ATELIER MENAGES ET CRISE - Horizon IRD
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Comportement des ménages et desacteurs sociaux, '.' face à une sévère régression de leurs revenus.,· - • - • - ,-- ~ •• - - -,~ ~ • .,' < •• , ••••- ..... - • -- - • .- '_. - .' •• , •• ' ". ATELIER MENAGES ET CRISE Marseille 24-25-26 mars 1997 "Trajectoires et passage de la ligne de pauvreté: six modèles de mobilités" Michel AGIER ORSTOM OR5TOM CEDER5
Atelier de l'Orstom "Ménages en crise", Marseille, mars 1997 TRAJECTOIRES ET PASSAGE DE LA LIGNE DE PAUVRETE: SIX MODELES DE MOBILITE (Note provisoire, 13 mars 1997) Michel Agier Question La question posée est celle de la relation pauvreté/mobilité. Peut-on saisir empiriquement des régularités et règles de sortie de la pauvreté? En termes plus inter-disciplinaires, il s'agit de la question du franchissement de la "ligne de pauvreté", franchissement vers le haut (mobilité ascendante) ou vers le bas (mobilité descendante). A Bahia, Brésil urbain, la situation dans la période 1990-1995 est celle d'un resserrement autour de la ligne de pauvreté (impression confirmée par d'autres pour la Colombie urbaine et en général par des analyses récentes en économie de la pauvreté dans le tiers-monde, cf. Salama 1995). L'heure n'est pas aux grandes carrières d'enrichissement (au moins dans le domaine licite et ordinaire). La mobilité joue sur de petites "surfaces" autour de la ligne de pauvreté et (ceci n'est qu'une intuition) elle est moins significative en termes socio-économiques qu'en termes "politiques", c'est-à-dire du point de vue de l'accès aux formes sociales de la citoyenneté, soit en vrac : couverture sociale, syndicalisme, sortie des favelas, mariage civil, position sociale localement reconnue, etc. Les politiques libérales actuelles, toile de fond de la réflexion, remettent en cause la stabilité des positions et des droits acquis et favorisent sinon la pauvreté (difficile à prouver par des données) du moins l'appauvrissement. Ainsi, il y a eu une violente chute de l'emploi industriel, de 25.000 à moins de 8.000 emplois salariés directs, entre 1990 et 1995, dans le pôle pétrochimique de Bahia qui avait représenté auparavant (1975-1990) la principale, sinon la seule, cible ascensionnelle et moderniste des milieux populaires urbains. Le petit pécule amassé dans la période dorée (1975-1985) a permis à d'ex-salariés de se reconvertir par exemple en chauffeurs de taxi à leur compte, position certes encore enviable mais non garantie à cause de la fragilité de ce secteur. Dix ans plus tard, en 1995, tous (ou presque tous) les effets de la période dorée sont éliminés. Les ouvriers n'avaient pas tort, lors des enquêtes menées en 1986-1990, lorsqu'ils comparaient leur carrière à celle des joueurs de football, rapide et incertaine, à cette seule différence près que l'accumulation qu'ils ont réalisée est nettement moins conséquente que celle de Pelé ou de Romario. On est donc dans une situation où "la voie libérale de sortie de crise (...) montre une tendance à la concentration autour de la ligne de pauvreté et un maintien, voire une accentuation, des inégalités de revenus" (Salama 1995 : 342) Positions méthodologiques Le niveau d'appréhension des faits sociaux par l'ethnologie étant micro-social, ce n'est qu"à ce niveau-là que l'on peut prétendre apporter des réponses fermes sur les récurrences, les logiques. voire sur les "causes" de-pauvreté et de sortie·de pauvreté. Or, les niveaux de décision des politiques économiques et sociales sont ceux qui, pour l'ethnologue, composent à peine le contexte "macro" de ses interprétations: local-urbain, régional, national, etc. En outre, l'accès aux données de ce contexte-ci est indirect et partiel (recherche documentaire de "facteurs" intervenant dans les situations micro-sociales appréhendées par l'enquête directe et personnelle). Les conclusions de l'ethnologue ne valent donc d'abord qu'à leur propre niveau micro-social de recueil (pour autant qu'il n'y ait pas de mésinterprétation), et c'est dans la discussion inter-échelles (plutôt qu'inter-disciplines) que l'on pourra les utiliser ou les rejeter (comme non ou pas assez représentatives et non ou pas assez significatives 1) ILes critères eux-mêmes de l'évaluation inter-disciplinaire de résultats sont des choix d'échelles, ce qui laisse sceptique sur l'existence dans l'absolu d'un bon choix de lutte contre la pauvreté. 1
