ASSOCIATION DES JURISTES D'EXPRESSION FRANÇAISE DU NOUVEAU-BRUNSWICK INC.

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ASSOCIATION DES JURISTES D'EXPRESSION FRANÇAISE DU NOUVEAU-BRUNSWICK INC.
ASSOCIATION DES JURISTES D’EXPRESSION FRANÇAISE DU
             NOUVEAU-BRUNSWICK INC.

                       Mémoire de l’AJEFNB
   remis au Comité sénatorial permanent des langues officielles
             dans le cadre du projet de réforme de la
             Loi sur les langues officielles du Canada

                          Le 31 mai 2021

                                 AJEFNB
                       18, avenue Antonine-Maillet
                        Pavillon Adrien-J.-Cormier
                         Université de Moncton
                        Moncton, N.-B., E1A 3E9
                              (506) 853-4151
                        association@ajefnb.nb.ca
AVANT-PROPOS

        L’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick inc.
(« AJEFNB ») a été créée en 1987 en vertu de la Loi sur les compagnies du Nouveau-
Brunswick. L’AJEFNB est un organisme sans but lucratif dont la genèse découle de la
volonté des avocat(e)s francophones de se regrouper afin de répondre aux nombreux défis
d’accès à la justice en français, dont plusieurs sont encore présents de nos jours, auxquels
ils sont confrontés dans leur pratique du droit en français au Nouveau-Brunswick. À sa
création, l’AJEFNB a donc été constituée en fonction des principes suivants :
         1) De promouvoir et de mettre à la disposition du public des services juridiques en langue
            française dans la province du Nouveau-Brunswick principalement, et au Canada en
            général.

         2) De mettre à la disposition de ses membres et autres personnes qui peuvent en avoir besoin
            des sources de références et du matériel juridique en langue française.

         3) De promouvoir des services de notariat en langue française.

         4) De servir de porte-parole auprès des autorités législatives et gouvernementales aux fins
            d’étendre et d’améliorer les services juridiques en langue française.

         5) De voir à rendre davantage disponibles les services juridiques en langue française au
            Nouveau-Brunswick et au Canada en renseignant la population francophone sur ses droits.

        Compte tenu de ce qui précède, l’AJEFNB joue donc un rôle important dans l’accès
à la justice en français pour la population francophone du Nouveau-Brunswick
principalement, mais également pour l’ensemble des communautés minoritaires
francophones du Canada. En raison de son intérêt et de son expertise en matière de droits
linguistiques, cela lui a permis de participer à de nombreux débats publics et judiciaires dans
le cadre desquels elle a eu une incidence positive.

        À titre d’exemple, l’AEFNB est intervenue dans plusieurs instances judiciaires et elle
s’est également vu accorder le statut d’amicus curiae1. Au fil des années, elle a contribué à

1
 Voir notamment les décisions suivantes : Charlebois c. Saint John (Ville), [2005] 3 RCS 56; Whelton c. Mercier et al.,
2004 NBCA 83; Charlebois c. Moncton, 2001 NBCA 117; Charlebois c. La Ville de Saint-Jean, 2004 NBCA 49; Conseil
scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13.
l’avancement du respect des droits linguistiques des francophones du Nouveau-Brunswick
et du Canada, favorisant ainsi leur épanouissement culturel et identitaire.

        Bref, l’AJEFNB s’intéresse à toutes questions de droits linguistiques judiciaires et
autres, mais également, comme nous le verrons ci-dessous, à la partie VII de la Loi sur les
langues officielles du Canada (« Loi »), puisqu’elle touche à son existence même et à sa
capacité de représenter la communauté de langue officielle en situation minoritaire du
Nouveau-Brunswick en matière d’accès à la justice en français.

        C’est donc avec plaisir que l’AJEFNB désire soumettre son mémoire au Comité
sénatorial permanent des langues officielles (« Comité ») dans le cadre du projet de réforme
de la Loi. Nous saisissons également cette occasion afin de remercier le Comité de nous
avoir invités à lui soumettre un mémoire et de nous avoir entendus lors de nos témoignages
qui ont eu lieu à Moncton, en octobre 2018. D’ailleurs, ce mémoire se veut un résumé de
nos diverses interventions au sujet du processus de réforme de la Loi2.

