Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier

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Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
Artavazd EXPOSITION
 24 OCTOBRE 2020
 → 25 AVRIL 2021

 Pelechian
 Trois films d’un
cinéaste légendaire

 La Nature

 Dossier de presse
 fondationcartier.com — 261, boulevard Raspail – 75014 Paris
Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
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261, boulevard Raspail 75014 Paris

← Couverture : Artavazd Pelechian, La Nature, 2020. © Artavazd Pelechian. DR.
Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
03 ARTAVAZD PELECHIAN,
 LA NATURE

04 BIOGRAPHIE

06 FILMOGRAPHIE

08 VISUELS PRESSE

10 
 CONVERSATION ENTRE ARTAVAZD
 PELECHIAN ET JEAN-LUC GODARD

12 E
  XTRAITS DE MOYO KINO
 PAR ARTAVAZD PELECHIAN

17 PROGRAMMATION 2021
20 PARTENAIRES MÉDIAS

21 INFORMATIONS PRATIQUES

Partenaires du film La Nature
 avec le soutien de
Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
La Nature
 Alors que l’on a longtemps cru sa filmographie achevée avec
 « Je suis persuadé que le cinéma peut le film La Vie en 1993, Artavazd Pelechian revient aujourd’hui
 avec un nouveau film, sobrement intitulé La Nature, à travers
 véhiculer certaines choses qu’aucune langue lequel il observe une nouvelle fois la précaire cohabitation des
 au monde ne peut traduire. Pour moi, il date communautés humaines avec leur environnement, un thème
 de la tour de Babel, d’avant la division en central dans son œuvre. Glanées sur Internet, la plupart des
 images qui constituent ce film sont des témoignages fragiles
 différents langages. » Artavazd Pelechian tournés avec des moyens amateurs au cœur de la nature et de
 ses secousses, qui régulièrement bouleversent ces communautés.
 La Fondation Cartier pour l’art contemporain est heureuse Éruptions volcaniques, tremblements de terre, tsunamis,
 d’annoncer la présentation en première mondiale de La Nature, constituent ainsi la trame visuelle du film et sont mis en regard
 le nouveau film du légendaire cinéaste Artavazd Pelechian, fruit d’images de paysages naturels grandioses. Véritable élégie
 d’une commande passée en 2005 par la Fondation Cartier et le visuelle, le film dresse le constat sans appel de la supériorité de
 ZKM Filminstitut1. Ce film est l’aboutissement de quinze années la nature, force implacable capable de surpasser toute ambition
 de travail d’un réalisateur à la filmographie aussi rare que célébrée. humaine. Le cinéaste semble ainsi nous rappeler que l’espèce
 Première exposition consacrée en France à Artavazd Pelechian, humaine ne sortira pas victorieuse du désordre écologique
 La Nature propose un dialogue inédit entre trois œuvres qu’elle a créé.
 majeures du cinéaste : La Nature, son premier film depuis vingt-
 sept ans, La Terre des hommes, l’un de ses tout premiers films Parallèlement à la projection de ce film-événement, la Fondation
 datant de 1966 et Les Saisons, ode au monde paysan réalisée Cartier propose la redécouverte de deux joyaux de la filmographie
 en 1975. L’exposition permet de mettre en lumière cet artiste du cinéaste. Les Saisons met en scène une communauté de
 majeur du septième art et son œuvre lyrique aux accents parfois paysans arméniens et témoigne du lien symbiotique qui les unit
 prophétiques. à l’environnement naturel au sein duquel ils vivent et travaillent.
 L’approche musicale du montage cinématographique d’Artavazd
 La Fondation Cartier poursuit ainsi sa collaboration de longue date Pelechian atteint avec ce film des sommets d’intensité. Avec
 avec le cinéaste. Depuis près de vingt ans, elle a développé une La Terre des hommes, film précurseur, le cinéaste observe, à la
 profonde complicité avec Artavazd Pelechian dont elle a célébré manière du Penseur de Rodin dont l’image ouvre et clôt le film,
 l’œuvre à de multiples reprises. Ses films ont notamment été la soif de progrès technologique qui anime les hommes, et dont
 présentés à l’occasion des expositions Un Art populaire (2001), témoignent, au cœur des années soixante, une grande capitale
 Ce qui arrive (2002), Les Habitants, pour le trentième anniversaire comme Moscou et ses réalisations techniques et architecturales.
 de la Fondation Cartier (2014), ainsi que lors d’expositions de la Cette célébration des promesses du progrès annonce pourtant
 collection de la Fondation Cartier à Buenos Aires (2017), Shanghai la suite de la filmographie du cinéaste qui développera une vision
 (2018) et prochainement à la Triennale de Milan (printemps 2021). plus pessimiste de cette course technologique.

 Né en Arménie, Artavazd Pelechian a créé l’essentiel de son Ainsi réunies, ces trois œuvres essentielles engagent un dialogue
 qui résonne profondément avec les enjeux du présent. Complétée
↑ 3. Artavazd Pelechian, La Nature, images du film, 2020 © Artavazd Pelechian. DR.

 œuvre à Moscou entre 1964 et 1993. Pendant près de trente
 années, au cœur du système soviétique, il réalise neuf films, courts par une salle consacrée à la vie et à l’œuvre du cinéaste, enrichie
 ou moyens métrages à la facture unique, presque exclusivement d’images et de documents d’archives, l’exposition dresse un
 en noir et blanc, constitués d’images documentaires. Archives portrait unique de ce cinéaste dont la filmographie occupe
 ou prises de vues réelles tournées par le cinéaste, ces images une place à part dans l’histoire du cinéma.
 sont retravaillées (ralenties, recadrées, inversées) et montées
 ensemble pour aboutir à de véritables poèmes visuels qui La Nature (2020) est une coproduction de la Fondation Cartier
 échappent à la distinction classique entre fiction et documentaire. pour l’art contemporain à Paris et du ZKM à Karlsruhe, avec le
 Prenant appui sur des thèmes universels, tels que la naissance, soutien de la Folks Arts Hub Foundation à Erevan.
 l’exil, ou la vie animale, chacun de ses films témoigne de la
 croyance d’Artavazd Pelechian en un langage propre au cinéma. Commissaires : Hervé Chandès et Thomas Delamarre,
 Son écriture, qui se passe de toute narration, associe subtilement, assistés de Sidney Gérard.
 et en leur accordant la même importance, l’image et la bande
 1. Zentrum für kunst und medien (Centre d’art et de technologie des médias), Karslruhe
 sonore. Ainsi qu’il l’explique en 1992 à Jean-Luc Godard : (Allemagne).
 « Je cherche un montage qui créerait autour de lui un champ 2. « Un langage d’avant Babel », conversation entre Artavazd Pelechian et Jean-Luc
 magnétique émotionnel 2. » Godard, propos recueillis par Jean-Michel Frodon, Le Monde, édition du 2 avril 1992.

