Angela Merkel ou la méthode scientifique faite gouvernement - Reforme.net

 
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Publié le 22 septembre 2021(Mise à jour le 22/09)
Par Déborah Berlioz

Angela Merkel ou la méthode
scientifique faite gouvernement
Après 16 ans au pouvoir, Angela Merkel quitte la politique. Si la chancelière
passe pour une bonne gestionnaire de crise, on lui reproche souvent une absence
de vision politique, voire d’idéaux. Mais cela ne veut pas dire qu’elle manque de
valeurs.

Une femme originaire d’Allemagne de l’Est, aux allures modestes et au charisme
peu évident… Autant de facteurs qui expliquent peut-être pourquoi on a autant
sous-estimé Angela Merkel. Si son arrivée au pouvoir en 2005 en étonne alors
plus d’un, personne ne prédit une grande longévité politique à cette physicienne
de formation. Pourtant, seize ans et quatre mandats plus tard, elle est encore là,
faisant ainsi aussi bien que son mentor Helmut Kohl. Sauf que contrairement à
lui, elle part de son propre chef en refusant de se représenter pour un cinquième
tour à la chancellerie. À l’heure du bilan, une étiquette lui colle particulièrement à
la peau : celle de la gestionnaire de crise.

« La crise financière de 2008, suivie par celle de l’euro, l’arrivée massive de
réfugiés en 2015, la pandémie… Ce ne sont pas des crises qui surviennent toutes
les semaines, note Karl-Rudolf Korte, politologue et professeur à l’université de
Duisbourg. D’autres chanceliers ont rencontré des défis de taille, comme Helmut
Kohl avec la réunification ou encore Helmut Schmidt avec le terrorisme intérieur
dans les années 1970. » Toutefois son style politique n’a rien à voir avec celui de
ses prédécesseurs. « Elle est extrêmement pragmatique, sobre au possible et
refuse complètement l’emportement. Les autres chanceliers avaient leurs
moments émotionnels, mais pas elle. »

« Elle suit l’opinion dominante »
Angela Merkel gouverne en effet comme une scientifique. Karl-Rudolf Korte la
qualifie de « chancelière de situation » : elle analyse les problèmes présents et
agit en conséquence, sans faire grand cas des idéologies. « Elle observe l’opinion
générale dans la population et suit les tendances dominantes », juge le
professeur. C’est ainsi qu’il analyse des moments clés de son temps au pouvoir,
comme la décision d’arrêter les centrales nucléaires en 2011. Pourtant son parti,
l’Union chrétienne-démocrate (CDU), était clairement pronucléaire, et elle avait
elle-même rallongé la durée de vie des centrales en arrivant au pouvoir. Mais
l’accident de Fukushima change la donne, et la chancelière suit le vent. Idem
pour l’abolition du service militaire en 2011, ou sa décision de ne pas bloquer la
loi sur le mariage pour tous en 2017 : dans les deux cas, Angela Merkel est allée à
l’encontre de la tradition du parti conservateur mais dans le sens de la
population.

« Je trouve cela remarquable qu’un dirigeant puisse admettre avoir pris la
mauvaise direction et décider de corriger cela », juge Martin Dutzmann,
plénipotentiaire de l’Église protestante en Allemagne (EKD) auprès de la
République fédérale et de l’Union européenne. Stephan Bröchler est plus critique.
« Le pragmatisme est une bonne chose en temps de crise, mais on attend plus
d’une chancelière, estime le politologue à l’École supérieure d’économie et de
droit de Berlin. Elle manque clairement de vision politique. »

Un rare moment émotionnel
Une fois pourtant Angela Merkel sort de son rôle de gestionnaire aux actions
raisonnées. En 2015, face à l’arrivée massive de réfugiés, la chancelière décide de
ne pas fermer les frontières. Avec son « Wir schaffen das » (« Nous y
arriverons »), elle semble pour une fois plus guidée par l’émotion que par la
raison. « Elle a également dit que si nous n’aidions pas ces gens ce ne serait plus
son Allemagne, rappelle Stephan Bröchler. C’était une posture morale, empreinte
de la valeur chrétienne de l’amour du prochain. Pour une fois on voyait davantage
la fille de pasteur que la scientifique. »

« D’habitude sa conviction protestante n’est pas aussi explicite, ajoute Martin
Dutzmann. Mais je suis convaincu que ses valeurs chrétiennes ont largement
influencé son travail à la chancellerie. Par exemple, quand elle a changé de
politique après Fukushima, je suis sûr qu’elle était en partie motivée par une
certaine responsabilité envers la Création. » Son « Wir schaffen das » va
cependant beaucoup lui coûter. Chute de popularité, manifestations du
mouvement anti-immigrés Pegida, percée de l’extrême droite… En 2017, le parti
d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) rentre pour la première fois
au Bundestag avec 12,6 % des voix et devient la première force d’opposition.
Quant aux conservateurs d’Angela Merkel, ils n’engrangent que 32,9 % des
suffrages contre 41,5 % en 2013.

