Appel à projets de recherche 2021 - Usages des technologies numériques dans le champ de la santé, de l'autonomie en lien avec l'âge & le ...

 
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AAP Drees avril 2021. Dossier de présentation thématique

                         Appel à projets de recherche 2021
      Usages des technologies numériques dans le champ de la
    santé, de l’autonomie (en lien avec l’âge & le handicap) et de
                         l’accès aux droits

         DATE DE CLÔTURE DE L’APPEL À PROJETS DE RECHERCHE : vendredi 2 juillet 2021

Dans le cadre de ses activités, la Mission Recherche (MiRe) de la Direction de la recherche, des
études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et ses partenaires lancent un appel à
projets de recherche scientifique sur l’usage des technologies numériques dans les champs
de la santé, de l’autonomie (en lien avec l’âge et le handicap) et de l’accès aux droits.

Parmi les partenaires de la DREES, la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) et la
Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA)1 co-financent cet appel à projets.
L’ensemble des partenaires — comprenant également le Haut Conseil pour l’avenir de
l’assurance maladie (HCAAM), le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA)
et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) — a participé à la réflexion conduisant à
l’élaboration de cet appel à projets.

La structuration des axes de cet appel repose sur un séminaire en ligne qui s’est tenu en 2020.
Il a permis d’identifier des thématiques encore peu traitées par la recherche2. L’appel à
projets s’adresse aux chercheurs dans des disciplines de sciences humaines et sociales (SHS).

1
  La CNSA est un établissement public créé par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des
personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Elle est chargée de financer les aides en faveur des
personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes en situation de handicap, de garantir leur égalité de
traitement, d’assurer une mission d’animation de réseau, d’information des personnes âgées, des personnes en
situation de handicap et de leurs familles, d’assurer un rôle d’expertise et de recherche, et de travailler à
l’attractivité des métiers de l’autonomie. Elle est depuis le 1er janvier 2021 gestionnaire de la 5e branche de la
Sécurité sociale, la branche Autonomie.
2
  Les vidéos et les résumés de ce séminaire sont à retrouver sur le site de la DREES : drees.fr

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Table des matières
 Structuration de l’appel à projets (résumé des axes) ........................................................................... 3
 Champs de l’appel à projets : ................................................................................................................ 3

Critères d’éligibilité des projets : .................................................... 4
 Critères d’exclusion des projets ............................................................................................................ 4
 Financements et conseil scientifique .................................................................................................... 5
 Responsable scientifique du projet ....................................................................................................... 5
 Attendus et engagements des équipes ................................................................................................. 6
 Organisme responsable du projet de recherche ................................................................................... 6

Délais et modalités pratiques de réponse à l’AAP ........................... 7
 Procédure de sélection.......................................................................................................................... 8

Présentation générale .................................................................... 9
 Axe 1 : Transformation de l’action publique : des nouvelles technologies aux nouvelles approches ?
 ............................................................................................................................................................. 12
 Axe 2 : La (re)spatialisation des actes : du guichet/cabinet/agence au domicile ? ............................ 15
 Axe 3 : Outils numériques et aides technologiques, autonomie des personnes et inégalités sociales
 ............................................................................................................................................................. 17
 Axe 4 : L’évaluation des technologies numériques : de la mesure de leurs effets à la compréhension
 de leurs usages ? ................................................................................................................................. 19

Annexes ....................................................................................... 22
 Bibliographie indicative ....................................................................................................................... 22
 Liste des séances du séminaire et interventions................................................................................. 24

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Structuration de l’appel à projets (résumé des axes)
Parmi les priorités identifiées par la MiRe/Drees et ses partenaires, le présent appel vise les
thématiques suivantes :

      Axe 1 : Transformation de l’action publique : des nouvelles technologies aux nouvelles
       approches ?
      Axe 2 : La (re) spatialisation des actes : du guichet/cabinet/agence au domicile ?
      Axe 3 : Outils numériques et aides technologiques, autonomie des personnes et inégalités
       sociales ;
      Axe 4 : L’évaluation des technologies numériques : de la mesure de leurs effets à la
       compréhension de leurs usages ?

Champs de l’appel à projets :
Les recherches devront s’inscrire dans un ou plusieurs axes proposés par l’appel à projets.
Celui-ci couvre trois champs : la santé, l’autonomie (qui englobe les questions liées au
handicap et à l’âge, la « dépendance ») et l’accès aux droits sociaux. Les projets doivent
s’inscrire dans au moins l’un de ces champs. Seront favorisés les projets qui considèrent des
problématiques englobant plusieurs de ces champs.
Les contributions attendues doivent relever des sciences humaines et sociales (SHS). Les
méthodes peuvent être qualitatives, quantitatives ou mixtes. La méthodologie et
l’épistémologie sont propres à chaque discipline. Les équipes ont toute latitude pour proposer
leur propre canevas méthodologique.

