BILAN SANTé DE L'èRE SARKOZY

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DOSSIER

BILAN SANTé
DE L’èRE SARKOZY

La politique de santé du quinquennat qui s’achève confirme les appréhensions qu’elle avait suscitées. Le
poids des dépenses de santé sur les assurés sociaux a, comme prévu, graduellement augmenté ; la prise en
charge de l’assurance-maladie n’a cessé de diminuer au profit des complémentaires privées ; la logique de la
tarification à l’activité continue d’inciter les hôpitaux à se débarrasser de leurs services les moins rentables ;
les étrangers peinent plus que jamais à accéder aux titres de séjour pour raison médicale et à l’Aide médicale
d’Etat… Parmi les exceptions à la règle, la promesse de faire de l’éducation thérapeutique une priorité
nationale pour répondre à l’explosion des maladies chroniques à l’horizon 2020 peine malheureusement à
devenir réalité, faute de fonds pour la soutenir. C’est dans ce contexte que les auteurs du Manifeste pour une
santé égalitaire et solidaire dénoncent une « logique de déconstruction des services publics concourant à la
protection de la santé » et tentent de placer la santé au cœur du débat présidentiel.            Laetitia Darmon

                                                                   LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012   19
DOSSIER	              Bilan santé de l’ère Sarkozy

                       Chronique santé du quinquennat

                      La bourse ou la vie
                                                                                          Depuis quelques années, notre protection
                                                                                          sociale collective est grignotée par des
                                                                                          mesures visant à « responsabiliser » un
                                                                                          patient qui serait perçu comme « consom-
                                                                                          mateur abusif de soins ». Derrière ce dis-
                                                                                          cours, le glissement progressif vers une
                                                                                          prise en charge individuelle et privatisée
                                                                                          de la santé se profile.

                                                                                          ne sont pas payées directement en pharmacie ou aux
                                                                                          professionnels, elles sont imputables sur des rem-

                     N
                                                                                          boursements postérieurs par l’assurance-maladie.
                                  icolas Sarkozy, 2007-2012, nous n’y survivrons          « Prenons l’exemple d’un patient séropositif. Il vient me
                                  pas. » Le slogan d’Act up lors de la campagne           voir et ne paye rien puisque je pratique le tiers payant et
                                 électorale des présidentielles 2007 redou-               qu’il est pris en charge à 100 % pour son affection lon-
                      tait l’effet des mesures annoncées dans le champ de                 gue durée (ALD). Mais il doit 1 € de franchise à la Sécu-
                      la santé par le futur président. Cinq ans après, les                rité sociale. Je l’envoie voir son médecin spécialiste, il
                      promesses ont été tenues. De forfait en franchises,                 ne paye rien mais il doit encore 1 € de franchise. Il fait
                      le poids des dépenses de santé restant à charge des                 un bilan biologique où il n’avance rien mais là encore la
                      patients augmente petit à petit ; la prise en charge par            franchise s’applique. Ainsi de suite, jusqu’à une visite
                      l’assurance-maladie collective diminue au profit des                chez un ophtalmologiste où il avance la somme de la
                      assurances complémentaires privées.                                 consultation : la Sécurité sociale indiquera avoir pré-
                                                                                          levé 28 € sur le remboursement prévu en raison des
                      Un saupoudrage pesant                                               franchises accumulées. » Cette opacité rend l’impact
                      Dans la lignée de la franchise de 1 € sur les consulta-             des franchises peu perceptible mais elles s’ajoutent à
                      tions médicales en 2004, puis de l’installation du for-             d’autres mesures « qui sont présentées à chaque fois
                      fait hospitalier en 2006, la politique de santé de Nicolas          comme bénignes, indolores mais qui, mises bout à bout,
                      Sarkozy s’est inscrite dans une logique de « responsa-              pèsent sur les malades », souligne Mady Denantes. Le
                      bilisation des assurés sociaux ». Dès le 1er janvier 2008,          dispositif du parcours de soins qui implique un moin-
                      entrent en vigueur les franchises de 50 centimes par                dre remboursement s’il n’est pas respecté ou encore
                      boîte de médicaments et acte paramédical et de 2 €                  la création d’une vignette orange qui fait passer des
                      lors d’un recours à un transport sanitaire. Le total des            médicaments jusqu’alors remboursés à 35 % à 15 %
                      franchises perçues pour un individu ne peut dépasser                sont autant de mesures qui se sont ajoutées au reste à
                      le plafond de 100 € par an. Trois ans plus tard, quel-              charge. En 2010, le passage du forfait hospitalier de 16
                      les conséquences ? « Le système est d’une telle opa-                à 18 € a également eu de lourdes conséquences. « Je
                      cité que personne ne se rend compte de leur réalité »,              ne peux pas payer ce forfait hospitalier de 18 € par jour,
                      déplore Mady Denantes, membre du Collectif des                      je suis donc obligé de limiter la durée de mon hospitali-
                      médecins généralistes pour l’accès aux soins (Comé-                 sation car j’ai déjà des dettes hospitalières. Je n’ai que
                      gas) et médecin généraliste à Paris. Car ces franchises             700 € de retraite. Comment puis-je payer trois semai-

                                                                        2007
                                                          février
                                                          Le Plan Hôpital 2012 pour moderniser l’hôpital
 2007                                                     (10 Mds d’€ en 5 ans) est présenté par Xavier Bertrand,                   2008
                                                          ministre de la Santé.