Des conservateurs en perte de vitesse
Aujourd’hui la CDU ne récolte qu’entre 20 et 24 % des intentions de vote dans les
sondages. Certains y voient la faute de Merkel, qui aurait trop poussé le parti vers
le centre, lui faisant perdre son identité et donc une partie de ses électeurs.
« Certes mais elle en a gagné d’autres, notamment dans les villes alors que la
CDU était traditionnellement forte dans les campagnes », insiste Stephan
Bröchler. Pour Karl-Rudolf Korte, Angela Merkel a surtout évité au parti
conservateur de tomber trop bas : « Les élections se gagnent au centre en
Allemagne. Ce centre est devenu plus large et plus divers, mais la CDU a réussi à
y garder sa place et on ne peut pas en dire autant de nombreux partis similaires
en Europe ». La comparaison avec le parti français Les Républicains est ici
édifiante.

D’ailleurs Angela Merkel ne rougit pas de son bilan. « Quand je suis devenue
chancelière il y avait cinq millions de chômeurs, maintenant nous en comptons
moins de trois millions », a souligné la chancelière lors de sa traditionnelle
conférence de presse d’été en juillet dernier. En 2005, l’Allemagne passe encore
pour l’homme malade de l’Europe : chômage à 11 %, une croissance qui stagne à
0,5 % et un endettement public grandissant. Seize ans plus tard, le tableau a
radicalement changé. Si la pandémie a ralenti l’économie, le chômage n’est
encore que de 5,6 % et l’Allemagne reste la première puissance économique de la
zone euro.

Alors évidemment le tableau n’est pas parfait. Celle qu’on appelait la
« chancelière du climat » pendant son premier mandat n’a pas pris assez de
mesures pour limiter le réchauffement de la planète. « Il faut accélérer le
rythme », a-t-elle d’ailleurs confessé pendant sa conférence de presse d’été. La
Cour constitutionnelle allemande semble du même avis puisqu’elle a retoqué en
avril dernier la loi sur la protection du climat votée par la grande coalition en
2019, la jugeant insuffisante pour assurer l’avenir des jeunes générations.

Sur le plan économique, les inégalités sociales augmentent et 16 % des Allemands
vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. Quant à l’intervention de la
Bundeswehr – l’armée allemande – en Afghanistan, elle se termine sur un fiasco.
Autant de points qui entachent peu l’image de Merkel auprès de ses
concitoyens. Selon un sondage mené début août par l’institut Infratest dimap,
75 % des Allemands jugent son bilan positivement. Ils la considèrent par ailleurs
comme compétente (78 %), crédible (71 %) et même sympathique (69 %). « Les
Allemands aiment la sécurité et c’est pour ça qu’ils l’ont réélue, assure Karl-
Rudolf Korte. Elle est garante de la stabilité. Quand tout est agité, confus et
ingérable, elle reste le roc du groupe. » Suivre ses traces ne sera certainement
une tâche aisée.

Pour aller plus loin

Marion Van Renterghem, C’était Merkel, Les Arènes, 2021, 324 p., 21,90 €.

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Publié le 17 septembre 2021(Mise à jour le 20/09)
Par Sophie Nouaille

Pape François : l’Eglise n’est pas
appelée à faire de la politique
Le pape François a une nouvelle fois rappelé que l’Eglise n’a pas à faire de
politique. Interpellé par les journalistes sur la situation américaine opposant
évêques américains et Joe Biden à propos de l’avortement, le souverain pontife
appelle à la compassion tout en condamnant l’IVG.

Le pape, appelé a réagir mercredi sur un projet des archevêques américains de
priver de communion les dirigeants favorables à l’avortement à l’instar du
président Joe Biden, a estimé en termes généraux que l’Eglise n’avait pas
vocation à prendre position politiquement. “Que doit faire le pasteur ? Etre un
pasteur, ne pas condamner”, y compris “les excommuniés”, a estimé le souverain
pontife, sans vouloir commenter directement les débats d’une Eglise américaine
souvent ouvertement présente dans la vie politique.