 Cinéma de l’émotion, sans dialogue, sans acteur et sans histoire,
 son œuvre emporte le spectateur par son lyrisme envoûtant et Retrouvez toutes les informations sur
 pose un regard tranchant, et néanmoins plein d’empathie, sur la
 condition humaine. Découvert avec saisissement en Occident l’exposition, la programmation des Soirées
 au début des années 1980 par le critique de cinéma Serge Daney Nomades, des Nuits de l’Incertitude et des
 d’abord, puis par Jean-Luc Godard, le cinéaste trouve dès lors Ateliers Jeune Public sur fondationcartier.com
 sa place parmi les grandes figures du cinéma mondial.

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Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
Biographie

 1938 1966 1969
Artavazd Pelechian naît en Arménie La Terre des hommes Nous | We
à Léninakan, actuelle Gumri. Il grandit Land of the People Film 35 mm, noir et blanc, 26 min,
à Kirovakan (aujourd’hui Vanadzor) où, Film 70 mm, noir et blanc, 10 min, URSS Arménie / URSS
après une formation technique, il exerce
 Une image de la sculpture d’Auguste Hommage vibrant au peuple arménien,
successivement les métiers d’ouvrier
 Rodin, Le Penseur, ouvre et clôt La Terre Nous met en images l’exil, lhes retrouvailles,
métallurgiste et de dessinateur industriel.
 des hommes. Entre ces deux séquences, la ferveur collective, les destructions
 le film évoque en images les réalisations et reconstructions, évocateurs des
 et activités par lesquelles les humains soubresauts de l’histoire de l’Arménie.
 1963 Avec ce film, Artavazd Pelechian
 habitent la Terre.
Désormais installé à Moscou, Artavazd commence à explorer le montage
Pelechian décide d’intégrer le VGIK, « C’est le thème de la découverte à distance.
la prestigieuse école de cinéma qui a formé permanente de la beauté du monde, que
d’autres grands noms du cinéma soviétique l’homme réalise dans sa vie et dans son
comme Andreï Tarkovski, Sergueï travail, qui est développé dans le cadre 1970
Paradjanov, Alexandre Sokourov et Andreï d’une grande ville, présentée au cours
 d’une journée de labeur. Ce film démarre Les Habitants
Kontchalovski. Il y réalise ses trois premiers
 et se termine sur l’image de la sculpture The Inhabitants
films et obtient son diplôme en 1968.
 de Rodin : Le Penseur, qui tourne sur Film 35 mm, noir et blanc, 10 min,
 elle-même. Cette sculpture célèbre est Biélorussie / URSS
« Ça venait de mon être profond, de mon
regard sur le monde. Ce n’est que plus tard devenue depuis longtemps le symbole Dans ce film pionnier, des hordes d’animaux
que j’ai pu écrire ces textes sur le montage de l’expression inaltérable de la pensée sauvages, ces autres habitants de la
à distance qui exposent ma manière de humaine. » planète, fuient une menace invisible,
voir le cinéma. Je savais que ce que je que le spectateur associe progressivement
sentais, je n’arriverais à l’exprimer avec à l’emprise de l’homme sur la planète.
des mots mais qu’un des moyens serait le 1967 Première projection d’un film d’Artavazd
cinéma. » Pelechian en Occident : Nous est présenté
 Au Début au Festival international du court-métrage
 The Beginning d’Oberhausen en Allemagne où il obtient
 1964 Film 35 mm, noir et blanc, 10 min, URSS le premier prix du jury.
 Réalisé à l’occasion du 50e anniversaire
La Patrouille de la montagne « Le film est construit sur l’idée d’une
 de la révolution d’Octobre (1917), le film
Mountain Patrol relation pleine d’humanité avec la nature
 montre en parallèle des images
Film 35 mm, noir et blanc, 10 min, de la révolution russe et des séquences et le monde animal. Il est question bien sûr
Arménie / URSS des agressions perpétrées par l’homme
 évoquant l’actualité de la lutte sociale
Ce film suit un groupe de travailleurs dans les années 1960 à travers le monde. contre la nature, et de la menace que
qui dégagent quotidiennement les voies constitue la destruction de l’harmonie
ferrées pour le passage des trains dans naturelle. »
les montagnes arméniennes. Artavazd
Pelechian exalte la dignité et la rigueur
du travail manuel. 1975
 Les Saisons
 The Seasons
 Film 35 mm, noir et blanc, 29 min 59 s,
 Arménie / URSS

 Animé d’un souffle épique, Les Saisons suit
 une communauté de paysans arméniens
 dans leur labeur quotidien, accordant leur
 rapport à la nature au rythme des saisons.