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nes de forfaits hospitaliers ? », questionne un patient        taire, ni de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire,
VHC à la permanence téléphonique du Ciss. Malgré les           n’auront d’autre choix que de renoncer à une mutuelle.
conséquences sur l’accès aux soins, le discours officiel       Or, les mutuelles jouent un rôle de plus en plus impor-
poursuit sa croisade contre la fraude et la consom-            tant dans la couverture des soins. Ce poids des com-
mation abusive de soins. Et depuis un an, les mesures          plémentaires dans l’accès aux soins signe également
s’accélèrent.                                                  un choix politique fort. Notre protection sociale glisse
                                                               du collectif à l’individuel, du public au privé.
Glissement
En janvier 2011, les médicaments à vignette bleue              Bascule
jusqu’alors remboursés à hauteur de 35 % le sont               Pourtant, les chiffres de l’assurance-maladie mar-
désormais à 30 %, les dispositifs médicaux passent             quent une stabilité étonnante : entre 1995 et 2009, la
d’un remboursement de 65 % à 60 %. Un mois plus                part du reste à charge pour les ménages dans la struc-
tard, en février 2011, un décret augmente le reste à           ture de financement des soins reste à hauteur d’envi-
charge pour les actes médicaux coûteux. En 2006,               ron 9 %. La dépense de soins, couverte par la Sécurité
un premier décret installe un forfait de 18 € pour les         sociale de base, baisse légèrement passant de 77,1 %
actes médicaux à partir de 91 €. En février dernier, ce        en 1995 à 75,5 % en 2009 quand la part des organismes
forfait est déclenché pour les actes à partir de 120 €.        complémentaires augmente dans la même période de
Entre 91 € et 120 €, c’est le ticket modérateur de 20 %        12,2 % à 13,8 %. Rien de révolutionnaire. Il faut creuser
qui s’applique à l’hôpital, de 30 % en ville, soit pour        ces chiffres pour percer à jour la bascule en cours.
un acte de 100 €, un reste à charge de 20 € à l’hôpi-
tal, de 30 € en ville. Enfin, dans le cadre du plan de
rigueur, une hausse de taxations des contrats d’assu-             Les ALD dans la mire
rance santé complémentaire responsables et solidai-
                                                                  Le 24 juin 2011, l’hypertension artérielle sévère (HTA) était exclue de la
res de 3,5 % est annoncée. En deux ans, ces contrats,
                                                                  liste des affections longue durée (ALD), prises en charge à 100 % par l’as-
qui n’étaient auparavant pas taxés, le sont désormais
                                                                  surance-maladie. Une première depuis la création de cette liste en 1945.
à hauteur de 7 %. Cette mesure aura deux conséquen-               Pourtant, quelques mois plus tôt, lors de la réévaluation des critères d’ad-
ces, selon Magali Leo, chargée de mission assuran-                mission en ALD, cette pathologie avait été confirmée dans la liste. Mais
ce-maladie au CISS. « La répercussion sur le tarif des            l’objectif est à l’économie à tout prix ; le coût des ALD dans le budget de
complémentaires sera immédiate mais dans un second                l’assurance-maladie est en augmentation constante. Désormais, l’HTA
temps cela risque aussi d’avoir un impact sur la nature           est considérée comme « facteur de risque » ce qui lui coûte sa place dans
des contrats ». Les contrats responsables et solidai-             la liste. « C’est très inquiétant pour les personnes qui ont un diabète de
res, taxés jusqu’alors à 3,5 % quand les autres contrats          type 2, listé dans les ALD, car cela peut également être considéré comme
                                                                  facteur de risque puisque liée essentiellement aux comportements indi-
le sont à 9 %, s’engagent à couvrir certains frais mais
                                                                  viduels », analyse Magali Leo du Ciss (Collectif interassociatif sur la
pas ceux qui « responsabilisent » le patient comme les
                                                                  santé). Autre entorse au dispositif : la réduction de la prise en charge des
franchises ou les consultations hors du parcours de               frais de transport. En mars 2011, un décret prévoit que les frais de trans-
soins. Par ailleurs, ils proscrivent les questionnaires de        port (auparavant couverts par l’assurance-maladie) ne seront plus pris
santé lors de la souscription, c’est le volet « solidaire ».      en charge à 100 % que pour les personnes présentant une incapacité ou
Désormais taxés à 7 %, les organismes complémen-                  une déficience confirmée par le médecin. Celles en ALD, qui se rendaient
taires auront peut-être moins d’intérêt à proposer ce             jusqu’alors avec leurs propres moyens vers les structures de soins, ne
type de contrat. « Ils se tourneront vers les contrats            pourront plus demander le remboursement de leurs frais. « Dès lors, elles
taxés à 9 % qui ne seront plus ni solidaires, ni respon-          auront plutôt intérêt à demander la prescription d’un transport sanitaire
                                                                  à leur médecin, avance Magali Leo. Le résultat risque donc d’être au final
sables », craint Magali Leo. Face à la hausse continue
                                                                  bien plus coûteux pour l’assurance-maladie. »                        M.L. ▪
du coût des mutuelles, ceux qui ne peuvent bénéficier
ni de la couverture maladie universelle complémen-

           2008                                                                                                                   2008
1er jan.                                                                                                               10 avr.
Mise en place des franchises médicales : 50 centimes d’€ sur chaque boîte                                              Présentation du rapport Larcher
de médicaments et chaque acte paramédical ; 2 € pour chaque transport                                                  sur les missions de l’hôpital.
sanitaire, dans la limite de 50 € par an et par personne.

                                                                                   LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012   21
DOSSIER	                                       Bilan santé de l’ère Sarkozy

                                                   Le renoncement aux soins s’amplifie
                                                   « Nous observons tous les jours des renoncements            l’assurance-maladie, le record historique en 2010,
                                                   aux soins pour des raisons financières et ces renon-        de 2,5 milliards d’euros ? L’IRDES s’attarde sur
                                                   cements sont de plus en plus fréquents. » Mady              des facteurs multiples dans une approche socio-
                                                   Denantes fait ce constat dans son cabinet de méde-          anthropologique : « le renoncement aux soins prend
                                                   cin. Une réalité confortée par deux études de l’Ins-        deux formes principales : le renoncement-barrière
                                                   titut de recherche et documentation en économie             et le renoncement-refus. Dans le premier cas,
                                                   de la santé (IRDES) qui viennent d’être publiées.           l’individu fait face à un environnement de contrain-
                                                   Selon ces études, 15,4 % des personnes déclarent,           tes, le plus souvent budgétaires, qui ne lui permet
                                                   en 2008, avoir renoncé à des soins pour des raisons         pas d’accéder au soin désiré. Le second cas est
                                                   financières au cours des douze derniers mois. Ce            l’expression d’un refus qui porte soit sur des soins
                                                   renoncement grimpe, selon l’enquête “Santé, iné-            spécifiques, soit, plus radicalement, sur le fait
                                                   galités, ruptures sociales” (SIRS) menée dans l’ag-         même de se soigner. » En revanche, une étude du
                                                   glomération parisienne en 2010, à 32,4 % pour les           Fonds CMU, publié en septembre dernier, souligne
                                                   bénéficiaires de la CMU-C et à 33,9 % pour les per-         que « les soins ou produits non remboursés et la
                                                   sonnes couvertes par l’Aide médicale d’Etat. L’étude        demande d’une participation financière sont les
                                                   relève que sans la Couverture maladie universelle,          principaux motifs de renoncement » pour les per-
                                                   ils seraient 40 % à déclarer renoncer aux soins. Il         sonnes couvertes par la CMU-C, notamment sur
                                                   n’empêche, ce fort taux de renoncement restant,             les soins dentaires, les médicaments, l’optique
                                                   alors que la couverture est dite universelle, ques-         et les consultations de spécialistes. L’enquête SIRS
                                                   tionne : est-ce dû aux nombreux refus de soins aux-         révèle également que 20,6 % des personnes béné-
                                                   quels sont confrontées les personnes couvertes              ficiaires de l’AME renonçaient, en 2010, à des
                                                   par la CMU ? Est-ce la barrière des dépassements            consultations chez des spécialistes et à des médica-
                                                   d’honoraires qui ont atteint, selon les chiffres de         ments.                                        M.L. ▪

