Chapitre 5 Balance des paiements et Marché des changes
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Chapitre 5 Balance des paiements et Marché des changes Bibliographie Bellone F. et R. Chiappini, La Compétitivité des pays, Repères, La Découverte. Benassy-Quéré, Economie monétaire internationale, Economica. Bouguinat H., Teïletche J. et Dupuy M., Finance Internationale, Dalloz. Cassagnard P. (2016), « Les balances des paiements à l’épreuve des crises », Ecoflash, n°304, janvier 2016. Krugman P., M. Obstfeld et M. Melitz, Economie internationale, Pearson. Plihon D., Les taux de change, Repères, La Découverte. Lemoine M., P. Madiès et T. Madiès, Les Grandes questions d’économie et finance internationales, De Boeck. I. La Balance des paiements et les déséquilibres externes 1) Comptes et soldes de la balance des paiements L’essentiel. Un solde a priori important est la capacité ou le besoin de financement de la nation puisqu’il indique le financement que pourra apporter ou devra se procurer le pays (l’ensemble des ménages, entreprises, administrations résidents) auprès du reste du monde. Toutefois, comme le solde du compte de capital est souvent négligeable, l’attention se porte généralement sur le solde des transactions courantes, qui regroupe le solde des revenus, solde des services et le solde des biens (solde de la balance commerciale). Puisque la balance des paiements est équilibrée par construction, un déficit de la balance des transactions courantes (au solde du compte de capital près) va nécessairement être compensé par le solde du compte financier (solde à financer) et la variation des avoirs de réserves ; en cas de besoin de financement et de solde à financer déficitaire, donc de balance globale déficitaire (aux erreurs et omissions près), les réserves de change de la banque centrale diminuent. Approfondir 1. Les flux (tels que ceux enregistrés dans la balance des paiements) modifient, par définition, des stocks (encours) : la « Position extérieure » est un document comptable qui enregistre les encours affectés par les flux enregistrés dans la balance des paiements (un des postes est la Position monétaire extérieure). Approfondir 2. Le solde du compte erreurs et omissions tend à s’accroître dans les différents pays depuis les années 1980. L’expression « trou noir de la balance des paiements » traduit le fait que l’ensemble des balances des paiements dans le monde est marqué par un déficit. 2) Déséquilibres internes et déséquilibres externes L’essentiel. L’équilibre macroéconomique en économie ouverte implique que l’épargne nette du secteur privé additionnée au solde budgétaire est nécessairement égale au solde de la balance courante : (S – I) + (T – G) = X – M + U, soit SN – I = BOC = - SCF. 3) La soutenabilité des déséquilibres externes a) Comment définir la soutenabilité des déséquilibres externes ? b) Déficit courant primaire et service de la dette : la contrainte extérieure L’essentiel. En niveau : Accroissement de la dette externe (Bt – Bt-1) = Déficit courant primaire (BCt) + Service de la dette (rBt-1). En termes de PIB : bt – bt-1 = (r – g) bt-1 + bct . Effet boule de neige contre Dette externe soutenable. c) La nécessité de rembourser (un jour…) : la contrainte budgétaire intertemporelle 4) Développement et déséquilibres : la structure de la balance des paiements est-elle liée aux niveaux de développement des pays ? 11 oct. 19 1
Approfondir. Dans la mesure où le sous-développement est associé à une insuffisance d’épargne, les pays peu développés seraient nécessairement caractérisés par un déficit de la balance des transactions courantes et des entrées de capitaux. Aller plus loin. En prolongeant l’idée d’un lien systématique entre niveau de développement et structure de la balance des paiements, on peut envisager l’existence d’un cycle long de la balance des paiements, composé de quatre stades : Pays nouvellement emprunteur / Pays emprunteur évolué / Pays nouvellement prêteur / Prêteur évolué. 