ANALYSe Les scénarios de transition énergétique de l'ANCRE
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ANALYSE Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE ANCRE1 Alors que le Parlement doit débattre de la Loi de programmation de la transition énergétique (LPTE), les organismes publics de recherche − regroupés dans l’ANCRE − présentent leurs scénarios pour assurer cette mutation fondamentale pour la France. Comment réduire à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025 et diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre pour 2050 ? L’ANCRE estime que des investissements considérables seront nécessaires pour développer des nouvelles technologies et construire des réseaux de distribution, ainsi que des changements dans le comportement des consommateurs. Les scénarios énergétiques de l’ANCRE CO2. Elles prennent en compte les marges de (Alliance nationale de coordination de la manœuvre en termes d’usages de l’énergie – y recherche pour l’énergie) ont été définis compris en matière de transfert entre vecteurs par divers éléments de cadrage : un objectif énergétiques – et les évolutions permises par le de division par 4 des émissions de gaz à progrès technologique. effet de serre à l’horizon 2050, l’engagement La décarbonation du système énergétique gouvernemental d’une réduction à 50 % de à l’horizon 2050 suppose des changements la part de l’énergie nucléaire dans le mix structurels très profonds. Elle devra s’appuyer électrique à l’horizon 2025, une évolution du sur la maitrise de la demande, par promotion de mix électrique intégrant davantage d’énergies l’efficacité énergétique et par des changements renouvelables et un effort d’efficacité dans les comportements des consommateurs, énergétique. Les « trajectoires » proposées ménages et entreprises, par le développement partent d’une analyse des déterminants de d’une offre énergétique largement décarbonée, la demande – globale et par secteur – et de et par une gestion ré-optimisée des réseaux l’offre énergétique, ainsi que des émissions de et des vecteurs énergétiques. Dans cet esprit, l’ANCRE a défini trois scénarios principaux et deux scénarios alternatifs, décrivant des 1. Article rédigé par Nathalie Alazard-Toux (IFP Energies visions contrastées de l’avenir énergétique nouvelles), Patrick Criqui (UPMF-CNRS, EDDEN), Jean-Guy de la France à l’horizon 2050. Pour chaque Devezeaux de Lavergne (CEA I-tésé), Emmanuel Hache scénario, sont également identifiées les (IFP Energies nouvelles), Elisabeth Le Net (CEA I-tésé), ruptures technologiques nécessaires au respect Daphné Lorne (IFP Energies nouvelles), Sandrine Mathy (UPMF-CNRS, EDDEN), Philippe Menanteau (UPMF-CNRS, des objectifs de réduction des émissions par au EDDEN), Henri Safa (CEA I-tésé), Olivier Teissier (CSTB), moins un facteur 4 dans le secteur énergétique Benjamin Topper (CEA I-tésé). en 2050. La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014 189
ANALYSE Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE 1. Description des scénarios fortement décarbonée, d’origine renouvelable et de la méthodologie retenue ou nucléaire, et la pénétration progressive de l’électricité sur de nouveaux usages sectoriels (transports automobiles, industrie, production A) Trois scénarios structurels d’hydrogène, etc.). Ce scénario repose éga- lement sur une rupture technologique avec Le scénario « sobriété renforcée » (SOB) l’hypothèse d’un développement massif du La trajectoire proposée dans ce scénario stockage d’électricité en mode inter-saison- repose sur trois leviers : des comportements nier (jusqu’à 38GW et 47 TWh), de façon à de consommation énergétique vertueux et « sobres » ; un effort renforcé en termes d’effi- permettre la pleine utilisation de l’énergie pro- cacité énergétique, avec notamment des inves- duite par les EnR. tissements importants pour la rénovation des Le scénario « vecteurs diversifiés » (DIV) bâtiments existants ; un développement im- La trajectoire proposée dans le scénario DIV portant des énergies renouvelables variables repose sur la diversification des vecteurs au (EnR). sein du système énergétique (électricité, cha- Les hypothèses du scénario SOB sur les leur, gaz, liquides) : en valorisant des sources modifications de comportement des consom- de chaleur fatale (récupération de chaleur mateurs concernent le secteur des transports, basse-température, chaleur des centrales élec- avec une évolution à la baisse de la mobilité et triques et sources renouvelables) ; en dévelop- du taux de motorisation individuels, le déve- pant de manière importante les bioénergies, loppement de modes de déplacements doux, notamment les carburants sous forme liquide du covoiturage, de l’auto-partage, etc. Elles ou gazeuse ; et en mettant à nouveau en avant s’appliquent également dans le secteur du bâti- l’efficacité énergétique. La récupération de la ment avec une moindre croissance des surfaces chaleur des centrales nucléaires (80 TWh vers par personne, une proportion plus importante le résidentiel-tertiaire et 40 TWh vers l’indus- de logements collectifs. Le scénario suppose trie) est un élément important de ce scénario. aussi une absence d’effets- rebond – bien que Le potentiel théorique de valorisation de la ceux-ci soient généralement observés après un chaleur nucléaire est très important en France, processus de rénovation – ainsi qu’une stabili- étant donné la puissance du parc