· Le passage d'une échelle à l'autre peut se faire empiriquement (en essayant de passer de l'information recueillie jusqu'à saturation dans l'entretien direct et personnel, à la question aux réponses quantifiables dans le questionnaire indirect) ou théoriquement (en construisant et testant des modèles). On ne peut plus parler à ce niveau-là de causalité mais de logique d'ensemble, de système de facteurs, etc. (Ainsi, la cause de l'appauvrissement d'une famille X ou Y ou de la disparition d'un groupe domestique précis peut bien être établie par l'enquête ethnographique avec hiérarchie des causes - perte d'un emploi, décès, séparation, échec scolaire, etc. - mais elle ne sera pas transposable immédiatement à une autre échelle). La présente réflexion se situe donc au niveau micro-social d'enquête et d'interprétation, sans préjuger des modes possibles d'extrapolation et donc d'élaboration de conseils pour l'action. A ce niveau d'enquête, l'étude du franchissement de la ligne de pauvreté pose d'abord le problème "pratique" de la prise en compte / correction des effets de conjoncture : dans un temps donné et dans tel ou tel endroit (quartier, rue), est-on devenu plus pauvre ou moins pauvre qu'auparavant? Cela demanderait des "enquêtes à passage répété" ethnologiques, des retours sur le terrain de cinq en cinq ans, dix en dix ans, ou avant et après un choc économique, etc. Mais dans ce cas, outre le caractère laborieux du programme, l'information et l'analyse risquent d'être tellement dépendantes de l'histoire immédiate qu'elles seront aussi éphémères et non généralisables qu'elle (par exemple, avant et après la dévaluation du franc CFA). Par ailleurs, Il faudra tenir compte sur le plan méthodologique des effets secondaires du phénomène étudié, par exemple la mobilité résidentielle liée à la mobilité sociale ... qui peut faire littéralement perdre la majeure partie des informateurs si l'on garde l'espace micro-local de départ comme univers d'enquête ! Dans l'étude de la mobilité sociale (ascendante ou descendante), il y a un problème d'Inadéquation a priori à résoudre entre les dimensions de la localité et de la temporalité. Ainsi, en situation de mobilité sociale (relativement) ascendante liée à la salarisation dans le pôle pétrochimique de Bahia, la mobilité résidentielle des nouveaux salariés vers un autre quartier que celui du moment de leur embauche est de 2,8% dans la première année d'emploI, 13,4% au bout de deux ans, 33,3% au bout de cinq ans, 59,5% dans les dix premières années d'ancienneté, 73,9% au bout de quinze ans, et après quinze ans d'ancienneté 80,9% des salariés ont quitté leur quartier d'origine (et 97% ont simplement changé de domicile) (Agier 1994'299). Autrement dit, dans des situations de mobilité, les univers sociaux des parcours individuels changent et posent le problème de l'univers "de référence" pour les Interprétations comme pour les quantifications. Si l'on opte pour la temporalité, on perd la localité, et l'ethnologue passe son temps à rechercher ses informateurs disséminés dans la grande ville .. , D'où la proposition suivante. En restant au même niveau micro-social d'enquête et d'interprétation, on peut également percevoir une mobilité de manière synchronique. Formule paradoxale qui veut simplement suggérer une autre mesure. plus réaliste sur le plan de la faisabilité, de la mobilité: elle consiste à mettre en parallèle, pour comparaison, diverses trajectoires qui permettent de saisir directement le mouvement en cours et de le comprendre à un moment donné (unité de temps) dans le cadre d'un même