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Critères d’éligibilité des projets :
     Les projets doivent relever des sciences humaines et sociales (sociologie, économie,
      démographie, sciences politiques, droit, histoire, sciences de la gestion, psychologie,
      etc.). Les projets portés par des équipes pluridisciplinaires (croisement des SHS) sont
      encouragés, notamment pour permettre l’exploration croisée et l’analyse
      complémentaire des dimensions d’un même objet ;
     Les projets relevant d’une démarche de « recherche participative » c’est-à-dire
      associant d’une part les chercheurs en SHS et, d’autre part, des parties prenantes
      identifiées issues des champs de l’appel à projets (santé, autonomie, accès aux droits)
      seront considérés avec intérêt. Voir les modalités de la recherche participative dans
      l’encadré 1 ;
     L’articulation entre la problématique posée par les candidats et les axes énoncés au
      début de cet appel à recherche doit être explicitement énoncée ;
     Le projet devra être mené sur une durée maximale de 24 mois à compter de la
      notification de la convention. Les projets de recherche participative pourront
      éventuellement justifier d’une temporalité plus étendue. Les candidats présenteront
      un calendrier de recherche compatible avec cette durée. Le projet devra, le cas
      échéant, indiquer les délais prévisionnels pour les formalités relatives à l’obtention de
      données ou d’autorisations nécessaires à la réalisation de la recherche ou préciser si,
      a contrario, les obtentions sont déjà acquises.

Critères d’exclusion des projets
     Les projets ne répondant pas aux critères ci-dessus ;
     Les projets dont l’objectif est l’évaluation d’un dispositif technologique existant ou qui
      demandent une aide financière pour accompagner le déploiement d’une technologie,
      sans projet scientifique ni production de connaissances ;
     Les projets où la composante en SHS serait absente ou secondaire.

 Encadré 1 : Précisions sur la « recherche participative »

 La recherche participative désigne ici un processus de recherche qui associe les parties
 prenantes et les communautés d’un champ (santé, autonomie, accès aux droits) : patients,
 aidants, personnels administratifs, professionnels, associations, familles, etc.

 Cette pratique de recherche suppose de la part des partenaires une reconnaissance
 réciproque de leur expertise propre : les chercheurs académiques reconnaissent les savoirs

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  d’expérience des parties prenantes et les considèrent dans la démarche de recherche ; les
  parties prenantes reconnaissent l’expertise scientifique des chercheurs académiques et
  comprennent les exigences d’une démarche de recherche. Les pratiques de recherche
  participative poursuivent l’avancée de la connaissance par la collaboration d’acteurs divers
  tout en garantissant la scientificité des résultats et leur inscription dans une demande
  sociale. Ces projets sont conduits dans l’objectif d’intervenir sur les réalités sociales en les
  explicitant, en proposant des pistes d’action et en participant à l’empowerment des acteurs
  impliqués. Ils sont susceptibles d’associer les parties prenantes à toutes les étapes de la
  recherche (construction de la question de recherche et du protocole de recherche, recueil,
  analyse des données, valorisation et diffusion des résultats). A minima, les projets de
  recherche participative doivent associer les parties prenantes à la construction de la
  question de recherche, ainsi qu’à la valorisation et la diffusion des résultats.

  Les équipes veilleront à bien expliciter dans leur projet, le rôle de chacun, les modalités
  d’association des parties prenantes, et les moyens mis en place pour garantir une réelle
  implication des parties prenantes.

Financements et conseil scientifique
Cet appel à projets de recherche est financé par la DREES, la CNSA et la CNAF.

Chaque projet retenu pourra prétendre à un financement maximum de 100 000 euros,
excepté les projets de recherche participative qui peuvent prétendre à une subvention
maximale de 130 000 euros. L’enveloppe supplémentaire accordée au projet de recherche
participative vise exclusivement à couvrir les frais supplémentaires et spécifiques liés à la
conduite de ce type de projet, et devront être dument justifiés par les candidats (tâches de
coordination, mise en place de dispositifs de participation dans le cadre de la conduite de la
recherche, etc.)

La sélection des projets sera assurée par un conseil scientifique dont la composition regroupe
les membres financeurs et des chercheurs sélectionnés pour leurs compétences dans les
domaines de l’appel à projets. Elle tiendra compte du souhait de la DREES et de ses partenaires
de répartir leurs financements entre les quatre axes et entre les trois champs (santé,
autonomie, accès aux droits).

Responsable scientifique du projet
      Le responsable scientifique du projet de recherche doit être membre d’un laboratoire
       relevant d’un organisme de recherche. Est considéré comme organisme de recherche,
       une entité, quel que soit son statut légal (organisme de droit public ou privé) ou son
       mode de financement, dont le but premier est d’exercer des activités de recherche et
       de diffuser leurs résultats par l’enseignement, la publication ou le transfert de

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       technologie ; les profits sont intégralement réinvestis dans ces activités, dans la
       diffusion de leurs résultats ou dans l’enseignement ;

      Le responsable scientifique peut déposer un seul projet dans le cadre de cet appel ;

      Il peut présenter des projets réalisés en partie par des doctorants, des post-doctorants,
       etc. ;

      Le responsable scientifique ne peut pas être membre du comité scientifique
       d’évaluation de l’appel à projets ;

      Dans le cadre de projet de recherche participative, les modalités de participation des
       parties prenantes à la gouvernance de la recherche seront considérées avec attention.

Attendus et engagements des équipes
Au cours des 24 mois (ou plus le cas échéant si recherche participative) de financement du
projet, les équipes participent à la réunion de lancement ainsi qu’à deux réunions d’étapes au
moins, pendant lesquelles chaque porteur de projet (ou représentant de l’équipe) fera part
de ses avancées. Les équipes pourront également être invitées à présenter leurs travaux dans
des évènements organisés par les financeurs (réunions, séminaires, colloques, etc.). Cette
procédure assure une discussion des méthodes et des résultats partiels et entre les équipes
une cohérence entre les recherches. Enfin, au terme du financement, il est attendu des
équipes qu’elles fournissent plusieurs documents, dont un rapport scientifique présentant les
principaux résultats et une synthèse assortie de recommandations susceptibles d’aiguiller les
politiques publiques selon les domaines traités ainsi qu’un poster.