 1982
 Notre Siècle
 Our Century
 Film 35 mm, noir et blanc, 48 min (1982) / 30 min
 (1990), Arménie / URSS

 Notre Siècle évoque la course aux étoiles
 dans laquelle se sont lancés au xxe siècle
 les États-Unis et l’URSS. L’utopie du rêve
 d’Icare s’y transforme en une course
 technologique effrénée.
 15. Raymond Depardon, Artavazd Pelechian, 2006 © Raymond Depardon. ↑
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Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
1983 1993 2015
Le critique de cinéma Serge Daney Vie | Life Publication en versions russe et anglaise
rencontre Artavazd Pelechian à Moscou. Film 35 mm, couleur, 7 min, Arménie / URSS de My Universe and Unified Field Theory
Il publie alors dans Libération l’un des [Mon Univers et ma théorie du champ
premiers portraits consacrés au cinéaste Vie célèbre l’instant de la naissance à unifié]. Artavazd Pelechian y développe
dans la presse occidentale, ce qui travers des images de femmes en travail une réflexion sur les notions d’espace
marque le début de sa reconnaissance et de nouveau-nés. Véritable hymne à la et de temps en lien avec ses conceptions
internationale. vie, le film fait référence à l’iconographie cinématographiques. Il fait ainsi écho
 religieuse pour évoquer le mystère de la à ce qu’il écrivait plusieurs décennies
« J’ai soudain le sentiment (agréable) mise au monde. auparavant dans son texte Le Montage
de me trouver face à un chaînon manquant à contrepoint.
de la véritable histoire du cinéma. »
Serge Daney, Libération, 11 août 1983 2000
 Il est récompensé par le prix SCAM
 2020
 (Société des Auteurs Multimédia)
 1988 de Télévision pour l’ensemble de son
 La Nature
 Nature
Publication en russe de Moyo Kino [Mon œuvre.
 Film numérique, noir et blanc, 62 min, France /
Cinéma], un livre manifeste dans lequel Arménie / Allemagne
le cinéaste développe ses théories
cinématographiques et notamment sa 2001 Le nouveau film d’Artavazd Pelechian
 met en scène une nature puissante
conception du montage à distance (aussi
 La Fondation Cartier présente le film et souveraine, capable de dompter
appelé montage à contrepoint).
 Les Saisons à l’occasion de l’exposition les communautés humaines et leurs
 Un Art populaire. C’est le début d’une réalisations. La Nature offre une vision
À l’invitation du Festival international du film
 relation durable avec le cinéaste, qui saisissante de l’issue probable du
de Rotterdam, Artavazd Pelechian effectue
 se prolonge à l’occasion d’expositions désordre écologique en cours.
son premier voyage en Occident. L’année
 présentées à Paris (notamment Ce qui
suivante, Jean-Luc Godard découvre
 arrive, conçue par le philosophe Paul
avec admiration ses films lors du Festival
 Virilio, 2002) ou à l’étranger. Depuis, quatre
de Nyon en Suisse, dans le cadre d’une
 films d’Artavazd Pelechian ont intégré la
rétrospective sur le cinéma arménien.
 collection de la Fondation Cartier :
 Les Saisons, Les Habitants, Notre Siècle
 et La Nature. À partir de 2014, le film
 1992 Les Habitants est l’élément central d’une
Fin | The End série d’expositions que l’artiste argentin
 Guillermo Kuitca imagine à partir de la
Film 35 mm, noir et blanc, 8 min, Arménie
 collection de la Fondation Cartier à Paris
Au cours d’un voyage en train de Moscou (2014), Buenos Aires (2017) et Milan (2021).
à Erevan, Artavazd Pelechian filme les
passagers, hommes et femmes d’âges
et d’origines diverses. Ce voyage collectif, 2005
au défilement ininterrompu et à l’horizon
incertain, peut se lire comme une La Fondation Cartier et le ZKM Filminstitut
métaphore de la vie, une certaine idée commandent à Artavazd Pelechian la
du destin. réalisation d’un nouveau film. Le réalisateur
 rédige alors un synopsis, dont l’original
Première rétrospective des films est présenté dans cette salle, qui décrit
d’Artavazd Pelechian en Occident précisément la construction visuelle du
présentée à la Galerie nationale du Jeu film, intitulé La Nature.
de Paume à Paris. À cette occasion,
paraît dans Le Monde une conversation
exceptionnelle entre Artavazd Pelechian et 2014
Jean-Luc Godard, fruit d’une rencontre à
Paris organisée par Jean-Michel Frodon. À l’occasion du trentième anniversaire de
 la Fondation Cartier, l’artiste et musicienne
Publication en français du texte théorique Patti Smith imagine une soirée de concert
d’Artavazd Pelechian, Le montage à intitulée Swans, Un hommage à Artavazd
contrepoint, ou la théorie de la distance, Pelechian, en présence du cinéaste.
issu de son livre Moyo Kino, dans le
deuxième numéro de la revue Trafic,
créée par Serge Daney.

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Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
Filmographie

 | 1 964 La Patrouille de la montagne | Mountain Patrol
 → Film 35 mm, noir et blanc, 10 min, Arménie / URSS

 | 1967 Au Début | The Beginning | 1969 Nous | We
 → Film 35 mm, noir et blanc, 10 min, URSS → Film 35 mm, noir et blanc, 26 min, Arménie / URSS

 | 1 975 Les Saisons | The Seasons
 → Film 35 mm, noir et blanc, 29 min 59 s, Arménie / URSS

 | 1 993 Vie | Life
 → Film 35 mm, couleur, 7 min, Arménie / URSS
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Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
| 1 966 La Terre des hommes | Land of the People
 → Film 70 mm, noir et blanc, 10 min, URSS

 | 1 970 Les Habitants | The Inhabitants
 → Film 35 mm, noir et blanc, 10 min, Biélorussie / URSS

| 1982 Notre Siècle | Our Century | 1992 Fin | The End
→ Film 35 mm, noir et blanc, 48 min (1982) / 30 min (1990), Arménie / URSS → Film 35 mm, noir et blanc, 8 min, Arménie

 | 2020 La Nature | Nature
 → Film numérique, noir et blanc, 62 min, France / Arménie / Allemagne
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Artavazd Pelechian La Nature - Fondation Cartier
Visuels presse

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 1 à 8 → Artavazd Pelechian, La Nature, images du film, 2020
 © Artavazd Pelechian. DR.
 9 à 14 → Artavazd Pelechian, Les Saisons, images du film, 1975
 © Artavazd Pelechian. DR.
 15 → Raymond Depardon, Artavazd Pelechian, 2006 © Raymond Depardon.
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 9 10

 11 12
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« Un langage d’avant Babel »

 Conversation entre Artavazd Pelechian et
 Jean-Luc Godard, propos reccueillis
 par Jean-Michel Frodon, Le Monde, édition du 2 avril 1992.