nucléaire ins- sation puis une décroissance des consomma- tallé ; pour autant, ce gisement est pour l’ins- tions d’électricité spécifiques. tant totalement inexploité. Ces évolutions de comportement résultent notamment (mais pas uniquement) de la mise B) Les scénarios complémentaires en place de dispositifs incitatifs appropriés (si- La variante « nucléaire et ENR » (ELEC-V) gnaux tarifaires) ou réglementaires. En termes Ce scénario a été élaboré ultérieurement de rupture technologique, ce scénario fait afin d’évaluer les conséquences d’un mix élec- appel au développement de solutions d’effa- trique qui demeurerait plus proche du mix cement de la demande électrique pour gérer actuel pour le nucléaire, mais avec néanmoins la variabilité des sources renouvelables et au une progression significative des EnR. développement de la capture et du stockage Ce scénario conserve la base des hypothèses de CO2 dans le secteur électrique et certaines du scénario ELE, c’est-à-dire un effort d’effica- grandes industries. cité énergétique important et une utilisation du Le scénario « décarbonation par l’électricité » vecteur électrique pour assurer la décarbona- (ELE) tion de nouveaux usages de l’énergie. Mais, Cette trajectoire met en avant le vecteur dans ce cas, la part de l’énergie nucléaire dans électrique et l’efficacité énergétique pour l’électricité décroit moins et reste supérieure à répondre aux objectifs de la transition éner- 50 % en 2025 et au-delà. Une part de cogé- gétique. La décarbonation repose dans ce scé- nération nucléaire est également intégrée dans nario sur le développement d’une électricité ce scénario. Un espace suffisant est néanmoins 190 La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014
créé pour un développement significatif des accroissement de la population de 15 % d’ici EnR variables, compatible avec les objectifs 2050 et une croissance économique qui aug- européens dans ce domaine. mente de 1,7 %/an en moyenne sur la période, Le scénario de référence « tendancielle » La prise en compte des objectifs initiaux (at- (TEND) teinte du facteur 4 et part du nucléaire de 50 % Une trajectoire « de référence » a également en 2025) contraint le système et impose des été construite, essentiellement à des fins de choix technologiques pour assurer à la fois la comparaison et d’évaluation. Elle permet d’il- production et l’équilibre de l’ensemble. Davan- lustrer ce que serait la dynamique du système tage que toute autre industrie, le secteur de énergétique français si l’on prolongeait les l’énergie se caractérise par des constantes de tendances actuellement observées, en tenant temps très longues. compte des engagements gouvernementaux L’évolution de la demande globale appa- sur les politiques « énergie et climat ». Cette tra- raît en rupture avec la tendance historique jectoire n’est cependant pas « à parc constant » d’augmentation continue de la consommation puisqu’elle prend en compte les dynamiques énergétique par habitant. Cette inflexion rend récentes, par exemple en termes de rythme compte à la fois d’un processus de saturation d’installation des EnR. que l’on peut déjà noter, mais aussi de chan- gements nécessaires pour la réduction de la C) Méthodologie consommation de ressources épuisables et des Les travaux de l’ANCRE ont été réalisés selon impacts des activités énergétiques sur l’envi- un processus combinant : une analyse puis une ronnement, global et local. Tous les scénarios agrégation des évolutions des besoins énergé- misent sur un renforcement plus ou moins tiques des différents secteurs ; une estimation poussé de la sobriété énergétique, de l’utilisa- des impacts de ces évolutions sur le secteur tion rationnelle de l’énergie et de l’efficacité de l’énergie (production d’électricité, raffinage à la production comme à la consommation. de pétrole, transport et distribution de gaz Le tableau 1 illustre la nature des évolutions et de chaleur) ; enfin une caractérisation de sociétales sous-jacentes aux différents scéna- l’évolution du mix énergétique. Le cadre glo- rios. De ce point de vue, le scénario SOB se bal reste le même pour tous les scénarios : un différencie fortement des autres avec, en 2050, Tableau 1 Évolution des modes de vie selon les scénarios Source : ANCRE 2010 2030 2050 Population (millions d'habitants) 62,8 68,5 72,3 Scénario TEND ELE / DIV SOB TEND ELE / DIV SOB Habitat Mm² 2 539 3 063 3 063 2 957 3 559 3 559 3 377 m /hab 2 40 45 45 43 49 49 47 Part de l'habitat collectif (% logements) 43 % 44 % 44 % 46 % 45 % 45 % 49 % Tertiaire m2/emploi 52 55 55 52 55 55 52 Mobilité Trafic passager (hors aérien) Gpkm 971 1 088 1 088 980 1 219 1 219 976 Parc de véhicules particuliers 31 37 36 32 43 39 17 (millions de véhicules) La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014 191