Pas de chasses aux sorcières ni aux
hérétiques
Dans l’avion qui le ramenait d’un voyage de quatre jours à Budapest et en
Slovaquie, le pape a appelé à “la compassion et à la tendresse”, en réprouvant des
pages de l’histoire de l’Eglise comme la nuit de la Saint-Barthélemy ou la chasse
aux sorcières et aux hérétiques.
“Si vous sortez de la pastorale de l’Eglise, vous devenez un politicien”, a-t-il
désapprouvé.

L’Eglise ne fait pas de la politique
Dans le même temps, le pape a pris le soin d’exprimer une nouvelle fois son
horreur de l’avortement, qu’il compare à “un meurtre”.
“Qui pratique l’avortement tue, sans demi-mesure. Prenez n’importe quel livre sur
l’embryologie pour les étudiants en médecine. La troisième semaine après la
conception, tous les organes sont déjà là, même l’ADN… C’est une vie humaine,
cette vie humaine doit être respectée, ce principe est tellement clair!”, a-t-il
commenté.
“C’est pourquoi l’Église est si dure sur cette question, car si elle accepte cela,
c’est comme si elle acceptait le meurtre au quotidien”, a insisté François.
Une décision à venir des archevêques
américains
En juin dernier, la conférence des évêques catholiques américains (USCCB) avait
voté à une large majorité la proposition de rédaction d’un texte sur “la
signification de l’eucharistie dans la vie de l’Eglise”, qui pourrait avoir pour
conséquence de la refuser aux politiques soutenant l’avortement. La question doit
désormais être discutée dans les diocèses et le texte sera débattu lors de la
prochaine conférence des évêques, en novembre.
L’eucharistie, ou communion, est un rite essentiel de la foi catholique, au cours
duquel le fidèle reçoit l’hostie, symbole du sacrifice de Jésus-Christ. Joe Biden,
par ailleurs catholique très pratiquant, a annulé la décision de son prédécesseur
Donald Trump de priver de fonds publics les organisations militant pour le droit à
avorter.

Sophie Nouaille avec AFP
Lire aussi

  Joe Biden bientôt privé de communion eucharistique ?
Publié le 15 septembre 2021(Mise à jour le 15/09)
Par Antoine Nouis

La juste place de la justice
Un éditorial d’Antoine Nouis, théologien protestant.

Dans les livres de l’Exode et des Nombres, Moïse désigne trois catégories de
personnes pour poser les fondations de ce qui fera des enfants d’Israël un
peuple : il nomme des juges, des prêtres et des anciens. Les institutions d’un
peuple libre reposent sur la distinction entre le juridique, le religieux et le
politique, et sur la juste place occupée par chacun. L’actualité de ces derniers
jours évoque la place de la justice, pour le meilleur et le moins bon.

Le meilleur, c’est le procès des attentats de Paris. C’est l’honneur d’une
démocratie de ne pas répondre à la barbarie par la vengeance, mais par la justice
afin qu’une sanction soit prononcée après un débat contradictoire. Face à une
violence aveugle, notre première réaction est la haine, mais la haine est
destructrice, notamment pour celui qui se laisse enfermer dans sa logique. La
justice se pose comme un tiers entre la victime et son agresseur. Les procès sont
toujours douloureux pour les victimes, mais il est bon que leur blessure soit dite,
mise en mots, reconnue par la société. La narration d’un traumatisme est une
étape importante dans le processus de guérison. La dimension hors norme du
procès, inédit par son ampleur, est à la mesure du caractère effroyable des
attentats qui sont jugés. Il est juste que ce soit la justice, et non le politique, qui
assume la réponse de la société à l’agression subie.

Si la justice doit être respectée dans son indépendance par rapport au politique,
la réciproque est aussi vraie et on peut s’interroger sur la pertinence de la mise
en examen de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn. Qu’un responsable politique
ait des comptes à rendre sur ses actes publics, il n’y a rien de plus légitime, mais
est-ce le rôle de la justice, sauf à supposer que la ministre ait agi pour favoriser
des intérêts privés ?

Le risque de cette dérive est de corseter l’action des ministres. Un de mes
paroissiens était obstétricien, il m’a dit qu’au commencement de sa carrière,
lorsqu’il était dans une situation délicate, il se posait la question : « Qu’est-ce que
je ferais si c’était ma femme ? » Maintenant il se demande : « Qu’est-ce que je
dois faire pour me protéger juridiquement si la situation tourne mal ? » J’attends
d’un responsable politique qu’il agisse toujours dans ce qu’il estime être le bien
commun et non qu’il pense d’abord à se protéger des conséquences judiciaires de
son action.