5) Les rééquilibrages de la balance des paiements a) l’ajustement structurel et l’approche monétaire L’ajustement structurel : restaurer l’épargne L’approche monétaire : l’excès d’offre de monnaie comme source du déficit b) L’ajustement par le taux de change Effet prix et effets volumes L’essentiel. Les effets d’une dépréciation-dévaluation : 1 effet prix (dégradation des termes de l’échange) et 2 effets volumes (baisse des importations, hausse des exportations). Possibilité d’un effet sur le bas de la balance des paiements : rentrée de capitaux (Miles (1979)). 3 conditions : sous utilisation des capacités de production, phénomènes d’indexation limités (problème de l’inflation importée), absence de comportements de marge de la part des exportateurs (domestiques et étrangers). Le théorème des élasticités critiques (Marshall-Lerner) L’essentiel. L’effet positif d’une dépréciation (ou dévaluation) sur le solde de la balance commercial est d’autant plus important que les exportations (la demande externe de produits domestiques) et les importations (la demande domestique de produits étrangers) sont sensibles aux prix. Le théorème des élasticités critiques (ou condition de Marshall-Lerner) montre précisément que l’effet devient positif lorsque la somme des élasticité-prix des exportations et des importations est supérieure à 1 : ηx + ηm > 1 . Approfondir. La condition de Marshall-Lerner n’est généralement pas vérifiée dans les années 1920-1930, tant pour les pays développés que pour les pays en développement. Elle est en revanche souvent vérifiée dans les années 1960-1970, sauf dans les PED (pays pour lesquels tant les importations que les exportations sont peu élastiques au prix). A partir des années 1980, elle reste souvent vérifiée dans les pays développés, mais les élasticités-prix des exportations et des importations s’avèrent plus faibles : l’OCDE de 2004 a par exemple estimé qu’une dépréciation du dollar de 30% du dollar par rapport aux autres monnaies des pays de l’OCDE ne provoquerait qu’une réduction de 2 points de PIB du déficit courant américain. Aller plus loin. Le problème des effets-revenus : une dépréciation du taux de change est susceptible de créer une relance de la demande, donc du revenu national (multiplication de la demande externe), et par conséquent, des importations. Ces effets-revenus affaiblissent l’impact d’une dépréciation sur la balance commerciale. La courbe en J L’essentiel. L’impact d’une dépréciation (ou dévaluation) sur la balance commerciale est d’abord négatif (l’effet-prix est (quasi) immédiat) puis tend à devenir positif (lorsque les effets- volumes sur les exportations et les importations se réalisent) : la courbe en J décrit cette évolution de la balance commerciale dans le temps (dégradation puis amélioration). Approfondir. La courbe J a d’abord été observée au début des années 1970. Magee S.P. (1973) observe qu’avec la dévaluation du dollar en 1971 (dévaluation d’environ 8%, Smithonian Institute, 18 décembre 1971) la balance commerciale a d’abord continué à se dégrader (-6.8 mds USD en 1972, après -2.7 mds USD en 1971) avant de retrouver un excédent en 1973 (+8.8 mds USD). Masera R. (1974) s’intéresse à la dévaluation de la livre sterling en 11 oct. 19 2
1967 et met également en évidence une forme en J de l’évolution du solde de la balance commerciale après cette dévaluation. De même, la dépréciation du dollar à partir de février 1985 (chute de 50%) ne s’est traduite par un redressement de la balance commerciale américaine que plus de 2 ans et demi plus tard. Dans le cas de la dépréciation du dollar à partir de 2002, la résorption tardive de la balance commerciale américaine est liée à des comportements de marge, précisément tant à l’augmentation des marges des exportateurs américains qu’à la compression des marges des exportateurs européens et japonais. L’hystérèse Aller plus loin. L’hystérèse (ou hystérésis) se définit de manière générale (en physique, en économie, etc.) comme : « la propriété d’un système qui tend à demeurer dans un certain état quand la cause extérieure qui a