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Appel à communications Colloque « Pif Gadget et compagnie : approches pluridisciplinaires » 26 et 27 novembre 2020 MSHE Ledoux - Besançon - Université de Franche-Comté Résumé Le programme de recherche PIFGADG&CIE a pour but d’analyser les contenus des succès de presse que sont Vaillant puis Vaillant, Le journal de Pif (1965) et Pif Gadget (1969-1993 puis 2004-2008). Impliquant notamment des collègues de l’Université de Bourgogne/Franche-Comté provenant de laboratoires différents, le projet entend valoriser les approches pluri et transdisciplinaires, de façon à questionner la supposée fabrication d’un imaginaire collectif et la construction d’une mémoire commune communiste à travers ce magazine de jeunesse. Cet événement scientifique sera organisé dans les locaux de la MSHE Ledoux à Besançon les 26 et 27 novembre 2020. Ce projet PIGAD&CIE a le soutien de la Fédération des MSH de Bourgogne et de Franche- Comté. Argumentaire « Quand je vais à l’école je passe devant un marchand de gadgets. Sa spécialité ce sont les lampes aquarium, sans poissons, où des bulles se promènent mollement dans un liquide coloré. Ils vendent aussi des mobiles qui font des bruits de clochettes au moindre courant d’air, des radios en forme de télé, des téléphones en forme de camembert, et tous ces drôles de trucs-là. […] Il y a aussi Pif pour les gadgets ; il faut reconnaitre la suprématie de ce magazine dans le domaine. Putain, le coup du collier de griffes de Rahan, ils ont fait fort, même si on aurait préféré le coutelas, gadget censuré par le patron de Pif, je pense, en raison du risque de massacre ». Dargent Milan, Popcorn, Lyon, La fosse aux ours, 2020, p.45. Le récent décès du dessinateur André Chéret (5 mars 2020), créateur avec le scénariste Roger Lécureux du célèbre héros préhistorique de la bande dessinée Rahan, plonge dans une certaine nostalgie les très nombreux‧euses quadra et quinquagénaires abreuvé‧e‧s par la lecture, durant leurs jeunes années, de cette série culte (plus de 200 épisodes) de Pif Gadget. En effet, Pif Gadget, qui a fêté ses cinquante ans en 2019, est un monument de la presse enfantine française. Publié par les Édition Vaillant, groupe de presse lié au Parti communiste français (PCF), entre 1969 et 1993, ce magazine de bandes dessinées témoigne d’un fort ancrage dans le monde ouvrier. Issu d’un organe clandestin de jeunes résistants communistes né en 1942 (Medioni 2012), Pif Gadget est la quatrième dénomination d’une revue appelée préalablement Le Jeune Patriote, Vaillant, Le Journal de Pif. Au tournant des années 1950-1960, le journal, en perte de vitesse (passage sous la barre des 100 000 exemplaires), est contraint de modifier sa ligne éditoriale première. Une nouvelle direction est nommée et de nouvelles stratégies commerciales voient le jour permettant ainsi au journal d’atteindre un succès record. En 1980, Pif Gadget rivalise avec ses concurrents Le Journal de Mickey et Picsou magazine en tirant tous les trois au-dessus des 300 000 exemplaires. A cette même période, Spirou passe sous la barre des 80 000, Pilote sous les 60 000 et Tintin sous les 50 000 (Lesage 2018 : 309). Les Pif Gadget n°60 (1970), n°137 (1971) et n°443 (1977) sont tirés à un million d’exemplaires. Ce magazine d’obédience communiste se révèle être un médium d’envergure. Il invite à questionner son impact, notamment sur les jeunes, au cours de la fin du XXe siècle. 1
Ainsi, les succès des ouvrages de Richard Medioni (2003, 2012) et de Christophe Quillien (2018) témoignent de l’intérêt pour l’histoire de Pif Gadget pour de nombreux anciens lecteurs. Pourtant, le succès de Pif Gadget et son inscription dans la mémoire collective (Halbwachs 1950) ne suscitent guère de travaux au sein de l’université. Bien évidemment, le lecteur averti peut glaner quelques données précieuses au cœur de travaux majeurs qui traitent de la presse des jeunes et des journaux d’enfants (Fourment 1987) ou encore des thèses sur l’histoire de l’édition de la bande dessinée (Lesage 2014) ou encore des illustrateurs de presse et de la bande dessinée (Kohn 2018). Certains convoquent Pif Gadget pour révéler les croyances diffusées par différents périodiques (Renard 