BILAN SANTé DE L'èRE SARKOZY
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
DOSSIER BILAN SANTé DE L’èRE SARKOZY La politique de santé du quinquennat qui s’achève confirme les appréhensions qu’elle avait suscitées. Le poids des dépenses de santé sur les assurés sociaux a, comme prévu, graduellement augmenté ; la prise en charge de l’assurance-maladie n’a cessé de diminuer au profit des complémentaires privées ; la logique de la tarification à l’activité continue d’inciter les hôpitaux à se débarrasser de leurs services les moins rentables ; les étrangers peinent plus que jamais à accéder aux titres de séjour pour raison médicale et à l’Aide médicale d’Etat… Parmi les exceptions à la règle, la promesse de faire de l’éducation thérapeutique une priorité nationale pour répondre à l’explosion des maladies chroniques à l’horizon 2020 peine malheureusement à devenir réalité, faute de fonds pour la soutenir. C’est dans ce contexte que les auteurs du Manifeste pour une santé égalitaire et solidaire dénoncent une « logique de déconstruction des services publics concourant à la protection de la santé » et tentent de placer la santé au cœur du débat présidentiel. Laetitia Darmon LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012 19
DOSSIER Bilan santé de l’ère Sarkozy Chronique santé du quinquennat La bourse ou la vie Depuis quelques années, notre protection sociale collective est grignotée par des mesures visant à « responsabiliser » un patient qui serait perçu comme « consom- mateur abusif de soins ». Derrière ce dis- cours, le glissement progressif vers une prise en charge individuelle et privatisée de la santé se profile. ne sont pas payées directement en pharmacie ou aux professionnels, elles sont imputables sur des rem- N boursements postérieurs par l’assurance-maladie. icolas Sarkozy, 2007-2012, nous n’y survivrons « Prenons l’exemple d’un patient séropositif. Il vient me pas. » Le slogan d’Act up lors de la campagne voir et ne paye rien puisque je pratique le tiers payant et électorale des présidentielles 2007 redou- qu’il est pris en charge à 100 % pour son affection lon- tait l’effet des mesures annoncées dans le champ de gue durée (ALD). Mais il doit 1 € de franchise à la Sécu- la santé par le futur président. Cinq ans après, les rité sociale. Je l’envoie voir son médecin spécialiste, il promesses ont été tenues. De forfait en franchises, ne paye rien mais il doit encore 1 € de franchise. Il fait le poids des dépenses de santé restant à charge des un bilan biologique où il n’avance rien mais là encore la patients augmente petit à petit ; la prise en charge par franchise s’applique. Ainsi de suite, jusqu’à une visite l’assurance-maladie collective diminue au profit des chez un ophtalmologiste où il avance la somme de la assurances complémentaires privées. consultation : la Sécurité sociale indiquera avoir pré- levé 28 € sur le remboursement prévu en raison des Un saupoudrage pesant franchises accumulées. » Cette opacité rend l’impact Dans la lignée de la franchise de 1 € sur les consulta- des franchises peu perceptible mais elles s’ajoutent à tions médicales en 2004, puis de l’installation du for- d’autres mesures « qui sont présentées à chaque fois fait hospitalier en 2006, la politique de santé de Nicolas comme bénignes, indolores mais qui, mises bout à bout, Sarkozy s’est inscrite dans une logique de « responsa- pèsent sur les malades », souligne Mady Denantes. Le bilisation des assurés sociaux ». Dès le 1er janvier 2008, dispositif du parcours de soins qui implique un moin- entrent en vigueur les franchises de 50 centimes par dre remboursement s’il n’est pas respecté ou encore boîte de médicaments et acte paramédical et de 2 € la création d’une vignette orange qui fait passer des lors d’un recours à un transport sanitaire. Le total des médicaments jusqu’alors remboursés à 35 % à 15 % franchises perçues pour un individu ne peut dépasser sont autant de mesures qui se sont ajoutées au reste à le plafond de 100 € par an. Trois ans plus tard, quel- charge. En 2010, le passage du forfait hospitalier de 16 les conséquences ? « Le système est d’une telle opa- à 18 € a également eu de lourdes conséquences. « Je cité que personne ne se rend compte de leur réalité », ne peux pas payer ce forfait hospitalier de 18 € par jour, déplore Mady Denantes, membre du Collectif des je suis donc obligé de limiter la durée de mon hospitali- médecins généralistes pour l’accès aux soins (Comé- sation car j’ai déjà des dettes hospitalières. Je n’ai que gas) et médecin généraliste à Paris. Car ces franchises 700 € de retraite. Comment puis-je payer trois semai- 2007 février Le Plan Hôpital 2012 pour moderniser l’hôpital 2007 (10 Mds d’€ en 5 ans) est présenté par Xavier Bertrand, 2008 ministre de la Santé. 20 LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
TEXTEENLIGNEWWW.JOURNALDUSIDA.NET nes de forfaits hospitaliers ? », questionne un patient taire, ni de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire, VHC à la permanence téléphonique du Ciss. Malgré les n’auront d’autre choix que de renoncer à une mutuelle. conséquences sur l’accès aux soins, le discours officiel Or, les mutuelles jouent un rôle de plus en plus impor- poursuit sa croisade contre la fraude et la consom- tant dans la couverture des soins. Ce poids des com- mation abusive de soins. Et depuis un an, les mesures plémentaires dans l’accès aux soins signe également s’accélèrent. un choix politique fort. Notre protection sociale glisse du collectif à l’individuel, du public au privé. Glissement En janvier 2011, les médicaments à vignette bleue Bascule jusqu’alors remboursés à hauteur de 35 % le sont Pourtant, les chiffres de l’assurance-maladie