produit le changement d’état a cessé. ». Dans le cas du taux de change et de la balance commerciale, un effet d’hystérèse apparaît notamment lorsqu’une appréciation suivie d’une dépréciation (la cause a cessé) s’accompagne d’une persistance du déficit commercial (l’effet persiste). C’est par exemple ce qui a été observé lors du double mouvement de hausse (1979-1985) puis de baisse (1985-1987) du dollar ; une explication par les « têtes de pont » est donnée par Baldwin R. (1988) : si l’accès au marché américain, facilité par l’appréciation du dollar, implique certains coûts irrécupérables, les entreprises étrangères n’ont pas d’autre choix, afin de conserver leurs parts de marché, que de comprimer leurs marges lorsque le dollar se déprécie. Le contexte des changes flottants et de la DIPP Approfondir. Dans un système de changes fixes, une dévaluation bénéficie d’un effet d’impact sur les comportements, susceptible de garantir des effets volumes (importations, exportations) importants. Cet effet d’impact disparait dans un système de changes flottants. De plus, le contexte de globalisation financière limite les possibilités d’action des autorités monétaires sur les taux de change (l’ampleur de l’effet sur le taux de change d’une baisse des taux d’intérêt ou de ventes de monnaie domestique sur le marché des changes est incertaine). Enfin, avec la division internationale des processus productifs (DIPP), la dépréciation peut nuire aux exportations lorsque la production des produits exportés nécessite des importations de produits de base ou semi-finis (donc le coût augmente avec la dépréciation) ; en 2014, Pascal Lamy affirmait que « Le taux d’importations dans les produits exportés, qui était de 20 % il y a vingt ans, est aujourd’hui de 40 % et sera de 60 % demain ». c) Restaurer la compétitivité : au-delà de la compétitivité-change L’essentiel. La compétitivité qui désigne, de manière générale, la capacité d’une économie ou d’une entreprise à faire face à la concurrence étrangère, dépend des prix de vente des produits (compétitivité-prix) mais aussi d’un large ensemble de facteurs susceptibles de donner, indépendamment du prix, un avantage sur la concurrence (compétitivité hors- prix). Les différentes composantes de la compétitivité-prix L’essentiel. La compétitivité-prix est principalement constituée de la compétitivité-change et de la compétitivité-coût (des différences de marges entre les entreprises domestiques et les entreprises étrangères peuvent également peser sur la compétitivité-prix). L’ajustement de la balance commerciale peut donc se réaliser par une modification du taux de change nominal (compétitivité-change) mais aussi par une diminution des coûts (compétitivité-coût), abaissant ainsi les prix internes par rapport aux prix externes. Une partie des coûts est constituée par le coût du travail, donc des salaires nominaux et de la productivité du travail. La compétitivité hors-prix (ou structurelle) L’essentiel. La compétitivité hors-prix ou compétitivité structurelle est la capacité (d’une entreprise, d’un pays) à faire face à la concurrence, par d’autres moyens que le prix. Elle 11 oct. 19 3
dépend de nombreux facteurs, tels que la qualité des biens et services produits (compétitivité qualité), l’image de marque ou la réputation. Compétitivité (des pays) ou productivité ? L’essentiel. La pertinence de la notion de compétitivité pour les entreprises ne fait pas débat : une entreprise non compétitive, dans un environnement concurrentiel, finit par être éliminée du marché. En revanche, faire de la compétitivité, dans le sens habituel qui implique de rechercher à gagner des parts de marché, l’objectif d’un pays est plus contestable. Un tel objectif repose sur une vision mercantiliste du commerce international et risque de détourner des ressources vers les activités exportatrices au détriment des facteurs de la croissance économique (et du développement durable). Ainsi, Paul Krugman, dans un article publié en 1994, a qualifié la compétitivité de « dangereuse obsession ». C’est pourquoi, certaines définitions de la compétitivité des pays (ou nations) s’écartent de la définition habituelle. L’Union européenne définit la compétitivité d’une région ou d’un pays comme « la capacité d’une nation à améliorer durablement le niveau de vie de ses habitants et à leur procurer un haut niveau d’emploi et de cohésion sociale ». De même, le Forum économique mondial, qui classe chaque année les pays selon un « Index de compétitivité global », la définit comme « l’ensemble des institutions, des politiques et des facteurs qui déterminent le niveau de productivité d’un pays ». II. Taux de change, marché des changes et régimes de change 1) Taux de change : définitions et modes de fixation L’essentiel. Le taux de change nominal est la valeur nominale d’une monnaie par rapport à une autre monnaie. Il peut être défini « au certain » (une unité de monnaie nationale vaut f unités de monnaie étrangère) ou « à l’incertain » (une unité de monnaie étrangère vaut e unités de monnaie nationale) : la monnaie nationale s’apprécie lorsque f augmente ou lorsque e diminue. Le taux de change réel corrige le taux de change nominal par les prix relatifs des produits étrangers par rapport aux produits domestiques : une dépréciation du taux de change réel peut provenir d’une dépréciation du taux de change nominal, d’une augmentation des prix des produits étrangers ou d’une diminution du prix des produits domestiques. Les taux de change bilatéraux se distinguent du taux de change effectif qui est une somme pondérée des taux de change bilatéraux avec les différents partenaires commerciaux et concurrents. Le taux de change nominal se fixe soit de manière institutionnelle (parité officielle dans un système de changes fixes) soit par le jeu des offres et des demandes sur le marché des changes (prix de marché dans un système de changes flottants). 2) Le marché des changes : acteurs, instruments et opérations L’essentiel. Les principaux acteurs sur le marché des changes sont les banques et banques centrales mais aussi des institutions financières non bancaires. Les opérations de gré à gré dominent le marché. Le volume des transactions quotidiennes a connu une très forte progression depuis les années 1980 : de 650 mds USD à la fin des années 1980 à plus de 5000 mds USD dans les années 201, selon les données de la BRI (Banque des Règlements Internationaux). Le marché au comptant (marché spot), qui représentait plus de 50% des transactions dans les années 1980, en représente moins d’un tiers aujourd'hui : ce sont les produits dérivés (opérations à terme, options, swaps) qui dominent, faisant du marché des changes principalement un marché du risque de change (les opérations de couverture et de spéculation dominent sur les opérations d’arbitrage). En lien avec la globalisation financière, dont le développement du marché des changes est lui-même une composante, les transactions de change liées à des opérations sur biens et services (importations et exportations) ont aujourd’hui une place limitée comparées aux transactions liées à des opérations financières : ces dernières représentent 50 à 100 fois celles liées à des opérations sur B&S. Enfin, le marché des changes reflète la domination du dollar dans le système monétaire et financier international : il représente 80% des transactions, contre 40% pour l’EUR et 11 oct. 19 4
20% pour le JPY (sur un total de 200%) ; notons que le CNY (yuan, renminbi), bien que non pleinement convertible (contrôle des capitaux) est devenue la 5 e monnaie la plus utilisée dans les paiements internationaux en 2014. 