Dans une démocratie, la justice doit occuper sa place, sa juste place, mais pas
toute la place.

Publié le 12 août 2021(Mise à jour le 6/09)
Par Sophie Nouaille

Pologne : une nouvelle loi menace
la liberté de la presse
Le parlement polonais vient d’adopter une nouvelle loi controversée sur les media
alors que la coalition de droite au pouvoir vient d’éclater. Cette loi considérée
comme une atteinte à la liberté de la presse, a fait réagir le gouvernement
américain et descendre des milliers de polonais dans la rue.

La loi, dont le projet a déjà été critiqué par Washington, pourrait notamment
forcer le groupe américain Discovery à vendre la majeure partie de sa
participation dans le réseau de télévision privé polonais TVN, souvent critique
envers le gouvernement conservateur. Le texte a été adopté par 228 voix pour et
216 contre. Dix députés se sont abstenus. La décision du Parlement constitue
“une attaque sans précédent contre la liberté d’expression et l’indépendance des
médias”, a déclaré mercredi soir la direction de TVN dans un communiqué.

Washington très inquiet
“Le résultat du vote d’aujourd’hui porte atteinte aux droits de propriété, ce qui
inquiète les investisseurs étrangers en Pologne. Elle sape aussi sans aucun doute
les fondements de l’alliance polono-américaine construite au cours des 30
dernières années”, a encore déclaré la direction de la télévision qui a également
appelé le Sénat et le président à rejeter la loi. Les Etats-Unis, par la voix du chef
de la diplomatie Antony Blinken, se sont dits mercredi soir “profondément
préoccupés” par le passage de la loi. “Ce projet de loi affaiblirait fortement
l’environnement médiatique que le peuple polonais a travaillé si longtemps à
construire”, a estimé le secrétaire d’Etat dans un communiqué, ajoutant que le
projet allait “à l’encontre des principes et valeurs que les nations modernes et
démocratiques défendent”.

Une coalition chancelante
Le vote sur cette loi a eu lieu lors d’une session houleuse du Parlement qui s’est
déroulée au lendemain de l’éclatement de la coalition au pouvoir. Elle a été
provoquée par la démission, ordonnée par le Premier ministre Mateusz
Morawiecki de son adjoint, Jaroslaw Gowin, chef d’un des trois partis de la
coalition qui disposait de dix voix au Parlement. Mercredi, la droite au pouvoir a
perdu au total quatre votes, résultat sans précédent depuis son arrivée au pouvoir
en 2015. Dans un premier temps, l’opposition a réussi à ajourner la session du
Parlement jusqu’au 2 septembre. Cependant la présidente de la Diète Elzbieta
Witek a décidé de répéter ce vote, sous les cris de protestation de l’opposition.

Les libertés reculent en Pologne
Le vote a finalement été remporté par les conservateurs au pouvoir soutenus par
quelques députés d’un groupe anti-système Kukiz 15, qui lors du premier vote
avaient soutenu l’ajournement. Les résultats ont été accueillis par les cris
“Escrocs, escrocs!”, lancées par l’opposition. Les députés de l’opposition, qui
remettait sa légalité en cause, se sont abstenus lors de ce vote. La droite a
poursuivi les débats procédant au vote sur la loi sur les médias. Il s’agit d’une loi
importante pour le parti populiste Droit et justice (PiS) et son président Jaroslaw
Kaczynski qui contrôle déjà la télévision publique TVP, devenue un média de
propagande gouvernementale, et une grande partie de la presse régionale. La
coalition “la Droite Unie”, dirigée par PiS est régulièrement accusée par l’Union
européenne de faire reculer les libertés démocratiques dans le pays. Mardi soir
des milliers de personnes à travers la Pologne ont manifesté contre la loi sur les
médias.

Une majorité parlementaire dans la
tourmente
L’éclatement de la coalition ne signifie pas que le gouvernement chute
automatiquement car il faudrait un vote formel de défiance du parlement. Le
gouvernement pourrait continuer en étant minoritaire. Selon les observateurs, le
résultat des votes de mercredi montrent que PiS dispose d’une majorité très
incertaine et qu’il devra négocier avec les députés d’autres partis, et notamment
de l’extrême droite, avant chaque vote. “La majorité parlementaire, collée par la
boue de la corruption et du chantage, s’effondre sous nos yeux”, a écrit sur
Twitter l’ancien chef de l’UE Donald Tusk, qui dirige le principal parti
d’opposition Plateforme civique (PO). “Elle peut durer encore un certain temps,
mais elle n’est plus en mesure de gouverner”, a-t-il déclaré.