Organisme responsable du projet de recherche
      L’organisme responsable du projet de recherche peut présenter un projet fédérant
       plusieurs équipes de recherche, relevant de préférence de disciplines différentes, à
       condition qu’il soit alors le seul contractant pour l’ensemble des équipes. Le projet
       peut aussi s’appuyer sur une coopération avec les parties prenantes (voir notamment
       l’encadré sur la recherche participative) ;

      Il est responsable devant la DREES de l’avancement du projet, de la transmission des
       rapports scientifiques et financiers, et du reversement des fonds aux parties
       prenantes ;

      Un même organisme peut déposer plusieurs projets d’équipes différentes.

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Délais et modalités pratiques de réponse à l’AAP
Le texte de l’appel à projets et le dossier de réponse sont disponibles :

      Sur le site de la DREES : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/article/usages-des-
       technologies-numeriques
      Sur demande auprès de valentin.berthou@externes.sante.gouv.fr

Le dossier de réponse et le budget financier, ainsi que les pièces justificatives, devront
parvenir (l’envoi électronique faisant foi) :

      Avant le vendredi 2 juillet 2021 à minuit (heure de Paris), par messagerie
       électronique, au format Word pour le dossier de réponse et au format Excel pour le
       budget financier, à l’adresse suivante : valentin.berthou@externes.sante.gouv.fr

      Et suivront 1 original avec les signatures et 2 copies :

           o   Soit par la poste, avant le 9 juillet 2021 :
                              À l’attention de Valentin BERTHOU
                            Ministère des Solidarités et de la Santé
                                       DREES/SEES/MiRe
                            14 Avenue Duquesne, 75007 Paris 07 SP

           o   Soit par dépôt, contre récépissé, le 8 juillet 2021 au Ministère à
               Montparnasse :
                                  Auprès d’Isabelle Philippon
                              Ministère des Solidarités et de la Santé
                                        DREES/SEES/MiRe
                       10, place des 5 martyrs du lycée Buffon, 75014 Paris
                                       Tél : 01.40.56.80.68

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Procédure de sélection
L’évaluation des projets sera effectuée par un comité scientifique composé de chercheurs,
d’experts et de représentants de la DREES, de la CNAF, de la CNSA et de ses partenaires,
qualifiés sur les questions traitées. Elle s’appuiera sur deux rapports écrits réalisés par des
experts du champ et il tiendra également compte de l’orientation scientifique de la DREES et
de ses partenaires de financer des projets dans chacun des quatre axes et dans chacun des
champs de cet appel.

Les projets de recherche seront évalués selon les critères suivants :

   1 L’adéquation de la problématique du projet avec les objectifs de l’appel à projets de
     recherche ;

   2 La pertinence, l’originalité et la qualité scientifique du projet par rapport aux travaux
     existants ;

   3 L’adéquation de la méthodologie aux objectifs et aux hypothèses du projet ;

   4 La faisabilité du point de vue de l’accès aux données, du calendrier, de la durée du
     projet ;

   5 La composition et la qualité de l’équipe ;

   6 L’adéquation du budget prévisionnel au projet ;

   7 Pour les projets de recherche participative, la qualité des modalités d’association des
     parties prenantes, ainsi que de la spécification des rôles de chacun.

Renseignements administratifs et scientifiques auprès de :
valentin.berthou@externes.sante.gouv.fr

Les résultats de la sélection des projets seront communiqués à partir de fin septembre 2021.

À l’issue de la procédure de sélection, les projets de recherche retenus feront l’objet d’une
subvention de recherche de la part de la DREES. Celle-ci sera allouée à l’organisme porteur
du projet, pour la réalisation dudit projet.

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Présentation générale

Les transformations significatives suscitées par des technologies numériques
     Le rôle de certaines technologies numériques connaît, à la faveur de la pandémie de Covid-19,
une importante couverture médiatique, représentative d’une partie de la montée en puissance de leurs
usages. C’est le cas, par exemple, des actes de télémédecine (consultation d’un professionnel de santé
à distance) qui ont très significativement augmenté pendant les confinements ou lors du déploiement
de l’application « Tous anti-covid » permettant un traçage des personnes contaminées. D’autres
secteurs et d’autres technologies, moins visibles du grand public, ont également joué un rôle important ;
par exemple la comptabilité en temps réel du nombre de patients hospitalisés et des actions prioritaires
à mener en santé publique. Cette crise est également révélatrice de notre rapport à des technologies
numériques tels que les accès à distance aux services publics.
     Cependant, l’effet de loupe médiatique de la pandémie ne doit pas masquer un paysage qui se
transforme durablement depuis plusieurs années maintenant via le développement et le déploiement
de technologies numériques, sous l’effet des politiques publiques, notamment. C’est le cas en particulier
des champs de la santé, du handicap, de la dépendance et des prestations sociales.
      Les innovations numériques se caractérisent par un trait essentiel : l’information dématérialisée,
accessible instantanément et en tous lieux. La « donnée » constitue une nouvelle matière première que
les algorithmes classiques ou d’apprentissage (d’Intelligence artificielle) sont amenées à traiter. Il en
découle des applications multiples allant de la délégation de tâches à la prise de décision. Les
technologies sont souvent teintées de « promesses technoscientifiques » (Joly, 2010 ; Tournay, Leibing
et al., 2010) augurant, par exemple, une santé de précision plus prédictive et plus personnalisée
(Guchet, 2018). Le discours est également dominé par des formes de « solutionnisme technologique »
(Morozov, 2014) qui masquent une réalité plus complexe.
     Cet appel à projets propose d’abord de considérer la grande diversité des objets, des dispositifs et
des outils correspondants, et leurs applications multiples pour contextualiser correctement leurs usages
dans les champs de la santé, de l’autonomie et des prestations sociales. À ce titre, on entend ici un
ensemble vaste de technologies dont les frontières ne sont pas complètement délimitées [voir
encadré 2]. Chaque technologie conduit à penser les usages de manière très différenciée. L’exemple
des bracelets de géolocalisation pour les personnes dépendantes conduit à réfléchir aux modifications
du travail des professionnels de l’accompagnement médico-social, le cadre juridique d’intervention de
ces outils, les questions éthiques posées lorsque les dispositifs servent à contrôler l’activité,
l’hébergement des données3, etc.