3) Les déterminants du taux de change : du rôle des fondamentaux à celui des comportements financiers L’essentiel. Puisque les opérations internationales sur biens et services (transactions courantes) ou sur actifs financiers (« bas » de la balance des paiements) impliquent des opérations de change, les taux de change doivent dépendre des « fondamentaux » (solde de la balance commerciale, inflation, taux d’intérêt, etc.). Cependant, le marché des changes est aussi un marché d’actifs et, à ce titre, est soumis à logique financière (recherche de plus-values) qu’il s’agit d’analyser pour comprendre la formation du prix (le taux de change) sur ce marché. En particulier, l’analyse des déterminants des taux de change doit permettre d’expliquer la volatilité (très court terme), les fluctuations (court-moyen termes) et les tendances de long et très long termes. a) Le rôle des fondamentaux : différentiels d’inflation, déséquilibres de la balance courante, différentiels de taux d’intérêt La théorie de la parité des pouvoirs d’achat : les prix et le taux de change Approfondir. Bien que la théorie de la parité des pouvoirs d’achat trouve ses origines au XVIe siècle, l’auteur qui lui a donné sa forme moderne et son nom est Gustav Cassel au moment de la Première Guerre mondiale. PPA absolue et PPA relative L’essentiel 1. La théorie de la parité des pouvoirs d’achat absolue (PPA absolue) repose sur la loi du prix unique, qui prévaut dans un environnement parfaitement concurrentiel et en l’absence d’entraves à la circulation des biens : deux (paniers de) biens identiques (ou parfaitement substituables) doivent avoir la même valeur quel que soit le lieu (pays, zones monétaires) où ils sont offerts. Dès lors, si un panier de biens a un certain prix dans un pays A, exprimé dans la monnaie de A (ex : 200$), et si un panier identique a un certain prix dans un pays B, exprimé dans la monnaie de B (ex : 160€), alors le taux de change doit être égal au rapport des prix dans les deux pays (1€=1,25$). L’essentiel 2. Selon la théorie de la parité de pouvoirs d’achat relative (PPA relative), les variations des prix relatifs des biens dans deux pays indiquent les ajustements de taux de change qui doivent avoir lieu. Autrement dit, la variation du taux de change (en pourcentage) doit être égale au différentiel d’inflation entre les pays (ex : une augmentation du niveau général des prix de 2% aux Etats-Unis et de 2,5% dans la zone euro doit entraîner une appréciation du dollar par rapport à l’euro de 0,5%). L’indice Big Mac L’essentiel. L’indice Big Mac, publié par l’hebdomadaire britannique The Economist depuis 1986 calcule la PPA (absolue) pour un seul bien (le Big Mac), bien presque homogène dans tous les pays. La comparaison entre les taux de change (bilatéraux) théoriques (correspondant à la ‘PPA du Big Mac’) et les taux de change observés détermine les monnaies sous-évaluées et les monnaies sur-évaluées. Bien qu’il s’agisse a priori d’une version très simple (voire simpliste) de la théorie de la PPA, elle donne des résultats assez peu différents de versions plus sophistiquées de cette théorie. En juillet 2019, un Big Mac vaut, en moyenne, 21 yuans en Chine et 5.74 dollars aux Etats-Unis. Pour que le taux de change yuan/dollar égalise le prix du Big Mac dans les deux pays, il faudrait qu'un yuan vaille 21/5.74 dollars (soit 1 CHY = 0.2733 USD). Or, sur le marché des changes, un yuan vaut (seulement) 0.1453 dollars. Le yuan apparaît donc sous-évalué de 47% ((0.1453-0.27.33)/0.2733) selon la ‘PPA du Big Mac’. Le problème des biens non-échangeables : l’effet Balassa-Samuelson ou les différentiels de productivité comme déterminants des taux de change 11 oct. 19 5
L’essentiel. Selon la PPA, le taux de change devrait être tel que les prix des biens et services soient, en vertu de la loi du prix unique, égaux dans les différents pays. La loi du prix unique repose sur la concurrence censée s'exercer au niveau international. Or, les offreurs de certains produits ne pas soumis à cette concurrence internationale (c'est le cas, par exemple, d’un grand nombre de services). C'est ce qui amène Béla Balassa et Paul Samuelson (Balassa (1964), Samuelson (1964)) à distinguer les biens non échangeables (secteurs dits "abrités" de la concurrence internationale) et les biens échangeables (secteurs dits "exposés"). Dans les secteurs exposés, la loi du prix unique doit s'appliquer (un même bien a un prix unique dans le monde), alors que dans les secteurs