mar- désormais à 30 %, les dispositifs médicaux passent quent une stabilité étonnante : entre 1995 et 2009, la d’un remboursement de 65 % à 60 %. Un mois plus part du reste à charge pour les ménages dans la struc- tard, en février 2011, un décret augmente le reste à ture de financement des soins reste à hauteur d’envi- charge pour les actes médicaux coûteux. En 2006, ron 9 %. La dépense de soins, couverte par la Sécurité un premier décret installe un forfait de 18 € pour les sociale de base, baisse légèrement passant de 77,1 % actes médicaux à partir de 91 €. En février dernier, ce en 1995 à 75,5 % en 2009 quand la part des organismes forfait est déclenché pour les actes à partir de 120 €. complémentaires augmente dans la même période de Entre 91 € et 120 €, c’est le ticket modérateur de 20 % 12,2 % à 13,8 %. Rien de révolutionnaire. Il faut creuser qui s’applique à l’hôpital, de 30 % en ville, soit pour ces chiffres pour percer à jour la bascule en cours. un acte de 100 €, un reste à charge de 20 € à l’hôpi- tal, de 30 € en ville. Enfin, dans le cadre du plan de rigueur, une hausse de taxations des contrats d’assu- Les ALD dans la mire rance santé complémentaire responsables et solidai- Le 24 juin 2011, l’hypertension artérielle sévère (HTA) était exclue de la res de 3,5 % est annoncée. En deux ans, ces contrats, liste des affections longue durée (ALD), prises en charge à 100 % par l’as- qui n’étaient auparavant pas taxés, le sont désormais surance-maladie. Une première depuis la création de cette liste en 1945. à hauteur de 7 %. Cette mesure aura deux conséquen- Pourtant, quelques mois plus tôt, lors de la réévaluation des critères d’ad- ces, selon Magali Leo, chargée de mission assuran- mission en ALD, cette pathologie avait été confirmée dans la liste. Mais ce-maladie au CISS. « La répercussion sur le tarif des l’objectif est à l’économie à tout prix ; le coût des ALD dans le budget de complémentaires sera immédiate mais dans un second l’assurance-maladie est en augmentation constante. Désormais, l’HTA temps cela risque aussi d’avoir un impact sur la nature est considérée comme « facteur de risque » ce qui lui coûte sa place dans des contrats ». Les contrats responsables et solidai- la liste. « C’est très inquiétant pour les personnes qui ont un diabète de res, taxés jusqu’alors à 3,5 % quand les autres contrats type 2, listé dans les ALD, car cela peut également être considéré comme facteur de risque puisque liée essentiellement aux comportements indi- le sont à 9 %, s’engagent à couvrir certains frais mais viduels », analyse Magali Leo du Ciss (Collectif interassociatif sur la pas ceux qui « responsabilisent » le patient comme les santé). Autre entorse au dispositif : la réduction de la prise en charge des franchises ou les consultations hors du parcours de frais de transport. En mars 2011, un décret prévoit que les frais de trans- soins. Par ailleurs, ils proscrivent les questionnaires de port (auparavant couverts par l’assurance-maladie) ne seront plus pris santé lors de la souscription, c’est le volet « solidaire ». en charge à 100 % que pour les personnes présentant une incapacité ou Désormais taxés à 7 %, les organismes complémen- une déficience confirmée par le médecin. Celles en ALD, qui se rendaient taires auront peut-être moins d’intérêt à proposer ce jusqu’alors avec leurs propres moyens vers les structures de soins, ne type de contrat. « Ils se tourneront vers les contrats pourront plus demander le remboursement de leurs frais. « Dès lors, elles taxés à 9 % qui ne seront plus ni solidaires, ni respon- auront plutôt intérêt à demander la prescription d’un transport sanitaire à leur médecin, avance Magali Leo. Le résultat risque donc d’être au final sables », craint Magali Leo. Face à la hausse continue bien plus coûteux pour l’assurance-maladie. » M.L. ▪ du coût des mutuelles, ceux qui ne peuvent bénéficier ni de la couverture maladie universelle complémen- 2008 2008 1er jan. 10 avr. Mise en place des franchises médicales : 50 centimes d’€ sur chaque boîte Présentation du rapport Larcher de médicaments et chaque acte paramédical ; 2 € pour chaque transport sur les missions de l’hôpital. sanitaire, dans la limite de 50 € par an et par personne. LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012 21
DOSSIER Bilan santé de l’ère Sarkozy Le renoncement aux soins s’amplifie « Nous observons tous les jours des renoncements l’assurance-maladie, le record historique en 2010, aux soins pour des raisons financières et ces renon- de 2,5 milliards d’euros ? L’IRDES s’attarde sur cements sont de plus en plus fréquents. » Mady des facteurs multiples dans une approche socio- Denantes fait ce constat dans son cabinet de méde- anthropologique : « le renoncement aux soins prend cin. Une réalité confortée par deux études de l’Ins- deux formes principales : le renoncement-barrière titut de recherche et documentation en économie et le renoncement-refus. Dans le premier cas, de la santé (IRDES) qui viennent d’être publiées. l’individu fait face à un environnement de contrain- Selon ces études, 15,4 % des personnes déclarent, tes, le plus souvent budgétaires, qui ne lui permet en 2008, avoir renoncé à des soins pour des raisons pas d’accéder au soin désiré. Le second cas est financières au cours des douze derniers mois. Ce l’expression d’un refus qui porte soit sur des soins renoncement grimpe, selon l’enquête “Santé, iné- spécifiques, soit, plus radicalement, sur le fait galités, ruptures sociales” (SIRS) menée dans l’ag- même de se soigner. » En revanche, une étude du glomération parisienne en 2010, à 32,4 % pour les Fonds CMU, publié en septembre dernier, souligne bénéficiaires de la CMU-C et à 