‐de‐France, une station de recherche du CNRS et de l’École Normale Supérieure située à Saint Pierre lès Nemours au sud de Paris. De nouveaux développements à Rennes Les lignées sélectionnées dans les bassins extérieurs en 2017 ont permis d’obtenir des résultats très novateurs. L’AIS va permettre de poursuivre à Rennes le développement de travaux sur les médakas en bassins extérieurs, mais cette fois en simulant quatre types d’exploitation des poissons (au lieu de deux actuellement). Il est pour cela nécessaire d’installer sur la plateforme U3E ‐ PEARL (Plateforme d’Expérimentation Aquatique de Rennes : plateforme mutualisée de l’OSUR) 12 bassins identiques à ceux utilisés par Eric au CEREEP pour y transférer les médakas (Fig.3). Fig. 3 : 1 des 12 mésocosmes à médaka utilisés au CEREEP
Afin d’accroître la diversité génétique de ses populations de médaka originaires de Kiyosu au sud du Japon, il souhaite les croiser avec des individus d’une autre population sauvage originaire du nord du Japon (Niigata). On sait en effet qu’il existe de fortes différences génétiques entre ces deux grands groupes nord‐sud, et le gain de diversité génétique obtenu permettrait d’augmenter considérablement le potentiel évolutif des populations de médaka rennaises. Cela implique donc un nouveau voyage d’échantillonnage au Japon, à la suite de celui en 2011 pour les premiers médakas. Les BR2E induites par une invasion biologique P. clarkii (Fig. 4) est une écrevisse originaire du Sud des États Unis qui a été introduite dans le monde entier pour l’aquaculture. Fig. 4 : Ecrevisse de Louisiane Procambarus clarkii P. clarkii a des effets très marqués sur les réseaux trophiques aquatiques et est à présent classée parmi les 10 espèces les plus invasives en Europe. L’écologie de cette espèce est étudiée à Rennes à l’OSUR par les UMR ESE et ECOBIO. Eric va donc s’intégrer dans ces travaux en cours au niveau local et les enrichir avec des approches évolutives en développant un projet d’étude des BR2E induites par P. clarkii dans les réseaux trophiques aquatiques. Ce volet écrevisse de NOUVEAU est basé sur des mesures de terrain et sur des expériences en bassins à l’U3E ‐ PEARL. Les mesures de terrain, dans les mares de Brière (44) bénéficieront des travaux des équipes rennaises qui ont identifié et caractérisé en Brière des mares où l’écrevisse est présente ou absente (thèses de Anne Tréguier et Nadège Bélouard). Le but est d’associer la présence/absence de l’écrevisse à des variations des communautés aquatiques en termes de diversité taxonomique, de structure du réseau trophique et de phénotype des organismes. Au final, la constitution d’une nouvelle équipe de recherche rennaise sur les dynamiques écologie‐ évolution est un objectif très stimulant et ambitieux, mais aussi un travail de longue haleine. Elle est basée sur la mise en place d’outils de recherche attractifs et mutualisés facilitant les collaborations, la construction d’un réseau de collaborations multi‐échelle aux niveaux local, national et international, enfin, le recrutement et la formation de doctorants et post‐doctorants de haut niveau qui pourront candidater avec succès aux postes ouverts au niveau local et national. NOUVEAU est donc un projet parfaitement en accord avec la philosophie de fonctionnement de l’OSUR sur le pôle académique rennais : une recherche fédérative pluri et interdisciplinaire, une mutualisation des moyens d’expérimentation in situ et d’observation in natura, et enfin un adossement de la formation des étudiants (master, doctorat) à la recherche.
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