abrités, le prix d'un même bien peut varier d'un pays à l'autre. Or, les pays développés ont une productivité élevée, donc des salaires élevés, à l'inverse des pays peu développés qui ont une productivité faible, donc des salaires faibles. Le marché du travail étant supposé concurrentiel au niveau domestique (les travailleurs sont mobiles à l'intérieur de chaque de pays), les salaires sont (pour un niveau de qualification donné), pour chaque pays, identiques dans les secteurs abrités et exposés et, par conséquent, les prix des biens non échangeables sont plus élevés dans les pays développés que dans les pays peu développés. Puisque les prix des biens échangeables sont les mêmes dans les pays développés et dans les pays en développement mais que les prix des biens non échangeables sont plus élevés dans les pays développés, le niveau général des prix est plus élevé dans les pays développés. Le taux de change dans les pays développés apparaît donc surévalué au regard de la PPA et celui dans les pays en développement sous-évalué. Au fur et à mesure que la productivité augmente dans les pays en rattrapage, les salaires augmentent, les prix des biens non échangeables également, ainsi que le niveau général des prix, d'où une appréciation du taux de change (donc une disparition progressive de la sous-évaluation au regard de la PPA). Approfondir. Afin de prendre en compte l’effet Balassa-Samuelson, The Economist publie deux indices Big Mac : un indice « brut » et un indice ajusté par le PIB par tête. Selon ce dernier, le yuan, monnaie d’un pays en rattrapage, apparaît sous-évalué de (seulement) 13,1% en juillet 2019 (contre 47% selon l’indice « brut »). Une théorie pour le (très) long terme L’essentiel. Des écarts importants entre les taux de changes prédits par la PPA et les taux de change observés (niveaux et évolutions) peuvent persister sur de longues périodes. Ainsi, le taux de change GBP/USD aurait dû s’apprécier au XIXe siècle selon la PPA alors qu’il est en réalité resté stable en tendance. Après la Seconde Guerre mondiale, ce même taux de change s’est déprécié, conformément aux prédictions de la PPA relative, mais la livre sterling est restée durablement surévaluée par rapport au dollar américaine au regard de la PPA absolue. Plus récemment, le JPY est apparu durablement surévalué par rapport au USD à partir du milieu des années 1980, tout en suivant une dépréciation, conformément au prédictions de la PPA relative. Plus généralement, les tendances de long terme des taux de change suivent les tendances prédites par la théorie de la PPA dans le cas des pays développés mais le pouvoir prédictif de cette théorie est plus limité dans le cas des pays en développement (effet Balassa- Samuelson). Aller plus loin. Les études économétriques révèlent une certaine stationnarité du taux de change réel (i.e. que celui-ci tend à se rapprocher de sa tendance plutôt qu’à s’en écarter) et certaine cointégration du taux de change et des indices de prix (i.e. que ces deux variables présentent des tendances communes). La balance courante comme facteur explicatif du taux de change L’essentiel. Dans un contexte de rigidité des prix des biens et services, le solde de la balance commerciale (ou, au-delà, de la balance courante) est une variable macroéconomique a priori déterminante du taux de change. En effet, un excédent commercial (X-M > 0) doit se traduire, toutes choses égales par ailleurs, par un excès de demande de monnaie domestique sur le marché des changes, donc par une appréciation du taux de change (inversement dans le cas d’un déficit commercial). La relation entre solde commercial et 11 oct. 19 6