33,9 % pour les per- que « les soins ou produits non remboursés et la sonnes couvertes par l’Aide médicale d’Etat. L’étude demande d’une participation financière sont les relève que sans la Couverture maladie universelle, principaux motifs de renoncement » pour les per- ils seraient 40 % à déclarer renoncer aux soins. Il sonnes couvertes par la CMU-C, notamment sur n’empêche, ce fort taux de renoncement restant, les soins dentaires, les médicaments, l’optique alors que la couverture est dite universelle, ques- et les consultations de spécialistes. L’enquête SIRS tionne : est-ce dû aux nombreux refus de soins aux- révèle également que 20,6 % des personnes béné- quels sont confrontées les personnes couvertes ficiaires de l’AME renonçaient, en 2010, à des par la CMU ? Est-ce la barrière des dépassements consultations chez des spécialistes et à des médica- d’honoraires qui ont atteint, selon les chiffres de ments. M.L. ▪ « Cette relative stabilité masque une déformation rieur à celui des autres assurés. En moyenne, 600 € dans le contenu de la part financée par l’assurance-ma- par an, 200 € de plus que les non ALD. Reste que cette ladie, qui s’est recentrée sur l’hospitalisation et les soins concentration des financements de la Sécurité sociale associés à des maladies graves et coûteuses », écrit Sara- sur les pathologies lourdes est également un choix poli- Lou Gerber, dans une note de veille du centre d’analyse tique. « Ces mesures (franchises et autres) réduisent, de stratégique (1). L’assurance-maladie, via les dispositifs de facto, la solidarité entre les bien portants et les malades franchises, déremboursement, forfaits, se désengage qui est le ressort fondamental de l’assurance-maladie, petit à petit des soins courants pour se recentrer sur les en diminuant la part des dépenses mutualisées par la soins lourds. La Direction de la recherche, des études, collectivité », écrit Didier Tabuteau (2). Sara-Lou Gerber de l’évaluation et des statistiques (Drees), dans l’analyse complète : « Ce changement interroge la légitimité poli- (1) « Combien les Français des comptes nationaux de la santé en 2010, soulignait : tique de l’ensemble du système d’assurance-maladie ; sont-ils prêts à consacrer aux dépenses de santé ? », note « Une personne en ALD bénéficie d’un taux de rembour- il questionne notamment l’adhésion et le consente- de veille du centre d’analyse sement moyen de 92 % contre 67 % pour les autres assu- ment au financement des jeunes générations. Le dispo- stratégique, n° 171, avril 2010. rés ». Selon son analyse, les dépenses en ville des per- sitif des ALD, bien que très légitime, est susceptible de (2) Didier Tabuteau, « L’assurance-maladie dans sonnes en ALD sont couvertes par l’assurance-maladie nourrir chez certains publics un sentiment de désenga- la tourmente économique et à hauteur de 85 % contre 55 % pour les autres assurés. gement croissant de l’assurance-maladie, au risque de politique (2007-2011) », Les Tribunes de la santé, 2011/3, Il n’empêche, même si la couverture est plus large pour fragiliser le pacte de solidarité à l’origine du système. » n°32. les plus malades, leur reste à charge demeure supé- Marianne Langlet ▪ t. 2008 © Richard Pichet 2008 22 sep 22 oct. En déplacement dans un hôpital en province, Nicolas Sarkozy Présentation, en Conseil des ministres, endosse le projet de réforme Larcher. Il déclare : « Je souhaite du projet de loi portant réforme de l’hôpital et que l’assurance-maladie revienne à l’équilibre en 2011. » relatif aux patients, à la santé et aux territoires. 22 LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
TEXTEENLIGNEWWW.JOURNALDUSIDA.NET trois questions à... Cécile Lhuillier, d’Act up « Alors que Nicolas Sarkozy avait promis en 2007 une augmentation de l’allocation adulte handicapé (AAH) de 25 % durant cinq ans, différentes mesures se chargent de réduire l’assiette des bénéficiaires. » Le collectif (imp)Patients, chroniques et associés dénonce Sylvie Fondacci-Monteiro © ACT-UP un nouveau décret, adopté au cœur de l’été, applicable au 1er septembre. Il modifie les conditions d’attribution de l’AAH pour les personnes dont le taux d’incapacité est compris entre 50 % et 79 %. Le 17 octobre dernier, Act up a déposé un recours juridique contre ce décret auprès du Conseil d’Etat. “Un imbroglio administratif sans fin” La promesse de l’augmentation de l’allocation l’AAH aux personnes qui pourront justifier d’une restric- adulte handicapé (AAH) est-elle tenue ? tion durable à l’emploi mais durant l’année à venir. Il faut Oui. Nous pourrons comptabiliser, en 2012, 25 % d’aug- donc que le médecin, lorsqu’il remplit la partie médicale mentation depuis 2007. Mais cette augmentation n’est du dossier, regarde dans sa boule de cristal et dise pendant rien au regard de la réalité des personnes bénéficiaires combien de temps la personne ne va pas pouvoir travailler ! de l’AAH, dont le montant maximum était au 1er septem- C’est ubuesque, il est impossible de connaître à l’avance la bre de 743,62 euros. Il faut la mettre en parallèle avec situation sur douze mois. l’augmentation du cours de la vie, d’une part, et, d’autre part, l’augmentation du reste à charge pour les soins. Ce décret réduit, pour cette catégorie de personnes, à un ou deux ans maximum la durée de l’attribution de En quoi le nouveau décret sur l’AAH du 16 août 2011 l’AAH contre cinq ans auparavant, quelles vont en être concerne particulièrement les personnes vivant les conséquences ? avec le VIH ? Cette réduction marque un recul sans précédent. Cette Ce décret s’applique lorsque le taux d’incapacité per- décision fait preuve d’une méconnaissance de la réalité des manente est compris entre 50 % et 79 %. Les personnes