« En marge des circuits officiels et proche de certains films de Flaherty, ou de Godard : Ça se rapproche des
commerciaux, un réseau de complicité certains documentaires du cinéaste cubain Américains, qui disent feature film pour
et d’admiration a permis aux films de Santiago Alvarez. Un cinéma originel et la fiction ; feature signifie traits du visage,
Pelechian d’être peu à peu découverts original, tout à fait en dehors de l’Amérique, physionomie, ce qui renvoie à l’apparence
en Occident. Jean-Luc Godard fut qui est très forte dans le cinéma mondial. de la vedette, aux stars. Il y a beaucoup à
l’un des premiers et reste l’un des plus Même Rome ville ouverte (1945) doit un comprendre dans cela, comme dans le fait
ardents défenseurs de son travail. Le peu à l’Amérique. Quand il y a occupation que pour « copie standard » (la copie où le
passage à Paris du cinéaste arménien se pose le problème de la résistance, de son et l’image sont assemblés), les Anglais
était l’occasion de leur proposer une comment résister. En voyant vos films, j’ai disent married print (copie mariée), les
rencontre. Ils ont parlé d’art et de eu l’impression que, quels que soient les Américains answer print (copie réponse),
science, de morale et de politique, de défauts du système dit socialiste, à un les Italiens copia campione... « Copie
spectacle et d’information. Bref, ils ont moment, certaines personnalités fortes champion », ça doit venir de Mussolini.
parlé de cinéma. Jean-Michel Frodon avaient réussi à penser différemment.
 Mais la mésentente sur le mot
 Ça va probablement changer. Moi qui suis
 « documentaire » est effectivement
 toujours critique de la réalité, et des moyens
 l’une des plus graves. Aujourd’hui, la
Godard : Dans quelles conditions avez-vous de la représenter, j’y retrouvais l’application
 différence entre documentaire et fiction,
travaillé ? de ce que les cinéastes russes appelaient
 entre un film documentaire et un film du
 le montage. Le montage au sens profond,
 commerce, même s’il se dit artistique,
Pelechian : J’ai fait tous mes films en au sens où Eisenstein appelait Le Greco
 c’est que le documentaire a une attitude
Arménie, mais souvent avec l’aide de le grand monteur de Tolède.
 morale qui n’existe plus guère dans le film
Moscou. Je ne veux pas faire l’éloge de de fiction. La Nouvelle vague a toujours
l’ancien système, mais je ne m’en plaindrais Pelechian : C’est difficile de parler du
 mêlé les deux, nous avons toujours dit
pas non plus. Au moins il y avait le VGIK montage, ce n’est sans doute pas le bon
 que Rouch était passionnant parce qu’à
(l’Institut du cinéma), qui donnait une très mot. Il faudrait peut-être dire « la mesure
 force de documentaire il fait de la fiction,
bonne formation. On y apprenait non de l’ordre ». Pour mettre en lumière, au-delà et que Renoir, à force de fiction, fait du
seulement le cinéma soviétique mais le de l’aspect technique, la réflexion de fond. documentaire.
cinéma du monde entier, chacun avait les
moyens de chercher ensuite sa propre Pelechian : Ce n’est plus un problème de
voie. Je ne veux pas rendre le système Godard : Quel est le mot russe pour
 montage, il n’y en a qu’un ? mise en scène. On considère bien Flaherty
responsable du fait que j’ai tourné aussi peu comme un documentariste.
de films ; disons que j’ai eu des problèmes
personnels. Je ne sais pas encore ce qui Pelechian : Oui. Montaj.
se passera avec la nouvelle situation. Godard : Bien sûr. C’est un documentariste
J’espère pouvoir continuer à travailler, il y qui a tout mis en scène, Nanouk, L’Homme
 Godard : Parce que pour image par
a toujours des difficultés, en France aussi, d’Aran, Louisiana Story, chaque plan
 exemple, il y a deux mots en russe.
des difficultés liées à la production, aux C’est utile. Ce serait intéressant de est complètement mis en scène. Quand
rapports entre les gens. Jusqu’à présent, faire un dictionnaire des termes Wiseman fait un film sur les grands
le plus difficile était le manque de diffusion cinématographiques dans chaque pays. magasins (The Store), il observe la mise
de mes films. Les Américains ont deux mots, cutting en scène et la fiction des grands magasins.
 (l’action de couper) et editing (lié à ce
 qu’ils appellent « editor », qui n’est pas un Pelechian : Pour les mêmes raisons, je ne
Godard : Je les ai découverts parce me suis jamais posé la question de travailler
 éditeur au sens français du terme, mais
qu’ils sont passés au Festival du film dans le cadre d’un studio de cinéma ou de
 celui qui supervise toute la conception d’un
documentaire de Nyon, à quelques télévision. J’ai essayé de trouver un endroit
 ouvrage au sein d’une maison d’édition, ou
kilomètres de chez moi. Freddy Buache, où je pourrais faire un film tranquillement.
 le rédacteur en chef dans la presse).
le directeur de la Cinémathèque de Il s’est parfois trouvé que c’était la télé.
 Ces mots ne désignent pas la même chose,
Lausanne, leur a appliqué la «méthode ils ne renvoient pas à la même idée que L’important est de pouvoir parler sa propre
soviétique » de tirage des copies, il en « montage ». langue, la langue du cinéma. On dit souvent
a contretypé un exemplaire pendant la que le cinéma est une synthèse des autres
nuit et il nous les a montrés, à Anne-Marie Pelechian : Nous avons du mal à en parler arts, je pense que c’est faux. Pour moi, il
Miéville et à moi. Ils m’ont fait une énorme à cause de ce problème de termes. date de la tour de Babel, d’avant la division
impression, d’ailleurs très différente du Il y a le même problème avec le mot en différents langages. Pour des raisons
cinéma de Paradjanov, qui me semble « documentaire ». En français, on appelle techniques, il est apparu après les autres
proche de la tradition des tapis persans, « film de fiction » ce qu’en russe nous arts mais, par nature, il les précède. J’essaie
et de la littérature. Vos films m’ont paru ne appelons « film artistique ». Alors que tout de faire du cinéma pur, qui ne doive rien
venir que du cinéma. Comme si le travail le cinéma doit être artistique. aux autres arts. Je cherche un montage qui
d’Eisenstein, de Dovjenko, de Vertov avait Il y a aussi deux autres expressions en russe, créerait autour de lui un champ magnétique
pu se poursuivre, et donner une impression le « cinéma joué » et le « cinéma non joué ». émotionnel.

