BIODIVERSITÉ Continentale - GIEC NORMAND

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BIODIVERSITÉ Continentale - GIEC NORMAND
#3

   GIEC NORMAND
BIODIVERSITÉ
                       Continentale
                        et Marine

                                        Synthèse réalisée par l’ANBDD à partir de la note
                                 produite par Estelle Langlois (Université de Rouen Normandie),
                                    Loïc Chéreau (GRETIA), Nathalie Niquil (CNRS Université
                                           de Caen Normandie), Jean-Claude Dauvin
                                                (Université de Caen Normandie)

w w w. n o r m a n d i e . f r
INTRODUCTION

   UN GIEC POUR LA NORMANDIE
   La Région Normandie                              à l’Université de Rouen Normandie
                                                    et membre du GIEC international. Il
   a confié à un groupe de
                                                    regroupe climatologues, géographes,
   23 chercheurs et experts                         écologues, géomorphologues,
   normands l’étude des                             agronomes, écophysiologistes,
   conséquences locales du                          géologues, biologistes, océanologues,
   changement climatique,                           épidémiologistes…
   pour éclairer l’action
   politique et mieux                           9 DOMAINES D’ÉTUDE
   informer le grand public.                         e janvier à décembre 2020, ils
                                                    D
                                                    ont établi un diagnostic dans neuf
                                                    domaines d’étude :
   MÊME COMBAT                                      les changements climatiques et aléas
    n référence au Groupe d’experts
   E                                                météorologiques, la qualité de l’air, l’eau,
   intergouvernemental sur l’évolution              la biodiversité, les sols et l’agriculture,
   du climat mis en place en 1988, à                la pêche et la conchyliculture, les
   la demande des sept plus grandes                 territoires (habitat et mobilités), les
   puissances économiques de la planète,            systèmes côtiers, la santé (pollutions,
   la Région Normandie a créé un                    nouvelles maladies).
   GIEC normand. À l’image de son
   aîné, il associe les meilleurs experts
                                                ÉTAT DES LIEUX
   pour appréhender les conséquences
   possibles du changement climatique                a somme de leurs travaux est traduite
                                                    L
   en Normandie.                                    au sein d’un corpus de documents
                                                    de synthèse à destination de tous les
                                                    décideurs de la région et du grand
   23 SPÉCIALISTES
                                                    public. Grâce à ce travail de projection,
    e GIEC normand est composé de
   L                                                le GIEC normand endosse
   23 chercheurs et experts, tous issus             le rôle de lanceur d’alerte
   d’universités et agences normandes.              auprès des normands.
   Il est coprésidé par Stéphane Costa,
   professeur de Géographie Physique et
   environnement à l’Université de Caen             POUR EN
   Normandie, également président du                SAVOIR
   Conseil scientifique de la stratégie
   nationale de gestion du trait de             Suivez l’évolution de travaux de
   côte, et Benoit Laignel, professeur          recherche du GIEC normand sur
   en géosciences et environnement              normandie.fr

                                 GIEC NORMAND   2    B I O D I V E R S I T É I #3
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

Caractéristiques générales du thème                                             support de l’expression d’une for-
                                                                                midable biodiversité, qu’elle soit
                                                                                animale, végétale, microbienne
                                                                                ou fongique.

                                                                                Le changement climatique, au tra-
                                                                                vers de la hausse des températures
                                                                                mais également de la hausse des
                                                                                niveaux des océans, exerce une
                                                                                pression indéniable sur la biodiver-
                                                                                sité continentale et marine, pres-
                                                                                sion qui risque de s’accentuer dans
                                                                                le futur si des mesures drastiques
                                                                                ne sont pas prises. Les effets de
                                                                                ce changement climatique (CC)
                                                                                sur la biodiversité s’accumulent
                                                                                avec d’autres facteurs de pression
                                                                                sur la biodiversité liés aux activi-
                                                                                tés humaines, comme les change-
                                                                                ments d’occupation du sol ou de
                                                                                pratiques, les pollutions, la frag-
                                                                                mentation des habitats ou encore
                                                                                l’implantation d’espèces invasives.