            Encadré 2 : Focus indicatif sur quelques grandes catégories de technologies

           Les technologies de mise à distance : télémédecine, télésurveillance, téléassistance, télédiagnostic,
            etc. ;
           L’intelligence artificielle et le développement des algorithmes de traitement automatique des
            données (et son corollaire Big Data) ;
           La robotique sociale ou d’assistance, la robotique de compensation, des troubles moteurs
            (exosquelettes, par exemple) ou sensoriels, etc. ;
           Les dispositifs d’automesure : santé connectée, m-santé, technologies du quantified self, etc. ;
           Les systèmes d’informations interconnectés : systèmes d’information d’établissements hospitaliers,
            d’administrations publiques ou d’infrastructures nationales à l’instar du Dossier Médical Partagé
            (DMP), déploiement du dossier usager informatisé (DUI) dans les établissements et services
            médico-sociaux (ESMS) et les organismes gestionnaires ;

3
  De nombreuses problématiques apparaissent dans un rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de
l’âge : www.hcfea.fr

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           Les technologies d’assistance aux personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap :
            systèmes domotiques, objets connectés, gérontechnologies, technologies du care, etc4. ;
           Les technologies dans la biologie : séquençage du génome, technologies pour une médecine de
            précision ;
           Les interfaces numériques de mise en lien dans le cadre des programmes de dématérialisation des
            services publics et de constitution de guichets virtuels.

      En second lieu, la plupart de ces technologies numériques ne sont pas véritablement nouvelles.
La naissance de la discipline traitant la question de l’intelligence artificielle remonte ainsi aux
années 1960 et connaît de nombreux cycles de développement (Cardon, Cointet et Mazière, 2018 ;
Vayre, 2018). Ce n’est qu’à la faveur d’un contexte social, politique et technologique en transformation
que ce domaine retrouve aujourd’hui une actualité majeure, institutionnalisée notamment par la
publication du rapport Villani5. Aussi diverses et innovantes soient-elles, les technologies numériques
sont donc construites sur des briques techniques antérieures, auxquelles il importe de faire référence
pour rendre compte des agencements socio-techniques qui leur ont donné naissance. De plus, toutes
les technologies ne sont pas comparables en termes de niveau de maturité. Plusieurs technologies font
l’objet d’expérimentation ou sont en voie de généralisation dans le cadre de projets locaux ou nationaux
(par exemple le programme Territoires de Soins Numériques [TSN] 6 lancé en 2014, l’expérimentation
Big data de la CNAF7, le projet « Ma Santé 20228 », etc.). D’autres, en revanche, sont pleinement
déployées et commercialisées, et leur existence est juridiquement actée.
      Au-delà du stade de développement technologique, une contextualisation permet d’éviter de
survaloriser le poids des technologies tantôt annoncées comme « disruptives », tantôt comme invisibles
et sans effets sur le social. L’appel à projets propose d’appréhender les technologies numériques
comme des facteurs de transformation en cherchant à identifier ce qui est l’ordre du changement. Pour
le dire autrement, il s’agirait de comprendre la façon dont les innovations correspondantes s’inscrivent
quotidiennement dans des contextes et des usages « déjà là » (Gaglio, 2010).

Vers une prise en compte systémique des technologies numériques
         Pour décrire et analyser l’effet des technologies numériques, l’approche systémique de l’activité
(Denis, 2009) permet de saisir les changements provoqués à de multiples niveaux. Cette perspective
pourrait permettre de problématiser précisément les enjeux croisés des technologies numériques, que
celles-ci soient analysées à un niveau microsocial (le quotidien des professionnels, les activités des
usagers d’un service, etc.), à un niveau mésosocial (le fonctionnement d’une organisation, d’un collectif
d’acteurs, etc.) ou à un niveau macrosocial (les dynamiques institutionnelles, les orientations et
réformes des interventions sociales, l’effet des programmes de changements organisationnels, etc.).
Par exemple, la télésurveillance peut-elle s’analyser simplement en termes de contribution à la sécurité
des personnes ? Pour éclairer d’éventuelles positions de retrait, ne faut-il pas simultanément faire
référence aux politiques de maintien à domicile (priorités, moyens, etc.) et aux changements identitaires
que ces outils impliquent (mise en évidence explicite des vulnérabilités individuelles). Quelles que soient
les approches proposées, elles devront aider à mieux comprendre les usages des technologies
numériques en tenant compte des multiples recompositions en cours.