        Afin de demeurer concis et de ne pas trop nous éloigner de notre champ d’expertise,
nos recommandations et commentaires relèveront essentiellement du domaine juridique,
bien que nous sommes également conscients que diverses autres dispositions de la Loi
nécessitent des changements. À cet égard, nous faisons nôtres et nous nous en remettons,
pour la majorité, aux diverses recommandations avancées par les autres associations de
juristes et des organismes acadiens et francophones qui ont comparu devant le Comité et
qui lui ont soumis un mémoire. L’AJEFNB appuiera certainement tous les changements qui
favoriseront l’avancement et le respect des droits linguistiques des francophones et qui
contribueront au développement, à l’épanouissement et à la vitalité sociolinguistique des
communautés minoritaires francophones du Canada.

2
 Délibérations du Comité sénatorial permanent des langues officielles, Fascicule no 30 - Témoignages du 24 et 25
octobre 2018. Voir notamment les témoignages du professeur Yves Goguen, alors président de l’AJEFNB, du professeur
Érik Labelle Eastaugh, membre du conseil d’administration de l’AJEFNB, ainsi que du professeur Denis Roy, membre et
ancien directeur général de l’AJEFNB.
TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS................................................................................................................. 2

I)         INTRODUCTION ........................................................................................................... 5

II)        RECOMMANDATIONS ET COMMENTAIRES ............................................................ 6

      a)      Les tribunaux et le système de justice .................................................................. 6

      b)      Le Commissariat aux langues officielles .............................................................. 8

      c)      La partie VII de la Loi ............................................................................................. 10

III)          CONCLUSION......................................................................................................... 13
I)      INTRODUCTION

    D’emblée, l’AJEFNB tient à souligner et saluer la volonté du gouvernement fédéral de
procéder à une réforme de la Loi sur les langues officielles (« Loi ») du Canada. Il s’agit
d’ailleurs d’un processus qui s’impose et se fait attendre depuis longtemps.

    Dans son ensemble, l’AJEFNB doit dire qu’elle se réjouit de la majorité des intentions
annoncées du gouvernement fédéral dans son livre blanc intitulé Français et anglais : vers
une égalité réelle des langues officielles au Canada (« Livre blanc »)3. En effet, nous
sommes ravis d’apprendre que le « gouvernement du Canada reconnaît que la sécurité et
la vitalité de la langue française nécessitent une approche particulière » et qu’il « prévoit
donc de prendre des mesures afin de favoriser l’égalité réelle entre les deux langues
officielles et de continuer à protéger les droits des minorités linguistiques »4. L’AJEFNB est
entièrement d’accord avec ces propos tenus par le gouvernement du Canada, surtout
lorsqu’il indique qu’afin « que la langue française puisse continuer à s’épanouir au Canada,
elle doit être davantage protégée et promue »5.

    Au cours des prochaines lignes, nous allons d’abord vous présenter notre position et
nos commentaires quant aux propositions législatives et réglementaires de nature juridique
qui sont énoncées dans le Livre blanc. Ensuite, nous apporterons également quelques
recommandations qui n’ont pas été abordées dans le Livre blanc et qui mériteraient, à notre
avis, de faire partie du processus de réforme de la Loi. Enfin, nous terminerons avec une
brève conclusion.

3
  Gouvernement du Canada (2021), « Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au
Canada », en ligne : https://www.canada.ca/fr/patrimoine-canadien/organisation/publications/publications-
generales/egalite-langues-officielles.html
4
  Ibid, à la p. 5.
5
  Ibid.
II)     RECOMMANDATIONS ET COMMENTAIRES

          a) Les tribunaux et le système de justice

            Propositions législatives et réglementaires         Position et commentaires de l’AJEFNB
i)   Inscrire l’existence du Programme de contestation L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition et
     judiciaire dans la Loi.                                s’en réjouit. Le PCJ joue un rôle important pour
                                                            les communautés minoritaires afin de valoir leurs
                                                            droits constitutionnels et quasi constitutionnels
                                                            en matière de langues officielles. Il permet de
                                                            contrebalancer le déséquilibre des pouvoirs qui
                                                            existe entre le gouvernement et les justiciables
                                                            en offrant les ressources nécessaires à ces
                                                            derniers afin de faire valoir leurs droits et ester en
                                                            justice. Au fil des années, plusieurs avancées en
                                                            matière de progression des droits linguistiques
                                                            n’auraient pas pu être réalisées sans l’appui
                                                            financier du PCJ. Bref, le PCJ joue un rôle
                                                            fondamental pour l’accès à la justice et sa
                                                            codification dans la Loi assurera dorénavant sa
                                                            pérennité en le protégeant notamment des
                                                            différents programmes politiques que pourraient
                                                            avoir les prochains gouvernements qui se
                                                            succéderont.
ii) Prévoir dans la Loi un engagement à l’égard de l’accès L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition,
     simultané́ , pour le public, dans les deux langues aux mais désire pousser l’analyse plus loin en ce qui
     décisions définitives des tribunaux fédéraux qui sont concerne les tribunaux, la magistrature, et les
     d’intérêt public ou créent un précédent.               procédures judiciaires. Nos recommandations à
                                                            cet égard se retrouvent à la suite de ce tableau.
iii) Faire état, dans la Loi, de l’engagement du L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition.
     gouvernement à appuyer, par l’entremise d’une tierce
     partie indépendante, un programme qui soutient des
     causes types sur les droits linguistiques devant les
     tribunaux.