                                                                                La région Normandie n’échappe

E n France (métropole et outre-
  mer), la richesse biologique est
estimée à 182 854 espèces, répar-
                                        remarquable richesse de milieux
                                        plus ou moins anthropisés, se dé-
                                        clinant en forêts, bocages, plaines,
                                                                                pas à ces constats et des aug-
                                                                                mentations de températures sont
                                                                                d’ores et déjà simulées pour les an-
tie en différents règnes : animal,      falaises et cordons de galets, cor-     nées à venir, notamment en saison
végétal, fongique et microbien          dons de dunes, estuaires, prés sa-      estivale, associées à des diminu-
(Annexe 2, INPN 2019).                  lés et milieux saumâtres, prairies      tions de précipitations en été (DA-
                                        et bas-marais tourbeux, vallées et      TAR 2013 a,b). Dans ce contexte,
En Normandie, le contraste géolo-       prairies alluviales, landes sèches,     quelles seront les conséquences
gique qui divise en deux grandes        pelouses et forêts sur sols acides,     sur le maintien et le devenir des
parties le domaine terrestre de la      landes humides et tourbières            différents groupes taxonomiques
région (partie Ouest située essen-      acides, pelouses et boisements          terrestres, aquatiques et marins
tiellement sur le massif Armoricain     calcicoles, ainsi que des zones         présents en Normandie, et quelles
et partie Est située elle sur le bas-   bocagères, agricoles et urbaines.       problématiques et actions peuvent
sin Parisien) est à l’origine d’une     L’ensemble de ces milieux est le        émerger de ces constats ?

DOnnées et mOdèles utilisés dans le cadre de cette étude
L’ensemble des sources utilisées pour chacun des trois domaines traités, sont détaillées en annexe 1 :

• Biodiversité floristique terrestre de Normandie,
• Biodiversité des invertébrés continentaux terrestres et aquatiques de Normandie,
• Biodiversité marine.

                                         BIODIVERSITÉ I #3   3   GIEC NORMAND
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

État des cOnnaissances et premières
ObservatiOns de cOnséquences avérées
du changement climatique sur la
biOdiversité de NOrmandie = LES CONSTATS

                 1                                                                               2
                                      portés par les espèces selon les ré-
                                      gions, certains taxons bénéficient
                                      d’un statut de protection national.
                                      En Normandie, 30 espèces portent
     BIODIVERSITÉ                     ce statut soit 7% des espèces pro-               BIODIVERSITÉ
      FLORISTIQUE                     tégées nationalement.                          DES INVERTÉBRÉS
     TERRESTRE DE                     La richesse floristique de la Nor-              CONTINENTAUX
      NORMANDIE                       mandie s’explique d’une part par                TERRESTRES ET
                                      les faciès géologiques et pédolo-
                                      giques contrastés mais également                AQUATIQUES DE
                                      en raison d’un climat très contrasté              NORMANDIE
                                      à l’échelle du territoire notamment
                                      en termes de précipitations (Sa-
                                      vouret et Cantat, 2008).
                                      Les zones actuellement les plus
                                      riches identifiées (appelées aussi
                                      hotspot de diversité) sont locali-
                                      sées dans les vallées de Seine,
                                      de l’Epte, de l’Iton et de la Laize.
                                      A contrario, les milieux présen-
À  l’échelle de la Normandie, il
                                      tant les richesses floristiques les
                                                                                 L
   est recensé 1 856 espèces vé-                                                   a faune invertébrée normande
gétales. Cette richesse normande      plus faibles sont les milieux les
                                                                                   comporte de l’ordre de 15 000
représente plus de 30 % de la         plus homogènes où les pratiques
                                                                                 à 20 000 espèces (Mouquet,
flore vasculaire métropolitaine.      agricoles s’exercent régulièrement
                                                                                 communication personnelle).
                                      (plateaux cultivés essentiellement)
L’Union Internationale pour la        ou encore les milieux à fortes             Le phénomène d’expansion vers le
Conservation de la Nature (UICN)      contraintes écologiques exerçant           Nord de l’aire de répartition d’es-
définit une Liste Rouge des espèces   une pression de sélection sur les          pèces d’invertébrés continentaux
menacées comme un indicateur et       espèces les plus adaptées (bas             n’est pas nouveau en Normandie. Il
un outil de référence ayant pour      marais salés).                             semble cependant qu’il s’accélère
but de dresser un bilan objectif du                                              particulièrement depuis le début
degré de menace des espèces pré-      À l’heure actuelle aucune étude
                                                                                 du XXIème siècle et prend de l’am-
sentes sur un territoire donné. Sur   n’est réalisée à l’échelle régio-
                                                                                 pleur (Simon, 2016).
les 421 taxons menacés à l’échelle    nale pour comprendre comment la
nationale, 49 espèces indigènes       flore normande évolue face à des           Aujourd’hui, le déplacement d’es-
sont présentes en Normandie           modifications climatiques de plus          pèces en voie d’expansion via cer-
(Douville et Zambettakis, 2019).      en plus prégnantes : sécheresses           tains corridors géographiques se
                                      estivales, températures de plus en         précise, notamment en empruntant
En complément de cette classifi-      plus chaudes en été, hiver doux,           les corridors thermophiles, sculptés
cation mettant en avant les risques   baisse des nappes phréatiques…             par les grands fleuves du sud / sud-

