Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume

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Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Bang Hai Ja   À la merveille
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
EMERVEILLEMENT LENT

                                                                                                                              “L’objectif de l’art n’est pas le déclenchement
                                                                                                           d’une sécrétion momentanée d’adrénaline, mais la construction,
                                                                                                          sur la durée d’une vie, d’un état d’émerveillement et de sérénité.”
                                                                                                                                                                 Glenn Gould1

                                                        Quand je suis arrivé, avec Guillaume, son galeriste, en Ardèche, dans la maison qui abrite la famille et
                                                        l’atelier de Bang Hai Ja, j’ai su que ne n’écrirai pas un texte de critique d’art, tant la présence des œuvres, le
                                                        lieu qu’elles inspiraient, manifestaient une expérience plus ample qu’une lecture esthétique.

                                                        Avant de me débarrasser des catégories de l’histoire de l’art, de certaines références à la peinture et, indé-
                                                        pendamment de ses origines coréennes, de la touche, du trait, du papier, j’ai perçu les riches dialogues de
                                                        Bang Hai Ja avec la splendeur des primitifs flamands ou italiens, des surfaces de Gustav Klimt, avec l’infinie
                                                        délicatesse de Paul Klee, avec la métaphysique des peintres américains d’après-guerre, particulièrement
                                                        Barnett Newman ou, plus près de nous, des recherches de Supports-Surfaces, projetant la peinture, bien
                                                        au-delà de l’espace du tableau, ses papiers transparents devenant volumes rythmant les espaces du corps.
                                                        Très vite ces repères accrochés à des noms d’artistes, à des souvenirs, des savoirs disparurent comme l’eau
                                                        s’évaporant, comme des présences avalées par la brume.

                                                        En quelques minutes, le silence se fit, délivrant la peinture des mots qui l’accompagnent, les obstacles au
                                                        regard s’évanouissant. Le discours se ralentit pour devenir incertain, et laisser place au ravissement de la vue,
                                                        du sens et des sens intimement liés.

                                                        Aujourd’hui encore, accueilli par cette qualité de l’air, sans vocabulaire, j’éprouve ce moment de flux et de
                                                        joie, promesse d’étonnement. Etonnement que seules les vraies aventures artistiques procurent. S’étonner
                                                        est un bonheur léger, une enfance de l’art, une invite au commencement et comment ne pas commencer ?
Bang Hai Ja dans son atelier en Ardèche, février 2021   Comment ne pas être emporté par cet espace sans énoncé préalable. Rien d’écrit, nul dessein.

                                                        Depuis cette visite, Bang Hai Ja m’a envoyé un livre où ses tableaux accompagnent les poèmes de Kim Nam-
                                                        Jo2. L’un de ceux-ci est l’histoire d’un ver à soie dont je détache ce fragment, côtoyant une peinture intitulée
                                                        « Naissance de lumière » :

                                                                                                                                                                           2
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
« …il offre son fil                                                                                                 ou
Et la fin de sa vie est transformée
Le ver à soie ne meurt pas                                                                                          «(…) J’étais dans un tel ravissement
Mais il devient papillon                                                                                            Si absorbé si transporté
Les papillons qui s’envolent                                                                                        Qui est demeuré mon sentiment
Après avoir offert la soie                                                                                          De tout sentir dépossédé
Ont l’air de surhommes                                                                                              Ainsi que mon esprit doué
                                                                                                                    D’un comprendre non comprenant
A présent papillons                                                                                                 Toute science dépassant (…)»
Entrez dans le champ des fleurs. »
                                                                                                                    Pendant que Bang Hai Ja parlait doucement, ce poème, appris dans ma jeunesse, revenait par bribes
J’éprouve cela devant les peintures de Bang Hai Ja. Il n’y a pas d’image mais « l’ouvert » d’une naissance à        éparses… et encore ces vers :
travers une vibration infinie de l’espace.
                                                                                                                    « (…) cette souveraine science
Comment décrire ce mouvement ?                                                                                      consiste en un très haut sentir (…) »