milieu soclo-culturel assez connu pour être l'univers de rèférence (rue, pâté de maisons, quartier) (unité de lieu) et d'un même contexte local et temporel socio-économique (le même marché de l'emploi pour tous, les mêmes lois juridiques, les mêmes institutions politiques, etc) (unité d'action), Pourquoi et comment, dans ce cadre, certaines lignées "montent", d'autres "stagnent", d'autres "descendent" ? L'analyse peut se servir de la conjoncture au cas par cas pour relativiser les informations personnelles résultant de l'enquête directe, mais le but est de déboucher sur des lois générales, qui ont éliminé ("corrigé") les données de conjoncture. D'autre part, parler de pauvreté dans une certaine unité de lieu sans saiSir le mouvement (c'est-à-dire, à l'échelle de l'ethnologue, saisir les trajectoires individuelles, objet "naturellement" en mouvement) aurait pour effet de présenter des caractérisations figées propres aux inventaires de traits et à l'approche structurale et monographique débouchant sur des interRrétations culturalistes de résistance au changement, comme celle de la "culture de pauvreté"2. 2Pour une critique de ces approches, voir Agier 1996 2.
Trois principes sont à l'oeuvre dans cet essai de construction de modèles de mobilité: - Acceptant les changements de contextes spatiaux et sociaux que les faits de mobilité contiennent nécessairement, l'unité de référence des observations (mais pas nécessairement celle des descriptions et des analyses) est l'individu. Tout en restant ancrés sur l'individu, 1) l'enquête longitudinale permet de prendre la lignée comme cadre de description, 2) l'étude localisée construit le milieu socio-culturel immédiat comme univers de référence des interprétations, et 3) le contexte général intervient comme un ensemble de facteurs (setting). - On ne peut rien tirer de ces enquêtes sur le plan quantitatif à l'échelle macro-sociale (celle des politiques économiques), et les procédures de quantification poseront toujours des problèmes de perte d'information. - On recherche des règles, des normes, certains langages, codes et interprétations "emic". Ces données interviennent comme des déterminants directs des comportements sociaux et socio-professionnels favorisant la pauvreté ou la mobilité, telles qu'on les observe sur le terrain. C'est cette information-là qu'on essaie de traduire dans les énoncés ci-dessous à confronter avec d'autres enquêtes. énoncés et illustrations Pour répondre à la question "quelles sont les régularités et règles de sortie de la pauvreté ?",et "comment s'établit la relation pauvreté/mobilité ?", diverses propositions peuvent être faites par domaine de sociabilité, avec illustrations brésiliennes et africaines. On les présente en les rassemblant dans six modèles culturels, ou paradigmes de comportements, tendant à dominer différentes sortes de dynamiques sociales, et dont la construction est ici juste ébauchée et proposée au débat. Le bon père (ou: le poids de la famille comme lieu de socialisation morale). Deux types de valeurs morales peuvent être inculqués dans le cadre familial: des valeurs relatives au travail et des devoirs familiaux. On voit bien le poids des apprentissages sociaux et socio-professlonnels internes à l'univers familial: le modèle peut en être la petite entrepnse familiale (atelier) où le père petit patron fixe un horizon social et des moyens techniques à sa descendance (voir un parcours "du père ouvrier-patron au fils ouvrier-modèle" in Agier et Castro 1995: 164-166). Deuxième composante de la première socialisation morale, l'inculcation de valeurs strictement familiales peut jouer un rôle de premier plan dans certaines trajectoires. Ainsi au Brésil lorsque la participation sociale s'appuie sur la croyance en la valeur positive de l'image du "père pourvoyeur", qui renvoie au modèle paternaliste de la casa grande. Les femmes y croient autant que les hommes puisque les échecs masculins (parallèlement sociaux et matrimoniaux) sont sanctionnés par des rumeurs