ANALYSE Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE une mobilité plus faible de 20 % par rapport les infrastructures énergétiques. Issus des au scénario tendanciel, ce qui, combiné aux analyses des experts des différents orga- changements dans les modes d’usage, entraine nismes de recherche rassemblés dans les dix un parc de véhicules particuliers diminué de groupes de travail de l’Alliance, ces scéna- près de 60 %. rios reconnaissent néanmoins le rôle central Si l’essentiel des travaux de l’ANCRE s’est de la technologie. Ainsi, ils identifient des focalisé sur la diminution des émissions de gaz ruptures technologiques qui, par nature, ne à effet de serre du secteur de l’énergie, une sont pas acquises (tableau 2). évaluation du positionnement global des scé- • Les scénarios permettent de décrire des tra- narios de l’ANCRE dans un objectif de réduc- jectoires débouchant sur une baisse de 65 tion de l’ensemble des émissions de gaz à effet à 70 % de la totalité des émissions de GES de serre a été réalisé2. (tous secteurs confondus). L’atteinte du fac- teur 4 tous GES supposerait de nouvelles 2. Les résultats des scénarios ruptures technologiques. A) Bilan en consommation L’analyse comparative des trois scénarios d’énergie primaire structurels permet de comparer différentes voies qui permettent d’atteindre le facteur 4 pour la Dans le scénario de référence TEND, l’énergie réduction des émissions de CO2 en 2050. Deux primaire consommée est à peu près stable dans résultats principaux ressortent de cette évalua- le temps, les efforts de réduction venant contre- tion qui n’en est encore qu’à ses débuts : balancer les effets dynamiques qui poussent à • Les trois scénarios permettent d’atteindre le l’augmentation des consommations, notamment facteur 4 sur les émissions de CO2 énergé- la démographie et la croissance économique. tique. Pour cela, il faut actionner plusieurs La consommation primaire est fortement ré- leviers, dont des évolutions marquées des duite par rapport à 2010 dans le scénario SOB comportements des ménages et des indus- (-32 %), alors qu’une différenciation assez nette tries et un investissement important pour apparait au niveau de l’énergie primaire entre les options d’efficacité, de renouvelables et cette fois le scénario DIV et les scénarios ELE et ELEC-V. En effet, alors que ces deux derniers Tableau 2 scénarios s’appuient plutôt sur le vecteur élec- Ruptures technologiques trique, le scénario diversifié suppose un impor- Source : ANCRE tant développement des vecteurs issus de la Scénario Type de technologies de rupture biomasse. La transition énergétique est donc SOB Captage, recyclage et stockage du CO2 obtenue, selon les scénarios, par un mix dif- (jusqu’à 40 MtCO2 en 2050) férent des trois leviers principaux : réduction Réseaux intelligents de la demande, décarbonation de l’électricité, ELE* Stockage électrique de grande capacité décarbonation par les bioénergies. (38 GWe-47 TWh) B) Bilan en consommation d’énergie finale3 DIV Cogénération, notamment nucléaire (jusqu’à 80 TWh vers le résidentiel Le scénario SOB se distingue nettement des tertiaire et 40 TWh vers l’industrie en autres scénarios en matière de consommation 2050) d’énergie finale, avec une baisse significative * Le rapport de l’ANCRE souligne en outre que, dans le scénario ELE, le niveau très élevé de stockage qui a été 3. Les calculs pour l’énergie finale sont au format « stan- identifié ne pourrait être satisfait par les technologies dard », c’est-à-dire qu’ils n’incluent ni les consommations identifiées à ce jour. à usages non énergétiques, ni les transports internatio- naux. Leur prise en compte ajouterait environ 20 Mtep à 2. Pour une description des enjeux de périmètres, voir la consommation finale d’énergie. Ce format « standard » « Évaluation des émissions de gaz à effet de serre dans permet une meilleure comparaison entre les scénarios de les scénarios énergétiques de l’ANCRE », Elisabeth Le Net, l’ANCRE et les autres scénarios proposés lors du Débat Benjamin Topper, La Lettre de l’I-tésé, décembre 2013. national sur la transition énergétique. 192 La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014
300 266,3 266,2 266,3 266,3 266,3 266,3 254,7 236,9 240,7 250 225,9 220,9 218,5 208 208,8 200 180,6 2010 150 2030 100 2050 50 0 TEND SOB ELE DIV ELEC-V Figure 1. Consommation d’énergie primaire 2010-2050* (en Mtep) - Source : ANCRE * Les calculs pour l’énergie primaire incluent les consommations à usages non énergétiques ainsi que les transports internationaux. par rapport au scénario TEND, de plus de 41 % plus « sobres » et les plus volontaristes suppo- en 2050. Les scénarios ELE, DIV et ELEC-V enre- sant une réduction par deux de l’énergie finale gistrent, pour leur part, une rupture de tendance sur la période. moins affirmée avec une demande d’énergie L’étude de l’évolution de la part des diffé- finale de l’ordre de 110-112 Mtep en 2050. Cette rents types d’énergie pour chacun des scéna- réduction de 27 % traduit déjà néanmoins un rios fait apparaitre des trajectoires communes, effort considérable de maîtrise de la demande. notamment quant à une réduction de la part Ainsi, les scénarios de l’ANCRE se posi- des énergies fossiles dans la consommation tionnent-ils parmi ceux qui supposent une énergétique finale. Ainsi, les énergies fossiles baisse significative de l’énergie finale, mais ne représentent plus que 40 % pour DIV et sans toutefois déboucher sur la réduction de ELE, contre 50 % pour SOB à l’horizon 2050. moitié de la consommation. Ce débat a été très Des évolutions communes apparaissent égale- présent au sein du Débat national sur la tran- ment pour les énergies renouvelables, avec une sition énergétique (DNTE), les trajectoires les hausse de la part de ces dernières pour les trois 160 151 151 151 151 150 152 151 140 133 131 131 115 120 110 112 112 100 89 2010 80 2030 60 2050 40 20 0 SOB ELE DIV TEND ELEC-V Figure 2. Consommation d’énergie finale 2010-2050 (Mtep) - Source : ANCRE La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014 193