modalités d’attribution de l’AAH. Dans les textes, la durée séropositives entrent souvent dans cette tranche-là. Il de traitement du dossier est de deux fois deux mois : deux redéfinit la notion de restriction substantielle et durable mois pour la Commission des droits et de l’autonomie des à l’emploi qui ouvre droit au versement de l’allocation personnes handicapées (CDAPH) qui étudie et donne son adulte handicapé. En 2009, la condition d’une année accord, puis deux mois d’instruction par la CAF qui finance sans avoir travaillé pour bénéficier de l’allocation était l’allocation. En réalité, la durée de traitement pour obtenir supprimée. Un point positif pour de nombreuses person- l’allocation va de 9 à 18 mois. Si la durée d’attribution passe nes en maladie chronique dont les parcours fluctuent à deux ans maximum, la personne sera dans l’obligation de entre des temps d’emploi et des temps d’arrêt maladie. refaire sans cesse son dossier. C’est un imbroglio adminis- Aujourd’hui, le nouveau décret restreint l’attribution de tratif sans fin. Propos recueillis par Marianne Langlet ▪ 008 5 nov. 2 Les présidents de comités consultatifs médicaux (CCM) des hôpitaux de l’AP-HP adressent à la ministre de la Santé une lettre ouverte Sauver l’hôpital public. Ils dénoncent des « restrictions budgétaires sans objectifs médicaux ni de santé publique clairement identifiés » et les « économies à très court terme et à tout prix ». LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012 23
DOSSIER Bilan santé de l’ère Sarkozy Financement de la Sécurité sociale La rigueur Le projet de loi portant financement de la Sécurité sociale pour 2012 a été élaboré dans un contexte de crise : soumis à de nombreux allers retours entre un Sénat ancré à gauche et une Assemblée nationale de droite, il souffre de l’air du temps de la rigueur. L ‘austérité a régné sur l’examen du projet de d’€ l’an prochain, contre 18,2 Mds d’€ en 2011 et loi portant financement de la Sécurité sociale 23,9 Mds d’€ en 2010. Revue des mesures qui vont 2012 (PLFSS) : les prévisions de croissance affecter les patients. étant revues à la baisse (de 1,75 % à 1 %), la progres- sion de l’Ondam (Objectif national des dépenses d’as- Nouvelles recettes… surance-maladie) a été priée de passer de 2,8 % à 2,5 %. Pour financer la Sécu, certaines dispositions ont été Objectif : réduire le déficit du régime général par rap- adoptées dans le cadre du plan antidéficit, de la loi port aux années précédentes, à hauteur de 13,9 Mds de finances et du PLFSS (1). Si la réduction des niches fiscales et sociales semble équitable, les disposi- tions tapant au porte-monnaie des plus précaires sont plus discutables. Ainsi, le doublement de la taxe sur les complémentaires santé (de 3,5 à 7 %) affecterait les patients dès la répercussion de la hausse, esti- mée à 4,7 % par la Mutualité française (2). Cette der- nière a lancé un appel aux parlementaires, dénonçant le caractère injuste de la mesure : « injuste, parce que le choix politique d’alourdir la pression fiscale sur les contrats santé va renchérir le coût des complémentai- res et risque de conduire les populations fragilisées à renoncer à la couverture complémentaire… autrement dit à se priver de soins, car les complémentaires rem- boursent plus de 50 % des soins de ville. » Une mesure censée rapporter 1,1 Md d’€. Outre l’augmentation des droits sur les alcools forts (de +18°) et l’augmentation du prix du tabac (+12 % en un an), contraignant le plus les ménages défavorisés, la taxe sur les sodas a été adoptée dans une relative cacophonie, mêlant arguments de santé publique et lobbying de Coca-Cola. Tout le monde paiera environ deux centimes par cannette, ce qui devrait rapporter 280 M d’€. Vieilles chansons La lutte contre les fraudes, vieille antienne du gouver- nement Sarkozy, a repris du service à l’occasion de la 200 9 2009 28 avril 14 mai 2009 Manifestation de médecins et de personnels hospitaliers à Paris contre la loi sur la réforme Des syndicats de médecins libéraux défilent à côté de praticiens hospitaliers de l’hôpital. pour dénoncer la loi HPST. 24 LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
TEXTEENLIGNEWWW.JOURNALDUSIDA.NET Allers-retours législatifs ▪ 2 novembre : L’Assemblée vote le PLFSS en première lecture. ▪ 7 novembre : François Fillon présente les nouvelles mesures d’austérité. ▪ 15 novembre : Le Sénat vote à son tour le PLFSS en modifiant l’essentiel de ses dispositions. ▪ 21 novembre : Seconde lecture du PLFSS à l’Assemblée : révision des mesures prises par le Sénat et révision du projet de loi en fonction des mesures d’austérité. ▪ 23 novembre : Rejet par le Sénat du PLFSS. ▪ 29 novembre : Le PLFSS est adopté à l’Assemblée. ▪ 6 décembre : Les élus socialistes défèrent le budget de la Sécurité sociale devant le Conseil constitutionnel. rigueur. La fraude sociale, « la plus terrible et la plus prestations sociales en cas de fraude aux documents insidieuse des trahisons » selon le président de la Répu- d’identité, et la création d’un Répertoire national com- blique (3) est estimée par le député UMP Dominique mun de la protection sociale. Tian (4) à 20 Mds d’€ par an, toutes fraudes confondues. Un chiffre contesté, mais qui justifie une nouvelle salve Les autres victimes contre les malades et les allocataires sociaux, consi- Les industries du médicament sont également mises dérés comme des fraudeurs en puissance. à contribution : les baisses de prix des médicaments Ont ainsi été débattues l’augmentation des délais de sous brevet, génériques et dispositifs médicaux, repré- carence des salariés du privé à quatre jours (avant senteraient 670 M d’€, les autres mesures environ l’adoption d’une baisse des