10
Godard : Comme je suis assez pessimiste, son Traité des propriétés projectives des n’ont pas de rapport entre eux, pas de
je vois la fin des choses plutôt que leur figures (1822), qui est la base de la théorie rapports sains et réels. Ils n’ont que les
début. Pour moi, le cinéma est la dernière moderne sur la question. Ce n’est pas rapports de la politique. C’est pour ça que
manifestation de l’art, qui est une idée par hasard s’il a fait cette découverte en dans tous les pays du monde la télévision
occidentale. La grande peinture a disparu, prison. Il avait un mur en face de lui, et il est entre les mains des politiques.
le grand roman a disparu. Le cinéma était, faisait ce que font tous les prisonniers, il Et maintenant, les politiques s’occupent
oui, un langage d’avant Babel, que tout le projetait. Un désir d’évasion. Comme il était de fabriquer un nouveau format d’image
monde comprenait sans avoir besoin de mathématicien, il en a écrit la traduction (la soi-disant haute-définition), un format
l’apprendre. Mozart plaisait aux princes, les en équations. dont, pour l’instant, personne n’a besoin.
paysans ne l’entendaient pas. Alors qu’un À la fin du XIXe siècle est venue la réalisation C’est la première fois que des instances
équivalent cinématographique de Mozart, technique. Un aspect des plus intéressants politiques s’occupent de dire : vous verrez
Chaplin, a plu à tout le monde. est qu’à ce moment le cinéma sonore était les images dans ce format-là, à travers
Les cinéastes ont cherché quel était le prêt. Edison est venu à Paris présenter un cette fenêtre-là. Une image qui aura
fondement de l’unicité du cinéma, une procédé qui utilisait un disque synchrone d’ailleurs la forme d’un soupirail, cette petite
recherche qui est, elle aussi, une attitude de la bande image, c’était déjà le principe chose au ras des trottoirs. C’est aussi la
très occidentale. Et c’est le montage. Ils de ce qu’on fait aujourd’hui dans certaines forme d’un carnet de chèques.
en ont parlé beaucoup, surtout dans les salles en couplant un disque compact avec
époques de changement. Au xxe siècle, le film pour avoir un son numérique. Et ça Pelechian : Je me demande ce que la
le plus grand changement a été le passage marchait ! Avec des imperfections, comme télévision a apporté. Elle peut liquider la
de l’empire russe à l’URSS ; logiquement les images d’ailleurs, mais ça marchait et on distance, mais seul le cinéma a la possibilité
ce sont les Russes qui ont le plus progressé aurait pu améliorer la technique. Mais les de se battre véritablement contre le temps,
dans cette recherche, simplement parce gens n’en ont pas voulu. Le public a voulu grâce au montage. Ce microbe qu’est
que, avec la Révolution, la société était le cinéma muet, il a voulu voir. le temps, le cinéma peut en venir à bout.
en train de faire du montage entre avant Mais il était plus avancé sur cette voie
et après. Pelechian : Lorsque le son est finalement avant le parlant.
 arrivé, à la fin des années 1920, les grands Sans doute parce que l’homme est plus
Pelechian : Le cinéma s’appuie sur trois cinéastes comme Griffith, Chaplin ou grand que la langue, plus grand que ses
facteurs : l’espace, le temps, le mouvement Eisenstein en ont eu peur. Ils ont estimé que mots. Je crois plus l’homme que son
réel. Ces trois éléments existent dans la le son était un pas en arrière. Ils n’avaient langage. »
nature, mais, parmi les arts, seul le cinéma pas tort, mais pour d’autres raisons que ce
les retrouve. Grâce à eux, il peut trouver le qu’ils ont cru : le son n’est pas venu gêner
mouvement secret de la matière. Je suis le montage, il est venu pour remplacer
convaincu que le cinéma est capable de l’image.
parler à la fois les langues de la philosophie,
de la science et de l’art. Peut-être est-ce
cette unité que cherchaient les anciens ? Godard : La technique du parlant est venue
 au moment de la montée du fascisme
 en Europe, qui est aussi l’époque de
Godard : On retrouve la même chose l’avènement du speaker. Hitler était un
en réfléchissant à l’histoire de l’idée de magnifique speaker, et aussi Mussolini,
projection, comment elle est née et a évolué Churchill, De Gaulle, Staline. Le parlant a
jusqu’à s’appliquer techniquement, dans été le triomphe du scénario théâtral contre
les appareils de projection. Les Grecs en le langage tel que vous en avez parlé, celui
avaient imaginé le principe, la fameuse d’avant la malédiction de Babel.
caverne de Platon. Cette idée occidentale,
que ni les bouddhistes ni les Aztèques Pelechian : Pour retrouver ce langage,
n’ont envisagée, a pris forme avec le j’utilise ce que j’appelle les images
christianisme, qui repose sur l’espoir absentes. Je pense qu’on peut entendre
de quelque chose de plus grand. les images et voir le son. Dans mes films,
Ensuite vient la forme pratique, les l’image se trouve du côté du son et le son
mathématiciens qui, toujours en Occident, du côté de l’image. Ces échanges donnent
ont inventé la géométrie descriptive. un autre résultat que le montage du temps
Pascal y a beaucoup travaillé, avec encore du muet, ou plutôt du « non-parlant ».
une arrière-pensée religieuse, mystique,
en élaborant ses calculs sur les côniques.
Le cône, c’est l’idée de projection. Godard : Aujourd’hui, l’image et le son
Après, on trouve Jean-Victor Poncelet, sont de plus en plus séparés, on s’en
savant et officier de Napoléon. Il a été en rend encore mieux compte à la télévision.
prison en Russie, et c’est là qu’il a conçu L’image d’un côté, le son de l’autre, et ils
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Le montage à contrepoint,
 ou la théorie de la distance

 Extraits de Moyo Kino [Mon Cinéma]
 d’Artavazd Pelechian, première édition 1988.