Sophie Nouaille avec AFP
Publié le 28 juillet 2021(Mise à jour le 6/09)
Par Laure Salamon

La loi contre le « séparatisme »
adoptée
Le projet de loi avait été à l’origine de nombreux débats au sein du
protestantisme. Il a été définitivement adopté par les députés, vendredi 23 juillet.

Avec 43 voix pour, 19 contre et 5 abstentions, le projet de loi confortant le respect
des principes républicains a été adopté, vendredi 23 juillet, après de longs mois
de discussions et des amendements par milliers. Le texte, qui comptait 54 articles
lors de sa présentation le 9 décembre 2020 en Conseil des ministres, en
comporte 103 dans sa version finale.

Les allers-retours entre l’Assemblée nationale et le Sénat ainsi que les discussions
houleuses entre parlementaires ont brouillé les pistes sur l’état définitif du texte.
En effet, le Sénat avait durci certaines dispositions, comme le fait d’interdire le
port du voile pour les accompagnants de sortie scolaire, et en avait assoupli
d’autres, notamment au sujet de l’instruction en famille. « L’idée générale du
projet de loi perdure, les dispositions demeurent, nos réserves envers ce
texte sont donc toujours valables, explique Jean-Daniel Roque, président de la
commission droit et liberté religieuse de la Fédération protestante de France
(FPF). Nous n’avons pas pu éviter les contraintes, mais nous avons quand même
réussi à éviter de les aggraver. »

Restriction des libertés
La FPF s’est livrée à un intense plaidoyer contre ce projet de loi, à la fois dans les
médias et auprès des parlementaires. Pour Jean-Daniel Roque, cette proposition
fait partie d’un ensemble de lois qui, depuis deux ou trois ans, réduisent de plus
en plus les libertés. « Certes, elles sont liées à la lutte contre le djihadisme, contre
la radicalisation et plus récemment à la crise sanitaire, mais elles restreignent des
libertés, notamment pour les associations. » Parmi les maigres victoires obtenues
par la Fédération, il cite notamment le non-maintien de l’interdiction des dons en
espèce d’un montant supérieur à 150 € ou la non-application aux associations
cultuelles (dont les recettes sont exclusivement affectées aux dépenses du culte)
de l’obligation d’établir un compte d’emploi des ressources (document financier).

François Lichère, professeur de droit public à l’université Jean-Moulin-Lyon 3 et
défenseur du projet de loi, est satisfait globalement de l’adoption de ce texte qui
« vise à interdire des pratiques qui vont à l’encontre de la cohésion de la nation,
comme l’a dit le Conseil d’État. L’exercice du culte n’est qu’un item parmi les huit
développés, tels que le respect des principes républicains par les associations
subventionnées, de nouvelles protections pour les agents de la fonction publique,
la lutte contre les discours de haine en ligne, l’égalité entre les femmes et les
hommes, la fiscalité… » Il rappelle que même si certaines obligations concernant
les associations cultuelles (sous le régime 1905) sont étendues aux associations
1901 à objet cultuel, elles ont toujours la possibilité de choisir leur régime, 1905
ou 1901, ce qui garantit la liberté d’association.

Le modèle presbytéro-synodal étendu aux
autres cultes
Il note quelques évolutions liées au débat parlementaire permettant d’aller dans
le sens des associations cultuelles, comme les avantages financiers dont elles
peuvent bénéficier. Autre point positif selon le professeur de droit : le modèle
presbytéro-synodal est en partie étendu aux autres cultes en imposant aux
associations cultuelles d’avoir un organe délibérant (sur le modèle du conseil
presbytéral) qui se prononce sur des décisions importantes de la vie de
l’association (adhésion de nouveaux membres, cession d’immobilier, recrutement
d’un ministre du culte…).

Pour la suite, les parlementaires ont jusqu’à la fin de la semaine pour saisir le
Conseil constitutionnel. Certains l’ont déjà fait. « Ces recours vont témoigner de
l’intérêt des parlementaires pour certains sujets », prévient Jean-Daniel Roque. Le
Conseil constitutionnel rendra son avis le 13 août, et les décrets devraient être
publiés à l’automne après validation par le Conseil d’État.

  L’instruction en famille en suspens

  L’école à la maison est un sujet particulièrement épineux et un des rares qui
  mette le protestantisme d’accord. Son interdiction pure et simple avait été
  retoquée par le Conseil d’État dans les discussions en amont du projet de loi.
  Elle avait finalement été présentée dans le texte en étant soumise à autorisation
  administrative. François Lichère, pourtant défenseur de la loi, est lui aussi très
  réservé sur ce régime d’autorisation, même si les dernières modalités
  consistant à laisser le silence de l’administration valoir acceptation permettront
  d’assouplir le dispositif.