Dans cette journée ensoleillée de fin d’hiver, Bang Hai Ja nous dit, avec son sourire paisible, à peu près ceci     N’est-ce pas lui, la nature même de la peinture de Bang Hai Ja ? N’est-ce pas son âme, cette force rayonnante,
« Je ne peux pas décrire ce mouvement. Je ne le connais pas. Ce n’est pas moi qui peins. Je suis, avec mes          qu’elle offre. Ce « très haut-sentir » permet l’approche et préserve l’étonnement pour nous conduire vers la
pigments naturels, mes pinceaux, mon papier de mûrier, le takchi ou ce géotextile que j’utilise, traversés par      merveille. Sa recherche spirituelle incarnée est guidée, par une ligne sereine. Bang Hai Ja nous confie qu’il
la lumière. Comme eux, je suis traversée par la lumière qui se propage, qui s’écoule ou qui s’élève. Je fais les    y eut de la souffrance et qu’il fallut faire le vide, faire la nuit sur la matière pour, grâce à la peinture, aller de
gestes du peintre mais quelque chose peint pour moi. Est-ce la nature… le divin… la pensée, la contempla-           lueurs en lumières.
tion de la lumière qui me donnent la vie et donnent la vie à la peinture… ? »
                                                                                                                    Tout commence donc par l’étonnement, dont Platon dit qu’il est le premier pas de l’entendement et l’origine
Je l’écarte et je pense aux écrivains extrême orientaux, ou zhen peut-être, mais aussi à cette quête, par l’expé-   de la philosophie. Grâce à lui, l’obscur dissous, permet d’atteindre la connaissance de soi et de l’univers, non
rience, d’un savoir ne sachant, quête mystique, quête si proche de l’art, qui fut celle de St Jean de La Croix3,    pas pour argumenter mais pour vivre intensément la peinture qui touche, par l’art, le cœur du réel, le cœur
                                                                                                                    de cette danse entre l’être et la pensée.
quand il écrit :
                                                                                                                    Les neurobiologistes, les neurogénéticiens nous affirment que pour demeurer au plus vivant, le cerveau ne
« Je suis entré où ne savais                                                                                        doit pas perdre l’expérience de la surprise. Bang Hai Ja ne l’oublie jamais. Elle est le refus de tout « préconçus
Et je suis resté ne sachant                                                                                         », de toutes appropriations. Sa peinture se développe comme un tissu vivant, molécule après molécule, par-
Toute science dépassant                                                                                             ticule après particule, onde après onde.
Moi je n’ai pas su où j’entrais
Mais lorsque en cet endroit me vis                                                                                  Grâce à cette liberté, cet abandon, cette souveraine confiance dans le choix d’une béance, à l’air, à l’eau, à la
Sans savoir où je me trouvais                                                                                       terre, au feu, le corps, peu à peu, pénètre dans la peinture, dans l’espace du tableau. Par sa clarté, nous traver-
De grandes choses j’ai compris                                                                                      sons son voile de beauté vive. Ainsi nous entrons dans le cosmos, les champs de fleurs, les battements d’ailes
Point ne dirait ce que j’ai senti                                                                                   de papillons… Sont-ils, la merveille que nous portons ? Sont-ils, cet instant de métamorphose, ce moment où,
Car je suis resté ne sachant                                                                                        grâce à la création, nous sommes à la fois, dans le large courant du monde et au plus près de soi ? Comme
Toute science dépassant (…) »                                                                                       l’écrit Charles Juliet « …vivre ces instants qui précèdent et accompagnent la création, c’est s’approcher de

3                                                                                                                                                                                                                                       4
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
la source de son être, si possible s’enfouir en elle, se laisser inonder, traverser par ce flux de vie qui semble
rejaillir en lui-même et comme s’autogénérer. Jouissance qui va croissant et que ne cesse de rechercher celui
qui l’a éprouvé. »4