Je ne peux concevoir mes films sans non pas parce que je devais montrer un fait qu’aucune de ces définitions ne me
musique. Lorsque j’écris les scénarios, précis à cet endroit-là. Il m’importait avant satisfaisait, que les potentialités du son
je dois prévoir la structure musicale du tout de ne pas perdre le thème qui devait étaient sensiblement plus importantes
film, les accents musicaux, le caractère résonner à cet endroit précis, durant un et plus riches. En ce qui me concerne j’ai
émotionnel et rythmique de cette musique, laps de temps donné. L’élimination d’une travaillé dans le sens d’une combinaison du
qui est nécessaire, indispensable à chaque scène déséquilibrait les proportions du film, son et de l’image qui ne consiste pas en un
scène. La musique ne constitue pas pour sa composition temporelle. Afin de sauver mélange physique des éléments, mais en
moi un complément de l’image. C’est avant cette composition temporelle j’ai dû parfois une combinaison chimique. Et j’ai découvert
tout la musique de l’idée exprimant le sens insérer dans le film un matériel neutre, bien tout à coup qu’en cherchant à augmenter
à l’unisson avec l’image. C’est également qu’il manquât de valeur sur le plan figuratif la signification et l’expressivité du son, je
la musique de la forme. Je veux dire que la (il s’agit par exemple des scènes montrant faisais un montage du phonographe et
portée du son musical dépend à chaque la voiture détruite, les volutes de fumée, et de l’image, transgressant ainsi les canons
instant de la forme, de la composition et quelques autres). et les méthodes de montage que je
de la durée de l’ensemble. J’ai déjà attiré m’efforçais de suivre jusque-là.
l’attention sur le fait que la transformation Il en va de même pour le travail avec le C’est cette « transgression » que je
ou la coupure d’un quelconque passage phonographe. Les règles de composition voudrais placer au centre de mon travail
du film me contraignait à d’autres temporelle sont également rigides. Pour théorique.
transformations, à reconsidérer l’ensemble. chaque élément sonore il faut trouver
Je voudrais apporter quelques précisions la bonne « dose » de durée et la bonne L’une des affirmations de base d’Eisenstein
sur ce point. intensité, afin d’aboutir à un équilibre précis nous est connue depuis longtemps : un
 du mouvement du son. plan, confronté au cours du montage
Après l’élimination d’un fragment du aux autres plans est générateur de sens,
matériel, je devais obligatoirement le Depuis que le cinéma est devenu sonore, d’appréciation, de conclusion. Les théories
remplacer. Pour des raisons thématiques le rôle du son a connu de très nombreuses du montage des années 1920 portent toute
tout d’abord, mais également parce qu’il définitions. Le son (y compris la musique) leur attention sur la relation réciproque des
existe une loi à laquelle est soumise la peut jouer un rôle dans la représentation scènes juxtaposées, qu’Eisenstein appelait
durée du film dans sa totalité d’une part, du sujet, dans l’illustration, en tant le « point de jonction du montage »
et la durée de chacune des scènes le qu’accompagnement et en tant que moyen (montaznyj styk) et Vertov un « intervalle ».
constituant d’autre part. De ce point de vue, pour la mise en place d’un état d’esprit, et C’est lors de mon travail sur le film Nous
un film est presque semblable à une œuvre enfin en tant qu’élément contrapuntique. que j’ai acquis la certitude que mon intérêt
musicale. J’ai remplacé certains passages Dans la pratique j’ai compris petit à petit était attiré ailleurs, que l’essence même et

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l’accent principal du montage résidait pour conditionnés par un seul objectif : exprimer des montagnes arméniennes, j’utilise le
moi moins dans l’assemblage des scènes les idées qui me touchent et transmettre au procédé de la répétition des plans. Le film
que dans la possibilité de les disjoindre, spectateur ma position philosophique. commence et se termine par des plans
non dans leur juxtaposition mais dans leur identiques, montrant des travailleurs-
séparation. Il m’apparut clairement que ce Dans le film Nous le premier élément de alpinistes marchant à la lumière de
qui m’intéressait avant tout ce n’était pas base du montage à contrepoint apparaît lanternes sur fond de ciel sombre. Entre
de réunir deux éléments de montage, mais dès le départ. Le film commence par une ces plans il y a à nouveau une distance.
bien plutôt de les séparer en insérant entre pause suivie du plan suivant : le visage Mais cet éloignement (de même que la
eux un troisième, cinquième, voire dixième d’une fillette. La signification figurative similitude des plans) ne produit pas dans le
élément. n’est pas encore claire pour le spectateur, cas de ce film un effet « contrapuntique »,
 seule une impression rêveuse mêlée de mais conduit justement à la répétition,
En présence de deux plans importants, crainte lui parvient. La musique démarre favorise un retour à l’état d’esprit initial et
porteurs de sens, je m’efforce non pas à ce moment-là suivie par une pause contribue ainsi à l’accomplissement lyrique
de les rapprocher, ni de les confronter, réalisée sur un fondu. Le visage de la fillette du film.
mais plutôt de créer une distance entre apparaît une seconde fois 500 mètres de
eux. Ce n’est pas par la juxtaposition de pellicule plus loin, en liaison avec le même Le même procédé a été appliqué dans
deux plans mais bien par leur interaction accord symphonique. À la fin du film, au le film La Terre des Hommes, dont
par l’intermédiaire de nombreux maillons cours de l’épisode sur le rapatriement, la structure dépendait d’un principe
que je parviens à exprimer l’idée de cet élément de base du montage est de montage différent – basé sur la
façon optimale. L’expression du sens inséré une troisième fois, mais seulement confrontation associative de plans liés par
acquiert alors une portée bien plus forte au niveau sonore : l’accord symphonique un thème commun. C’est le thème de la
et plus profonde que par collage direct. se répète sur un plan montrant des gens découverte permanente de la beauté du
L’expressivité devient alors plus intense et sortant sur un balcon. On pourrait voir dans monde, que l’homme réalise dans sa vie et
la capacité informative du film prend des une telle structure une simple répétition. dans son travail, qui est développé dans
proportions colossales. Mais la fonction de ces éléments du le cadre d’une grande ville, présentée au
C’est ce type montage que je nomme montage ne se réduit justement pas à une cours d’une journée de labeur.
montage à contrepoint. simple répétition. Dans mon premier film
Il me faut à présent expliquer les par exemple La Patrouille de montagne Ce film démarre et se termine sur l’image
« mécanismes » du montage à présentant des gens plein d’abnégation, de la sculpture de Rodin, Le Penseur, qui
contrepoint. sur la base de mes films. qui dégagent quotidiennement la voie tourne sur elle-même. Cette sculpture
Ces « mécanismes » ont été entièrement pour le passage des trains dans les gorges célèbre est devenue depuis longtemps

