Performance canadienne à Cologne, été 98 - Elisabeth Jappe - Érudit
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
Document generated on 09/23/2021 8:43 p.m. Inter Art actuel Performance canadienne à Cologne, été 98 Elisabeth Jappe …fuites…espaces…contrôles… Number 72, Winter–Spring 1999 URI: https://id.erudit.org/iderudit/46260ac See table of contents Publisher(s) Les Éditions Intervention ISSN 0825-8708 (print) 1923-2764 (digital) Explore this journal Cite this article Jappe, E. (1999). Performance canadienne à Cologne, été 98. Inter, (72), 69–71. Tous droits réservés © Les Éditions Intervention, 1999 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
anus, il place des rubans rouges qu'il agite avei Performance canadienne à Cologne, été 98 les mains, les faisant flotter comme des dra peaux, tout cela dans une fumée dense. Suiven Elisabeth JAPPE encore quelques actions. Il aurait mieux fait d< s'arrêter là Mnnty CANTSIN sait inventer rie "c 'est Teresa DRACHE (« dragon » en alle- images. Toutes ses expériences américaines ne A u m o i s d e juin 1 9 9 8 , dix a r t i s t e s c a n a j mand), artiste de performance bien connue à Co- lui ont pas fait perdre le goût hongrois du bouf logne, qui arrive à lui expliquer la différence entre fon, du grotesque. diens ont été invités à p r é s e n t e r un pa- l'art et le vandalisme. Le groupe continue ensuite La deuxième soirée commence avec une n o r a m a d e l'art d e la p e r f o r m a n c e dans! son chemin en disséminant en divers endroits pièce de Margaret DRAGU, seule artiste de la Dlusieurs v i l l e s a l l e m a n d e s e t hollandais toutes ces traces symboliques de potlatch. Au côte ouest dans le groupe et représentante ty- s e s . L e c h o i x d e s a r t i s t e s avait é t é fait p a r b o u t d ' u n e heure on arrive à la M o l t k e r e l pique de la performance autobiographique ra es responsables du LIEU à Q u é b e c , qui Werkstatt, où les autres performances doivent contée de cette région. « Jenevousbattraipas, voulaient m o n t r e r d e s aspects très variés avoir lieu. Le collectif termine alors sa perfor- je ne tirerai pas sur vous », dit-elle en allemand mance en répétant les gestes principaux de ses au public. Elle trace le contour de son corps sur d e la p e r f o r m a n c e a u C a n a d a . C ' e s t ave> actions, en suivant le rythme d'une bande vidéo le muretycollede petits papiers qui disent : « Je e soutien du ministère des Affaires ex qui vient d'être tournée. suis une fille. Je suis une danseuse. Je suis la térieures du C a n a d a et d'un certain n o m - A p r è s c e t t e invasion paisible de la ville, femme d'un pêcheur. Je suis mère. Je suis un ore d e s p o n s o r s a l l e m a n d s e t h o l l a n d a i s , Rebecca BELMORE nous plonge dans une ac- fille de paysans », etc. Sur le mur blanc elle des et surtout g r â c e au t r è s grand e n g a g e - tion d'une intensité angoissante. Placée entre sine un grand carré, puis deux petits rectangles une plaque de bois debout contre le mur et un à l'intérieur. Elle enlève sa robe, se pose devant ment de l'organisation A S A european, projecteur diapo qui lance un rayon de lumière le carré, qui devient du coup un grand lit. Elle se sous l'égide de Boris NIESLONY, que tourne et retourne, tâte l'« oreiller » vide. Puis blanche éblouissante, elle montre aux specta- c e t t e t o u r n é e a pu être réalisée. teurs un plat plein de gros clous. Elle en prend elle tombe par terre, court vers la porte. « Je E l i s a b e t h J A P P E , f o n d a t r i c e d e la M o l t k - une poignée, approche ses yeux du projecteur l'avais déjà, ce rêve », dit-elle. « Mes jambes erei W e r k s t a t t à C o l o g n e , depuis pres- et se retourne vers la planche dans laquelle elle sont immobiles ». Elle se traîne par terre jus- commence à planter des clous avec un grand qu'au lit, où elle se recouche, puis sort, se traîne q u e v i n g t ans un d e s c e n t r e s d e l'arf marteau. Elle reprend des clous, retourne au pro- le long des murs, sur le sol. Elle prend des car- D e r f o r m a n c e les p l u s i m p o r t a n t s e n E u r o - jecteur et, éblouie par la lumière, elle recom- tes et lit leur avenir à des spectateurs. Avec un oe, r a c o n t e l e s d e u x s o i r é e s d e perfor- mence à clouer en vitesse, comme si sa vie en paquet de farine qu'elle berce dans ses bras elle mances canadiennes à Cologne. dépendait. Encore et encore elle répète ces chante une vieille chanson de soldats sentimen- gestes. De plus en plus épuisée, éblouie, elle tale sur la mort. Elle prend un poisson frais et le rate les clous, se tape sur les