ANALYSE Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE scénarios. Le scénario ELE se distingue avec dans le tertiaire contre, respectivement, 150 000 une part de 36 % en 2050 (32 % pour SOB, logements/an et 10 Mm²/an actuellement. 34 % pour ELE), contre 11 % en 2010. La part Dans le scénario SOB, l’effort de rénovation des énergies fissiles se stabilise dans le scénario du parc existant est fortement accru et passe à SOB (19 %), alors qu’elle augmente pour être 650 000 logements/an et 25 Mm² pour le ter- portée à environ 25 % pour DIV et ELE. tiaire. Par ailleurs, la rénovation thermique est supposée économiser jusqu’à 70 % de l’énergie C) Évolution sectorielle de chauffage par opération, sans effet-rebond des consommations énergétiques4 notable. Les performances du parc neuf sont iden- Évolution de la consommation d’énergie tiques dans les trois scénarios et répondent à dans le secteur résidentiel-tertiaire l’introduction de normes thermiques sévères, Dans le secteur résidentiel et tertiaire, les prin- mais les scénarios se différencient en termes de cipales différences entre les scénarios portent surfaces construites. Dans le scénario SOB, la sur le rythme de rénovation du parc existant et proportion de logements collectifs augmente, sur les performances de la rénovation5. Ainsi, ce qui se traduit par un ratio de surface par dans les scénarios ELE et DIV, le rythme annuel habitant plus faible ; de même dans le tertiaire, de rénovation est porté à 350 000 logements/ les surfaces par emploi sont moins importantes an (en moyenne sur la période) et 15 Mm²/an que dans les scénarios DIV et ELE. Dans le scénario de référence, la réglemen- tation thermique pour les logements neufs et 4. L’agriculture n’est pas présentée en détail dans cet ar- la rénovation progressive du parc existant per- ticle. Ce secteur fait l’objet d’une analyse approfondie dans mettent de stabiliser la consommation totale l’article de Elisabeth Le Net et Benjamin Topper, La lettre d’énergie des bâtiments. Elle conserve en 2050 de l’I-tésé, décembre 2013. Le secteur énergétique se déduit des précédents (en ce qui concerne son activité par éner- un niveau proche de celui de 2000. Dans les gie transformée). Sa structure est fortement modifiée dans scénarios ELE et DIV, la consommation d’éner- tous les scénarios, au bénéfice des énergies renouvelables. gie (chauffage, eau chaude et rafraichissement) 5. Dans les scénarios ELE et DIV, le niveau de performance diminue nettement du fait de l’accroissement de la rénovation thermique permet en théorie d’économi- ser 60 % par rapport à la consommation de référence du du rythme de rénovation thermique (-30 % par parc existant, mais la prise en compte d’un effet-rebond rapport à 2000). Elle décroit plus encore dans limite le gain effectif de 10 %. le scénario SOB en raison de l’effort massif de Figure 3. Part des énergies fossiles, fissiles* et renouvelables dans la consommation énergétique finale (en %) - Source : ANCRE *Le fissile inclut la cogénération nucléaire. 194 La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014
rénovation du parc existant (-55 %) par rapport Les hypothèses en termes d’évolution de la à 2000. demande de mobilité divergent entre le scé- nario SOB et les deux autres scénarios ELE et DIV. Les tendances observées sur les dix der- nières années sont poursuivies dans les scéna- rios ELE et DIV. La mobilité des personnes, en passagers-kilomètre (pkm), augmente de 25 % entre 2010 et 2050, un accroissement essentiel- lement lié à l’évolution de la population (plus de 72 millions d’habitants en 2050, soit +15 % par rapport à 2010). Sur cette même période le transport de marchandise, exprimé en tonnes- Figure 4. Consommation d’énergie finale kilomètre (tkm), augmente de 53 %. du secteur résidentiel et tertiaire (Mtep) Dans le scénario SOB, l’hypothèse est faite Source : ANCRE d’une modification forte des comportements Dans le scénario de référence TEND, la part et des modes d’organisation. La mobilité par des différentes sources d’énergie est peu mo- personne diminue de 20 % en moyenne à l’ho- difiée pour les usages thermiques, avec néan- rizon 2050, ce qui conduit à une stabilité du moins une baisse de la part du fioul. De même, volume global de passagers-kilomètre, malgré les parts de marché sont assez peu modifiées l’augmentation de la population et des revenus. dans le scénario SOB, qui se traduit cependant Cette diminution est imputable à l’adoption de par la disparition du fioul, un recul du gaz et modes de transport « doux » (vélo, marche) et une augmentation de la part relative de l’élec- de nouveaux modes d’organisation (télétravail, tricité, essentiellement liée aux usages spéci- rationalisation de l’organisation de la distribu- fiques. En revanche, les deux scénarios ELE tion des biens, etc.). Les services de mobilité et DIV présentent des mix très différents par se développent, le rapport à la voiture parti- rapport au scénario TEND. Dans le scénario culière se modifie, permettant une adaptation ELE, le développement massif des pompes à du type de véhicule au type de déplacement chaleur aérothermiques et des chauffe-eau (petit véhicule électrique en ville, auto-partage, thermodynamiques place l’électricité comme etc.). Le parc automobile (véhicules particu- première source d’énergie pour les usages de liers, y compris flottes servicielles, véhicules chauffage et