  Il reste convaincu que s’attaquer à l’instruction en famille n’a pas d’intérêt eu
  égard aux objectifs poursuivis par la loi : « Au regard de l’enjeu, cette
  disposition n’a pas prouvé qu’elle présentait un réel intérêt pour lutter contre la
  radicalisation. La saisine du Conseil constitutionnel permettra peut-être de faire
  reconnaître cet aspect ou la disproportion des contraintes au regard des
  objectifs de la loi. » Selon le quotidien La Croix, le groupe Les Républicains a
  prévu de saisir le Conseil constitutionnel en ce sens. Les associations
  concernées sont très mobilisées contre l’article 21, devenu 49 dans la version
  finale. Elles ont prévu de poursuivre la défense de l’instruction obligatoire et
  non la scolarisation et espèrent que le Conseil constitutionnel leur donnera
  raison.

Lire également :

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  républicains »

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  cultes

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  républicains

Publié le 17 juillet 2021(Mise à jour le 16/07)
Par Rédaction Réforme
Le budget pour les droits des
femmes progressera de 25% en
2022
Quelque 50 millions d’euros seront alloués en 2022 à l’égalité entre les femmes et
les hommes, soit une augmentation de 25% par rapport à 2021, a annoncé jeudi
15 juillet la ministre déléguée à l’Égalité, Élisabeth Moreno.

Déclarée grande cause nationale par Emmanuel Macro, l’égalité entre les femmes
et les hommes profitera d’un budget plus élevé en 2022. “Il connaîtra une
augmentation de 9 millions d’euros, portant son montant à 50,6 millions d’euros”,
ont indiqué dans un communiqué les services d’Élisabeth Moreno. L’annonce a
été faite jeudi 15 juillet, lors du débat d’orientation des finances publiques qui
s’est tenu à l’Assemblée nationale. “Cette hausse sans précédent conduit à un
quasi-doublement des crédits depuis 2017, traduisant l’engagement déterminé du
gouvernement pour la Grande Cause du quinquennat” , ajoute la
ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les
femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances dans le
communiqué.

En 2021, le budget du ministère s’établit à 41,5 millions d’euros, en augmentation
de 40% par rapport à 2020. Des moyens supplémentaires qui s’expliquent
majoritairement par le financement des mesures du Grenelle contre les violences
conjugales qui s’est tenu fin 2019. Les moyens supplémentaires alloués en 2022
permettront eux “de consolider les dispositifs de prévention et de lutte contre les
violences faites aux femmes, notamment l’extension des horaires du numéro 3919
et le renforcement des moyens des associations, de développer des dispositifs
adaptés pour l’insertion économique des femmes, de renforcer l’accompagnement
des parcours de sortie de la prostitution”, détaille le communiqué.

32 millions à trouver selon la Fondation
des femmes
Lors d’un bilan un an après le Grenelle, le gouvernement assurait que 23 des 46
mesures annoncées avaient été réalisées. Vingt étaient en cours de réalisation et
trois n’étaient pas encore construites. Des moyens supplémentaires qui n’ont pas
empêché les signalements de violences conjugales de bondir de 60% pendant le
deuxième confinement. Le premier ayant déjà été marqué par une hausse tout
aussi importante des appels à l’aide.

D’ailleurs, à la fin de l’année 2020 un rapport de la Fondation des femmes intitulé
“Où est l’argent pour mieux protéger les femmes?” estimait que “pour héberger
et accompagner les victimes de violences, en particulier dans des structures
spécialisées, il manqu(ait) au minimum près de 32 millions d’euros au budget de
l’État pour 2021”. Le nouveau budget marque donc une avancée, mais sans doute
pas suffisante.

Par Cathy Gerig avec AFP

Publié le 15 juillet 2021(Mise à jour le 19/07)
Par Sophie Nouaille

Un                        nouveau                                comité
interministériel pour une laïcité
« en actes »
Jugé trop laxiste et peu efficace, l’Observatoire de la laïcité, supprimé en juin
dernier, cède la place à un nouveau comité interministériel de la laïcité, doté
d’une feuille de route concrète pour faire respecter les principes de la laïcité en
France.