de rue et de quartier qui stigmatisent les hommes sans succès (tenus pour "malades", "faibles", "anormaux", etc). Mais cela ne dit rien quant aux moyens de cette réussite. Car ce n'est pas le travail qui est valorisé à ce niveau-là. On peut être malandro (petit bandit) et bon père de famille. Comme c'est le cas pour certains hommes politiques de premier plan, la réussite est à elle-même sa propre Justification. Le Gouverneur de l'Etat de Bahia, ex- ministre, Antonio Carlos Magalhaes, est souvent donné en exemple: très populaire, toujours élu avec des pourcentages supérieurs à ceux des clivages politiques, il est notoirement corrompu, mais il traite bien ses administrés. " redistribue dans son univers familial clientéliste. mais aussi dans des services "publics". On dit de lui: "Rouba mas faz" ("il vole mais il fait") (Mc Callum 1996). La bonne mère (ou : le poids de la famille comme apprentissage des rôles sexuels) Plutôt que de féminisation de la pauvreté, il conviendrait de parler de gestion féminine de la pauvreté. Cette place des femmes repose sur des situations marquées par la "désertion masculine" (Azevedo 1966) et sur une socialisation des jeunes filles comme protectrices et organisatrices du foyer, notamment en recourant à leur propre 3
famille d'origine pour trouver les appuis nécessaires à leur famille de procréation. Ces principes légitiment les femmes à prendre un contrôle sur leur groupe domestique lorsque les hommes échouent dans la réalisation de leur rôle social. En assumant la chefferie des maisonnées, les femmes dirigent alors des groupes domestiques à la fois précaires sur le plan économique et partiels sur le plan sociologique : on a pu relever à Bahia, Brésil, que les maisons de femmes se composent principalement de lignes de filiation (mères, filles et enfants de filles) incomplètes, c'est-à-dire où manquent les différentes figures de l'homme adulte (père, fils adulte ou gendre). Cette organisation familiale n'est pas la cause de la pauvreté (selon le procédé de victimisation familiale contenu dans l'idée de "féminisation de la pauvreté") ; lorsqu'elle réussit à exister (ce qui n'est pas toujours le cas, puisque des groupes domestiques peuvent bien disparaître), elle en amortit les effets en les répartissant sur une surface sociale plus large. On observe dans les maisonnées féminines une perte de fonctions de la famille élémentaire 1 maisonnée et une redistribution des charges dans les réseaux mobilisés par les femmes (parentèle, parrainnage, voisinage, etc). Mais cela ne crée pas pour autant une valorisation sociale positive de substitution pour les femmes chefs de ménage. En outre, il est réducteur et faussement moralisateur de parler dans ce cas de "solidarité" puisqu'il s'agit de rapports de pouvoir verticaux (rapports de filiation: les femmes recourant à leur famille d'orientation ou à leur propre prise en charge par leur descendance) et horizontaux (au sens étroit de consanguins et collatéraux et aux sens larges de pairs sociaux). L'héritier (ou : le poids de la famille comme structure de relations). La position d'héritier est partout un bon facteur de mobilité, même s'il n'agit pas seul. L'héritage est une position dans la lignée constituée par des biens matériels, fonciers, des réseaux de relations et surtout un statut auquel sont associés des privilèges dans l'accès aux avantages de la modemlté (scolarisation, emploi, etc.), lesquels peuvent démultiplier l'avantage initiaI. La position d'héritier peut être individuelle (aîné d'une descendance ou chef de clan "poussés" par leur rôle dans des positions de salariés urbains) ou collective (membres du lignage d'un chef de village organisant le recrutement de 25 parents et alliés 3) ; dans ce dernier cas, des personnes de statut inférieur ou pauvres peuvent aussi bénéficier de la position collective d'héritier. D'autre part, des inégalités dans l'héritage existent au sein d'un même groupe domestique. On le VOit avec le cas du placement des enfants. Pratique