indemnités pour les sala- 100 M d’€ (marge des grossistes, déremboursement riés rémunérées au-dessus de 1,8 fois le Smic), la mise des médicaments à service médical rendu insuffisant). en place d’un délai de carence dans la fonction publique Les hôpitaux participent à l’effort : la rationalisation et la lutte contre les arrêts maladie de complaisance, des achats hospitaliers doit procurer 145 M d’€ en via des amendes. Une mesure qui a fait bondir la Fédé- 2012, la convergence tarifaire ciblée entre les hôpitaux ration nationale des accidentés de la vie (Fnath) : « Si publics et les cliniques rapportera 100 M d’€. ▪ pénalités il doit y avoir, ce sont les médecins traitants Christelle Destombes qui doivent les subir. Ce n’est pas à la personne en arrêt (1) www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/plfss_2012. de faire les frais d’une approche différente entre deux asp#ETAPE276087 (2) www.iledefrance.mutualite.fr/Actualites/Appel-de-la-Mutualite médecins sur l’opportunité et la durée de leur arrêt. » -Francaise-Ile-de-France-aux-parlementaires Enfin, ont été évoquées la possibilité de consulter les (3) En déplacement à Bordeaux, le 15 novembre 2011. relevés bancaires d’un allocataire, la suppression des (4) www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i3603.asp 2009 et 2009 13 juin 21 juill Nouvelle manifestation nationale Promulgation de la loi n° 2009-879 portant réforme de l’hôpital contre la loi HPST, « pour l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (JO du 22 juillet), public et la Sécurité sociale ». dont l’objectif est de moderniser l’ensemble du système de santé. LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012 25
DOSSIER Bilan santé de l’ère Sarkozy Budgets la rentabilité à tout prix Si peu de services hospitaliers VIH ont fermé, la pression financière qui s’exerce sur les hôpitaux et les réseaux ne s’en fait pas moins sentir, mettant parfois en péril l’accès aux soins des patients les plus précaires. A l’automne 2008, les patients de l’hôpital pari- d’effectuer leurs examens complémentaires ailleurs. « Il sien Saint-Joseph apprenaient la fermeture y a donc une dégradation de la qualité du service public, prochaine de leur service VIH. Depuis, leur qui conduit les patients à préférer – lorsqu’ils en ont les prise en charge est un vrai feuilleton. Recueillis à l’hô- moyens – d’autres solutions, qui sont inégalitaires », pital Necker en juillet 2009, ils découvrent que l’Assis- déplore le président du Copaci. tance publique hôpitaux de Paris (AP-HP) a un projet d’immense consultation ambulatoire VIH dans les Tarification à l’activité locaux décatis de l’Hôtel-Dieu. 5 000 patients au total « La logique de la T2A pousse à évincer les activités non doivent s’y retrouver : ceux des hôpitaux Saint-Joseph, rentables, dont les maladies chroniques font partie », Necker, Cochin, Pompidou ainsi qu’une part de la file analyse la vice-présidente de la Coordination nationale active de Tenon et de l’hôpital Henri Mondor à Créteil. des comités de défense des hôpitaux et maternités de Le tout pour le mois de septembre, alors que rien n’était proximité, Françoise Nay. Une dynamique accentuée par prêt. « Les professionnels de l’Hôtel-Dieu ne savaient la crise financière et la pression qui pèse sur les direc- pas que chaque consultation supposait un prélèvement teurs d’hôpitaux publics de retourner à l’équilibre budgé- préalable », se souvient le président du Comité pour les taire en 2012. D’où les nombreuses maternités qui fer- patients citoyens (Copaci), José Puig. L’ouverture est ment, les hôpitaux locaux transformés en EHPAD*, mais finalement repoussée au mois de janvier et la file active surtout des activités et des services hospitaliers qui dis- réduite aux patients de Saint-Joseph, de Necker, ainsi paraissent. Dans le champ du VIH, ces restructurations qu’à une partie de ceux d’Henri Mondor et de Tenon. Dégradation le travail se fait plus « L’accueil s’est avéré catastrophique. Pas à cause du personnel, avec qui nous avons travaillé en bonne intelli- que jamais à flux tendu. gence, mais parce que l’hôpital est dans un état lamen- table : il manque des sièges, la salle d’attente est trop petite… A notre arrivée, les dossiers étaient la plupart du temps absents », poursuit José Puig. Dans le transfert, semblent surtout concerner, pour l’heure, la capitale, les patients de Necker et de Saint-Joseph perdent les où d’autres hôpitaux – Saint-Antoine, Tenon et Becler – deux psychologues rattachés à leurs services respectifs. seraient menacés. « Mais tout est en stand-by jusqu’aux « La direction nous a répondu qu’il y avait des psycholo- élections », souligne José Puig. A Lyon, le service VIH de gues à l’Hôtel-Dieu, mais ces derniers ont déjà une file l’Hôtel-Dieu a certes fusionné récemment avec celui de active importante et ne connaissent pas le VIH », rela- l’hôpital de la Croix Rousse, mais pour des raisons spéci- te-t-il. Pour ne rien arranger, l’hôpital ne dispose pas de fiques, le maire de la ville, Gérard Collomb, ayant décidé lits d’hospitalisation VIH et l’hôpital de jour, principale- de réhabiliter l’Hôtel-Dieu pour en faire un lieu de com- ment équipé pour de la cardiologie, ne correspond pas merce et de prestige. Infectiologue à l’hôpital de la Croix aux besoins des patients séropositifs, qui sont obligés rousse, le Pr Peyramond estime que la fusion a été bien 0 ier 201 24 févr Rapport d’information de Claude Jeannerot, pour la commission 2010 des affaires sociales du Sénat : « Lutte contre le VIH/sida : renforcer la prévention, améliorer le pilotage de l’action publique ». 26 LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