d’eau chaude sanitaire. Dans le utilitaires légers) diminue d’environ 40 % par scénario DIV, la transformation majeure est due rapport à 2010. En matière de transport des au très fort développement de la chaleur en marchandises, un effort très important est fait réseau (grands réseaux urbains alimentés par pour rationaliser le trafic, les circuits courts la chaleur co-générée par les centrales élec- sont privilégiés. La conséquence est un main- triques ou réseaux indépendants alimentés par tien du nombre de tonnes-kilomètre au niveau des chaleurs de récupération ou issues de la observé en 2007 (avant la crise), soit 360 mil- biomasse) et, dans une moindre mesure, au liards de tkm. développement des autres sources de chaleur La part relative des différents modes de renouvelable (biomasse en usage direct, solaire transport reste équivalente à celle de 2010 sur basse température). l’ensemble de la période pour les scénarios Évolution de la consommation d’énergie DIV et ELE. Elle est profondément modifiée dans les transports dans le scénario SOB : la part de la voiture Concernant le secteur transport, les diver- dans la mobilité des personnes se réduit, pas- gences entre les différentes trajectoires propo- sant de plus 80 % en 2010 à 50 % en 2050. Ce sées par l’ANCRE portent sur l’évolution de la basculement se fait au profit du ferroviaire, des demande de mobilité, la part relative des diffé- transports en commun routiers et des deux- rents modes de transport et les technologies et roues motorisés ; dans le domaine du transport vecteurs énergétiques privilégiés. de marchandises, un effort particulier est fait La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014 195
Voiture , VUL 799 823 847 871 895 949 1003 Total 971,4486282 971,4486282 9 Bus-‐taxis 50 51 53 54 56 59 63 2 roues 22 23 24 25 26 28 30 Type de graphique 2 -‐Tableau 2 Fer Passagers 101 103 106 109 111 118 125 Total ANALYSE 971 1001 Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE 1030 1059 1088 1154 1219 DIV 2010 2015 2020 2025 2030 2040 2050 Voiture , VUL 799 823 847 871 895 949 1003 Bus-‐taxis 50 51 53 54 56 59 63 pour développer le ferroutage, multiplié par 3 2 roues 22 23 24 25 26 d’une mobilité électrique poussée. Le scénario 28 30 Fer Passagers 101 103 106 109 111 118 125 par rapport à son niveau actuel, soit un ac- Total 971 1001 1030 1059 1088 DIV voit la structuration d’une importante filière 1154 1219 croissement de 50 % par rapport au niveau le de production de biocarburants de deuxième et Type Graphique (1-‐Tableau 1) plus haut observé en 2000. SOB de troisième DIV-‐ELE génération. Quel que soit le scénario, la consommation 1200 1400 finale d’énergie du secteur transport diminue, 1000 de 1200 40 à 57 % selon la trajectoire. Le scénario 800 Fer Passagers SOB1000 qui, en plus d’un effort d’innovation, fait 600 2 roues l’hypothèse 800 d’une forte réduction de la Fer de- Passagers 2 roues Bus-‐taxis mande 600 de mobilité, conduit à la réduction la 400 Bus-‐taxis Voiture , VUL plus importante. 400 Voiture , VUL 200 Toutefois, pour l’ensemble des scénarios, les 0 carburants 200 fossiles représentent encore, en 2030, 2010 2015 2020 2025 2030 2040 2050 plus 0 de 65 % de l’énergie consommée dans le 2010 2015 2020 2025 2030 2040 2050 Figure 5. Évolution des modes de transport secteur. Le recul des carburants fossiles par rap- dans le scénario SOB (en Gpkm) port au scénario tendanciel est beaucoup plus modes Source : ANCRE marqué à l’horizon 2050. Sur l’ensemble de la elle de e pour Dans tous les scénarios, les rythmes d’inno- période 2010-2050, les volumes de carburants le est vation et de diffusion des technologies sont ac- fossiles consommés sont au moins divisés par 3 énario ans la célérés, avec une forte pénétration dans le parc (SOB), voire par 4 à 5 (DIV et ELE). La part de la assant 2050. des motorisations alternatives et une améliora- biomasse reste modérée dans SOB et ELE, res- fit du tion de l’efficacité énergétique globale beau- pectivement 15 % et 20 %, mais elle devient très mmun s. coup plus rapide qu’observée sur les dernières importante pour le scénario DIV, avec 37 % du décennies. Toutes les trajectoires mettent ainsi total. Les émissions de CO2 fossile du transport sur la partie du « réservoir à la roue » sont ré- en évidence une hausse de la part des véhicules duites d’au moins 70 % dans le cas de SOB ; la électrifiés dans le parc : véhicules électriques réduction atteint près de 80 % dans ELE et DIV. (VE) et véhicules hybrides rechargeables (VHR). Elle représente au moins 25 % à l’horizon 2050, Évolution de la consommation atteignant même 45 % dans le scénario ELE qui dans le secteur de l’industrie met l’accent sur ce type de solution. L’effort Les scénarios ont été construits sur la base d’innovation permet de réduire la consomma- d’une méthode d’analyse factorielle croisant les tion unitaire des voitures continuant à utiliser trois déterminants suivants : un indicateur d’ac- des carburants carbonés, de 50 % (ELE et SOB) tivité de la branche, une intensité énergétique à 55 % (DIV) par rapport à 2010. et une clé de répartition des différents vecteurs. En termes de vecteurs énergétiques, le scé- Les activités des branches sont les mêmes dans nario DIV se distingue par un développement les trois scénarios et leur construction a été soutenu du gaz et des biocarburants (liquides calée sur le scénario Enerdata AMS-O pour la ou gazeux) à