fréquente dans les milieux populaires au Brésil, la prise en charge d'enfants (criaçao) qui ne sont pas nés dans la famille nucléaire est considérée comme une "aide", un "secours", une "chanté", qu'elle SOit faite au bénéfice de parents, de filleuls, ou de voisins. Il s'agit de donner une maison et un cadre familial à un enfant qui n'en a pas, et non pas d'in- vestir dans cet enfant comme dans une descendance qui porte le nom et le statut de la famille. C'est dans ce sens que le placement permet d'échapper à une marginalité probable, mais ne donne pas tous les avantages que peut donner, par exemple, une famille de petite classe moyenne à l'enfant qu'elle accueille. Celui-ci reçoit un niveau de scolarisation caractéristique des milieux populaires non marginaux, puis la famille le retire de l'école pour le placer tout de suite sur le marché du travail le plus accessible, à un niveau non qualifié Dans ce cas, l'héritage se compose d'une partie seulement des dispositions que peut transmettre une famille de petit fonctionnaire : Il a les horizons imaginaires mais sans l'accès aux moyens correspondants (école, réseaux, etc). L'enfant qUitte rapidement sa famille de criaçao, dès qu'une certaine stabilité apparaît, et on le rencontre à un moment de sa trajectoire (30 ans) où il lui reste beaucoup à faire pour remonter au niveau de son ex-famille d'accueil (Cf. Agier et Castro 1995: 161-164) Enfin, l'absence d'héritage se traduit par des trajectoires errantes au cours desquelles l'accumulation d'expériences et de reconnaissances professionnelles est longue et indispensable à une première bonne insertion. On l'a vu en Afrique, dans le salariat, en opposition au modèle des héritiers (voir Agier et Lulle 1987:233-237). Plus encore en Amérique latine urbaine, "ce qui frappe dans les récits 3Cf. études de cos à Lomé. dans une entreprise de salariés. cf. Agier et Lulle 1987'219-233.
de vie de travailleurs 'adultes' est l'instabilité, voire "errance: la mobilité géographique se double d'une mobilité inter-statutaire" (Lautier 1995:344). Le parrain (ou: l'action des réseaux). Ils agissent dans tous les domaines mais avec plus ou moins d'efficacité. Forme essentielle du lien social urbain, ils sont particulièrement importants dans les stratégies féminines. C'est, pour les deux tiers des cas, dans les relations matemelles que les parrains (au sens propre, celui du baptème) des enfants sont trouvés (données de 60 maisons à Liberdade, Bahia, cf. Agier 1996a). D'après cette mêmê enquête, les parrains sont proches sur le plan spatial, familial ou du travail, mais généralement d'une position sociale un peu supérieure ou plus stable que celle des géniteurs. Et, dans plusieurs situations locales et trajectoires individuelles, on retrouve des parrains qui fournissent des aides pour la famille en difficulté: aide alimentaire d'appoint, embauche d'un filleul, placement d'enfants (criaçao) , etc. Des "parrains" métaphoriques interviennent aussi de la même façon. Dans ce cas, ce sont des réseaux de clientèle plus amples qui se montent autour de ces aides. Le fait devient politique au sens strict quand des carrières politiques se construisent, dans des contextes locaux, professionnels, familiaux, etc., sur des montages de réseaux / distribution de faveurs / soutien et vote électoral (le cabo eletoral, lit. relais électoral comme emploi, est un débiteur du parrain). Le citadin (ou: l'influence du lieu). Une certaine stabilisation de la pauvreté est liée aux processus d'insertion urbaine. Ainsi, on oppose au Brésil une pauvreté stabilisée dans les métropoles Intra-muros au détriment des périphéries urbaines. Les conditions d'habitat des plus pauvres (type de construction, accès à l'eau et aux égouts) sont, à niveau de revenus égal, meilleures dans les quartiers urbains que dans les périphéries (Rlbeiro et Lago 1994:275). L'observation des effets de conjoncture doit donc tenir compte du "privilège urbain"4, mais celui-ci ne fonctionne vraiment que pour