4
  Le cas des gérontechnologies, des technologies du care ou de la domotique recouvre moins des technologies
spécifiques qu’un positionnement en fonction des activités et du public ciblé. Par exemple, la domotique
correspond ainsi à des technologies déployées au domicile, mais comporte en réalité différents outils : objets
connectés, capteurs, réseaux d’informations, etc.
5
  Le rapport Villani a été commandé par E. Macron en 2017 pour mener une enquête prospective sur l’IA et ses
débouchés. Le rapport s’intéresse à différents champs d’application (santé, défense, technologies, etc.) et peut
être considéré comme un tournant institutionnel dans la prise en compte plus directe des technologies d’IA.
URL : enseignementsup.fr
6
  solidarites-sante.gouv.fr
7
  CF (Chevallier et Tauber 2017)
8
  solidarites-sante.gouv.fr

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        Une autre façon d’appréhender les technologies numériques pourrait être de le faire en termes
de « milieu » (Stiegler, 1994) pour dépasser une approche par les outils en jeu. Il s’agirait de proposer
un cadre d’analyse permettant de penser la transformation des relations entre les acteurs en présence,
comme le requiert l’inscription dans un parcours de soins, le déroulement d’un accompagnement ou
une démarche d’accès à des prestations sociales. Comment et à quel degré les outils numériques
modifient-ils ces relations entre professionnels et/ou entre particuliers et professionnels ? De manière
plus large, jusqu’à quel point les nouvelles formes d’interaction mettent-elles en jeu les organisations
dans leur ensemble, les représentations et les identités professionnelles ? Cette perspective pourrait
également conduire à questionner les phénomènes d’apprentissage et d’appropriation des technologies
en les analysant non seulement au niveau de la maîtrise individuelle des outils numériques, mais
également à travers leur acquisition au sein de collectifs.
        Les travaux sur les « usages » des technologies numériques devront donc examiner la diversité
des pratiques et la profondeur des transformations qui en découlent : les façons de travailler entre
professionnels, mais aussi les relations avec les usagers/patients/personnes.
      Au-delà d’un éclairage contextualisé des usages, les projets proposés devront s’attacher à croiser
les différents niveaux sur lesquels jouent les technologies numériques. Les approches faisant appel à
plusieurs champs seront valorisées.

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Axe 1 : Transformation de l’action publique : des nouvelles
technologies aux nouvelles approches ?
Mots-clés : santé numérique, big data ; administration dématérialisée ; prise en charge ;
organisations ; services publics ; dématérialisation ; prestations sociales ; ayants droit ; allocataires ;
automatisation ; colloque singulier ; médecine de précision ; assurés.

     Cet axe s’intéresse à la manière dont les technologies numériques transforment en profondeur les
modalités de prise en charge des patients, d’accompagnement des personnes en situation de handicap
et des personnes en perte d’autonomie et d’accès aux prestations sociales. Présentées comme un
ensemble d’outils permettant d’améliorer l’efficacité et l’efficience du fonctionnement des organisations
des champs correspondants, ces technologies sont également porteuses d’enjeux plus larges.
      On peut en percevoir des manifestations significatives à travers les expressions de « santé
numérique », « administration dématérialisée » ou « accompagnement à distance ». Elles reflètent des
changements qui ont des incidences importantes sur les usages des professionnels comme des
particuliers. En effet, si ces expressions marquent des organisations en évolution, on peut se demander
dans quelle mesure elles ne désigneraient pas également de nouveaux référents qui fondent les
systèmes de protection ? Cela concernerait, d’une part, la manière de concevoir les missions
traditionnelles, par exemple à travers l’exploitation des données collectées et, d’autre part, la façon
d’organiser les services, par exemple en instaurant de nouveaux modes de relation. Tout en recherchant
une maîtrise des coûts de gestion, il s’agirait pour les politiques publiques de permettre une
appréhension plus globale et plus ajustée aux besoins et aux situations individuelles. Concomitamment,
on assisterait à l’émergence de types de relations plus anonymes qui découlent des formes de
médiation liées aux outils numériques. De même, la circulation de l’information censée être plus aisée
buterait sur de nouveaux obstacles mis à jour par les usages. Qu’en est-il des modes de coordination
numérisés au sein des organisations et entre organisations concourant à la délivrance des services et
des prestations ?