                                                   « Cette relative stabilité masque une déformation           rieur à celui des autres assurés. En moyenne, 600 €
                                               dans le contenu de la part financée par l’assurance-ma-         par an, 200 € de plus que les non ALD. Reste que cette
                                               ladie, qui s’est recentrée sur l’hospitalisation et les soins   concentration des financements de la Sécurité sociale
                                               associés à des maladies graves et coûteuses », écrit Sara-      sur les pathologies lourdes est également un choix poli-
                                               Lou Gerber, dans une note de veille du centre d’analyse         tique. « Ces mesures (franchises et autres) réduisent, de
                                               stratégique (1). L’assurance-maladie, via les dispositifs de    facto, la solidarité entre les bien portants et les malades
                                               franchises, déremboursement, forfaits, se désengage             qui est le ressort fondamental de l’assurance-maladie,
                                               petit à petit des soins courants pour se recentrer sur les      en diminuant la part des dépenses mutualisées par la
                                               soins lourds. La Direction de la recherche, des études,         collectivité », écrit Didier Tabuteau (2). Sara-Lou Gerber
                                               de l’évaluation et des statistiques (Drees), dans l’analyse     complète : « Ce changement interroge la légitimité poli-
    (1) « Combien les Français
                                               des comptes nationaux de la santé en 2010, soulignait :         tique de l’ensemble du système d’assurance-maladie ;
 sont-ils prêts à consacrer aux
   dépenses de santé ? », note                 « Une personne en ALD bénéficie d’un taux de rembour-           il questionne notamment l’adhésion et le consente-
  de veille du centre d’analyse                sement moyen de 92 % contre 67 % pour les autres assu-          ment au financement des jeunes générations. Le dispo-
stratégique, n° 171, avril 2010.
                                               rés ». Selon son analyse, les dépenses en ville des per-        sitif des ALD, bien que très légitime, est susceptible de
           (2) Didier Tabuteau,
  « L’assurance-maladie dans                   sonnes en ALD sont couvertes par l’assurance-maladie            nourrir chez certains publics un sentiment de désenga-
 la tourmente économique et                    à hauteur de 85 % contre 55 % pour les autres assurés.          gement croissant de l’assurance-maladie, au risque de
  politique (2007-2011) », Les
 Tribunes de la santé, 2011/3,
                                               Il n’empêche, même si la couverture est plus large pour         fragiliser le pacte de solidarité à l’origine du système. »
                          n°32.                les plus malades, leur reste à charge demeure supé-                                                    Marianne Langlet ▪

                                                  t. 2008
                       © Richard Pichet

                                                                                                                                    2008
                                          22 sep                                                                          22 oct.
                                          En déplacement dans un hôpital en province, Nicolas Sarkozy                     Présentation, en Conseil des ministres,
                                          endosse le projet de réforme Larcher. Il déclare : « Je souhaite                du projet de loi portant réforme de l’hôpital et
                                          que l’assurance-maladie revienne à l’équilibre en 2011. »                       relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

                  22             LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
TEXTEENLIGNEWWW.JOURNALDUSIDA.NET

trois questions à...

                                                                                                    Cécile Lhuillier, d’Act up

                                                                                                   « Alors que Nicolas Sarkozy avait promis en
                                                                                                   2007 une augmentation de l’allocation adulte
                                                                                                   handicapé (AAH) de 25 % durant cinq ans,
                                                                                                   différentes mesures se chargent de réduire
                                                                                                   l’assiette des bénéficiaires. » Le collectif
                                                                                                   (imp)Patients, chroniques et associés dénonce
Sylvie Fondacci-Monteiro © ACT-UP

                                                                                                   un nouveau décret, adopté au cœur de l’été,
                                                                                                   applicable au 1er septembre. Il modifie les
                                                                                                   conditions d’attribution de l’AAH pour les
                                                                                                   personnes dont le taux d’incapacité est compris
                                                                                                   entre 50 % et 79 %. Le 17 octobre dernier,
                                                                                                   Act up a déposé un recours juridique contre
                                                                                                   ce décret auprès du Conseil d’Etat.

                                    “Un imbroglio administratif sans fin”
                                    La promesse de l’augmentation de l’allocation                  l’AAH aux personnes qui pourront justifier d’une restric-
                                    adulte handicapé (AAH) est-elle tenue ?                        tion durable à l’emploi mais durant l’année à venir. Il faut
                                    Oui. Nous pourrons comptabiliser, en 2012, 25 % d’aug-         donc que le médecin, lorsqu’il remplit la partie médicale
                                    mentation depuis 2007. Mais cette augmentation n’est           du dossier, regarde dans sa boule de cristal et dise pendant
                                    rien au regard de la réalité des personnes bénéficiaires       combien de temps la personne ne va pas pouvoir travailler !
                                    de l’AAH, dont le montant maximum était au 1er septem-         C’est ubuesque, il est impossible de connaître à l’avance la
                                    bre de 743,62 euros. Il faut la mettre en parallèle avec       situation sur douze mois.
                                    l’augmentation du cours de la vie, d’une part, et, d’autre
                                    part, l’augmentation du reste à charge pour les soins.         Ce décret réduit, pour cette catégorie de personnes, à
                                                                                                   un ou deux ans maximum la durée de l’attribution de
                                    En quoi le nouveau décret sur l’AAH du 16 août 2011            l’AAH contre cinq ans auparavant, quelles vont en être
                                    concerne particulièrement les personnes vivant                 les conséquences ?
                                    avec le VIH ?                                                  Cette réduction marque un recul sans précédent. Cette
                                    Ce décret s’applique lorsque le taux d’incapacité per-         décision fait preuve d’une méconnaissance de la réalité des
                                    manente est compris entre 50 % et 79 %. Les personnes          modalités d’attribution de l’AAH. Dans les textes, la durée
                                    séropositives entrent souvent dans cette tranche-là. Il        de traitement du dossier est de deux fois deux mois : deux
                                    redéfinit la notion de restriction substantielle et durable    mois pour la Commission des droits et de l’autonomie des
                                    à l’emploi qui ouvre droit au versement de l’allocation        personnes handicapées (CDAPH) qui étudie et donne son
                                    adulte handicapé. En 2009, la condition d’une année            accord, puis deux mois d’instruction par la CAF qui finance
                                    sans avoir travaillé pour bénéficier de l’allocation était     l’allocation. En réalité, la durée de traitement pour obtenir
                                    supprimée. Un point positif pour de nombreuses person-         l’allocation va de 9 à 18 mois. Si la durée d’attribution passe
                                    nes en maladie chronique dont les parcours fluctuent           à deux ans maximum, la personne sera dans l’obligation de
                                    entre des temps d’emploi et des temps d’arrêt maladie.         refaire sans cesse son dossier. C’est un imbroglio adminis-
                                    Aujourd’hui, le nouveau décret restreint l’attribution de      tratif sans fin.   Propos recueillis par Marianne Langlet ▪