taux de change tend effectivement à se vérifier fréquemment à moyen terme : les monnaies des pays connaissant des déficits commerciaux tendent à se déprécier (cas de la France de l’après Seconde Guerre mondiale aux années 1980) et les monnaies des pays connaissant des excédents commerciaux tendent à s’apprécier (cas du Japon à partir du milieu des années 1980). Des exceptions existent néanmoins, notamment le dollar dont les fluctuations à moyen terme ne sont pas en phase avec les évolutions du solde de la balance courante (par exemple, l’appréciation du dollar dans les années 1990 coïncide avec une dégradation régulière de la balance courante). Le rôle des différentiels de taux d'intérêt (la parité des taux d'intérêt) L’essentiel 1. Si les marchés de capitaux sont parfaits et qu’il n’y a pas d’entraves à libre circulation des capitaux entre les pays, un placement (ou un prêt) homogène (échéance et risque donnés) doit avoir le même rendement (ou le même coût pour un prêt), c’est- à-dire le même prix, donné par la taux d’intérêt, quel que soit le pays dans lequel il est offert. Cependant, un Européen qui a le choix entre un placement dans la zone euro et un placement aux Etats-Unis doit, dans le second cas, assumer un risque de change (une somme de 100€ placée un an à 5%, après conversion en dollars, un an aux Etats-Unis aura une valeur moindre que cette même somme placée au même taux d’intérêt en zone euro, si le dollar tend à se déprécier) : en supposant qu’il est neutre au risque, il exigera un taux d’intérêt plus élevé pour un placement aux Etats-Unis s’il anticipe une dépréciation du dollar vis-à-vis de l’euro ou, au contraire, un taux d’intérêt moins élevé s’il anticipe une appréciation. Plus généralement, l’arbitrage que peuvent réaliser les prêteurs et les emprunteurs entre les différents marchés de capitaux dans le monde doit conduire à ce qu’un différentiel de taux d’intérêt entre deux pays traduise des anticipations de variations de taux de change : un taux d’intérêt plus élevé aux Etats- Unis qu’en zone euro implique une anticipation de dépréciation du dollar. Cette relation entre différentiel de taux d’intérêt et variation anticipée de taux de change est appelée parité non couverte des taux d’intérêt (« non couverte » parce qu’elle suppose qu’aucune couverture contre le risque de change n’a été réalisée). L’essentiel 2. Les études économétriques montrent que la théorie de la parité des taux d’intérêt tend à se vérifier sur le (très) long terme (au-delà de 10 ans). En revanche, sur le court terme, il est très fréquent d’observer qu’une différence positive entre le taux d’intérêt domestique et le taux d’intérêt étranger s’accompagne d’une appréciation de la monnaie domestique ; par exemple, entre 2002 et 2004, le taux d’intérêt à 1 an était supérieur de 120 point de base en zone euro par rapport aux Etats-Unis et l’euro s’est apprécié de près de 50% sur cette période. L’approche monétaire : l’offre de monnaie comme déterminant du taux de change L’essentiel. Selon l’approche monétaire (à prix flexibles) des taux de change, les évolutions de la masse monétaire d’un pays permettent d’expliquer les évolutions du taux de change. Ainsi, un accroissement de l’offre de monnaie (politique monétaire expansionniste) se traduirait, au niveau interne, par de l’inflation et, au niveau externe, par une dépréciation de la monnaie domestique, et inversement. Cette théorie, qui suppose que la parité des pouvoirs d’achat et que la parité (non couverte) des taux d’intérêt sont vérifiées, est censée permettre d’expliquer l’instabilité des taux de change par des chocs d’offre de monnaie. b) Les débats sur les imperfections de marchés et la rationalité des intervenants L’essentiel. Incapacité des modèles macroéconomiques traditionnels à expliquer les fluctuations de change à court terme (Meese et Rogoff (1983) et le modèle de marche aléatoire) ⇒ passage à des modèles centrés sur l’étude des comportements et du fonctionnement des marchés d’actifs. Prémices : les modèles de choix de portefeuille, les phénomènes de surréaction (Dornbusch (1976) L’essentiel 1. Application des modèles de choix de portefeuille (Tobin, Markowitz) dans un cadre international (Branson (1975)). Les actifs ont des caractéristiques différentes 11 oct. 19 7