C’est cela la merveille, cette jouissance… cette joie que nous cherchons à atteindre dans la seule totalité
qui vaille, celle de la plénitude du mouvement. Nous l’éprouvons par la création, sans pouvoir la formuler.
S’agit-il d’éveils, d’éblouissements ou de souffle, de respiration ? « Je ne ferai que respirer » écrit Kim Nam-
Jo ». Terrence Malick, dans son film « A la merveille… » fait dire à l’un de ses personnages : « Tu es présent
partout et pourtant je ne te vois pas » ou « il y a quelque chose d’invisible et pourtant je te sens si fort ».
Ce paradoxe, ce « et pourtant » a conduit Bang Hai Ja à devenir l’un des vecteurs rayonnants de cette
aventure où, par la vue, par la peinture elle construit pour elle, pour nous, l’espace serein d’un lent
émerveillement.

A travers la peinture de Bang Hai Ja, nous cherchons la merveille

Au sein de l’air
il lui suffit d’un geste
pour naître et s’installer
au milieu de l’espace
ou de l’eau qui l’emporte
Elle rose et rouge
Elle bleue et or
Elle qui de deux ne font qu’un
Il et elle se regardent mais les voit-on ?
Elle entraîne les jours dans les nuits et le feu dans l’air
et
l’air dans l’eau
et la lumière
dans la lumière
encore.

                                                                                                                    Olivier KAEPPELIN

1
    in “A bas les applaudissements” in Musical America, février 1962 et in Contrepoint à la ligne. Ecrits II p243
2
    Kim Nam-Jo « D’amour et de lumière ». Tableaux Bang Hai Ja - Voix d’encre. 2011- p47.
3
    In Nuit obscure – Cantique spirituel / nrf/Poésie/Gallimard 1997.
4
    In Les Mille Monts de lune. Poèmes de Corée. Albin Michel. 2003.
                                                                                                                                        Portée de lumière, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 88 x 62 cm

5                                                                                                                                                                                                                  6
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Transformation, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 82 x 60 cm

7                                                                       8
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Printemps, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 143 x 74 cm   Eté, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 143 x 74 cm

9                                                                                                                                 10
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Automne, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 143 x 74 cm   Hiver, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 143 x 74 cm

11                                                                                                                                12
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Portée de lumière II, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 63 x 45 cm

13                                                                            14
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Danse de lumière, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 71 x 71 cm

15                                                                        16
Bang Hai Ja À la merveille - Galerie Guillaume
Point foyer, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, diam. 41 cm   Point foyer II, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, diam. 41 cm

17                                                                                                                                             18
Souffle de lumière, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 170 x 116 cm

19                                                                            20
Vibrations de lumière, 2021, pigments naturels sur papier mûrier, 38 x 45 cm   Vibrations de lumière II, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 38 x 45 cm

21                                                                                                                                                               22
Soleil bleu, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 164 x 127 cm

23                                                                     24
Lumière du silence, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 179 x 115 cm

25                                                                            26
Lumière cellulaire, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 180 x 120 cm

27                                                                            28
Chant de lumière, 2021, pigments naturels sur papier mûrier, 92 x 63 cm   Aube, 2021, pigments naturels sur papier mûrier, 63 x 93 cm

29                                                                                                                                      30
Matière lumière, 2021, pigments naturels sur papier mûrier, 150 x 102 cm   Particules de lumière, 2019, pigments naturels sur papier mûrier, 93 x 63 cm

31                                                                                                                                                        32
Eté, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 71 x 71 cm   Danse de lumière II, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 71 x 71 cm

33                                                                                                                                        34
Lumière cellulaire, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 71 x 71 cm

35                                                                          36
Bang Hai Ja
                                                                               est née à Séoul en 1937 et vit en France depuis 1961
                                                                               Exposition personnelles et collectives récentes (séléction)
                                                                               1976-2005 :   l
                                                                                                 Galerie Hyundai, Séoul, Corée
                                                                                    1991 : Espace Miro de l’Unesco, Paris
                                                                                             l