doigts dont, après glisse dans son décolleté. Toujours en chantant Une tempête accompagnée d'une pluie ora- quelque temps, le sang commence à couler. elle ouvre un grand parapluie noir, s'approche de geuse venait de chasser les centaines de pro- L'action devient de plus en plus autodestructrice, la sortie. Puis juste avant de sortir elle caresse meneurs qui déambulaient autour de l'immense a n g o i s s a n t e , a u s s i , pour les s p e c t a t e u r s : les mains d'un spectateur et l'embrasse. cathédrale gothique de Cologne, balayant même Rebecca commence à ralentir le rythme : elle La plus jeune artiste de la soirée est Julie les énormes haut-parieurs d'un groupe de mu- n'en peut plus. Et c'est avec soulagement qu'on Andrée TREMBLAY Mais les actes qui suivront siciens. Abrités sous le portail de l'église, armés la voit s'arrêter et s'éloigner. ne correspondent pas du tout à son allure pres- de parapluies, nous voyons arriver les quatre erformeurs du collectif Inter/Le Lieu', habillés Monty CANTSIN a versé son sang pour l'art que enfantine. Pour commencer, elle se colle du e combinaisons rouges et poussant devant pendant de nombreuses années. Depuis quel- sparadrap sur les yeux, s'allonge par terre et eux une brouette, une voiture d'enfant, un cha- que temps il a un nouveau cheval de bataille. Il rampe avec des gestes convulsifs le long des riot en bois et un caddy de supermarché. Ils s'ap- se présente dans un décor composé d'un mo- murs. Puis elle se met debout, enlève le spara- prochent de la ruine d'un parc romain, où ils bilierde bureau. Tendance à la sagesse après le drap et ouvre la bouche en un cri muet. Pendant mettent en marche plusieurs objets qu'ils trans- Sturm undDrangde sa jeunesse ? Ce n'est pas toute son action elle gardera cette expression portent dans leurs véhicules. Ils balayent soi- sûr. De toute façon, il n'est pas encore entière- de souffrance. Elle enlève sa chemise blanche gneusement une plaque de bronze par terre, la ment dépourvu de folie. Un chemin pavé de clas- et la trempe dans une bassine remplie d'encre couvrent d'un papier et la frottent avec du crayon seurs traverse l'espace. Au bout, dans un coin, noire. Dans l'espace se trouvent une chaise pour copier le texte ; « This place might be of une tour, pupitre ou piédestal, derrière laquelle noire et une chaise rouge. Elle les place l'une à historical importance ». À partir de la cathédrale, se trouve l'artiste, habillé d'un long manteau de côté de l'autre, en renverse une. s'assoit sur ils traversent la ville en laissant leurs traces ; des cuir. Une Chinoise lit un texte. Au pied de la tour l'autre et la fait basculerjusqu'à ce qu'elle tombe croix à bande collante entre les arbres, des fi- se trouve une plaque chauffante électrique, sur par terre. Plusieurs fois, elle répète cette chute, gures de roues de chariot au pochoir par terre laquelle Monty laisse dégoutter des liquides. Qa une fois de côté, une fois en arrière, sans se fain ou sur le mobilier urbain, des frottages faits à fume et ça pue horriblement. mal. Sur le siège d'une chaise elle vide un pa partir des couvercles d'égout et surtout des Monty se met debout sur le piédestal, un fer quet de sucre, dans une bassine elle verse plu quantités de cravates nouées autourdes arbres, à repassera la main, et, en tenant le fil par le bout, sieurs bouteilles de vinaigre. Assise sur une des réverbères, des sculptures. Un policier en fait virevolter le fer au-dessus de sa tête, en le chaise elle ouvre son pantalon, met son doigt m o t o s ' a r r ê t e j u s t e au moment où Richard cognant contre les murs. Après avoir versé en- dans son vagin, puis dans le vinaigre, ensuite MARTEL décore avec sa bombe aérosol un pla- core sur la plaque brûlante des poudres qui ex- dans le sucre, et le suce. Après avoir répété ce card de l'entreprise de services d'électricité. plosent et qui fument, il remonte sur le socle, s'y geste plusieurs fois elle pose la bassine de vi- Sévèrement, le policier s'adresse au perfor- couche, les jambes en l'air, et montre son der- naigre sur la chaise et s'assoit dedans, se fixe meur. Quelques spectateurs entament alors rière nu aux spectateurs tout en hurlant : « Ca- sur la chaise avec une ceinture et piétine éner- aussitôt une discussion plutôt drôle avec le flic. nada, Canada. Canada ùbe ailes ». Dans son giquement. Le vinaigre vole, elle tombe avec la chaise, le visage dans le tas de sucre. Près de suffoquer, gémissant, toussant, elle suit son chemin en rampant dans le sucre répandu sur le sol. Arrivée près de la bassine d'encre elle re- vêt sa chemise, maintenant noire, s'appuie con- tre le mur et pousse un cri muet. C ' e s t le petit théâtre magique de Diane LANDRY que nous voyons ensuite. Sur une grande table se trouvent deux vieux tourne-dis- ques, entourés de toutes sortes d'objets. La salle est obscure, il n'y a que de toutes petites lumières sur la table. Tout à coup, sur les murs et le plafond de la salle apparaissent d'immen- ses ombres traversant l'espace à grande vi- tesse, accompagnés de bruits grinçants. On reconnaît, circulant avec fureur et énormément N o t e 1 Richard MARTEL, Alain-Martin RI- CHARD et Jean-Claude SAINT-HILAIRE, de la sélection à titre individuel, ont aussi produit quelques actions à titre du collectif Inter/Le Lieu (avec Nathalie PERREAULT). inter 72 69