TEXTEENLIGNEWWW.JOURNALDUSIDA.NET préparée et qu’elle a même fait gagner les patients en qualité de service, grâce à la mutualisation des savoir- faire des deux équipes. Il souligne toutefois ce qui sem- ble être une réalité pour tous les acteurs hospitaliers : le travail se fait plus que jamais à flux tendu. « Depuis un an, c’est pire que jamais, reconnaît-il. Les rempla- cements de congés maladie sont devenus impossibles ». Hôpitaux de jour en danger ? A Marseille, le Dr Isabelle Ravaux, infectiologue à l’hô- pital de la Conception, signale que le regroupement des services hospitaliers en pôles a bouleversé l’organisa- tion de son hôpital de jour. « Avant, nous disposions de libéraux vacataires de plein de spécialités différentes. ments historiques, mais perdu tout ce qui leur avait été C’était fantastique de pouvoir, au même endroit, voir accordé au moment de leur transformation en réseau de un gynécologue, un gastro-entérologue, un oto-rhino- santé et qui leur avait permis de proposer de nouvelles laryngologiste… D’un coup, on nous a dit de rendre les actions aux patients. Ou celui du réseau Sida hépati- vacations qui n’étaient pas directement liées au VIH », tes addictions (SHA) d’Aix-en-Provence, qui se prépare relate-t-elle. Il n’était pas rentable pour l’hôpital qu’une à mettre la clé sous la porte. L’an passé, l’ARS de Pro- personne séropositive puisse voir beaucoup de spécia- vence-Alpes-Côte-d’Azur lui a supprimé le financement listes en une journée. « On a trouvé des ficelles : nous historique qu’il recevait de la Sécurité sociale, au motif envoyons nos patients chez des médecins rattachés à qu’il était redondant avec d’autres financements perçus d’autres pôles situés à proximité, mais on ne peut plus en tant que réseau de santé. « Qui plus est, l’ARS nous proposer le même panel qu’avant », poursuit la prati- a annoncé qu’elle ne voulait plus financer les réseaux cienne, qui estime que les hôpitaux de jour VIH vivent de santé, sauf ceux qui concernent le diabète, le cancer, leurs dernières années : « L’idée des tutelles est de faire Alzheimer, la périnatalité et les soins palliatifs. Tous nos retourner les patients vers leurs médecins traitants. Je financements seront donc supprimés en juin prochain », ne suis pas contre, mais cela suppose des médecins trai- explique la présidente du réseau, Monique Sordage. tants formés à cet effet et une activité valorisée, or ce Bien loin de là, à Mulhouse, le réseau ville hôpital REVIH, n’est pas le cas. ». constitué de 37 médecins généralistes, d’une plate- forme pluridisciplinaire et de médecins hospitaliers, n’a Des réseaux asséchés pas subi de coupes budgétaires. Son coordinateur s’in- En outre, si l’objectif est de développer la prise en charge terroge toutefois sur l’effet qu’auront les contrats d’ob- en ambulatoire, comme y insiste d’ailleurs la loi HPST, jectifs et de moyens que le réseau va désormais devoir comment expliquer que tant de réseaux ville hôpital signer avec l’ARS. « On est prêts à se remettre en ques- perdent leurs financements ? Parfois, ces coupes sont tion, on est en négociation avec d’autres réseaux pour justifiées. « Le réseau de Nancy ne reçoit plus d’argent mutualiser des éléments logistiques, insiste le coordi- depuis deux ans, mais les médecins libéraux le désaf- nateur du réseau, Bertrand Klein. Ce qu’on voit venir, en fectaient depuis un moment déjà », reconnaît le Pr revanche, c’est une exigence de performance en matière Thierry May, président de la coordination régionale de de coûts de prise en charge. Si elle est trop forte, nous * EHPAD, établissement d’hébergement pour lutte contre l’infection à VIH (Corevih) Lorraine Champa- craignons de ne plus pouvoir offrir à nos patients les personnes âgées gne-Ardenne. En revanche, beaucoup de réseaux encore mêmes services – en éducation thérapeutique, en psy- dépendantes. actifs sont touchés. C’est le cas, par exemple, des chologie, en addictologie – qu’aujourd’hui ». ▪ réseaux VIH de Marseille, qui ont conservé les finance- Laetitia Darmon 201 0 10 1er avril mai 20 © CHRISTOPHE PEUS Mise en place des agences Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, annonce que 2011 sera « l’année régionales de santé (ARS). des patients et de leurs droits » conçue comme une célébration de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012 27
DOSSIER Bilan santé de l’ère Sarkozy éducation thérapeutique La grande déception La reconnaissance légale de l’éduca- santé (ARS) de Lorraine, comme l’exige la loi hôpital, tion thérapeutique du patient (ETP) patients, santé, territoires (HPST). Mais il fonctionne sans aucun financement dédié. « On sait que le CHU a au sein du parcours de soin est une obtenu une enveloppe globale pour l’éducation théra- avancée majeure du quinquennat. Mais peutique du patient (ETP), mais beaucoup de services se l’approche française très médicalisée plaignent de n’en avoir jamais vu la couleur, alors même et le manque de moyens alloués à l’ETP que leur programme a été autorisé », déplore le Pr May. Résultat, il faut bricoler, dans un contexte de travail n’ont pas permis d’enclencher une dyna- déjà difficile. « Une partie du temps infirmier de consul- mique à la hauteur des besoins. tation est dédiée à l’observance. Ça demande de jongler sur les plannings et tout se fait à flux tendu », poursuit le médecin. Une logique administrative Cet exemple n’a rien d’exceptionnel. Depuis la loi HPST, qui entendait donner à l’ETP – ce « processus de renfor- cement des capacités du malade et/ou de son entou- rage à prendre en charge l’affection qui le touche, sur la base d’actions intégrées au projet de soins »* – le rang de priorité nationale, rares sont pourtant les nouveaux pro- grammes qui ont obtenu