Enjeux généraux et usages pratiques des technologies numériques
       Premier axe d’intérêt, les projets peuvent interroger les transformations générales que les
technologies numériques induisent ou requièrent au sein des dispositifs publics d’intervention. Quelles
approches du système de santé sont sous-tendues à travers la notion de « santé numérique » ? Quelles
conceptions de l’accompagnement de la perte d’autonomie et du handicap s’instaurent-elles avec le
développement des aides techniques ou de la robotique ? En matière d’accès aux droits, l’attention peut
porter sur l’incidence que pourrait avoir le passage d’un principe de droit quérable à celui d’un droit
portable — c’est-à-dire d’automaticité des droits — sur la représentation même des droits. Quels en
seraient les effets sur la connaissance des règles et sur l’adhésion aux principes de solidarité qui les
fondent ? À travers le passage de la prévention du non-recours à l’octroi automatique de prestations, la
transformation progressive des principes juridiques qui président à leur octroi mérite d’être posée
(Camaji, 2019). L’analyse de dispositifs fondés sur des droits portables mis en place dans des pays
étrangers pourrait être particulièrement intéressante. Dans cette perspective, l’administration
dématérialisée et le guichet numérique conduisent à une évolution du rapport d’obligation puisque la
maîtrise des outils numériques pour s’informer, remplir des formulaires ou transmettre des pièces
justificatives, prendre un rendez-vous, ou simuler des droits devient impérative (Mazet, 2019).
L’extension des services en ligne se double de la prise de rendez-vous pour l’accueil physique ou de
son déplacement dans des tiers-lieux partenaires, souvent plus généralistes (Points d’information
Médiation Multi-services [PIMMS], etc.). Quelles incidences sur l’accès aux droits peut avoir cette
évolution de l’organisation ? Comment les logiques de la proximité et de l’accessibilité sont-elles
recombinées (Deville, 2018) ?
      En deuxième lieu, ces nouvelles approches mettent en jeu à la fois la collecte d’informations
massives et leur traitement (Big data). Cela interroge la gouvernance par les nombres et les probabilités,
c’est-à-dire la manière dont les institutions déploient des programmes de santé publique et
d’accompagnement en se fondant sur la collecte et l’analyse automatiques de données. Deux séries de
questionnement en découlent. D’une part, un approfondissement des analyses centrées sur les
modalités de prévention et d’aller-vers grâce aux outils numériques. Quels changements concrets

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apparaissent à travers la gestion des dossiers à l’aide d’algorithmes ? En effet, ils permettent d’avoir
des retours d’informations importants. Pour autant, sont-ils également transformateurs dans la manière
d’anticiper et de mieux réguler les pathologies médicales, les phénomènes de non-recours,
l’accompagnement de la perte d’autonomie et du handicap ? D’autre part, comment se posent et sont
traitées les nouvelles questions éthiques liées à la collecte d’informations plus ou moins automatisée,
notamment, auprès de personnes en perte d’autonomie et en situation de handicap. Enfin, l’intervention
d’acteurs privés, à l’instar des GAFAM9 aux possibilités technologiques de traitement de l’information
supérieures à celles des agences étatiques et gouvernementales n’introduit-elle pas un type de relations
radicalement différent de celui établi historiquement entre un service public et ses usagers ?

Quelles transformations organisationnelles ?
      Du point de vue plus concret des organisations, il s’agit d’examiner comment l’usage des
technologies numériques interroge les formes traditionnelles d’organisations « en silo ». Des analyses
portant sur des approches plus transversales, les conditions de leur mise en place et leur
fonctionnement concret sont particulièrement bienvenues. Comment ces nouvelles organisations
mettent-elles en relation les différents champs de l’action sanitaire, sociale et médico-sociale (soin-
care ; soins intégrés ; accès aux prestations et accompagnement social/professionnel) ? Ou bien au
contraire, les outils informatiques et les systèmes de données spécifiques ne reproduisent-ils pas, voire
ne rigidifient-ils pas, les frontières organisationnelles traditionnelles ? Observe-t-on des redéfinitions de
périmètres d’action, de relations de pouvoir entre acteurs ? Qu’en est-il des contours des métiers et des
identités professionnelles ? À quels obstacles particuliers les transformations organisationnelles
découlant de programmes imposés (la digitalisation) se heurtent-elles ? Quelle analyse faut-il
développer concernant les innovations qui naissent au sein même des équipes et qui se diffusent
ensuite dans les organisations ? Il faut également tenir compte du fait que toutes les organisations ne
sont pas au même stade d’intégration des outils numériques dans leur fonctionnement ? Qu’en est-il
des difficultés de coordination pour l’accompagnement des personnes ?
      Des approches comparatives entre les organisations de soins, celle du champ de l’autonomie et
de l’accès aux prestations sociales seraient particulièrement intéressantes dans la mesure où elles
conduiraient à préciser les problèmes généraux qui se trouvent posés, au-delà des spécificités
découlant de la diversité des domaines et des populations en jeu.

Quelques pistes de recherche possibles dans les différents champs
      Dans le champ de la santé, la médecine prédictive et la médecine personnalisée renvoient à
l’établissement des diagnostics et des traitements thérapeutiques en fonction du profil biologique ou
génétique de chaque patient (Guchet, 2017). Leur mise en œuvre implique l’intervention de biobanques,
centre de ressources qui collectent, stockent, traitent et cartographient les cellules du vivant. Dans
quelle mesure l’affinement d’un diagnostic et la définition d’un traitement sur une base probabiliste
transforme-t-elle la relation traditionnelle reposant sur le colloque singulier patient-soignant ? Selon
quels modèles de médiation cette médecine personnalisée fonctionne-t-elle ? Qualifiée parfois de
« médecine de précision », cette approche biomédicale questionne l’articulation avec des approches de
santé publique et les stratégies que développent les acteurs qui la portent. Les outils numériques
n’accroissent pas, par leur seule implantation, la coordination entre les acteurs en présence. Quels sont
les modèles organisationnels favorables aux approches transversales et collaboratives qui favorisent
une réelle appropriation par les professionnels ? Quels sont ceux qui parviennent à gérer les
phénomènes d’augmentation incessante du volume d’informations à traiter (Minvielle, Gallopel-Morvan,
Januel, Waelli, 2018) ? Dans ce cadre, comment interviennent les instruments de télé-médecine ou
ceux permettant une mise en commun des données (par exemple le Dossier Médical Partagé) ? De
même, quelle est la contribution des outils numériques à l’organisation des parcours de soins ?
     En matière d’accès aux prestations sociales, des travaux sur la mise en œuvre des technologies
numériques pourraient porter attention aux usages concrets de la collecte de ces données toujours plus
précises et enrichies par croisement, requêtage ou échanges de fichiers. Comment contribuent-elles à
l’amélioration des services rendus aux usagers actuels et potentiels (détection des situations de non-
recours, des publics fragiles pour proposer des services adaptés d’accompagnement, etc.) ? Quelles