iv) Retirer    l’exception relative à la Cour suprême               L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition et
     de l’article 16 de la Loi. Le gouvernement tiendra             se réjouit qu’on abroge afin l’exemption de
     compte de la jurisprudence portant sur la composition          bilinguisme pour les juges de la Cour suprême du
     de la Cour suprême et les critères d’admissibilité́ à celle-   Canada (« CSC »). Il s’agit probablement de l’un
     ci dans l’élaboration de cette proposition de modification     des changements les plus importants à effectuer,
     législative.                                                   mais aussi un des plus simples. Tout justiciable
                                                                    devrait avoir le droit d’être compris dans la langue
                                                                    de son choix devant le plus haut tribunal du pays.
                                                                    Par conséquent, la Loi devrait donc préciser que
                                                                    les juges à la CSC doivent être bilingues dès leur
                                                                    nomination.                      [Nous soulignons]
v) Inscrire dans la Loi l’obligation de procéder à un     L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition et
   examen périodique de la Loi, de sa structure et de ses s’en réjouit.
   règlements de gouvernance au moins tous les 10 ans.

vi) Inclure des clauses d’interprétation sur les droits     L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition.
   linguistiques dans la Loi même. Corriger les Plus précisément, l’AJEFNB est d’accord avec
   divergences entre les versions française et anglaise de toutes      clauses        d’interprétations  qui
   la Loi et éliminer les mentions obsolètes dans le texte. s’appuieraient sur la jurisprudence découlant de
                                                            ce qu’on appelle plus communément la
                                                            « nouvelle trilogie » de la CSC et des décisions
                                                            subséquentes qui ont appliqué ces principes6.

         Afin de favoriser un accès réel à la justice pour les justiciables francophones, l’AJEFNB
     est d’avis que davantage de mesures doivent être prises lors de la réforme de la Loi en ce
     qui concerne les tribunaux, la magistrature, et les procédures judiciaires, dont notamment
     les suivantes :

         1) La Loi devrait préciser que les juges des tribunaux fédéraux ont l’obligation de rendre leurs
            décisions dans la langue du justiciable et dans les deux langues officielles lorsque les deux
            justiciables ont choisi d’employer des langues différentes.

         2) La Loi devrait préciser que toutes les décisions des tribunaux fédéraux doivent être publiées,
            simultanément, dans les deux langues officielles, en toutes circonstances.

         3) La Loi devrait préciser que les versions anglaises et françaises des décisions des tribunaux
            fédéraux ont la même autorité.

         4) Le principe de corédaction des lois fédérales devrait être codifié dans la Loi.

     6
       Voir notamment les décisions suivantes : Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217; R c. Beaulac,
     [1999] 1 RCS 768; Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 RCS 3.
b) Le Commissariat aux langues officielles

           Propositions législatives et réglementaires               Position et commentaires de l’AJEFNB
i)    Renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition.
      officielles et élargir la série d’outils à sa disposition pour
      assurer la conformité́ à la Loi, notamment en lui donnant
      la permission de publier des recommandations au cours
      d’une enquête, la possibilité́ de conclure des ententes
      exécutoires avec les institutions fédérales (ce qui inclut
      les entités privées assujetties à la Loi, comme Air
      Canada) ainsi que la possibilité́ d’établir des pouvoirs
      d’ordonnance liés aux parties IV et V de la Loi (limités à
      la conformité́ sur la base de plaintes individuelles, ce qui
      englobe les changements à la langue de service et de
      travail au sein des entreprises privées de compétence
      fédérale) et adaptés aux caractéristiques uniques du
      régime des langues officielles.

ii)   Reconnaître officiellement l’utilisation de modes L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition.
      alternatifs de résolution de conflits (médiation et autres).

iii) Accroître la latitude du commissaire aux langues         L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition.
      officielles en ajoutant des motifs pour lesquels
      il peut refuser ou cesser d’enquêter une plainte (par
      exemple lorsque la plainte fait déjà̀ l’objet d’une
      enquête).