un financement. Le ministère de la Santé ne dispose pas encore de chiffres actuali- sés, mais pour le président du Collectif interassocia- tif sur la santé (CISS), Christian Saout, le ratio de nou- veaux programmes financés serait « d’environ 5 %, mais il faudra attendre le bilan à un an de l’année 2011 pour avoir une vision plus claire ». Un curieux système s’est donc installé, où des programmes peuvent être autori- A sés sans pour cela recevoir les moyens de fonctionner. u service de maladies infectieuses et tro- « C’est la première fois que nous nous trouvons face à picales du centre hospitalier universitaire ce type de déconnexion entre autorisation et finance- (CHU) de Nancy, tous les nouveaux patients, ment. Au fond, on peut avoir le sentiment qu’on a mis en de même que ceux qui rencontrent des problèmes place une procédure d’autorisation administrative pour d’observance, peuvent désormais bénéficier d’un pro- le plaisir de faire de l’administratif », commente Chris- gramme d’éducation thérapeutique. « Ils voient une tian Saout. Ou pour habituer les équipes à faire de l’ETP infirmière, une pharmacienne, une psychologue. Les sans moyens… résultats sont bons. Nous avons même réussi à fidéliser à leur traitement des patients avec des profils psycho- Dures négociations logiques parfois difficiles », se réjouit le chef de service, Les programmes qui préexistaient à la loi ont eux aussi le Professeur Thierry May. Ce programme spécifique- parfois eu de la difficulté à obtenir leurs financements. ment hospitalier a été validé par l’agence régionale de A l’Assistance public des hôpitaux de Marseille (APHM), 010 . 2010 4 nov. 2 30 déc Présentation du « Plan national Promulgation de la loi de Finances qui restreint de lutte contre le VIH et les IST l’accès à l’Aide médicale d’Etat : les bénéficiaires 2010-2014 ». doivent s’acquitter d’un droit de 30 € par an. 28 LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
TEXTEENLIGNEWWW.JOURNALDUSIDA.NET par exemple, ce sont les chefs de service qui sont allés traitement, Eric Salat décrit des programmes essen- rencontrer l’ARS pour négocier leurs budgets. « Nos tiellement axés sur l’observance, « abordant peu ou pas référents hospitaliers, sentant qu’il ne leur serait pas la question médico-sociale, pourtant cruciale, surtout facile de reconduire les enveloppes dédiées aux missions pour des populations étrangères ou socialement vulné- d’intérêt général (MIG) [enveloppes servant à financer, rables ». Son association tente de monter son propre entre autres, l’éducation thérapeutique dans les hôpi- programme, mais cela ne va pas de soi. « Nous essayons taux], ont proposé à tous les médecins coordinateurs depuis un an de remodeler notre offre pour la transfor- d’ETP d’y aller à leur place, pour mieux faire valoir l’uti- mer en programme, mais il nous manque les patients lité de leurs actions », relate Sylvie Brégigeon, médecin dits experts – une expertise qui s’acquiert au prix d’un coordinateur du programme d’ETP du service d’immu- diplôme universitaire de 40 heures. C’est un comble, nologie hématologie clinique du CHU Sainte-Margue- pour une vieille association comme la nôtre », indique- rite – un programme qui existait avant la loi HPST. Et t-il. Il leur faut de plus trouver un médecin et obtenir de décrire une réunion longue et houleuse. « Au final, le financement de sa prestation. on nous a grignoté à chacun un peu de notre file active Quant aux programmes d’accompagnement, qui devai- prévisionnelle. J’avais demandé un budget pour 160 ent faire la part belle aux associations, leur décret d’ap- patients, je l’ai obtenu pour 150 ». Une file active pour- plication n’est toujours pas paru, laissant les pratiques tant déjà basse, puisque le service accueille 1 000 dans le flou. patients. Ne disposant que d’une infirmière et d’une Si, indéniablement, l’éducation thérapeutique fait nutritionniste formées à l’éducation thérapeutique, le davantage parler d’elle et suscite des initiatives, il reste Dr Brégigeon a dû choisir les catégories de patients donc difficile de parler d’une véritable dynamique. La loi qui lui semblait avoir le plus besoin d’ETP : les person- HPST promettait pourtant, en inscrivant l’ETP au sein nes en échec thérapeutique, les personnes venant pour du parcours de soin, de raccourcir le temps passé à l’hô- la première fois, celles changeant de traitement ou le pital et de baisser le coût global des maladies chroni- commençant, les personnes manifestant d’importan- ques en donnant aux patients les moyens de s’autono- tes difficultés d’observance suite à une perte d’emploi miser. « Un enjeu essentiel, quand on sait qu’un Français * Définition extraite du rapport « Pour une politique nationale ou une rupture affective. « Pour prendre en charge plus sur trois sera atteint d’une maladie chronique en 2020, d’éducation thérapeutique de patients, il nous faudrait au moins une deuxième infir- insiste Eric Salat. L’idée était excellente, mais on n’a pas du patient », remis en septembre 2008 mière formée », note le médecin coordinateur. fini de répondre comment, avec quels moyens et avec à la ministre de la Santé qui la mettre en œuvre. » ▪ Roselyne Bachelot. Les associations à la marge Laetitia Darmon Outre le manque de financements, l’éducation théra- peutique demeure par ailleurs très médicalisée et hos- pitalo-centrée, très peu de programmes étant montés en lien avec les associations. Aides, par exemple, n’est Au premier octobre 2011 parvenue à co-construire – avec des hôpitaux et une unité • 101 programmes concernant le VIH avaient été autorisés par de consultation et de soins ambulatoire (UCSA) – que les ARS – soit 3,8 % de l’ensemble des dossiers – et 47 