                                          GIEC NORMAND   4   BIODIVERSITÉ I #3
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

est vers le nord / nord-ouest de la ré-       Orthoptèroïdes :                      pèces sont peu sensibles à la quali-
gion, ainsi que le long des littoraux et   Des observations inhabituelles d’es-     té écologique des milieux.
sur les coteaux calcicoles de la Nor-      pèces méridionales emblématiques,
                                                                                       Araignées :
mandie. Si des flux d’espèces de l’est     telle la Mante Religieuse. Cette année
                                                                                    Plusieurs espèces ont récemment
vers l’ouest sont aussi détectés, leurs    (2020), pour la première fois, elle a
                                                                                    colonisé la Normandie, telle Zorop-
couloirs de déplacement demeurent          été observée au cœur du frais bocage
                                                                                    sis spinimana encore cantonnée au
encore méconnus.                           ornais, en marge du département de
                                                                                    tiers sud de la France il y a une quin-
                                           la Manche, en situation urbaine.
De nombreuses premières men-                                                        zaine d’années (Le Péru, 2007). Les
tions d’espèces aux échelles dé-             Odonates :                             araignées concernées sont ther-
partementales, voire régionales,           Progressivement      de     nouvelles    mo-xérophiles et peu exigeantes
ont été réalisées ces dernières            espèces gagnent du terrain et            quant à leurs habitats.
années. Pour un nombre croissant           semblent s’installer. En 2020, la
d’espèces d’invertébrés continen-
                                                                                       Coléoptères coprophages :
                                           forte colonisation d’une espèce
                                                                                    le cas remarquable de l’expansion
taux, l’impact du CC se confirme           méridionale, Orthetrum albistylum,
                                                                                    de Coprimorphis scrutator, espèce
progressivement.                           a été observée par plusieurs odo-
                                                                                    découverte en Normandie en 2008
                                           natologues. Les témoignages pro-
Le CC est aussi identifié comme un                                                  et qui a progressé en cinq ans de
                                           viennent de nombreuses localités.
facteur favorable à la dissémination                                                40 km vers le nord a été bien carac-
                                           Le Perche est un lieu privilégié d’ob-
et à la prolifération des espèces                                                   térisé (Simon, 2012). Seul le CC est
                                           servations, véritable porte d’entrée
exotiques envahissantes, tel le fre-                                                envisagé comme cause probable
                                           pour ce type d’espèce vers l’Orne et
lon asiatique.                                                                      de l’évolution de son aire de répar-
                                           le Calvados.
À défaut de programmes de suivi                                                     tition.
scientifique spécifique des effets           Lépidoptères :
du CC sur les faunes normandes et          En 2020, près d’une dizaine d’es-
leurs rôles fonctionnels, de nom-          pèces de papillons de jour ont vu
breuses observations sont réali-           leur aire de répartition s’étendre
sées ponctuellement. Quelques              vers le Nord ou leur fréquence d’oc-
exemples de faits marquants de             currence s’accroître sensiblement
cette dernière décennie en Nor-            en Normandie. Il s’agit presque
mandie sont évoqués ci-dessous.            systématiquement d’espèces ther-
                                           mo-xérophiles. A noter que ces es-

                  3                         et Vaz et al. (2016) 80 espèces
                                            pour tout le bassin oriental de la
                                            Manche.
                                                                                     algues de l’archipel de Chausey
                                                                                     qui compte 384 espèces, celle
                                                                                     du nord Cotentin environ 200 et
                                                                                     celles de la baie de Seine n’atteint
      BIODIVERSITÉ                          L
                                             e nombre d’oiseaux présents
                                                                                     pas la centaine (Rusig et Mussio,
                                            en Normandie s’établit à 276 es-
         MARINE                             pèces, parmi eux 90 espèces
                                                                                     communications personnelles).