1986) quand d’autres dressent une analyse précise de l’évolution du chien de cette publication (Delisle 2012). Cependant, à ce jour, et sauf erreur de notre part, aucun‧e doctorant‧e ne s’est lancé‧e dans une thèse sur ce fameux magazine. Néanmoins, il faut souligner que, dans le cadre d’une recherche en Master de Lettres Modernes, Maël Rannou a eu l’audace de travailler sur la question de la transmission de l’idéologie communiste à travers les publications dessinées atypiques de Pif Gadget (Rannou 2014). Le caractère récréatif de la bande dessinée et son historique « illégitimité » (Méon 2009) seraient sans aucun doute à l’origine d’une forme de « mésentente » (Berthou 2015), comme le souligne fort justement Benoît Berthou, entre le champ universitaire et la bande dessinée. Dans ce contexte, le projet PIFERAI (Pif, dans tous ses états : recherches, archives, interdisciplinarité) monté par Henri Garric et Jean Vigreux pour permettre la mise en place de journées de réflexions sur la série Pif le chien (1950-1960) au sein de la MSH de Dijon comble un manque certain sur les origines et la genèse de Pif Gadget. Dans le cadre de ces événements scientifiques qui se sont déroulés en 2018 et en 2019, les communications de collègues provenant de champs variés montraient à quel point il est opportun de questionner Pif le chien, à l’aide d’approches esthétiques, socio-historiques, littéraires, médiatiques et politiques, pour éviter des interprétations hâtives et des erreurs d’analyses. Ainsi, le colloque Pif Gadget et compagnie : approches pluridisciplinaires s’inscrit dans le prolongement de ce projet PIFERAI pour questionner les décennies suivantes, à savoir les succès de Vaillant puis Vaillant, Le journal de Pif et Pif Gadget. A n’en point douter, cette dernière publication « est, par la variété des évolutions ou ruptures idéologiques qu’elle propose, un intéressant objet d’étude » (Bruno 2008 : 127). La longévité de Pif Gadget et son lien avec le PCF interrogent évidemment quant à la bolchévisation éventuelle des jeunes d’une génération très hétéroclite (Bantigny & Jablonka 2009 ; Lahire 2019). Cependant, cette « politisation ouvrière » et communiste (Pudal 2000) via Pif Gadget est-elle aussi durable et puissante qu’on pourrait le penser ? Résiste-t-elle à l’uniformisation des imaginaires par la culture de masse (Rioux & Sirinelli 2002) ? La lecture de Pif Gadget est-elle vraiment une pratique culturelle de classe (Coulangeon 2005) destinée aux enfants les moins favorisés dans un contexte de « dissolution de la subculture ouvrière » (Vigna 2012 : 323) ? Bien évidemment, à la croisée des Media Studies, des Childhood Studies et des Communist Studies, ce colloque vise à apporter des éclairages originaux à ces champs en plein renouvellement comme le montrent les travaux récents publiés sur la presse en France (Delporte et al. 2016) ou le PCF (Ducoulombier & Vigreux 2019). Au regard de l’argumentaire ci-dessus, les chercheuses et chercheurs de toutes disciplines (anthropologie, architecture, géographie, histoire, histoire de l’art, lettres, philosophie, sciences politiques, sciences de l’éducation, sciences de l’information et de la communication, sociologie, STAPS, etc.) sont invité‧e‧s à soumettre leurs propositions pour tenter d’étudier l’impact de Pif Gadget sur la société française et, éventuellement, à l’international. Celles-ci pourront s’inscrire dans l’un des axes thématiques suivants, proposés seulement à titre indicatif. Toutes les soumissions concernant Pif Gadget, c’est-à-dire les mécanismes de production, de circulation, de réception, d’appropriation, de transformation, de contradiction, de contestation ou encore les processus d’oppositions de ses concurrents seront étudiées avec attention. 2