concernant six programmes d’ETP : un sur chacun de ses territoi- le VHC – 1,77 % des dossiers. res d’action. « Travailler avec les équipes soignantes • Sur 2 657 programmes autorisés toutes pathologies confondues, s’est avéré à chaque fois très positif, mais on est très 69,70 % existaient avant la loi. loin de ce qu’on espérait ! En outre, nous n’avons pas • Le nombre de programmes financés n’était pas disponible reçu un centime des ARS et de l’Etat pour participer à (l’autorisation par les ARS ne vaut pas financement). ces différents programmes. Cela se fait donc à fonds (Source : ministère de la Santé) perdus », constate Franck Barbier. En charge des ques- tions législatives et d’économie de la santé à Action s 2011 2011 1er mar 14 juin Un forfait de 18 € s’applique Installation par Nora Berra, secrétaire d’Etat 2011 pour les actes médicaux d’un montant à la santé du Comité de suivi du plan national supérieur ou égal à 120 €. de lutte contre le VIH et les IST 2010-2014. LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012 29
DOSSIER Bilan santé de l’ère Sarkozy Le Partenariat Public Privé catastrophe pour l’hôpital Un hôpital vide dont l’Etat paie le loyer. Un directeur qui démissionne, le personnel hospitalier en grève, des politiques qui s’en mêlent, la Chambre des comptes qui dénonce un choix onéreux… Bilan provisoire du premier partenariat public-privé appliqué à l’hôpital. L e partenariat public-privé devait être la pana- devient explosive. En septembre 2011, Alain Verret fait cée. L’objectif : construire le plus grand hôpital valoir son droit à la retraite anticipée, Patrick Lajonchère de France (100 000 m2, 1 025 lits et 20 blocs est nommé directeur par intérim par l’ARS (qui n’a pas opératoires) sans faire appel aux deniers publics. Un bail répondu à nos questions). Le directeur annonce la pro- emphytéotique hospitalier (BEH) a été signé en 2006 chaine ouverture de l’hôpital : le 23 janvier 2012. entre le CHSF et Héveil, une filiale d’Eiffage. Héveil prend en charge la conception, la construction, le finan- Contestation tous azimuts cement et la maintenance du bâtiment pendant 30 ans, Les personnels ne l’entendent pas ainsi. Henri Lelièvre, recevant un loyer de 39 M d’€ par an. Coût initial du pro- président de l’association Sauvons notre hôpital public (2) jet : 344 M d’€, coût total avec les loyers : 1,2 Mds d’€. résume : « Il est hors de question d’entrer dans un hôpital Comme l’a écrit la Chambre des comptes (1) : « Ce choix qui n’est pas fonctionnel, de continuer à réduire le per- paraît très onéreux pour l’établissement. Le recours à une maîtrise d’ouvrage publique, financée par l’emprunt, aurait été une solution certainement moins coûteuse, l’issue de secours donne des sueurs froides. moins hasardeuse et surtout davantage maîtrisable par l’établissement. » D’errances en contrefaçons sonnel pour faire des économies, et donc saborder les En janvier 2011, Héveil livre un bâtiment et commence bénéfices futurs ». L’association a un plan de rechange : à percevoir des loyers, alors qu’un audit externe com- régler l’ensemble des dysfonctionnements, sortir du BPE mandé par le CHSF relève près de 8 000 malfaçons, pour être maître des murs, essayer l’hôpital en conditions dont certaines (pas de bibonnerie en néonatalogie, sal- quasi réelles, élaborer un projet médical pour faire « tour- (1) « Rapport d’observations monelle dans l’alimentation d’eau, électricité instable ner » l’ensemble de l’hôpital. Une votation citoyenne a été définitives Centre hospitalier sud francilien », Chambre dans les blocs opératoires, etc.) sont extrêmement pro- organisée du 8 au 11 décembre 2011 avant de se pour- régionale des comptes d’Ile-de blématiques. La société Héveil réclame 100 M d’€ pour suivre sur Internet (3) pour consulter l’opinion au sujet du -France, septembre 2010. pallier les anomalies, la goutte d’eau qui fait déborder futur de l’hôpital. En signant, les citoyens exigeaient que (2) http://sauvonsnotrehopital. over-blog.org/ le vase. le déménagement dans le nouvel hôpital soit déclaré (3) A l’appel de l’association Le 1er juillet 2011, le conseil de surveillance du cen- « officiellement et publiquement sûr, conforme et fonc- Sauvons Notre Hôpital Public, tre hospitalier sud francilien vote une motion exigeant tionnel » par l’ARS et le directeur du CHSF, la sortie du l’intersyndicale CGT, FO, SUD la renégociation du contrat avec Eiffage et la sortie PPP, le retour à une gestion publique et le cas échéant, Santé Sociaux, le Front de Gauche (PCF, Parti de Gauche, du BEH. Jérôme Guedj, président du conseil général que l’ARS et le ministère de la Santé s’engagent à garan- Gauche Unitaire), la section de l’Essonne, demande l’arbitrage du ministère de la tir les ressources de l’hôpital. Car l’issue de secours évo- PS de la 1re circonscription 91 ; Mouvement Démocrate 91 et Santé ou de l’Elysée. Manuel Valls, député-maire d’Evry, qué par le directeur (louer l’espace à des cliniques privées de La Villensemble, Bondoufle évoque un « scandale d’Etat ». Avec la grève des per- en oncologie et radiologie) donne des sueurs froides aux Energie Nouvelle, Agir à Lisses. En ligne sur www. sonnels hospitaliers, qui dénoncent les économies for- défenseurs de l’hôpital public. ▪ sauvonsnotrehopitalpublic.com cées par le biais des suppressions de poste, la situation Christelle Destombes 2011 t 2011 17 juin 1er aoû Publication au JO de la loi sur l’immigration Présentation du projet de loi qui modifie le droit au séjour pour les étrangers « sur la sécurité sanitaire du médicament », gravement malades. neuf mois après le scandale du Mediator. 30 LEJOURNALDUSIDA | n° 222 | janvier - février - mars 2012
Vous pouvez aussi lire