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    Acronyme désignant les principaux géants occidentaux du web : Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

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formes de collaboration permettent-elles entre les services de gestion des droits et d’action sociale ?
Quelle place offre-t-elle au contrôle des droits et des situations ? Un effet de la dématérialisation n’est-
il pas d’opérer des délégations informelles de l’accompagnement administratif des personnes en
situation précaire vers d’autres acteurs moins spécialisés (associations caritatives, PiMMs, Centres
Communaux d’Action Sociale [CCAS], etc.) ? Les travaux pourraient aussi rendre compte des effets
des analyses menées à partir des Big Data en comparaison de données très hétérogènes issues de
différents systèmes (voire croiser des analyses de type « dossiers papiers » et tableaux statistiques,
etc.). Enfin, en miroir, la question de la robustesse/fragilité de ces systèmes qui reposent sur le
numérique mériterait d’être analysée : est-ce que les organisations qui mobilisent ces outils construisent
des dispositifs d’alerte pertinents, des dispositifs de surveillance de l’erreur informatique, ou encore de
système de secours ?
      Dans les établissements sociaux et médico-sociaux, il conviendrait d’observer la manière dont le
virage numérique s’opère. Premièrement, du point de vue de l’organisation des services de care et de
leur connexion avec les partenaires extérieurs du soin et de tout autre institution faisant la vie d’une
personne et de son autonomie (éducation nationale, services publics de l'emploi, activités parascolaires,
de loisirs, de sports, etc.). Et d’autre part, du point de vue des personnes accueillies. Quelles sont les
contributions apportées à l’amélioration de leur qualité de vie, à la lutte contre l’isolement, à l’ouverture
de nouveaux horizons géographiques, artistiques, sociaux ?

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Axe 2 : La (re)spatialisation des actes : du
guichet/cabinet/agence au domicile ?
Mots-clés : télémédecine ; accessibilité numérique ; domicile ; spatialisation ; téléconsultation ;
espaces ; territoires ; recomposition ; mise en lien ; réseaux ; domicile ; agence ; guichet ; technologies
domotiques ; technologies du care.

      La soudaine augmentation de l’usage des technologies de mise en lien à distance pendant
l’épidémie de covid19, à l’instar des téléconsultations de soin, a révélé de larges possibilités offertes
par les technologies du « télé ». La mise à distance des individus (relation de soin, de service,
d’accompagnement) pose de nouvelles questions sur la spatialité des territoires et des actions que les
projets pourraient aborder. De quelle manière les technologies du « télé » reconfigurent-elles les
espaces ? Ces transformations sont particulièrement visibles dans le domaine de l’accès aux services
publics, en mutation vers des solutions de plus en plus numérisées depuis maintenant dix ans. Les
services dématérialisés, en réponse à des problématiques d’accès géographique promettent des points
d’accès facilités, des conditions d’accès plus équitables en fonction des zones d’habitation et un meilleur
vecteur d’efficacité.
      Un point fondamental dans la diffusion des technologies numériques de mise à distance réside
dans la transformation des relations sociales qu’elle implique. La réduction des relations de face-à-face
en co-présence physique s’envisage comme un changement profond qui touche la nature même des
relations sociales. Pour l’accès aux prestations sociales, que révèle l’accueil au guichet par rapport aux
démarches en ligne ? Celles-ci ne semblent pas à même de répondre aux difficultés rencontrées par
un public qui cumule des fragilités et des difficultés de nature diverse et est souvent éloigné du
numérique pour ses relations administratives. En quoi le guichet à domicile ne permet-il pas d’inscrire
une situation particulière dans un cadre réglementaire et procédural général ?
      Dans le domaine du soin avec les téléconsultations, on s’interroge sur l’affaiblissement du
colloque singulier qui régissait la relation traditionnelle entre un médecin et son patient. Plutôt qu’à des
effets de substitution, on assiste plus généralement à des phénomènes d’adaptation où les technologies
s’encastrent dans les relations sans les faire disparaître. Les usages des technologies numériques
viennent modifier les interactions des individus, d’abord entre eux, mais aussi entre eux et les
organisations. Ne s’agit-il pas là d’un vecteur de transformation de la structuration des professionnels
entre eux et des liens entre les organisations qu’ils représentent ? Par extension, on peut se demander
dans quelle mesure les technologies numériques tendent à modifier les statuts professionnels dont les
périmètres d’activité sont redessinés.
     Les projets devront porter sur la (re) spatialisation des actes en prenant comme point de départ
les possibilités technologiques de mise à distance des individus pour explorer les nouvelles situations
qui se font jour. Les transformations peuvent s’envisager à de multiples niveaux en prenant appui sur
les usages des technologies (micro-social) : quelles sont les nouvelles compétences demandées aux
usagers ou aux professionnels ? En retour, comment les nouvelles tâches (qui sont des fonctions ou
des missions) viennent à leur tour redistribuer le travail et redessiner le paysage institutionnel (macro-
social) ?
       Parmi les aspects majeurs de la transformation des espaces, la colonisation du domicile par des
technologies d’assistance (soin, autonomie, handicap, accès aux droits par des services digitalisés)
constitue un point important. Dans quelle mesure le transfert d’activités vers le domicile modifie-t-il la
spatialité des espaces privés et fait-il reposer sur ses occupants de nouvelles attentes, de nouvelles
fonctions, une nouvelle charge ? On pense notamment aux cabines de télésurveillance qui contrôlent à
distance des constantes vitales d’un patient et en automatisent la transmission de résultats. Les
dispositifs d’automesure comme les testeurs connectés de glycémie, ou les appareils de mesure
automatique, modèlent un nouvel écosystème d’activités et de responsabilité où on observe souvent un
report de la charge de travail et de la responsabilité sur l’usager. Ce dernier est ainsi sommé d’être plus
actif, plus participatif et dans certains cas, il doit devenir un entrepreneur de sa santé (Veit, 2017). Dans
quelle mesure la décentralisation des usages au domicile s’inscrit-elle comme une nouvelle manière de
se représenter le travail de l’usager ?
    La robotique sociale, elle aussi, tend à recomposer les liens en permettant de nouvelles sociabilités
numériques ou des transmissions avec l’entourage par le biais d’appareils de visio-conférence
embarqués. Il s’agit aussi de technologies de surveillance permettant un suivi (ou un contrôle) à distance