           Plusieurs s’entendent sur le fait que la nouvelle Loi devra accorder davantage de
       pouvoirs au commissaire aux langues officielles. L’AJEFNB tient également à mentionner
       que peu importe quelle sera la modification envisagée et la forme administrative qu’elle
       prendra (création d’un tribunal administratif, création de deux postes de fonctionnaires
       distincts, processus interne au Commissariat, etc.), elle doit aussi avoir pour but d’alléger le
       fardeau qui retombe toujours sur les épaules des communautés de langue officielle en
       situation minoritaire, en vue de faire respecter leurs droits. C’est un fardeau trop grand, donc
       toute modification en ce sens devrait tenir compte du particulier, du justiciable et de la partie
       plaignante.

           Par exemple, il y aurait lieu d’inverser le fardeau de preuve, de sorte que si le
       commissaire dépose un rapport selon lequel il y a eu un manquement, il incomberait à
l’institution de contester la conclusion devant les tribunaux, plutôt que d’imposer aux
particuliers le fardeau de la défendre, puisqu’habituellement ces derniers ne disposent pas
de beaucoup de moyens pour ce faire.

   En plus des propositions législatives et réglementaires énoncées dans le Livre blanc,
l’AJEFNB désire également faire part de ses recommandations suivantes :

   1) La Loi devrait établir que les conclusions du commissaire aux langues officielles sont des
      décisions et non des recommandations.
   2) La Loi devrait prévoir un système de sanctions à la disposition du commissaire aux langues
      officielles et lui octroyer des pouvoirs coercitifs et contraignants.
c) La partie VII de la Loi

          Propositions législatives et réglementaires          Position et commentaires de l’AJEFNB
i)    Établir le pouvoir d’instaurer des instruments de L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition.
      politique pour appuyer le règlement précisant les
      modalités d’exécution des mesures positives que les
      institutions fédérales sont tenues de respecter en vertu
      de la partie VII de la Loi.

ii)   Développer un règlement pour fixer les modalités                     L’AJEFNB est d’accord avec cette proposition. Il
      d’exécution des mesures positives prises par                         sera cependant important de d’abord préciser la
      les institutions fédérales, au titre de la partie VII de la          Loi, et ensuite établir le règlement qui viendra
      Loi, qui visera :                                                    définir les contours de la Loi.

      §    Le développement de balises encadrant la prise des
           mesures positives que l’ensemble des institutions
           fédérales a l’obligation de prendre;

      §    L’obligation pour les institutions fédérales de
           déterminer l’incidence de chaque décision structurante
           sur le développement et l’épanouissement des
           communautés de langue officielle en situation
           minoritaire ainsi que sur la promotion de la pleine
           reconnaissance et de l’usage du français et de l’anglais
           et l’obligation de tenir de compte de cette incidence.
           Cette obligation serait assortie de consultations
           obligatoires et de mesures pour pallier cette incidence
           lorsque nécessaire;

      §    La responsabilisation des administrateurs généraux au
           sujet de la mise en œuvre de l’article 41 de la Loi par
           l’institution fédérale qu’ils dirigent et des responsabilités
           liées à la formation et à la reddition de comptes.

                 Une des modifications les plus importantes à la Loi est sans contredit celle visant à
          préciser l’étendue des obligations qu’a le gouvernement en vertu de la partie VII de la Loi.
          L’article 41 est d’une importance capitale pour les communautés de langue officielle en
          situation minoritaire et pour un organisme communautaire sans but lucratif, comme le nôtre.

                 En 2003, le gouvernement du Canada a accordé un financement opérationnel/de
          base à l’AJEFNB ainsi qu’aux associations de juristes d’expression française de la Nouvelle-
Écosse, de l’Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta, de la Colombie-
Britannique et à la Fédération des associations de juriste d’expression française de common
law (les « AJEF »). Toutefois, le gouvernement a mis fin à ce financement opérationnel en
2013.

        L’AJEFNB a été durement frappée par la perte de ce financement de base. Pendant
six ans, notre association, et donc par extension la communauté de langue officielle en
situation minoritaire du Nouveau-Brunswick, n’a pu bénéficier d’une direction générale afin
de faire progresser les dossiers relatifs à l’accès à la justice en français.

        L’absence d’une direction générale signifie que, en plus de perdre la mémoire
corporative, l’AJEFNB était sur le respirateur artificiel, ne consacrant son temps qu’aux
tâches administratives de l’association et à l’exécution des projets que finançait Justice
Canada. Autrement dit, le lien avec les autres organismes communautaires et les dossiers
de représentation communautaire ont été les grands perdants durant ces années, lesquels
constituent pourtant des composantes essentielles de notre mandat et de notre raison
d’être. Bref, notre association n’a pu remplir pleinement son mandat et a même failli fermer
ses portes.