partir de biomasse ligno-cellulo- DGEC6. Ce scénario suppose un taux de crois- sique. Dans le scénario ELE, l’hydrogène fait sance économique et un taux de croissance de son apparition en 2030. la production industrielle de 1,7 %/an jusqu’en Les hypothèses de changement sont égale- 2030. Certains ajustements sectoriels ont cepen- ment de type organisationnel. Dans le scénario dant été effectués, notamment concernant les SOB, on observe le développement d’une offre productions de clinker (pour le ciment à usage de mobilité multimodale et de flottes servicielles du bâtiment), de ferrailles et d’aciers7. adaptées au type de déplacement ainsi qu’une modification de l’aménagement urbain et des 6. DGEC, 2011, « Scénarios prospectifs Énergie-Climat-Air infrastructures de transports. Le scénario ELE à l’horizon 2030 », synthèse. 26 p. 7. Les productions nationales de ces deux branches est caractérisé par le renforcement du réseau suivraient une production en cloche résultant de la électrique et la construction d’infrastructures de conjugaison de l’accroissement de la demande puis recharge allant de pair avec le développement d’un effet de substitution par d’autres matériaux dans la 196 La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014
Figure 6. Consommation finale du secteur transport par type d’énergie (en Mtep hors carburéacteur et soutes internationales) - Source : ANCRE La mise en œuvre de nouvelles technologies en 2050 dans le scénario SOB. Compte-tenu contribuerait à la réduction des émissions de de la faiblesse de la production d’électricité CO2 du secteur industriel (85 Mt CO2 en 2010, « à flamme », l’industrie est le secteur qui en soit 23 % des émissions françaises) et au respect bénéficie le plus, avec 30 millions de tonnes/ des engagements internationaux. Le détail en an stockées. Le CO2 serait injecté dans les termes d’intensité énergétique a été construit couches du Dogger du Nord de la France. En en distinguant l’intensité électrique et l’inten- fin de période, la séquestration augmente les sité en autres vecteurs. In fine, la modélisation consommations d’énergies fossiles de l’ordre retenue a été tout d’abord construite pour le de 2 %, pour une diminution des émissions de scénario SOB avec une analyse branche par l’ordre de 12 %. branche, puis appliquée aux autres scénarios Le rôle de la technologie dans l’efficacité avec une hypothèse de mobilisation des poten- énergétique du secteur industriel tiels légèrement inférieure. Pour le scénario SOB, la quasi-totalité du Au plan économique, le gain apporté (éco- gain maximal « à technologies connues » est nomies d’énergie, productivité, qualité...) doit atteint en 2025-2030. Les effets des nouvelles être élevé au regard du coût d’investissement technologies jouent à partir de 2025 et prennent et les systèmes proposés doivent être au moins une grande ampleur dans les deux dernières aussi fiables que ceux qu’ils remplacent. Dans décennies. Les effets de substitution prévus ce cadre, les systèmes d’aide à l’investisse- par le scénario jouent un rôle déterminant, ment « écologique » et/ou de bonus-malus au- ront un rôle à jouer dans le déploiement des mais sont toutefois inférieurs aux hypothèses technologies. des autres scénarios. À grands traits, les effets dus à l’innovation induisent une augmentation Prise en compte de la capture d’efficacité énergétique de l’ordre de 30 % en et séquestration du carbone (CSC) fin de période, les autres effets pesant pour La mise en œuvre de la technique de Cap- environ 20 %. ture et stockage du carbone (CSC) est suppo- Le scénario ELE est bâti sur une trame proche sée possible à partir de 2030. Au total, cette du scénario précédent. Toutefois, le potentiel technique serait à même de capturer et stocker de gain en intensité énergétique est supposé jusqu’à 40 millions de tonnes de CO2 par an moins fort. On suppose qu’une part significa- tive de l’effort vise à profiter des gains d’inten- construction (avec un taux accru dans le scénario SOB), sité énergétique rendus possibles en premier ainsi que d’un ralentissement de l’usage des produits ferreux à partir de 2030, suite aux relatives baisses des lieu par une forte substitution des énergies fos- débouchés dans la construction et l’automobile, ainsi qu’à siles par l’électricité puis par les EnR non élec- une extension du recyclage. triques. Globalement, ce gain est évalué à une La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014 197
ANALYSE Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE substitution de 3 Mtep en 2030 (et 6 Mtep en réduction des GES, qui restent cependant com- 2050), essentiellement par l’électricité. La subs- patibles avec une production agricole élevée. titution est comptabilisée avec une équivalence L’approche retenue a avant tout porté sur à la consommation (0,086 Mtep substitués par l’adéquation entre la demande énergétique 1 TWh). Il s’agit donc d’une demande élec- totale des secteurs et l’offre domestique de trique accrue de 35 et 70 TWh respectivement biomasse techniquement récoltable, une fois à ces deux dates. Dans ce scénario, les activités déduites la demande alimentaire et la de- de certains secteurs fortement consommateurs mande non énergétique pour le bois (bois de d’électricité (acier, hydrogène) sont plus impor- construction et bois d’œuvre). Un élément-clé tantes que dans les autres scénarios. dans l’évaluation des potentiels énergétiques