Axes thématiques proposés Jeunes, mouvements de jeunesse et générations La diffusion à une grande échelle de ces magazines illustrés, au pouvoir parfois identitaire et contestataire pour certains jeunes (Maigret 1999), jouerait en faveur de la transmission d’un mode de vie. Le Neuvième Art, véritable culture privilégiée par la jeunesse, concourrait donc à l’intégration des valeurs fondatrices et dominantes d’un univers social. Les grandes séries dessinées cultes de Pif Gadget, qu’elles soient fictionnelles, historiques, éducatives et /ou scientifiques (Fanfan la Tulipe, Jacques Flash, Rahan, etc.) ou humoristiques (Gai-Luron, Léonard, Placid et Muzo, Pifou, etc.) sont porteuses de messages à destination de cette jeunesse populaire. Pif Gadget aspire à inculquer à cette dernière les valeurs du PCF, mais parvient-il réellement à « éduquer et politiser l’enfant par l’image » (Pichon-Bonin 2017) ? Découpées par épisodes, elles sont diffusées et attendues d’une semaine à l’autre. Plus encore, comme le souligne Éric Carton, « la BD a été également, pour les mouvements de jeunesse, un instrument de transmission de valeurs » (Carton 2009 : 191). Dans le même ordre d’idée, la série Les As dessinée par Greg, qui met en scène les aventures d’une bande de gamins originaire de Ménilmontant ou l’épopée de Totoche créé par Jean Tabary, ce jeune titi parisien de la colline de Belleville, sont sans aucun doute de riches supports pour penser la représentation de ces fameuses bandes de jeunes. C’est à l’analyse de cette diffusion de normes politiques, sociales, culturelles et corporelles, principalement auprès de la jeunesse, que s’intéresseront les propositions de cette thématique. Les héroïnes et les héros de Pif Gadget Les personnages dessinés de Pif Gadget sont nombreux. Plus encore, un certain nombre d’entre eux, fictifs ou réels, sont devenus si célèbres que des représentations verbales et visuelles se sont instituées autour d’eux. Cette mythologisation (Barthes 1957) parle de la société qui lui donne naissance. L’héroïne ou le héros « est l’objet d’une construction, il est le produit d’un discours, d’une "héroïsation", qui révèle les valeurs d’une civilisation » (Tourret & Faliu 2007 : 11). Les dimensions constitutives des mythes qui enveloppent les héroïnes et héros dessiné‧e‧s de Pif Gadget sont variées et nombreuses en termes de genre, de ton, de réalisation graphique et d’origine géographique. Les études des héroïnes et héros dessiné‧e‧s de Pif Gadget devraient permettre de souligner les transformations historiques et les discontinuités (Foucault 1969) que subit la figure héroïque. Comme Thierry Groensteen l’explique, « l’éventail des héros […] relève d’une typologie complexe » (Groensteen 2001 : 145). Cette dernière pourrait être travaillée à l’occasion de ce colloque autour de la série Pif Gadget. Les contributrices‧teurs pourront participer à la caractérisation de ces héroïnes/héros dessiné‧e‧s. Par exemple, elles ou ils pourraient y retrouver des héroïnes et héros ordinaires (Bromberger 1998) à l’instar de la saga préhistorique Rahan de Chéret et Lécureux déjà approchés par Kilian Mousset et Jean-Nicolas Renaud (2018) ou des anti-héroïnes ou anti-héros de fiction (Placid et Muzo, Léonard, etc.) satisfaisant à la logique subversive chère à Pascal Robert (2018). Dessinateurs et scénaristes des séries publiées dans Pif Gadget A travers Pif le chien, les modèles esthétiques de l’œuvre de José Cabrero Arnal et de Roger Mas ont déjà été évoqués et étudiés à l’occasion du programme PIFERAI. Cependant, un travail complémentaire s’avère nécessaire pour la période suivante dans laquelle s’installe Pif Gadget. Les dessinateurs et scénaristes des grandes séries dessinées de Pif Gadget s’inscrivent-ils dans la tradition du père de Pif le chien ? Sous quelle(s) forme(s) ? S’inspirent-ils de la tradition américaine du family 3
strip ? Quelle(s) connaissance(s) et quel(s) usage(s) ont-ils de la bande dessinée comique animalière américaine et franco-belge ? Quelles utilisations sont faites en particulier du modèle disneyen ? De quelle manière Pif Gadget a-t-il été utilisé comme tremplin pour de nombreux artistes, notamment Gotlib, Mandryka ou encore Pratt, pour émerger et faire carrière ? Plus encore, des approches biographiques, hagiographiques et prosopographiques des auteur‧e‧s présent‧e‧s dans Pif Gadget pourraient ainsi aborder cette nécessaire mise en relation entre le ou les parcours des artistes, leurs productions dessinées et le positionnement éditorial et militant du magazine. Pif Gadget est-il un objet de consommation comme les autres ? Les lectrices‧teurs ou acheteuses‧eurs, francophones ou non, de Pif Gadget, sont-ils des