agrandis, les objets qu'on avait aperçus sur la mance. Dans la fonderie, sur les vieux murs en aspect grotesque. table ; des jouets, un bouquet de fleurs, une brique, parmi les poutres et les constructions en Par contre, pour la performance de Sandy paire de chaussures à talons aiguilles, des pa- fer rouillé, le spectacle avait un caractère très MacFADDEN, la Moltkerei Werkstatt était beau- tins, une passoire. Tout cela, en volant autour de mystérieux. La table était aussi placée à plus c o u p plus appropriée que la salle d'Essen nos têtes, prend des formes gigantesques et grande distance des spectateurs, qui mettaient Sa performance gagnait beaucoup par l'intimité grotesques. Quelques jours auparavant, Diane plus de temps pour comprendre le fonctionne- qui, dans la vaste salle d'Essen, s'était un peu LANDRY avait réalisé la même performance à ment du dispositif. On était surtout fasciné par perdue. Ce jour-là, c'est la soirée des dames, un autre endroit, dans la grande salle d'une an- les ombres volant dans l'espace. A la Moltkerei, c'est aussi la soirée des obsessions. Sandy cienne fonderie à Essen. Bien qu'il s'agissait de par contre, on comprenait trop bien, trop vite, arrive avec son sac à dos, son grand sac de la même œuvre, les deux exécutions ont mon- sur les murs blancs et propres de la salle pas voyage et son petit sac-kangourou sur le ven- tré toute l'importance du lieu pour cette perfor- rès grande, les ombres n'avaient plus le même tre. Elle commence à fouiller dans ses sacs, en PHOTOS 2 et 5 : Sandy M A C FADDEN PHOTOS 3.4 et 6 ; Rebecca BELMORE PHOTOS 7 . 8 . 9 . 10. 1 1 . 1 2 e t 2 0 : Collectif Inter/Le Lieu, Richard MARTEL, Ala TREMBLAY PHOTOS 15. 17 et 19 : Monty CANTSIN PHOTOS 22 et 23 : Margaret DRAGU PHOTOS 1 et 13 : Richard MARTEL PHOTOS 2, formance canadienne en Allemagne s'est déroulée en juin 1998 dans les lieux suivants ; Artis, s'Hertogenbosch/NL, Cari Stipendium/Essen, C.U.B.A., Mùnst
sort toutes sortes d'objets personnels, des en plus de désordre. Complètement repliée sur qu 'elle jette également sur le grand tas de vête- vêtements, un réveil, des paquets de pain, des elle-même, elle s'agite sans aucun résultat. ments. Assise par terre elle ouvre des paquets Vuits, qu'elle pose par terre et remet dans les C'est presque tragique. Je me rappelle une dis- de farine et les vide sur sa tête. Avec la farine et sacs. Elle cherche, vide ou remplit ses sacs, cussion à Essen où quelqu'un disait que la per- un liquide rouge elle fait une pâte rose et forme lance des objets à travers la salle, vide des pe- formance est une forme d'art très autiste ; je une boule dans laquelle elle pique de petites bou- tits sacs en plastique, cherche désespérément n'étais pas du tout d'accord. Et voilà qu'on y as- qies d'anniversaire. Assise dans un coin, la tête quelque chose dans son sac à d o s , sort sa siste, à une performance autiste. Sandy étale sa renversée en arrière, elle couvre son visage de brosse à dents, brosse ses dents, prend son ap- veste par terre, y pose une feuille de papier la pâte avec les bougies allumées. Belle image pareil photo, le lance sur un tas de vêtements. qu'elle allume avec un briquet. Qa brûle douce- pour terminer cette deuxième soirée de perfor- Elle donne l'impression d'une obsédée qui veut ment, ça sent très mauvais. Tout à coup elle tire mance canadienne à la Moltkerei Werkstatt d< faire de l'ordre mais ne réussit qu'à créer de plus de la poche de la veste brûlante son walkman Cologne. lartin RICHARD et Jean-Claude ST-HILAIRE (avec Nathalie PERREAULT) PHOTOS 13 et 14 Diane LANDRY P H O T O S 1 6 . 18 et 2 1 ; J u l i e - A n d r é e , 6 , 13, 14. 15, 16. 17. 18, 19. 2 1 , 22 et 23 : Alain-Martin RICHARD PHOTOS 3, 7 , 8 , 9 10, 1 1 , 1 2 e t 2 0 : Elvira SANTAMARIA Set Up. per- ark-Halle, Mainz, KIK, Regensburg, Kùnstlerhaus Dortmund, Kunstcentrum - Sittard/NL, Moltkerei Werkstatt, Cologne, OF - Kunstraum, Offenbach
Vous pouvez aussi lire