Le scénario DIV est bâti sur les mêmes ten- est de prendre en compte l’organisation géné- dances en niveaux de consommation éner- rale du système productif, les choix de modes gétique que le scénario précédent, avant la de développement et d’usages des sols. prise en compte des mesures de substitution Les émissions de GES (énergétiques et non accrues. Le développement des plates-formes énergétiques) de l’agriculture sont reprises de industrielles territoriales (écologie industrielle) scénarios de l’INRA et elles sont cohérentes amène toutefois une baisse de la consomma- avec l’évolution du potentiel en biomasse dis- tion, estimée à 5 % en 2050. La répartition entre ponible, induisant une division par 2 des émis- électricité et autres énergies reste ici identique sions de GES du secteur à l’horizon 2050. à celle du scénario ELE. Par contre, le spectre D) Résultats pour la production d’énergie énergétique est nettement élargi, avec un rôle nettement plus fort des EnR, notamment de la Une fois pris en compte le niveau de chaleur et du biogaz issus de la biomasse. consommation d’énergie finale, les scénarios Au total et compte tenu de la croissance de se différencient par les moyens mis en œuvre l’industrie, ce secteur voit sa consommation pour la production de cette énergie. Si le scé- d’énergie stabilisée sur la période de projec- nario ELE suppose un recours plus important à tion. Ceci n’est possible que parce que les l’électricité, le scénario DIV fait un usage plus intensités énergétiques diminuent de l’ordre marqué de la biomasse et de la chaleur. Quant de 30 %, sachant que certaines des IGCE ne à ELEC-V, il repose sur une combinaison du suivent pas le même sentier de croissance que vecteur électrique et sur la récupération de l’ensemble de l’industrie. Le reste des gains est chaleur perdue sur les centrales thermiques. dû à l’évolution du mix, avec une augmenta- La production d’électricité tion de la part de l’électricité (surtout dans le La production d’électricité est déjà aujourd’hui scénario ELE) et des énergies vertes (principa- à près de 90 % décarbonée (< 65 gCO2/kWhe)8 lement la biomasse dans le scénario DIV). Des grâce au nucléaire (77 %) et aux renouvelables facteurs structurants sont aussi le recours à la (13 %). Les hypothèses d’évolution des sources cogénération nucléaire (40 TWh d’énergie ther- d’énergie électrique communes à tous les scé- mique dans le scénario DIV) et la capture et narios sont les suivantes : séquestration du CO2. • Atteinte des objectifs nationaux en termes Évolution de la consommation dans le secteur d’énergies renouvelables en 2020. de l’agriculture • Introduction d’énergies renouvelables dans Dans l’exercice ANCRE, les déterminants de le mix énergétique à un rythme encore plus la demande d’énergie de l’agriculture et de la sylviculture sont pris en compte de manière 8. Ce chiffre est à comparer à la valeur moyenne de simplifiée, contrairement aux scénarios Ademe 529 gCO2/kWhe au niveau mondial, à celle des autres pays 2012, qui ont intégré des évolutions des modes développés (OCDE 433 gCO2/kWhe, Allemagne 461 gCO2 / de consommation alimentaire et leurs impacts kWhe) et à celle de la Chine (766 gCO2/kWhe), chiffres fournis par les statistiques de l’AIE (édition 2013 portant sur l’agriculture, ou aux scénarios INRA 2013, sur les chiffres de 2010). La France émet donc 6 à 7 fois qui se sont focalisés sur de nouvelles pratiques moins de CO2 pour sa production d’électricité que la plu- culturales avec l’identification de dix actions de part des autres grands pays du monde. 198 La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014
soutenu après 2020, avec plus de 100 GWe La part du nucléaire en éolien et en solaire installés d’ici 2050. dans la production d’électricité • Élimination progressive, mais totale des cen- Dans le scénario tendanciel, la réduction trales au charbon et au fioul. de la part du nucléaire dès 2025 impose un • Des centrales à cycle combiné gaz (CCG) remplacement par des cycles combinés gaz, les sont introduites en tant que de besoin pour énergies renouvelables ne produisant pas suf- venir en soutien (back-up) aux énergies va- fisamment d’électricité, en particulier aux ins- riables (éolien, solaire) lorsque celles-ci ne tants de plus forte demande (soirées d’hiver). produisent pas, en complément des disposi- Ceci est également vrai dans les scénarios SOB tifs destinés à optimiser le système énergé- et DIV, mais dans une moindre mesure car la tique (stockage, conversions entre vecteurs, demande totale est réduite dans SOB et, dans gestion de la demande, développement des DIV, la diversification des sources comble une smartgrids). partie du recul du nucléaire. Dans ELE, c’est • Réduction à 50 % de la part du nucléaire le stockage massif d’électricité qui permet de dans la production électrique dès 2025 pour lisser la demande sur l’année (le stockage esti- l’ensemble des scénarios, à l’exception du val étant restitué en hiver) et ainsi d’éviter le scénario ELEC-V. recours au gaz. Les résultats de la production d’électricité en Dans ELEC-V, la part du nucléaire n’est pas 2050 sont reportés sur la figure 7. contrainte, elle évolue naturellement au fur et à mesure de l’introduction progressive des Puissance électrique installée énergies renouvelables. Ce faisant, la part du À l’horizon 2050, la majorité des énergies nucléaire se réduit progressivement pour des- renouvelables