                                                       008
                                              5 nov. 2
                                              Les présidents de comités consultatifs médicaux (CCM) des hôpitaux de l’AP-HP adressent à la ministre de la Santé
                                              une lettre ouverte Sauver l’hôpital public. Ils dénoncent des « restrictions budgétaires sans objectifs médicaux ni de
                                              santé publique clairement identifiés » et les « économies à très court terme et à tout prix ».

                                                                                                                    LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012   23
DOSSIER	              Bilan santé de l’ère Sarkozy

                       Financement de la Sécurité sociale

                      La rigueur
                      Le projet de loi portant financement de la Sécurité sociale pour 2012 a été élaboré
                      dans un contexte de crise : soumis à de nombreux allers retours entre un Sénat
                      ancré à gauche et une Assemblée nationale de droite, il souffre de l’air du temps
                      de la rigueur.

                     L
                               ‘austérité a régné sur l’examen du projet de      d’€ l’an prochain, contre 18,2 Mds d’€ en 2011 et
                               loi portant financement de la Sécurité sociale    23,9 Mds d’€ en 2010. Revue des mesures qui vont
                               2012 (PLFSS) : les prévisions de croissance       affecter les patients.
                      étant revues à la baisse (de 1,75 % à 1 %), la progres-
                      sion de l’Ondam (Objectif national des dépenses d’as-      Nouvelles recettes…
                      surance-maladie) a été priée de passer de 2,8 % à 2,5 %.   Pour financer la Sécu, certaines dispositions ont été
                      Objectif : réduire le déficit du régime général par rap-   adoptées dans le cadre du plan antidéficit, de la loi
                      port aux années précédentes, à hauteur de 13,9 Mds         de finances et du PLFSS (1). Si la réduction des niches
                                                                                 fiscales et sociales semble équitable, les disposi-
                                                                                 tions tapant au porte-monnaie des plus précaires sont
                                                                                 plus discutables. Ainsi, le doublement de la taxe sur
                                                                                 les complémentaires santé (de 3,5 à 7 %) affecterait
                                                                                 les patients dès la répercussion de la hausse, esti-
                                                                                 mée à 4,7 % par la Mutualité française (2). Cette der-
                                                                                 nière a lancé un appel aux parlementaires, dénonçant
                                                                                 le caractère injuste de la mesure : « injuste, parce que
                                                                                 le choix politique d’alourdir la pression fiscale sur les
                                                                                 contrats santé va renchérir le coût des complémentai-
                                                                                 res et risque de conduire les populations fragilisées à
                                                                                 renoncer à la couverture complémentaire… autrement
                                                                                 dit à se priver de soins, car les complémentaires rem-
                                                                                 boursent plus de 50 % des soins de ville. » Une mesure
                                                                                 censée rapporter 1,1 Md d’€.
                                                                                 Outre l’augmentation des droits sur les alcools forts
                                                                                 (de +18°) et l’augmentation du prix du tabac (+12 % en
                                                                                 un an), contraignant le plus les ménages défavorisés,
                                                                                 la taxe sur les sodas a été adoptée dans une relative
                                                                                 cacophonie, mêlant arguments de santé publique et
                                                                                 lobbying de Coca-Cola. Tout le monde paiera environ
                                                                                 deux centimes par cannette, ce qui devrait rapporter
                                                                                 280 M d’€.

                                                                                 Vieilles chansons
                                                                                 La lutte contre les fraudes, vieille antienne du gouver-
                                                                                 nement Sarkozy, a repris du service à l’occasion de la

                                      200      9                                              2009
                             28 avril                                                14 mai

 2009                        Manifestation de médecins et de personnels
                             hospitaliers à Paris contre la loi sur la réforme
                                                                                     Des syndicats de médecins libéraux
                                                                                     défilent à côté de praticiens hospitaliers
                             de l’hôpital.                                           pour dénoncer la loi HPST.

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   Allers-retours législatifs
   ▪ 2 novembre : L’Assemblée vote le PLFSS
     en première lecture.

   ▪ 7 novembre : François Fillon présente
     les nouvelles mesures d’austérité.

   ▪ 15 novembre : Le Sénat vote à son tour
     le PLFSS en modifiant l’essentiel de ses
     dispositions.

   ▪ 21 novembre : Seconde lecture du PLFSS
     à l’Assemblée : révision des mesures prises
     par le Sénat et révision du projet de loi
     en fonction des mesures d’austérité.

   ▪ 23 novembre : Rejet par le Sénat du PLFSS.
   ▪ 29 novembre : Le PLFSS est adopté
     à l’Assemblée.