consommatrices‧teurs comme les autres ? Les orientations idéologiques et politiques du magazine et de la maison d’édition qui le produit ont-elles une incidence sur les ventes de cette littérature jeunesse ? On peut donc s’interroger sur la connaissance par la/le consommatrice‧teur (parent- acheteur et/ou enfant-lecteur) des tendances communistes du magazine et de la maison d’édition qui le publie ? Seraient-ce des freins à la vente en fonction des époques ? Ces questions nécessitent d’appréhender aussi bien le côté de l’offre que celui de la demande. En effet, du côté de l’offre, il s’agit de déterminer avec précision le secteur du magazine Pif Gadget dans le marché des illustrés- jeunesse. Le projet n’est pas aisé. Du côté de la demande, il s’agit de caractériser les consommateurs qui lisent et/ou achètent Pif Gadget en les comparant aux autres magazines dessinés en fonction des époques. Quelles sont leurs particularités : sociodémographiques (âge, genre, lieu de résidence, niveau scolaire, etc.), consuméristes (type et fréquence d’achat, budget alloué, etc.), culturelles, identitaires, etc. ? A ce sujet, les analyses de la rubrique « Le courrier des lecteurs » ou des votes pour le sommaire du numéro suivant peuvent sans aucun doute s’avérer riches d’enseignements. Dans cette optique, les analyses comparatives des logiques concurrentielles spécifiques à Pif Gadget et mises en place par Le Journal de Mickey, Picsou magazine, Spirou, Pilote ou encore Tintin seront les bienvenues. Une culture visuelle et matérielle spécifique Au-delà de la diversité et de la richesse des objets de recherche que peut susciter le corpus du magazine Pif gadget depuis 1969, le champ d’investigation initial s’inscrit principalement dans le courant de l’histoire culturelle. Or, d’une façon générale, « bien souvent, [l’histoire culturelle] interroge les conditions de production des œuvres davantage que leur sens propre laissé à l’histoire » (Levy-Dumoulin 2010 : 251). Ainsi, même s’il s’avère indispensable de convoquer l’histoire des maisons d’édition ou les biographies des auteur‧e s, le contenu graphique, les messages et leurs portées éducatives éventuelles ne peuvent être laissés pour compte. Force est donc de penser que la multiplication des bandes dessinées dans le paysage visuel des jeunes et des adultes pourrait créer une culture visuelle particulière inhérente au célèbre magazine Pif gadget. Si elle existe, quelle est- elle ? De quels messages les séries dessinées publiées dans le magazine sont-elles porteuses ? Des unités discursives et visuelles sont-elles identifiables ? Ont-elles des points communs ? Évoluent- elles au fil des générations de lectrices et de lecteurs qui se succèdent depuis la fin des années 1960 ? Bien évidemment, ce magazine est synonyme de gadgets mémorables, de nombreux produits dérivés, de figurines atypiques et d’autres objets en tout genre dont il doit s’agir de comprendre les succès et leurs histoires (MacGregor 2012). De toute évidence, les pifises, les pois sauteurs du Mexique, le lance-spaghettis et autres machine à œufs carrés ont fait la renommée de cette série. Cependant, quelle est réellement l’ambition éducative et la portée politique de cette culture matérielle enfantine, dont témoignent les Opérations Scientipif et certaines rubriques Gadgetus ? 4
Pif gadget, un objet artistique de contestation ? Pif gadget apparait dans un contexte de contre-cultures des années 1960-1970 (Bourseiller 2013). Cette époque est synonyme d’évolution majeure dans l’histoire de la narration graphique dans la mesure où s’opère une « artification de la bande dessinée » (Heinich 2017), c’est-à-dire un processus qui la fait passer de la catégorie du divertissement pour enfants à celle de l’art. Même si cette transformation peut paraître périphérique, elle n’est pas sans conséquence sur Pif Gadget. En effet, si « le Neuvième Art ne manque jamais de se moquer de lui-même, de ses codes, de ses conventions et de ses mythes » (Groensteen 2009 : 257), il est aussi le lieu par excellence de la critique de la société et une forme de résistance au monde. Faut-il croire que les productions dessinées portées par l’illustré Pif Gadget s’inscrivent dans cette vision critique de la