électriques étant variable, avec cendre à 60 % en 2050. des facteurs de charge de l’ordre de 15 à 30 % (respectivement solaire, éolien), la puissance La production de chaleur électrique installée devient bien supérieure à La chaleur joue un rôle important dans tous la puissance appelée par le réseau, même en les scénarios de l’ANCRE. En effet, plus de période de pointe. La structure du mix élec- 50 % de la consommation d’énergie finale étant trique est, dans tous les scénarios, fortement à usage de chaleur, les scénarios s’attachent dominée par la présence des énergies renou- à prendre en compte les possibilités d’utili- velables ce qui imposera, d’une part, une ges- sation des chaleurs fatales (i.e. produite lors tion dynamique et intelligente des réseaux des processus industriels ou dans les centrales (smartgrids) et, d’autre part, un renforcement thermiques). La production de chaleur et son des réseaux électriques sur le territoire national utilisation sont promues dans tous les scéna- et des interconnexions avec nos voisins euro- rios, avec notamment un développement accru péens (supergrids). des réseaux de chaleur. Seuls DIV et ELEC-V Figure 7. Production électrique par type en 2050 (en Twh) - Source : ANCRE La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014 199
ANALYSE Les scénarios de transition énergétique de l’ANCRE électrique9. Ce phénomène vient du besoin de backup en énergie fossile (gaz) pour pal- lier à la variabilité des énergies renouvelables installées à la place du nucléaire. À cette date rapprochée, il n’apparaît pas possible de déve- lopper des technologies permettant d’éviter cet inconvénient. 3. Évaluation économique, sociale Figure 8. Part du nucléaire et environnementale des scénarios dans les différents scénarios Source : ANCRE Le processus du DNTE, qui s’est déroulé au cours du premier semestre 2013, a fait appa- intègrent la cogénération nucléaire. Dans ces raitre la nécessité d’une évaluation rigoureuse deux cas, une partie de la chaleur produite par des scénarios énergétiques, à mener dans le les centrales nucléaires est récupérée pour être cadre d’une approche multicritère. Dès le injectée dans les réseaux de chaleur urbains. La début de ses travaux de prospective, à l’au- chaleur issue des énergies renouvelables (bio- tomne 2012, l’ANCRE avait anticipé ce besoin masse, biogaz, pompes à chaleur, géothermie, en identifiant un jeu de critères10 prenant en solaire thermique, déchets et autres renouve- considération les préoccupations économiques lables) est également utilisée de manière im- et sociales, environnementales et sociétales, de portante pour alimenter les réseaux, réseaux politique de recherche et d’innovation. classiques ou boucles basse température. Les efforts dans ce sens, menés soit dans le cadre du DNTE soit dans le cadre des travaux E) Bilan des émissions de CO2 de l’ANCRE, témoignent de l’importance des progrès encore à accomplir pour mettre en Les émissions de CO2 dues à l’énergie sont œuvre des procédures de mesure rigoureuse estimées à partir des consommations d’éner- des différents impacts des politiques et trajec- gies fossiles. Pour l’évaluation « tous GES », le toires énergétiques. Ce constat donne d’ailleurs format utilisé est celui de la Convention cadre des indications sur ce qui pourrait constituer des Nations unies pour les changements clima- un programme de recherche sur les outils tiques (CCNUCC), ce qui conduit à déduire les d’évaluation des conséquences sociales, éco- soutes internationales (transports maritime et nomiques et environnementales des choix de aérien) et à ajouter au CO2-énergie : le CO2 non politique énergétique. Les travaux de l’ANCRE fossile (cimenteries, verrerie, sidérurgie, chaux, adoptent cette démarche, mais ne présentent tuiles et briques) ; le CH4 et N2O (agriculture qu’une approche partielle du problème : ils principalement, énergie, déchets, procédés in- doivent aujourd’hui, dans bien des cas, se dustriels) ; les HFC (climatisation, aérosol), PFC 9. La variante ELEC-V ne respecte pas la contrainte de (des productions d’aluminium) et SF6 (industrie 50 % de nucléaire en 2025. du magnésium, équipements électriques) ; les 10. Cet effort d’analyse répond notamment aux recom- émissions fugitives (pertes dans le transport de mandations de la commission Sen-Stiglitz-Fitoussi préco- nisant l’instauration d’une « culture du tableau de bord » gaz, déchets et solvants). pour l’évaluation des différentes politiques publiques. Tous les scénarios atteignent le facteur 4 sur En effet, les recherches en économie du développement les émissions de CO2 énergétique. La dyna- durable montrent que, le plus souvent, il est impossible de ramener la comparaison des politiques alternatives à mique est cependant différente selon les cas. un critère unique d’évaluation et a fortiori du seul critère Notamment, les scénarios montrent qu’il est économique. Il faut donc examiner les caractéristiques impossible de limiter le recours au nucléaire à et conséquences des scénarios à la lumière de plusieurs indicateurs, dont certains pourront être quantifiés, y com- 50 % de l’énergie électrique en 2025 et de dimi- pris parfois en termes économiques, alors que d’autres ne nuer en même temps les émissions du secteur pourront être appréciés que de manière qualitative. 200 La Revue de l’Énergie n° 619 – mai-juin 2014
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