   ▪ 6 décembre : Les élus socialistes défèrent
     le budget de la Sécurité sociale devant
     le Conseil constitutionnel.

rigueur. La fraude sociale, « la plus terrible et la plus    prestations sociales en cas de fraude aux documents
insidieuse des trahisons » selon le président de la Répu-    d’identité, et la création d’un Répertoire national com-
blique (3) est estimée par le député UMP Dominique           mun de la protection sociale.
Tian (4) à 20 Mds d’€ par an, toutes fraudes confondues.
Un chiffre contesté, mais qui justifie une nouvelle salve    Les autres victimes
contre les malades et les allocataires sociaux, consi-       Les industries du médicament sont également mises
dérés comme des fraudeurs en puissance.                      à contribution : les baisses de prix des médicaments
Ont ainsi été débattues l’augmentation des délais de         sous brevet, génériques et dispositifs médicaux, repré-
carence des salariés du privé à quatre jours (avant          senteraient 670 M d’€, les autres mesures environ
l’adoption d’une baisse des indemnités pour les sala-        100 M d’€ (marge des grossistes, déremboursement
riés rémunérées au-dessus de 1,8 fois le Smic), la mise      des médicaments à service médical rendu insuffisant).
en place d’un délai de carence dans la fonction publique     Les hôpitaux participent à l’effort : la rationalisation
et la lutte contre les arrêts maladie de complaisance,       des achats hospitaliers doit procurer 145 M d’€ en
via des amendes. Une mesure qui a fait bondir la Fédé-       2012, la convergence tarifaire ciblée entre les hôpitaux
ration nationale des accidentés de la vie (Fnath) : « Si     publics et les cliniques rapportera 100 M d’€.        ▪
pénalités il doit y avoir, ce sont les médecins traitants                                              Christelle Destombes
qui doivent les subir. Ce n’est pas à la personne en arrêt                 (1) www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/plfss_2012.
de faire les frais d’une approche différente entre deux                                                         asp#ETAPE276087
                                                                 (2) www.iledefrance.mutualite.fr/Actualites/Appel-de-la-Mutualite
médecins sur l’opportunité et la durée de leur arrêt. »
                                                                                       -Francaise-Ile-de-France-aux-parlementaires
Enfin, ont été évoquées la possibilité de consulter les                        (3) En déplacement à Bordeaux, le 15 novembre 2011.
relevés bancaires d’un allocataire, la suppression des                       (4) www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3603.asp

                                2009                                                      et 2009
                      13 juin                                                  21 juill
                      Nouvelle manifestation nationale                         Promulgation de la loi n° 2009-879 portant réforme de l’hôpital
                      contre la loi HPST, « pour l’hôpital                     et relative aux patients, à la santé et aux territoires (JO du 22 juillet),
                      public et la Sécurité sociale ».                         dont l’objectif est de moderniser l’ensemble du système de santé.

                                                                                     LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012   25
DOSSIER	              Bilan santé de l’ère Sarkozy

                       Budgets

                      la rentabilité à tout prix
                      Si peu de services hospitaliers VIH ont fermé, la pression financière qui s’exerce
                      sur les hôpitaux et les réseaux ne s’en fait pas moins sentir, mettant parfois en
                      péril l’accès aux soins des patients les plus précaires.

                      A
                                 l’automne 2008, les patients de l’hôpital pari-              d’effectuer leurs examens complémentaires ailleurs. « Il
                                 sien Saint-Joseph apprenaient la fermeture                   y a donc une dégradation de la qualité du service public,
                                 prochaine de leur service VIH. Depuis, leur                  qui conduit les patients à préférer – lorsqu’ils en ont les
                      prise en charge est un vrai feuilleton. Recueillis à l’hô-              moyens – d’autres solutions, qui sont inégalitaires »,
                      pital Necker en juillet 2009, ils découvrent que l’Assis-               déplore le président du Copaci.
                      tance publique hôpitaux de Paris (AP-HP) a un projet
                      d’immense consultation ambulatoire VIH dans les                         Tarification à l’activité
                      locaux décatis de l’Hôtel-Dieu. 5 000 patients au total                 « La logique de la T2A pousse à évincer les activités non
                      doivent s’y retrouver : ceux des hôpitaux Saint-Joseph,                 rentables, dont les maladies chroniques font partie »,
                      Necker, Cochin, Pompidou ainsi qu’une part de la file                   analyse la vice-présidente de la Coordination nationale
                      active de Tenon et de l’hôpital Henri Mondor à Créteil.                 des comités de défense des hôpitaux et maternités de
                      Le tout pour le mois de septembre, alors que rien n’était               proximité, Françoise Nay. Une dynamique accentuée par
                      prêt. « Les professionnels de l’Hôtel-Dieu ne savaient                  la crise financière et la pression qui pèse sur les direc-
                      pas que chaque consultation supposait un prélèvement                    teurs d’hôpitaux publics de retourner à l’équilibre budgé-
                      préalable », se souvient le président du Comité pour les                taire en 2012. D’où les nombreuses maternités qui fer-
                      patients citoyens (Copaci), José Puig. L’ouverture est                  ment, les hôpitaux locaux transformés en EHPAD*, mais
                      finalement repoussée au mois de janvier et la file active               surtout des activités et des services hospitaliers qui dis-
                      réduite aux patients de Saint-Joseph, de Necker, ainsi                  paraissent. Dans le champ du VIH, ces restructurations
                      qu’à une partie de ceux d’Henri Mondor et de Tenon.

                      Dégradation
                                                                                                    le travail se fait plus
                      « L’accueil s’est avéré catastrophique. Pas à cause du
                      personnel, avec qui nous avons travaillé en bonne intelli-                     que jamais à flux
                                                                                                     tendu. 
                      gence, mais parce que l’hôpital est dans un état lamen-
                      table : il manque des sièges, la salle d’attente est trop
                      petite… A notre arrivée, les dossiers étaient la plupart du
                      temps absents », poursuit José Puig. Dans le transfert,                 semblent surtout concerner, pour l’heure, la capitale,
                      les patients de Necker et de Saint-Joseph perdent les                   où d’autres hôpitaux – Saint-Antoine, Tenon et Becler –
                      deux psychologues rattachés à leurs services respectifs.                seraient menacés. « Mais tout est en stand-by jusqu’aux
                      « La direction nous a répondu qu’il y avait des psycholo-               élections », souligne José Puig. A Lyon, le service VIH de
                      gues à l’Hôtel-Dieu, mais ces derniers ont déjà une file                l’Hôtel-Dieu a certes fusionné récemment avec celui de
                      active importante et ne connaissent pas le VIH », rela-                 l’hôpital de la Croix Rousse, mais pour des raisons spéci-
                      te-t-il. Pour ne rien arranger, l’hôpital ne dispose pas de             fiques, le maire de la ville, Gérard Collomb, ayant décidé
                      lits d’hospitalisation VIH et l’hôpital de jour, principale-            de réhabiliter l’Hôtel-Dieu pour en faire un lieu de com-
                      ment équipé pour de la cardiologie, ne correspond pas                   merce et de prestige. Infectiologue à l’hôpital de la Croix
                      aux besoins des patients séropositifs, qui sont obligés                 rousse, le Pr Peyramond estime que la fusion a été bien

                                                                                 0
                                                                        ier 201
                                                               24 févr
                                                               Rapport d’information de Claude Jeannerot, pour la commission
 2010                                                          des affaires sociales du Sénat : « Lutte contre le VIH/sida : renforcer
                                                               la prévention, améliorer le pilotage de l’action publique ».