l'urbanisation stabilisée. Les renaissants ("barn again", ou : le poids des rhétoriques identitaires). Plus proche de la vie quotidienne que les grandes idéologies nationales, diverses rhétoriques émanent de groupes et institutions accessibles dans les milieux pauvres et populaires de la ville (sur les lieux de travail ou de résidence) et entrent éventuellement en compétition les unes avec les autres Dans le cas de Bahia des années 1990, on peut citer, en vrac : les mouvements de quartier, associations de mères de famille, associations de fa vela dos, et divers autres institutions plus ou moins liées à l'église catholique ; les terreiros et groupes culturels afro-brésiliens (afoxé, capoeira, associations carnavalesques) ; les différentes sectes pentecotistes ; les syndicats ; les partis politiques, dont certaines filiations locales sont ancrés dans des réseaux clientélistes anciens ; etc.. Tous ces groupes ou "milieux" développent des rhétoriques identltalres et des sociabilités qui se situent à un niveau de réalité accessible par réseaux, "de proche en proche". Des valeurs morales y sont transmises, ainsi que des critères d'identité et d'altérité, éventuellement des "ennemis" à combattre sont désignés, et les rôles sociaux sont commentés. Tout cela contribue à donner un sens à la position dans le monde occupée par chaque individu-cible de ces discours. Ceux-ci favorisent des "renaissances" individuelles ou collectives (les "born again" de Corten 1995:241) qui peuvent aussi, dans certains cas, déterminer une puissante morale du travail (Témoins de Jehova, églises pentecôtistes, syndicat) ou au contraire un détachement et un renoncement au monde. L'adhésion, la conversion et toute autre forme de "renaissance" spirituelle ou idéologique deViennent ainsi des facteurs de changement de l'engagement individuel dans la vie sociale quotidienne. 4Sur le privilège urbain en matière de santé publique. voir Didier Fossln (1997) à propos de l'Equateur. 5
Références bibliographiques Agier, M. (1994) : "Une ville entre magie et industrie - Nouveaux espaces d'identité à Bahia", Problèmes d'Amérique Latine (La Documentation Française), nO 14, pp.297-309. (1996) : "Pauvreté, culture et exclusion. La question du sens en anthropologie urbaine", in Le Bris, É. ed. : Villes du Sud, Paris, Ed. de l'Orstom, pp. 227-243. (1996a): "Lieux et liens à Bahia", Histoires de Développement, CIEDEL, n033, pp. 16-19. et Lulle, T. (1987) : "Héritiers et prolétaires - Travail, mobilité sociale et vies de familles à Lomé (Togo)", Cahiers des Sciences Humaines, XXIII, 2, pp.215-241. et Castro N. (1995): "Projet ouvrier et destins personnels à Bahia", in Cabanes, R., Copans, J., Selim, M. (eds) : Salariés et entreprises des pays du Sud. Contribution à une anthropologie politique, Paris, Karthala/Orstom, pp. 153-182 Corten, A. (1995) : Le pentecôtisme au Brésil. Emotion du pauvre et romantisme théologique, Paris, Karthala. Fassin, D. (1997) : "L'expérience des villes. Des périphéries de Dakar et Quito aux banlieus de Paris", Enquête, no4. Lautier, B. (1995) : "Cycles de vie et trajectoires professionnelles", in Cabanes, R., Copans, J., Selim, M. (eds) : Salariés et entreprises des pays du Sud. Contribution à une anthropologie politique, Paris, Karthala/Orstom. Mc Callum, C. (1996) . "Resisting Brazil : Perspectives on Local Nationalisms in Siavador da Bahia", Ethnos, vol. 61, n° 3-4. Ribeiro, L.C. et Lago, Le. (1994) : "Brésil : évolution métropolitaine et nouveaux modèles d'inégalité sociale", Problèmes d'Amérique latine, La documentation française, n014, pp.269- 281. Salama , P. (1995): Pauvretés et inégalités dans le tiers monde, Paris, La Découverte.
Agier Michel. (1997). Trajectoires et passage de la ligne de pauvreté : six modèles de mobilités. In : Atelier ménages et crise : communications : 2ème tome. Paris (FRA) ; Marseille : ORSTOM ; CEDERS, 6 p. multigr. Ménages et Crise : Atelier, Marseille (FRA), 1997/03/24-26.
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