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le symbole de l’expression inaltérable de la véhiculent une expression du thème d’autres dimensions et durées d’action.
pensée humaine. des plus condensées, tout en contribuant Ils se transposent partiellement dans
 à distance au développement thématique d’autres épisodes, et sont alors confrontés
Sa fonction répétitive mise à part, donnant et à l’évolution de plans et d’épisodes avec à d’autres éléments et d’autres situations.
au film une finalité poétique, on décèle ici – lesquels ils n’ont pas de liens directs. Mais dès la seconde apparition de la
sous forme de potentialité – sa fonction au fillette tous ces éléments séparés se
 Ces éléments apparaissent à chaque fois
niveau de l’action contrapuntique. À l’issue regroupent à nouveau comme investis d’un
du film la sculpture de Rodin acquiert un dans un contexte différent, dans une réalité nouveau rôle, ils prennent place, sous une
sens nouveau sur le plan qualitatif, qui sémantique distincte, ce qui rend forme différente, dans un autre ordre de
 le montage de ces contextes primordial.
diffère du sens initial ; le dernier plan ouvre succession, pour l’accomplissement
un nouveau cycle de la pensée, dont le Les changements de contexte nous de nouvelles fonctions.
développement se situe au-delà des limites permettent d’approfondir et de développer
du film. un thème. Ainsi, lorsque dans les dernières C’est d’abord le chœur qui entre en scène,
 scènes du film Nous se répète l’accord puis les soupirs (se terminant dans un cri),
Dans le film Nous, les éléments du montage symphonique, l’image de la fillette ensuite les mains, et enfin les montagnes.
qui se répètent sortent sans aucun doute apparaissant au début du film devient
du cadre des fonctions, auxquelles claire. Je le souligne une nouvelle fois : le montage
ils correspondaient dans les films à contrepoint peut se baser aussi bien sur
La Patrouille de montagne et La Terre des De cette triple répétition (la fillette au des éléments visuels qu’acoustiques, ainsi
Hommes. Dans le film Nous, ils soutiennent début, la fillette au milieu, les gens sur que sur toutes les combinaisons possibles
la structure générale de l’action le balcon à la fin) se dégage le principal de l’image et du son. En organisant mes
contrapuntique. Un plan, apparaissant support du montage à contrepoint. Mais films sur de telles combinaisons, je me suis
en un point précis, ne délivrera sa pleine dans le film Nous il y a d’autres éléments efforcé de les rendre semblables à
conséquence sémantique qu’après un de soutien visuels et acoustiques. Ils un organisme vivant possédant un système
certain laps de temps, au bout duquel apparaissent l’un à la suite de l’autre de relations et d’interactions internes. […]
il s’établira dans la conscience du durant la première moitié du filin : les
spectateur une démarche associative soupirs, le chœur, les mains en gros plan, Je suis convaincu que le cinéma basé sur
non seulement en liaison avec les les montagnes. Par la suite, ces éléments la méthode du montage à contrepoint est
éléments qui se répètent, mais également se ramifient pour ainsi dire, certaines capable de mettre à nu et d’expliquer un
avec ce qui les entoure dans chaque cas. parties de l’image et du phonographe se certain nombre de corrélations entre des
Ainsi, les principaux éléments de base fondent dans d’autres sphères, acquièrent éléments connus et inconnus du monde

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qui nous entoure, que ne pouvait dévoiler le et convaincante. Je pense que les principes desquelles nos conceptions et nos lois
cinéma issu de la théorie de l’« intervalle »du montage à contrepoint peuvent et déterminant l’espace et le temps sont
 doivent être utilisés dans le domaine de la
et de la « juxtaposition » d’éléments voisins. caduques et au-delà desquelles les uns,
 fiction. La fiction, qui inclut le jeu d’acteur et en naissant, ignorent qui ils tuent, les
Le cinéma issu du montage à contrepoint la couleur, permettra de développer toutes autres, en mourant, ignorent à qui ils
est capable de mettre à jour toutes les les possibilités de cette méthode, qui ne donnent naissance.
formes de mouvement : des plus « basses » seront plus alors limitées par les éléments
et élémentaires, jusqu’au plus élevées et documentaires du milieu.
plus complexes. Il est capable de parler
simultanément le langage de l’art, de la C’est dans cette perspective que je
philosophie et de la science. trouve indispensable d’utiliser toutes les
Il convient de rappeler ici que le terme possibilités du cinéma découvertes par
cinématographe tire son origine des nos maîtres. Mais le développement du
termes grecs signifiant : « qui inscrit cinéma nécessite également la découverte
le mouvement ». de possibilités nouvelles dans l’expression
 artistique.
Je considère que mon film Nous ainsi que
mes travaux précédents ont un caractère C’est dans ce sens que j’ai cité le vieil
expérimental. La méthode de création exemple sur l’invention de la roue.
figurative que j’ai découverte n’a pas reçu
dans ces films une expression pleine et En conclusion j’ajouterai : si Vertov
complète. C’est pour cette raison que mes s’appuyant sur sa méthode de montage
films ne représentent pas un bilan de mes pour examiner les relations réciproques
recherches, mais constituent une simple d’éléments voisins invitait les cinéastes
étape, bien que cette étape soit pour moi à le suivre dans « le terrain vierge » de
des plus importantes. la relativité de l’espace et du temps (les
 théories de la relativité d’Albert Einstein),
Jusqu’à présent je n’ai travaillé qu’avec du alors la méthode du montage à contrepoint
matériel documentaire. Dans le cinéma de s’appuyant sur les formes complexes
fiction cette expérience permet de créer d’action réciproque de divers processus Mars 1971 - Janvier 1972
un milieu et une atmosphère authentique à distance franchit des limites au-delà Traduit du russe par Barbara Balmer-Stutz.