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préparée et qu’elle a même fait gagner les patients en
qualité de service, grâce à la mutualisation des savoir-
faire des deux équipes. Il souligne toutefois ce qui sem-
ble être une réalité pour tous les acteurs hospitaliers :
le travail se fait plus que jamais à flux tendu. « Depuis
un an, c’est pire que jamais, reconnaît-il. Les rempla-
cements de congés maladie sont devenus impossibles ».

Hôpitaux de jour en danger ?
A Marseille, le Dr Isabelle Ravaux, infectiologue à l’hô-
pital de la Conception, signale que le regroupement des
services hospitaliers en pôles a bouleversé l’organisa-
tion de son hôpital de jour. « Avant, nous disposions de
libéraux vacataires de plein de spécialités différentes.       ments historiques, mais perdu tout ce qui leur avait été
C’était fantastique de pouvoir, au même endroit, voir          accordé au moment de leur transformation en réseau de
un gynécologue, un gastro-entérologue, un oto-rhino-           santé et qui leur avait permis de proposer de nouvelles
laryngologiste… D’un coup, on nous a dit de rendre les         actions aux patients. Ou celui du réseau Sida hépati-
vacations qui n’étaient pas directement liées au VIH »,        tes addictions (SHA) d’Aix-en-Provence, qui se prépare
relate-t-elle. Il n’était pas rentable pour l’hôpital qu’une   à mettre la clé sous la porte. L’an passé, l’ARS de Pro-
personne séropositive puisse voir beaucoup de spécia-          vence-Alpes-Côte-d’Azur lui a supprimé le financement
listes en une journée. « On a trouvé des ficelles : nous       historique qu’il recevait de la Sécurité sociale, au motif
envoyons nos patients chez des médecins rattachés à            qu’il était redondant avec d’autres financements perçus
d’autres pôles situés à proximité, mais on ne peut plus        en tant que réseau de santé. « Qui plus est, l’ARS nous
proposer le même panel qu’avant », poursuit la prati-          a annoncé qu’elle ne voulait plus financer les réseaux
cienne, qui estime que les hôpitaux de jour VIH vivent         de santé, sauf ceux qui concernent le diabète, le cancer,
leurs dernières années : « L’idée des tutelles est de faire    Alzheimer, la périnatalité et les soins palliatifs. Tous nos
retourner les patients vers leurs médecins traitants. Je       financements seront donc supprimés en juin prochain »,
ne suis pas contre, mais cela suppose des médecins trai-       explique la présidente du réseau, Monique Sordage.
tants formés à cet effet et une activité valorisée, or ce      Bien loin de là, à Mulhouse, le réseau ville hôpital REVIH,
n’est pas le cas. ».                                           constitué de 37 médecins généralistes, d’une plate-
                                                               forme pluridisciplinaire et de médecins hospitaliers, n’a
Des réseaux asséchés                                           pas subi de coupes budgétaires. Son coordinateur s’in-
En outre, si l’objectif est de développer la prise en charge   terroge toutefois sur l’effet qu’auront les contrats d’ob-
en ambulatoire, comme y insiste d’ailleurs la loi HPST,        jectifs et de moyens que le réseau va désormais devoir
comment expliquer que tant de réseaux ville hôpital            signer avec l’ARS. « On est prêts à se remettre en ques-
perdent leurs financements ? Parfois, ces coupes sont          tion, on est en négociation avec d’autres réseaux pour
justifiées. « Le réseau de Nancy ne reçoit plus d’argent       mutualiser des éléments logistiques, insiste le coordi-
depuis deux ans, mais les médecins libéraux le désaf-          nateur du réseau, Bertrand Klein. Ce qu’on voit venir, en
fectaient depuis un moment déjà », reconnaît le Pr             revanche, c’est une exigence de performance en matière
Thierry May, président de la coordination régionale de         de coûts de prise en charge. Si elle est trop forte, nous             * EHPAD, établissement
                                                                                                                                     d’hébergement pour
lutte contre l’infection à VIH (Corevih) Lorraine Champa-      craignons de ne plus pouvoir offrir à nos patients les                personnes âgées
gne-Ardenne. En revanche, beaucoup de réseaux encore           mêmes services – en éducation thérapeutique, en psy-                  dépendantes.
actifs sont touchés. C’est le cas, par exemple, des            chologie, en addictologie – qu’aujourd’hui ».             ▪
réseaux VIH de Marseille, qui ont conservé les finance-                                                       Laetitia Darmon

          201  0                                                          10
1er avril                                                         mai 20
                                          © CHRISTOPHE PEUS

Mise en place des agences                                         Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, annonce que 2011 sera « l’année
régionales de santé (ARS).                                        des patients et de leurs droits » conçue comme une célébration de la loi relative
                                                                  aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner.

                                                                                     LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012   27
DOSSIER	             Bilan santé de l’ère Sarkozy

                      éducation thérapeutique

                     La grande déception
                     La reconnaissance légale de l’éduca-                             santé (ARS) de Lorraine, comme l’exige la loi hôpital,
                     tion thérapeutique du patient (ETP)                              patients, santé, territoires (HPST). Mais il fonctionne
                                                                                      sans aucun financement dédié. « On sait que le CHU a
                     au sein du parcours de soin est une
                                                                                      obtenu une enveloppe globale pour l’éducation théra-
                     avancée majeure du quinquennat. Mais                             peutique du patient (ETP), mais beaucoup de services se
                     l’approche française très médicalisée                            plaignent de n’en avoir jamais vu la couleur, alors même
                     et le manque de moyens alloués à l’ETP                           que leur programme a été autorisé », déplore le Pr May.
                                                                                      Résultat, il faut bricoler, dans un contexte de travail
                     n’ont pas permis d’enclencher une dyna-                          déjà difficile. « Une partie du temps infirmier de consul-
                     mique à la hauteur des besoins.                                  tation est dédiée à l’observance. Ça demande de jongler
                                                                                      sur les plannings et tout se fait à flux tendu », poursuit
                                                                                      le médecin.