(monétaires / financiers, domestiques / étrangers) auxquels sont associés des couples (rendement, risque) spécifiques. Augmentation des taux d'intérêt (à prime de risque inchangée) ⇒ appréciation. L’essentiel 2. Dornbusch (1976). Rigidité à court terme sur le marché des B&S ⇒ PPA vérifiée à long terme mais pas à court terme. Flexibilité des prix (taux d’intérêt) sur les marchés financiers ⇒ PTINC vérifiée. Expansion monétaire ⇒ forte dépréciation (overshooting) puis appréciation ⇒ convergence vers le taux de change PPA (avec, au total, dépréciation). La théorie des marchés efficients L’essentiel. Théorie des marchés efficients : Fama (1965,1970). Marché (d’actif) parfait + anticipations rationnelles ⇒ le prix reflète toute l’information disponible, voire révèle la valeur fondamentale de l’actif. Flux d’informations parvenant aux agents économiques ⇒ révisions de leurs anticipations ⇒ ajustements de cours. Explication de la volatilité par l’arrivée (aléatoire) de nouvelles informations (news). Risk premium puzzle ; ex : le dollar entre 1979 et 1985 (Frankel et Froot (1987) : surévaluation estimée de 10% mais différentiel de taux d’intérêt à seulement 4%). Les bulles rationnelles L’essentiel. Bulle = « écart persistant, voire grandissant, de la valeur de marché d’un actif par rapport à sa valeur fondamentale ». Blanchard et Watson (1984). Valeur fondamentale inconnue ⇒ possibilité d’une ‘bulle’ qui s’ajoute à la valeur fondamentale dans le cadre d’anticipations rationnelles (marchés efficients). Anticipations autoréalisatrices ⇒ le taux de change dépend de sa propre valeur anticipée. Doutes sur la pertinence d’une telle interprétation de la volatilité : à propos du dollar (1979-1985), « les marchés n’ont pas bien fait leurs comptes » (Krugman) : ils n’ont pas pris en compte toute l’information disponible (déficits jumeaux en particulier). Mimétisme, Noise traders et irrationalité L’essentiel. Bulle = « situation dans laquelle les prix des actifs semblent basés sur une façon d’envisager l’avenir peu plausible ou inconsistante » (Krugman). Mimétisme : les informations sur les fondamentaux ne sont pas pertinentes en incertitude radicale L’essentiel. Keynes (1936) et la métaphore des concours de beauté. Notion d’incertitude (radicale) (Keynes (1921), Knight (1921)). Pour Keynes, la spéculation est « l’activité qui consiste à prévoir la psychologie du marché » ⇒ anticipations et comportements mimétiques. Comportements moutonniers ou mimétisme rationnel ? Les noise traders : des opérateurs irrationnels qui imposent leurs vues au marché ? L’essentiel. Le point de vue de Friedman (1953) (« The Case for Flexible Exchange Rates », in Essai d’économie positive) : les ‘irrationnels’ réalisent des pertes ⇒ le marché finit par les éliminer. De De Long, Shleifer, Summers et Waldmann (1990), « Noise Trader Risk in Financial Markets » : les noises traders (ex : chartistes) peuvent s’imposer sur le marché et faire subir des pertes aux ‘rationnels’ (ex : fondamentalistes) en les obligeant à liquider leurs positions. ‘Mieux vaut avoir tort avec les autres que raison tout seul’. Limites : pourquoi les noise traders s’imposeraient-ils plutôt que les ‘rationnels’ ? Dans quelle mesure les actions (haussières et baissières) des noise traders ne se compensent- elles pas ? L’irrationalité compréhensible : l’analyse des biais psychologiques systématiques L’essentiel. Kahneman, Slovic et Tversky (1982), Heuristics and Biases. Erreurs systématiques (y compris chez les professionnels de la finance) et compréhensibles : il est possible de repérer (économie expérimentale) des biais psychologiques particuliers : excès de confiance (overconfidence), conservatisme dans les estimations (biais de confirmation)… En guise de conclusion : les taux de change d’équilibre 11 oct. 19 8
L’essentiel. Taux de change d’équilibre (moyen-long terme) dépendant d’une diversité de variables macroéconomiques. Williamson (1983). Approche pragmatique (utilisée par le FMI) afin d’appréhender la tendance à la surévaluation (cas du yuan en 2003) ou à la sous-évaluation (yuan en 2008) d’une monnaie. 11 oct. 19 9
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