définition de l’art ? Autour de ce thème, il conviendra donc d’envisager les effets subversifs des productions, dessinées ou non, publiées dans cette série depuis la fin des années 1960. Déclin progressif de l’engagement populaire et politique du magazine ? Pif gadget est lancé à une période au cours de laquelle les techniques de persuasion de masse se rationalisent (Delporte 2003). Dans ce contexte, et en tant que phénomène de presse majeur, si ce périodique est inscrit dans la continuité d’une dynamique éditoriale communiste forte (Bouju 2010), il incarne pour certains la mascotte du consumérisme maniant souvent bien mieux que ses concurrents, parfois ouvertement capitalistes, les outils du marketing et du management de marque. Il s’agira d’identifier comment et pourquoi un journal populaire et ouvrier de bandes dessinées s’adressant à un public enfantin semble, peu à peu, s’éloigner de sa volonté d’éducation populaire et politique. Les histoires réalistes (par opposition aux Comics américains) sont portées par des héros valeureux et adeptes du Bien, luttant ouvertement contre l’injustice, la toute puissance financière et les croyances obscurantistes et religieuses et ventant le savoir scientifique, la fraternité et la solidarité tels que Docteur Justice, Fanfan la Tulipe, Jacques Flash, Rahan, etc. En revanche, les personnages humoristiques (Gai-Luron, Léonard, Placid et Muzo, Pifou, etc.) ne sont pas moins supports de valeurs et de qualités aptes à séduire le grand public. Cette thématique peut être aussi l’occasion de questionner l’impact éventuel de la ligne éditoriale de Pif gadget sur la représentation de l’histoire (Taranis, fils de la Gaule, Erik le Rouge, etc.), sur la mise en scène d’actes de résistance ou de défenses des opprimés (Le Grêlé 7/13, Robin des Bois, Docteur Justice, etc.), sur la place de la nature dans nos sociétés (Cogan, Les Compagnons d’Univerzoo, La Jungle en folie, Oujourou, etc.) ou encore, plus largement, sur la manière particulière de mettre en avant les pratiques culturelles (lecture, musique, loisirs, sport, cinéma, jardinage, etc.). Ce que le champ de la bande dessinée doit à Pif Gadget Au-delà de la volumineuse production d’histoires et de séries parues dans Pif Gadget, ce dernier a-t-il fait émerger des « styles » (Berthou & Dürrenmatt 2019) au sein de la bande dessinée ? Dès 1974, l’ouvrage L’Aventure et l’image, publié chez Gallimard, traite déjà à l’époque de l’apport de Pif Gadget (Adhémar et al. 1974). Au niveau artistique, nombreuses sont les œuvres qui jouent sur les codes et s’affranchissent des contraintes de la bande dessinée, certaines semblant même préparer le terrain à l’OuBaPo. A n’en point douter, Pif Gadget est un laboratoire d’exploration pour bon nombre de dessinateurs tels Mandryka, Poirier, Crespi, Forest, etc., qui incarnent le mouvement de la bande dessinée alternative. Certains grands maîtres du neuvième art font leurs premières armes quelques années dans Pif Gadget, puis s’en émancipent ensuite pour accéder à une reconnaissance personnelle grâce à l’inventivité acquise dans l’effervescence de ce magazine. L’exemple de Mattioli est à ce sujet exemplaire. Après sa série expérimentale M le magicien publié dans Pif Gadget, l’auteur italien se révèle à travers Pinky son fameux lapin rose et la bande dessinée adulte. L’ambivalence du 5
processus est édifiante. À l’époque, Pif Gadget semble en même temps plutôt rejeté par le milieu, mais ce n’est qu’en quittant le journal rouge que les artistes sont reconnus pour leur capacité d’innovation, leur créativité et leur originalité. À l’inverse, si Pif Gadget représente parfois l’avant- garde, il défend parfois un classicisme quasi-académique et les éditions Vaillant n’anticipent pas du tout le passage du support de presse à l’album (Lesage 2015). Ainsi, dans quelle mesure Pif Gadget est-il un lieu de conservation des traditions ou, au contraire, un puissant levier de changements dans le champ de la bande dessinée, voire un guide visionnaire pour le mouvement bédéphile ? Dynamiques culturelles, processus transmédiatiques et circulations internationales Cette thématique de circulation et de transformation de la littérature dessinée concerne à la fois les dynamiques