Ce jeudi est installé le premier comité interministériel de laïcité, placé sous la
tutelle de Matignon, a déclaré la ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène
Schiappa. Il remplace l’Observatoire de la laïcité, une instance consultative créée
en 2013 et supprimée par décret début juin après avoir été accusée par certains
politiques de laxisme vis-à-vis de l’islamisme radical, principalement après la
décapitation en octobre de l’enseignant Samuel Paty, qui avait montré des
caricatures de Mahomet à ses élèves.

« Faire vivre la laïcité concrètement »
“On est en train de rentrer dans une laïcité en actes, dans une laïcité d’actions. Il
y a eu beaucoup de débats théoriques pendant de nombreuses années, et de
controverses, maintenant il est temps de passer à l’action”, a déclaré Marlène
Schiappa au micro de France Inter.
Sur Europe 1, Jean-Louis Bianco, ancien président de cet Observatoire de la
laïcité, a jugé jeudi l’accusation de laxisme envers l’islamisme radical “choquante,
scandaleuse et non fondée”.
L’Observatoire de la laïcité “a travaillé pendant huit ans avec des élus, des
spécialistes des questions de laïcité, de gestion des faits religieux, des
représentants de l’administration. Notre mission était la laïcité, pas que
l’islamisme radical, mais nous avons dit dès le premier rapport qu’il y avait un
danger car des gens voulaient porter le fer contre la République”, a-t-il
développé.
“Nous avons demandé que les procureurs, chaque fois qu’on ne respectait pas
l’égalité entre les hommes et les femmes, les lois de la République, déclenchent
une instruction et portent plainte. Nous avons fait bloc contre l’islamisme
radical”, a-t-il ajouté.
Former tous les agents de la fonction
publique d’ici à 2025
La feuille de route du comité, validée jeudi, est selon Mme Schiappa “concrète,
volontariste en actes” et comprend “une vingtaine de mesures interministérielles
pour faire vivre la laïcité concrètement et notamment appliquer les mesures que
nous avons fait voter dans la loi” confortant les principes républicains. Proposée
en conseil des ministres après l’assassinat de Samuel Paty, elle doit être
définitivement adoptée la semaine prochaine. Dans la feuille de route figure la
formation de tous les agents des trois versants de la fonction publique (Etat,
territoriale, hospitalière) aux principes de laïcité d’ici 2025 et le déploiement, à
partir de 2022 dans les administrations, de “référents laïcité” voués à
“accompagner les agents qui sont dans des situations d’isolement” ou
d’interrogation, selon le ministère de la Fonction publique.

Sophie Nouaille avec AFP

Publié le 27 juin 2021(Mise à jour le 27/06)
Par Jean-Luc Mouton
Élections régionales : l’abstention
n’était pas un accident
Au second comme au premier tour des élections régionales et départementales,
l’importance de l’abstention se confirme.

Au soir d’un second tout sans grandes surprises, la leçon du premier se trouve
confirmée, sinon amplifiée : les abstentionnistes sont les grands gagnants de ce
scrutin. Ils représentent encore ce soir deux français sur trois. Une constance qui
ne peut qu’interroger. Comment comprendre autrement le maintien d’un niveau
d’abstention historique du premier tour malgré la mobilisation de tous les ténors
politiques ? Tout y est passé : moralisation, incitations en tous genres, menaces
même de la part de certains chefs de parti, sans aucun effet.

Une crise de la démocratie ?
Ces élections régionales et départementales n’étaient pas une priorité pour nos
compatriotes, ils n’en ont pas compris les enjeux, ils n’ont pas été assez informés
et mobilisés sur les questions locales et les responsabilités de ces instances
départementales et régionales.
Question malgré tout, s’agit-il d’une désaffection profonde pour cette élection-là ?
Ou est-ce le signe d’une démobilisation profonde de l’électorat ? Pire, serions-
nous, comme on l’entend, face à une véritable crise de notre démocratie ? Nul
doute que l’abstention progresse d’élection en élection depuis plusieurs années.
Les signes d’une lassitude démocratique sont bien là.

Parions cependant que le pire ne soit pas le plus sûr. Rien ne dit pour l’heure que
l’élection présidentielle sera aussi boudée. Le débat et les enjeux en semblent
bien plus clairs et clivants.
Publié le 16 juin 2021(Mise à jour le 18/06)
Par Jean-Luc Mouton

« Extrême droitisation »
Un éditorial de Jean-Luc Mouton, directeur de Réforme.