 8 / 4 / 2 → Artavazd Pelechian, La Nature, images du film, 2020 © Artavazd Pelechian. DR.

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Programmation 2021
 feel » – il entreprend dès 1986 la série remplacée par la faillibilité de la main de
 PARIS Spot Paintings (non achevée à ce jour) l’artiste qui les réalise seul dans son atelier.
 qui s’inscrit davantage dans la lignée du « Cherry Blossoms parle de beauté, de vie
 minimalisme et de l’art conceptuel des et de mort. Ces peintures sont excessives
 DAMIEN HIRST années 1960. Dans ces œuvres, les points – presque vulgaires. Comme Jackson
 colorés semblent réalisés par une machine, Pollock tourmenté par l’amour. Elles sont
 CERISIERS EN FLEURS gommant toute trace d’intervention décoratives bien que directement inspirées
 1er juin 2021 → 2 janvier 2022 humaine. L’approche qui caractérise Visual de la nature. Elles parlent de désir, de la
 Candy (1993-1995), une série de toiles manière dont on perçoit les choses qui
 La Fondation Cartier pour l’art aux titres ironiques composées de taches nous entourent et ce qu’on en fait, mais
 contemporain invite l’artiste britannique épaisses et de couleurs exubérantes évoquent aussi l’incroyable et éphémère
 Damien Hirst à dévoiler sa dernière série superposées, est quant à elle déjà beauté d’un arbre en fleurs dans un ciel
 de peintures Cherry Blossoms [Cerisiers une célébration du plaisir de peindre. sans nuages. J’ai adoré travailler sur ces
 en fleurs]. Fruit de plus de deux années Avec la série Cherry Blossoms, toiles, me perdre entièrement dans la
 de travail solitaire dans son atelier commencée juste après l’ambitieuse couleur et la matière à l’atelier. Les Cherry
 londonien, cette série s’inscrit dans la exposition de sculptures Treasures from Blossoms sont tape-à-l’œil, chaotiques et
 continuité de ses recherches picturales et the Wreck of the Unbelievable présentée en même temps fragiles, c’est grâce à elles
 témoigne du plaisir de retrouver, grâce à à Venise (2017) qui l’a occupé pendant près que je me suis éloigné du minimalisme,
 la peinture, le geste de l’artiste. Cerisiers de 10 ans, Damien Hirst retrouve du fantasme d’un peintre mécanique. Et
 en fleurs est la première exposition la spontanéité du geste pictural. L’image c’est ça que j’ai vraiment trouvé excitant. »
 institutionnelle de Damien Hirst en France. d’une peinture mécanisée, omniprésente
 La série Cherry Blossoms réinterprète dans la série Spot Paintings, est ici
 avec une ironie joyeuse le sujet traditionnel
 et populaire de la peinture de paysage.
 Sur la toile, Damien Hirst mêle touches
 épaisses et projections de peinture faisant
 référence tant à l’impressionnisme et au
 pointillisme qu’à l’action painting. Les
 peintures monumentales entièrement
 recouvertes par de couleurs vives et
 saturées, enveloppent le spectateur
 dans un paysage végétal oscillant
 entre figuration et abstraction. À la fois
 détournement et hommage aux grands
 mouvements artistiques de la fin du xixe
 et du xxe siècles, cette série marque une
 forme d’aboutissement des recherches
 que Damien Hirst mène depuis le début
 de sa carrière sur la couleur, la beauté, la
 perception ainsi que sur le rôle de l’artiste.
 D’abord étudiant à Leeds puis au
 Goldsmiths College of Art de Londres
↑ 3. Artavazd Pelechian, La Nature, images du film, 2020 © Artavazd Pelechian. DR.

 à la fin des années 1980, Damien Hirst
 devient rapidement le chef de file des
 Young British Artists, un groupe d’artistes
 partageant un goût pour l’expérimentation
 et la création de dispositifs, parfois
 perçus comme choquants, qui domina la
 scène britannique dans les années 1990.
 Les cadavres d’animaux plongés dans
 d’immenses aquariums remplis de formol
 de la série Natural History deviennent ainsi
 rapidement des images emblématiques
 de l’œuvre de Damien Hirst et de cette
 scène artistique.
 Dès cette époque, la peinture joue un rôle
 essentiel dans la pratique de Damien Hirst :
 « J’ai toujours été un grand amoureux de
 la peinture et pourtant j’ai constamment
 cherché à m’en éloigner. En tant que jeune
 artiste, on est nécessairement influencé
 par les tendances du moment, et dans les
 années 1980 la peinture n’était pas dans
 l’air du temps. » Si les toiles des débuts
 sont inspirées de l’expressionnisme
 abstrait – qu’il qualifie de « paint how you ↑ Photo : Prudence Cuming Associates. © Damien Hirst and Science Ltd. Tous droits réservés, DACS2020.
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