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des activités de la personne dans son domicile. L’ensemble de ces technologies numériques sont des
exemples qui redessinent un centre de gravité articulé autour du domicile. Celui-ci en devient-il un
espace ouvert ? À l’inverse, comment les interventions publiques se trouvent-elles en quelque sorte
privatisées ? Si cette hypothèse d’un recentrement de la prise en charge à domicile, comme foyer
d’activité du soin ou de l’accès aux droits est avéré, c’est plus généralement le rapport aux institutions
(spécialisées) qui s’en voit modifié.
      La centralité du domicile et l’évolution des technologies dites domotiques de mise en réseau avec
les professionnels viennent modifier les schémas d’activité, par exemple en renforçant le travail
ambulatoire ou les activités du care. Dans une dimension plus large que le soin, le recentrage de la
relation sur le domicile, conçu comme nouvel espace politique, correspond probablement à un
basculement plus profond de la manière avec laquelle l’État déploie ses services publics. La réduction
des guichets physiques provoque un report de l’activité sur l’usager à son domicile. Il ne s’agit pas ici
uniquement d’un déport géographique des activités ou un simple basculement vers de nouvelles
interfaces, le changement s’opère au niveau des représentations et des actes. Ainsi, on peut se
questionner autour de la construction de nouvelles représentations par les usagers dans un contexte
dématérialisé : a-t-on la même perception des possibilités d’aides et d’accompagnement ? Qu’implique
un recentrement des aides par outils numériques personnalisés par rapport à une relation de guichet ?
      De manière plus générale, la (re)spatialisation implique des dimensions politiques qui re-
questionnent la manière de prendre en charge les usagers, les patients, les demandeurs. De
nombreuses technologies ont été portées comme des possibilités supplémentaires d’accompagnement
des personnes, de mise en lien des usagers avec des institutions distantes, de possibilités offertes pour
de meilleurs accompagnements (plus efficaces, plus faciles, plus « proches » malgré la distance
géographique). Or ces programmes de numérisation déplacent les frontières des relations. Peut-on dire
de la prise en charge qu’elle est plus individualisée avec les technologies numériques ? C’est bien ici,
au-delà de son efficacité, la transformation des services publics qui peut constituer un focus particulier
de l’analyse.
      La numérisation des services publics et administratifs a redonné au domicile des citoyens un statut
de quasi-guichet. Cependant, les inégalités d’usages en matière d’appropriation des services
numériques sont importantes et qualitatives. L’usage des technologies apparaît très nettement
différencié selon les caractéristiques socio-démographiques des personnes (âge, sexe, profession,
handicap, perte d’autonomie, etc.). La fracture numérique ne s’exprime quasiment plus maintenant en
termes d’équipement des ménages ou d’accès aux infrastructures Internet, mais prend la forme
d’«illectronisme10 », parfois associé à l’illettrisme. Le vecteur numérique accentue la nécessité de
maîtrise du français (lecture, écriture et compréhension) pour les usagers (Kesteman, 2020). Ainsi, la
dé-spatialisation est aussi un révélateur et un facteur aggravant des inégalités sociales pré-existantes.
L’épidémie de covid a, par exemple, montré l’ampleur des non-recours aux aides sociales, notamment
à cause des difficultés d’usage des guichets dématérialisés. Partant de ce constat, la dimension éthique
du déploiement des technologies qui contribuent à la dé-spatialisation mérite attention. La question des
inégalités sociales est plus directement traitée dans l’axe suivant.

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  « L’“illectronisme” est un néologisme né de la contraction des notions d’illettrisme et d’électronique. Il renvoie
à la fracture numérique qui selon une étude menée par le syndicat de la presse sociale (sps) et l’institut CSA
concerne près d’un quart des français. », selon le rapport sur l’illectronisme et son Livre Blanc :
primabord.eduscol.education.fr

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