culturelles, les processus transmédiatiques et les porosités internationales. Dans le cadre du processus créatif, de nombreux dessinateurs italiens, espagnols ou encore portugais ont travaillé pour Pif Gadget. Quel est alors leur rôle dans la définition de la ligne éditoriale de ce magazine ? Parviennent-ils à orienter les choix des principaux décideurs du comité de rédaction de Pif Gadget ? Concernant la diffusion, quelle est la place des militant‧e‧s, diffuseurs et autres vendeurs ? Une censure existe-t-elle, sous quelques formes qu’elle soit, à l’occasion de la publication de séries dessinées dans le magazine ? De la même manière, les liens de Pif Gadget avec la radio ou la télévision sont nombreux. Ainsi, quelles sont les adaptations notables qui ont permis à des séries d’être diffusées sur le petit écran et, inversement, pourquoi Pif Gadget intègre-t-il les créations télévisuelles ? L’exemple de Corto Maltese est à ce sujet exemplaire. La dimension internationale de ce journal constitue également un angle mort. Au cours de années 1970, des publications inspirées de Pif Gadget émergent en Espagne avec Pif et son fameux sous-titre « cada semana un juguete distinto » (un jouet différent chaque semaine), au Danemark avec Pif med Piffert, ou encore au Canada avec Piforama puis Super Pif. Publiés entre 1980 et 1982, les 16 numéros de Yps Pif pocket représentent par exemple la version allemande de Pif Poche. Cependant, existe-t-il d’autres traductions et adaptations de séries dessinées étrangères de Pif Gadget ? Sont-elles fidèles à l’original ? Quel rayonnement et quel impact a eu ce magazine dans l’espace francophone et au niveau international ? Dans le même ordre d’idée, la représentation des États-Unis et la présence de plusieurs séries western (Loup Noir, Captain Apache, Teddy Ted, etc.) au sein d’un journal d’obédience communiste méritent d’être interrogées. Toutes ces questions peuvent également permettre d’éclairer les filtres de la culture exportée et/ou importée, transformée, véritable révélateur des mécanismes de mutations des représentations idéologiques et politiques véhiculées par cet opus dessiné. Informations administratives En partie reconstitué, un corpus (Pif Gadget 1969-1993 et 2004-2008) est disponible pour les personnes intéressées pour intégrer ce programme de recherche. Pour tout renseignement : sebastien.laffage-cosnier[at]univ-fcomte.fr Aucun frais d’inscription ne sera pas demandé pour ce colloque. Prise en charge d’une partie des frais des communiquant‧e‧s. Ce projet PIGAD&CIE a le soutien de la Fédération des MSH de Bourgogne et de Franche-Comté. Il a été sélectionné dans le cadre de l’appel à projets lié à l’axe thématique commun des MSH « Transmission, Travail, Pouvoirs ». 6
Modalités d’envoi des propositions Il convient de proposer, avant le 31 août 2020, un résumé précisant l’objet de la communication, les principales questions, les sources, la méthodologie et les résultats, ainsi que le groupe thématique dans lequel s’insère le travail postulé. Les résumés sont à envoyer par courrier électronique en fichier attaché à sebastien.laffage- cosnier[at]univ-fcomte.fr et à christian.vivier[at]univ-fcomte.fr Le résumé sera présenté en 500 mots +/-10%, en Times New Roman, taille 12, interligne simple. Il indiquera la pertinence et l’originalité du projet de recherche par rapport à la thématique du colloque et, éventuellement, à l’une (ou à plusieurs) des entrées proposées dans le programme scientifique. Il exposera clairement le corpus retenu et l’extrait éventuel du magazine Pif Gadget à partir duquel sera façonnée l’étude envisagée, la période et le contexte qui l’accompagnent, le ou les champs scientifiques dans lequel se situe l’analyse et la problématique ou l’idée directrice servant la démonstration escomptée. Le titre sera placé en haut centré en gras. Les propositions feront figurer les coordonnées précises du ou des auteur‧e‧s (nom, prénom, université, adresse électronique et numéro de téléphone portable) qui apparaîtront à droite sous le titre, après avoir passé une ligne. En fin de résumé, il conviendra de choisir 5 mots-clés. Le document portera le nom de la première personne soumettant le résumé sous la forme suivante: Nom.Prénom.docx (exemple : Dupont.Jean.docx) La recevabilité sera notifiée après acceptation du comité scientifique (15 septembre 2020) Les communications sont acceptées en français, en anglais et en espagnol. Responsables du colloque Sébastien Laffage-Cosnier, Maître de conférences Christian Vivier, Professeur des Universités Comité scientifique Ludivine Bantigny, Université de Rouen Normandie Claire Blandin, Université Paris 13 Marie-Cécile Bouju, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis Philippe Delisle, Université de Lyon 3 Christian Delporte, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Jean-Paul Gabilliet, Université Michel de Montaigne Bordeaux 3 Henri Garric, Université de Bourgogne Julie Gaucher, Université Claude Bernard Lyon 1 Mathilde Larrère, Université Paris-Est Créteil-Val-de-Marne Jean Vigreux, Université de Bourgogne 7
Bibliographie Adhémar Jean, Daquin Louis, Albert Ducrocq et al., L’Aventure et l’image, Paris, Gallimard ; Éditions "Vaillant", 1974. Bantigny Ludivine, Jablonka Ivan (dir.), Jeunesse oblige. Histoire des jeunes en France XIXe-XXIe siècle, Paris, PUF, 2009 ; Lahire Bernard (dir.), Enfances de classe : de l’inégalité parmi les enfants, Paris, Éditions du Seuil, 2019. Barthes Roland, Mythologie, Paris, Seuil, 1957. Berthou Benoît, « Bande dessinée, école, université : quelle mésentente ? », Le carnet de Comicalités, 2015, URL : https://graphique.hypotheses.org/537 Berthou Benoît, Dürrenmatt Jacques (dir.), Style(s) de (la) bande dessinée, Paris, Classiques Garnier, 2019. Bouju Marie-Cécile, Lire en communiste : les maisons d’édition du Parti communiste français (1920- 1968), Rennes, PUR, 2010. Bourseiller Christophe, Penot-Lacassagne Olivier (dir.), Contre-cultures !, Paris, CNRS, 2013. Bromberger Christian, Passions ordinaires. Du match de football au concours de dictée, Paris, Bayard jeunesse/Société, 1998. Bruno Pierre, « Chronique culture jeune. Pif Gadget : qu’est-ce qu’un périodique progressiste pour la jeunesse ? », Le français aujourd’hui, n°161(2), 2008, pp.127-132. Carton Éric, « Mouvements de jeunesse et bandes dessinées », Hermès, La Revue, [La bande dessinée : Art reconnu et média méconnu], n°54, 2009/2, pp.191-192. Coulangeon Philippe, Sociologie des pratiques culturelles, Paris, La Découverte, 2005. Delisle Philippe, « Pif, de Vaillant à Pif Gadget », dans Baratay Éric & Delisle Philippe (dir.), Milou, Idéfix et Cie : le chien en BD, Paris, Karthala, 2012, pp.205-220. Delporte Christian, « Pour une histoire de la propagande et de la communication politique », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, [Introduction au numéro spécial Propagande et communication politique dans les démocraties européennes (1945-2003)], vol. no 80, n°4, 2003, pp.3-4. Delporte Christian, Blandin Claire, Robinet François, Histoire de la presse en France : XXe-XXIe siècles, Malakoff, Armand Colin, 2016. Ducoulombier Romain, Vigreux Jean (dir.), Le PCF, un parti global (1919-1989) : approches transnationales et comparées, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2019. Foucault Michel, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969. Fourment Alain, Histoire de la presse des jeunes et des journaux d’enfants (1768-1988), Paris, Éditions Éole, 1987. Gabilliet Jean-Paul, Des Comics et des hommes : histoire culturelle des comic books aux États-Unis, Nantes, Éditions du Temps, 2004. Groensteen Thierry, « Le héros dans la bande dessinée », dans Marie-Claude Groshens et Karine Rannou (dir.), Héros populaires, Paris, Réunion des musées nationaux, 2001, pp.144-151. Groensteen Thierry, La Bande dessinée, son histoire et ses maîtres, Paris, Skira/Flammarion, Cité internationale de la bande dessinée et de l'image, 2009. Halbwachs Maurice, La Mémoire collective, Paris, Albin Michel, 1950. Heinich Nathalie, « L’artification de la bande dessinée », Le Débat, n°195/3, 2017, pp.5-9. Kohn Jessica, Travailler dans les Petits Mickeys : les dessinateurs-illustrateurs en France et en Belgique de 1945 à 1968, thèse de doctorat en Histoire, sous la direction de Laurent Martin et de Jean-Paul Gabilliet, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, 2018. 8
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