                                                                                      Une logique administrative
                                                                                      Cet exemple n’a rien d’exceptionnel. Depuis la loi HPST,
                                                                                      qui entendait donner à l’ETP – ce « processus de renfor-
                                                                                      cement des capacités du malade et/ou de son entou-
                                                                                      rage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la
                                                                                      base d’actions intégrées au projet de soins »* – le rang de
                                                                                      priorité nationale, rares sont pourtant les nouveaux pro-
                                                                                      grammes qui ont obtenu un financement. Le ministère
                                                                                      de la Santé ne dispose pas encore de chiffres actuali-
                                                                                      sés, mais pour le président du Collectif interassocia-
                                                                                      tif sur la santé (CISS), Christian Saout, le ratio de nou-
                                                                                      veaux programmes financés serait « d’environ 5 %, mais
                                                                                      il faudra attendre le bilan à un an de l’année 2011 pour
                                                                                      avoir une vision plus claire ». Un curieux système s’est
                                                                                      donc installé, où des programmes peuvent être autori-

                     A
                                                                                      sés sans pour cela recevoir les moyens de fonctionner.
                                 u service de maladies infectieuses et tro-           « C’est la première fois que nous nous trouvons face à
                                 picales du centre hospitalier universitaire          ce type de déconnexion entre autorisation et finance-
                                 (CHU) de Nancy, tous les nouveaux patients,          ment. Au fond, on peut avoir le sentiment qu’on a mis en
                     de même que ceux qui rencontrent des problèmes                   place une procédure d’autorisation administrative pour
                     d’observance, peuvent désormais bénéficier d’un pro-             le plaisir de faire de l’administratif », commente Chris-
                     gramme d’éducation thérapeutique. « Ils voient une               tian Saout. Ou pour habituer les équipes à faire de l’ETP
                     infirmière, une pharmacienne, une psychologue. Les               sans moyens…
                     résultats sont bons. Nous avons même réussi à fidéliser
                     à leur traitement des patients avec des profils psycho-          Dures négociations
                     logiques parfois difficiles », se réjouit le chef de service,    Les programmes qui préexistaient à la loi ont eux aussi
                     le Professeur Thierry May. Ce programme spécifique-              parfois eu de la difficulté à obtenir leurs financements.
                     ment hospitalier a été validé par l’agence régionale de          A l’Assistance public des hôpitaux de Marseille (APHM),

                                   010                                                   . 2010
                        4 nov. 2                                                30 déc
                        Présentation du « Plan national                         Promulgation de la loi de Finances qui restreint
                        de lutte contre le VIH et les IST                       l’accès à l’Aide médicale d’Etat : les bénéficiaires
                        2010-2014 ».                                            doivent s’acquitter d’un droit de 30 € par an.

       28   LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
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par exemple, ce sont les chefs de service qui sont allés       traitement, Eric Salat décrit des programmes essen-
rencontrer l’ARS pour négocier leurs budgets. « Nos            tiellement axés sur l’observance, « abordant peu ou pas
référents hospitaliers, sentant qu’il ne leur serait pas       la question médico-sociale, pourtant cruciale, surtout
facile de reconduire les enveloppes dédiées aux missions       pour des populations étrangères ou socialement vulné-
d’intérêt général (MIG) [enveloppes servant à financer,        rables ». Son association tente de monter son propre
entre autres, l’éducation thérapeutique dans les hôpi-         programme, mais cela ne va pas de soi. « Nous essayons
taux], ont proposé à tous les médecins coordinateurs           depuis un an de remodeler notre offre pour la transfor-
d’ETP d’y aller à leur place, pour mieux faire valoir l’uti-   mer en programme, mais il nous manque les patients
lité de leurs actions », relate Sylvie Brégigeon, médecin      dits experts – une expertise qui s’acquiert au prix d’un
coordinateur du programme d’ETP du service d’immu-             diplôme universitaire de 40 heures. C’est un comble,
nologie hématologie clinique du CHU Sainte-Margue-             pour une vieille association comme la nôtre », indique-
rite – un programme qui existait avant la loi HPST. Et         t-il. Il leur faut de plus trouver un médecin et obtenir
de décrire une réunion longue et houleuse. « Au final,         le financement de sa prestation.
on nous a grignoté à chacun un peu de notre file active        Quant aux programmes d’accompagnement, qui devai-
prévisionnelle. J’avais demandé un budget pour 160             ent faire la part belle aux associations, leur décret d’ap-
patients, je l’ai obtenu pour 150 ». Une file active pour-     plication n’est toujours pas paru, laissant les pratiques
tant déjà basse, puisque le service accueille 1 000            dans le flou.
patients. Ne disposant que d’une infirmière et d’une           Si, indéniablement, l’éducation thérapeutique fait
nutritionniste formées à l’éducation thérapeutique, le         davantage parler d’elle et suscite des initiatives, il reste
Dr Brégigeon a dû choisir les catégories de patients           donc difficile de parler d’une véritable dynamique. La loi
qui lui semblait avoir le plus besoin d’ETP : les person-      HPST promettait pourtant, en inscrivant l’ETP au sein
nes en échec thérapeutique, les personnes venant pour          du parcours de soin, de raccourcir le temps passé à l’hô-
la première fois, celles changeant de traitement ou le         pital et de baisser le coût global des maladies chroni-
commençant, les personnes manifestant d’importan-              ques en donnant aux patients les moyens de s’autono-
tes difficultés d’observance suite à une perte d’emploi        miser. « Un enjeu essentiel, quand on sait qu’un Français                 * Définition extraite du rapport
                                                                                                                                         « Pour une politique nationale
ou une rupture affective. « Pour prendre en charge plus        sur trois sera atteint d’une maladie chronique en 2020,                   d’éducation thérapeutique
de patients, il nous faudrait au moins une deuxième infir-     insiste Eric Salat. L’idée était excellente, mais on n’a pas              du patient », remis en
                                                                                                                                         septembre 2008
mière formée », note le médecin coordinateur.                  fini de répondre comment, avec quels moyens et avec                       à la ministre de la Santé
                                                               qui la mettre en œuvre. »                                 ▪              Roselyne Bachelot.
Les associations à la marge                                                                                       Laetitia Darmon
Outre le manque de financements, l’éducation théra-
peutique demeure par ailleurs très médicalisée et hos-
pitalo-centrée, très peu de programmes étant montés
en lien avec les associations. Aides, par exemple, n’est
                                                                   Au premier octobre 2011
parvenue à co-construire – avec des hôpitaux et une unité          • 101 programmes concernant le VIH avaient été autorisés par
de consultation et de soins ambulatoire (UCSA) – que                  les ARS – soit 3,8 % de l’ensemble des dossiers – et 47 concernant
six programmes d’ETP : un sur chacun de ses territoi-                 le VHC – 1,77 % des dossiers.
res d’action. « Travailler avec les équipes soignantes             • Sur 2 657 programmes autorisés toutes pathologies confondues,
s’est avéré à chaque fois très positif, mais on est très              69,70 % existaient avant la loi.
loin de ce qu’on espérait ! En outre, nous n’avons pas             • Le nombre de programmes financés n’était pas disponible
reçu un centime des ARS et de l’Etat pour participer à                (l’autorisation par les ARS ne vaut pas financement).
ces différents programmes. Cela se fait donc à fonds
                                                                   (Source : ministère de la Santé)
perdus », constate Franck Barbier. En charge des ques-
tions législatives et d’économie de la santé à Action

                                            s 2011                                                                 2011
                                   1er mar                                                              14 juin
                                   Un forfait de 18 € s’applique                                        Installation par Nora Berra, secrétaire d’Etat
  2011                             pour les actes médicaux d’un montant                                 à la santé du Comité de suivi du plan national
                                   supérieur ou égal à 120 €.                                           de lutte contre le VIH et les IST 2010-2014.