                                                                                    1997 : Galerie Enrico Navrra, New York
                                                                                             l

                                                                               2000-2006 :   l
                                                                                                 Musée Young-Eun, KWANGJU, Kyunggido, Corée
                                                                                    2002 : Peintre du 20e siècle en Corée, Musée Sungkok, Séoul
                                                                                             l

                                                                                    2003 : Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière, Paris
                                                                                             l

                                                                               2004-2011 :   l
                                                                                                 Galerie Guillaume, Paris
                                                                               2006-2010 :   l
                                                                                                 Galerie J Bastien, Bruxelles
                                                                                    2007 : Souffle de Lumière, Musée Whanki, Séoul
                                                                                             l

                                                                                                 Souffle de Lumière, Galerie BS, Tokyo
                                                                                    2008 : Grand prix Peinture coréen d’outre mer, Journée des peintres, Corée
                                                                                             l

                                                                                                 Le monde de l’expression, peinture d’aujourd’hui, Musée Hangaram, Séoul
                                                                                                 Le chant des signes, Musée Chintreuil, Pont-de-Vaux, France
                                                                                                 Peinture abstraite en Corée 50 ans, Musée d’art contemporain de Séoul
                                                                                                 Fleur et Lumière, Galerie Samtoh, Séoul
                                                                                                 Les peintres coréens d’outre-mer II – Paris, Musée Hangaram, Séoul
                                                                                                 Aventure du feu, chant de la terre, Gwangjuyo, Icheon, Corée
                                                                                    2009 : Autour de Pierre Cabanne, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                             l

                                                                                                 Mère, Galerie Le chemin du musée, Séoul
                                                                                                 Galerie SHIN, Daegu, Corée
                                                                                                 Seratonin II, Musée d’art contemporain de Séoul
                                                                                                 Musée Young-Eun, KWANGJU, Kyunggido, Corée
                                                                                    2010 : Musée Gyeomjae Jeongseon, Séoul
                                                                                             l

                                                                                                 Exposition 40e Anniversaire de la Galerie Hyundai, Séoul
                                                                                                 Villa Empain, Fondation Boghossian, Bruxelles
                                                                                                 Galerie Lotus, Monastère MuGakSa, Gwangju, Corée
                                                                                                 Musée Kyung Woo Hoe, Séoul
                                                                                                 Chant de Lumière, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                    2011 : Art Paris, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                             l

                                                                                                 Matière-Lumière, Palais Bénédictine, Fécamp
                                                                                                 Parc culturel de Pierre, Jejudo, Corée
                                                                                    2012 : Château de Vogüé, France
                                                                                             l

                                                                                                 Musée Young-Eun, Corée
                                                                                    2013 : Lumière du cœur, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                             l

                                                                                    2014 : Danse de lumière, Centre Culturel Coréen, Bruxelles, Belgique
                                                                                             l

                                                                                    2015 : Rétrospective Ban Hai Ja, Galerie Françoise Livinec, Paris
                                                                                             l

                                                                                                 Danse de lumière, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                    2018 : Chant de lumière, Centre Culturel Coréen, Ottawa, Canada
                                                                                             l

Danse de lumière III, 2020, pigments naturels sur papier mûrier, 145 x 99 cm                     Lumières du Monde, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                    2021 : A la merveille, Galerie Guillaume, Paris
                                                                                             l

37
Bang Hai Ja
            À la merveille
    10 juin - 29 juillet 2021
du mardi au samedi de 14h à 19h

           En couverture :
        Lumière cellulaire, 2020
   Pigments naturels sur papier murier
               71 x 71 cm

             Crédit photos :
             Jean-Louis Losi

 32, rue de Penthièvre - 75008 Paris
         Tél : 01 44 71 07 72
     www.galerieguillaume.com
   galerie.guillaume@wanadoo.fr
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