        Le 1er décembre 2014, en s’appuyant sur l’article 41 et la partie VII de la Loi sur les
langues officielles, l’AJEFNB a donc porté plainte auprès du Commissariat aux langues
officielles. Dans son rapport, le Commissaire a confirmé que la plainte de l’AJEFNB était
fondée et que le ministère de la Justice du Canada n’avait pas évalué « les répercussions
négatives possibles [de la décision de mettre fin au financement opérationnel/de base] sur
le développement et la vitalité » de la communauté de langue officielle en situation
minoritaire du Nouveau-Brunswick. Justice Canada a plutôt simplement informé les AJEF
de sa décision de mettre fin au financement de base, manquant par le fait même à ses
obligations en vertu de la partie VII de la LLO du Canada.

        Depuis 2018, le financement de base de l’AJEFNB et des autres AJEF a été rétabli.
Bien que nous accueillions favorablement cette annonce, l’AJEFNB ne jouit toutefois
d’aucune garantie à son égard et il demeure soumis à la bonne volonté des gouvernements
successifs. Par conséquent, et ce afin d’éviter une nouvelle atteinte à ses droits et d’assurer
la stabilité de son financement et de ses activités, l’AJEFNB a entamé un recours judiciaire
en vertu de la Partie X de la LLO à la suite de la réception du rapport de suivi du
Commissaire aux langues officielles. Notre recours est présentement suspendu jusqu’à ce
que la Cour d’appel fédérale rende son jugement dans l’affaire Fédération des francophones
de la Colombie-Britannique c. Canada (Emploi et développement social)7.

        Bref, l’article 41 de la LLO est un article essentiel à l’épanouissement, au
développement et à la vitalité sociolinguistique des communautés de langue officielle en
situation minoritaire de partout au Canada. Or, depuis son adoption, il fait l’objet d’incertitude
et de débat théorique quant à sa justiciabilité et à son caractère obligatoire. Ces questions
semblaient être réglées depuis sa modification en 2005, mais le jugement de première
instance dans l’affaire Fédération des francophones de la Colombie-Britannique8 semble
être venu brouiller les cartes. Il est donc primordial que le projet de réforme corrige le tir et
définisse une fois pour toutes, de façon précise et cohérente, l’étendue des obligations qu’a
le gouvernement en vertu de la partie VII de la Loi.

        En ce qui concerne les changements concrets qui devraient être apportés à la partie
VII de la Loi, l’AJEFNB s’en remet entièrement au mémoire qui a été déposé par
l’Observatoire international des droits linguistiques9 par l’entremise de son directeur, Me Érik
Labelle Eastaugh, qui est également professeur à la Faculté de droit de l’Université de
Moncton et membre du conseil d’administration de l’AJEFNB.

7
  Fédération des francophones de la Colombie-Britannique c Canada (Emploi et Développement social),
2018 CF 530, [Fédération des francophones de la Colombie-Britannique].
8
  Ibid.
9
  Observatoire international des droits linguistiques, « La nécessité de modifier la Partie VII de la Loi sur les
langues officielles du Canada », Mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des langues officielles
dans le cadre de son étude sur la perspective des Canadiennes et des Canadiens sur la modernisation de la
Loi sur les langues officielles, le 23 novembre 2018.
III)   CONCLUSION

   En somme, l’AJEFNB appuiera tout changement législatif et mesures gouvernementales
qui auront pour effet de favoriser l’égalité réelle entre les deux communautés de langues
officielles. En raison de son statut particulier, et afin qu’elle puisse continuer de s’épanouir
pleinement, il est indubitable que la langue française nécessite une approche particulière et
doit davantage être protégée et promue. À cet égard, l’AJEFNB accueille donc très
favorablement la vision et les intentions du gouvernement du Canada énoncées dans son
Livre blanc.

   Or, comme il est indiqué dans ce Livre blanc, ce document ne fait qu’exposer « la vision
et les intentions du gouvernement du Canada qui seront présentées à la Chambre des
communes dans un projet de loi cette année ». À cet égard, nous sommes donc heureux
de voir que telles sont les intentions du gouvernement du Canada, mais, en tant
qu’association de juristes, nous allons faire preuve de retenue et n’exprimerons notre
réjouissance que lorsque le Parlement déposera et adoptera le projet de loi.
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