                                                                                         LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012   29
DOSSIER	                             Bilan santé de l’ère Sarkozy

                                      Le Partenariat Public Privé

                                      catastrophe pour l’hôpital
                                      Un hôpital vide dont l’Etat paie le loyer. Un directeur qui démissionne, le personnel
                                      hospitalier en grève, des politiques qui s’en mêlent, la Chambre des comptes qui
                                      dénonce un choix onéreux… Bilan provisoire du premier partenariat public-privé
                                      appliqué à l’hôpital.

                                      L
                                                e partenariat public-privé devait être la pana-      devient explosive. En septembre 2011, Alain Verret fait
                                                cée. L’objectif : construire le plus grand hôpital   valoir son droit à la retraite anticipée, Patrick Lajonchère
                                                de France (100 000 m2, 1 025 lits et 20 blocs        est nommé directeur par intérim par l’ARS (qui n’a pas
                                      opératoires) sans faire appel aux deniers publics. Un bail     répondu à nos questions). Le directeur annonce la pro-
                                      emphytéotique hospitalier (BEH) a été signé en 2006            chaine ouverture de l’hôpital : le 23 janvier 2012.
                                      entre le CHSF et Héveil, une filiale d’Eiffage. Héveil
                                      prend en charge la conception, la construction, le finan-      Contestation tous azimuts
                                      cement et la maintenance du bâtiment pendant 30 ans,           Les personnels ne l’entendent pas ainsi. Henri Lelièvre,
                                      recevant un loyer de 39 M d’€ par an. Coût initial du pro-     président de l’association Sauvons notre hôpital public (2)
                                      jet : 344 M d’€, coût total avec les loyers : 1,2 Mds d’€.     résume : « Il est hors de question d’entrer dans un hôpital
                                      Comme l’a écrit la Chambre des comptes (1) : « Ce choix        qui n’est pas fonctionnel, de continuer à réduire le per-
                                      paraît très onéreux pour l’établissement. Le recours à
                                      une maîtrise d’ouvrage publique, financée par l’emprunt,
                                      aurait été une solution certainement moins coûteuse,                l’issue de secours donne
                                                                                                           des sueurs froides. 
                                      moins hasardeuse et surtout davantage maîtrisable par
                                      l’établissement. »

                                      D’errances en contrefaçons                                     sonnel pour faire des économies, et donc saborder les
                                      En janvier 2011, Héveil livre un bâtiment et commence          bénéfices futurs ». L’association a un plan de rechange :
                                      à percevoir des loyers, alors qu’un audit externe com-         régler l’ensemble des dysfonctionnements, sortir du BPE
                                      mandé par le CHSF relève près de 8 000 malfaçons,              pour être maître des murs, essayer l’hôpital en conditions
                                      dont certaines (pas de bibonnerie en néonatalogie, sal-        quasi réelles, élaborer un projet médical pour faire « tour-
   (1) « Rapport d’observations       monelle dans l’alimentation d’eau, électricité instable        ner » l’ensemble de l’hôpital. Une votation citoyenne a été
   définitives Centre hospitalier
       sud francilien », Chambre      dans les blocs opératoires, etc.) sont extrêmement pro-        organisée du 8 au 11 décembre 2011 avant de se pour-
 régionale des comptes d’Ile-de       blématiques. La société Héveil réclame 100 M d’€ pour          suivre sur Internet (3) pour consulter l’opinion au sujet du
      -France, septembre 2010.
                                      pallier les anomalies, la goutte d’eau qui fait déborder       futur de l’hôpital. En signant, les citoyens exigeaient que
 (2) http://sauvonsnotrehopital.
                  over-blog.org/
                                      le vase.                                                       le déménagement dans le nouvel hôpital soit déclaré
     (3) A l’appel de l’association   Le 1er juillet 2011, le conseil de surveillance du cen-        « officiellement et publiquement sûr, conforme et fonc-
  Sauvons Notre Hôpital Public,       tre hospitalier sud francilien vote une motion exigeant        tionnel » par l’ARS et le directeur du CHSF, la sortie du
  l’intersyndicale CGT, FO, SUD
                                      la renégociation du contrat avec Eiffage et la sortie          PPP, le retour à une gestion publique et le cas échéant,
       Santé Sociaux, le Front de
 Gauche (PCF, Parti de Gauche,        du BEH. Jérôme Guedj, président du conseil général             que l’ARS et le ministère de la Santé s’engagent à garan-
     Gauche Unitaire), la section     de l’Essonne, demande l’arbitrage du ministère de la           tir les ressources de l’hôpital. Car l’issue de secours évo-
  PS de la 1re circonscription 91 ;
  Mouvement Démocrate 91 et           Santé ou de l’Elysée. Manuel Valls, député-maire d’Evry,       qué par le directeur (louer l’espace à des cliniques privées
 de La Villensemble, Bondoufle        évoque un « scandale d’Etat ». Avec la grève des per-          en oncologie et radiologie) donne des sueurs froides aux
 Energie Nouvelle, Agir à Lisses.
                En ligne sur www.
                                      sonnels hospitaliers, qui dénoncent les économies for-         défenseurs de l’hôpital public.                           ▪
sauvonsnotrehopitalpublic.com         cées par le biais des suppressions de poste, la situation                                           Christelle Destombes

                                 2011                                                                         t 2011
                     17 juin                                                                          1er aoû
                     Publication au JO de la loi sur l’immigration                                    Présentation du projet de loi
                     qui modifie le droit au séjour pour les étrangers                                « sur la sécurité sanitaire du médicament »,
                     gravement malades.                                                               neuf mois après le scandale du Mediator.

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