À la veille des élections régionales et départementales, l’affaire semble entendue.
Nous sommes aujourd’hui face à une droitisation extrême de l’opinion, expliquent
à l’envi sondeurs et commentateurs politiques. Les thématiques qui font partie de
l’imaginaire ou de l’histoire de la droite extrême domineraient le débat public. Le
Rassemblement national (RN) serait donc en passe de gagner la bataille des
idées. Et de remporter aujourd’hui régions et départements, et demain… peut-
être la présidentielle.

De fait, si l’on en croit les dernières enquêtes d’opinion, certaines
affirmations sécuritaires et identitaires, proches des thèmes de prédilection du
RN, obtiennent des scores sans équivoque. Parmi elles, le laxisme de la justice, le
manque d’ordre, les menaces pesant sur la laïcité ou le déclin du pays… Pire, ce
mouvement concernerait l’ensemble du champ politique, les taux d’adhésion à ces
affirmations étant aussi très importants à droite et à gauche. Faudrait-il donc
désespérer et se résoudre à envisager l’irruption, au cœur de cette France
admirée dans le monde entier, d’un pouvoir d’extrême droite ?
La désir d’être enfin écouté
Constatons tout d’abord que cette « extrême droitisation » concerne avant tout
les espaces publics que sont la scène politique, les médias et les réseaux sociaux.
La diffusion des idées identitaires et sécuritaires du RN y est bien réelle. Mais
qu’en est-il de son implantation dans l’ensemble du corps social ? Il est assez
facile de relever le caractère flottant, fluctuant selon les évènements de l’actualité
et les émotions qu’ils véhiculent, de ces idées extrêmes.

Ne pas oublier, ensuite, ce que les politologues nomment la « fonction
tribunicienne » du Rassemblement national. Une fonction naguère occupée par le
Parti communiste, aujourd’hui quasiment disparu. Si Marine Le Pen caracole en
tête des sondages, ce n’est pas que les « idées d’extrême droite » gagnent du
terrain, mais c’est que Marine Le Pen est la bénéficiaire d’un mécontentement
disparate qui ne voit aucun autre ambassadeur consistant.

Les indécis, les fâchés, ceux qui se sentent hors jeu, hors de la mondialisation des
échanges, votent pour le RN faute de mieux. Pourquoi bravent-ils cet interdit que
nous – communautés protestantes, entre autres – avons construit autour de ce
parti ? Pour être enfin écoutés. Pour que l’on entende leurs doléances et leurs
difficultés au lieu de criminaliser a priori leur vote. Et cette manière de crier son
malaise n’est pas un fait isolé, mais un fait mondial. Dans ce contexte, ces votes
extrêmes pourraient relever plus du rejet ou de la lassitude face au spectacle de
la politique – et à son impuissance – que d’une adhésion à des idées extrêmes.

Lire également :

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  Tribunes de militaires : l’armée et l’extrême droite, même combat ?

  Le Rassemblement National serait-il satanique ?
Publié le 4 juin 2021(Mise à jour le 4/06)
Par Albert Huber

Essai : “Pasteur et politique” de
Jean-Louis Hoffet
Dans cet ouvrage, Jean-Louis Hoffet revient sur long parcours pastoral et
politique, en Alsace et à travers le monde.

« L’expérience de Jean-Louis Hoffet, comme la mienne, est triplement minoritaire :
comme protestant dans la sphère religieuse, comme rocardien dans notre parti,
comme socialiste dans une région de centre droit », préface la théologienne et
ancienne ministre Catherine Trautmann. À tout juste 80 ans, Jean-Louis Hoffet
revient sur ses multiples engagements, à la fois pastoraux, politiques et culturels.
Entre l’Éthiopie, Genève, Paris et l’Alsace, son port d’attache, le pasteur, le
directeur d’associations, l’élu politique – 18 ans au conseil régional –, l’initiateur
d’événements culturels…est l’héritier d’une lignée de 14 pasteurs depuis 1637.
Son récit accorde une place particulière à ses parents : Frédéric Hoffet, avocat et
auteur de la célèbre Psychanalyse de l’Alsace, et Marieleine Hoffet, l’une des
premières femmes pasteures en France.
Au cœur de ce parcours débordant, une conviction : la politique enrichit le
pastorat. Il est exaltant de vivre les problèmes d’éthique en politique, le lieu où la
morale est à la fois la plus indispensable et la plus improbable face à d’incessants
compromis. La théologie aide à ne pas déraper, la politique à parler à ses
paroissiens de façon compréhensible et responsable. Tous les élus politiques
devraient faire de la théologie, qui donne à réfléchir sur le sens de leur charge.

Jean-Louis Hoffet, Pasteur et politique, La Nuée bleue, 2021, 168 p., 22 €.
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