À l’échelle de la Normandie, les
  connaissances sur la biodi-
versité marine sont importantes
                                            marines dont 30 sont nicheuses
                                            sur le littoral.
                                                                                     D
                                                                                      es habitats marins exception-
                                                                                     nels, comme les récifs d’her-
                                                                                     melles (ver marin), les herbiers de
                                            D
                                             eux espèces de pinnipèdes, le
en raison de nombreux recense-                                                       zostères, les bancs de maërl sont
                                            phoque gris et veau marin, ont
ments qui ont été faits depuis le                                                    présents en Normandie.
                                            des populations prospères ; une
18ème siècle :
                                            dizaine d’espèces de cétacés             D
                                                                                      elavenne et al. (2013) ont don-
 C
  ’est probablement près de 3 000          sont potentiellement observables         né une classification du plancton
 espèces d’invertébrés qui ont              en Normandie.                            avec cinq zones présentes en
 été recensées dans les eaux                                                         Normandie : estuaire de Seine,
                                             ur les sept espèces de tortues
                                            S
 marines normandes.                                                                  côtes du Calvados, eaux cô-
                                            marines actuellement connues
                                                                                     tières en baie de Seine-Seine-
 P
  our les poissons, Le Mao (2009)          dans le monde, cinq ont été
                                                                                     Maritime, eaux du large en baie de
 comptabilise 179 espèces dans le           recensées en Normandie.
                                                                                     Seine-Seine-Maritime et eaux du
 golfe normand-Breton, alors que
                                            D
                                             u point de vue des espèces vé-         large du nord Cotentin.
 Maurin et al. (2010) recensent 74
                                            gétales, il convient de souligner
 espèces dans l’estuaire de la Seine
                                            l’exceptionnelle biodiversité des

                                             BIODIVERSITÉ I #3   5   GIEC NORMAND
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

L’ouest Cotentin se caractérise par      des espèces d’eaux froides et une         dans les rythmes naturels des es-
la présence de huit havres carac-        forte augmentation de celui des           pèces, phénomène attribué au ré-
térisés par de tout petits fleuves       espèces d’eaux chaudes.                   chauffement des températures :
côtiers et par un vaste estran dont                                                modification de la période de
                                        Quelques faits marquants peuvent
les abondances et biomasses de                                                     floraison printanière, décalage
                                        être observés :
la macrofaune sont importants et                                                   de la présence du méroplanc-
jouent un rôle de nourricerie pour       A
                                          u Nord-Ouest du Golfe normand-          ton (phase larvaire pélagique de
les poissons à marée haute de vive-      breton, sur des fonds de 0 à 70 m         certains organismes benthiques),
eau (mulets, bars), aux oiseaux à        dans une zone à fort hydrodyna-           avec un maximum saisonnier pro-
marée basse et en morte-eau ainsi        misme se trouvaient des mou-              gressant d’un mois entre 1958
que lieux d’hivernage et de halte        lières à modioles Modiolus modio-         et 2002, changement de proies
migratoire pour l’avifaune.              lus (habitat prioritaire d’OSPAR)         pour les larves et juvéniles de mo-
                                         qui étaient en Normandie en limite        rues contribuant à la diminution
La Manche orientale et l’estuaire
                                         méridionale de répartition. Au-           de leurs survies.
de la Seine constituent un sec-
                                         cune modiole n’a été récoltée par         En relation aux réductions hydro-
teur à enjeu pour la production des
                                         Foveau et Dauvin (2017) dans leur         logiques liées au CC, on assiste
larves de poissons qui alimentent
                                         prélèvement de 2015-2016. La              à une ‘marinisation’ de l’estuaire
en juvéniles les zones côtières de la
                                         présence ou l’absence de cette            de la Seine avec une pénétration
Manche et le bassin Sud de la mer
                                         espèce reste à confirmer, sa dis-         d’espèces marines dans la par-
du Nord.
                                         parition dans cette zone pouvant          tie aval de l’estuaire et une forte
                                         être liée au CC.                          réduction des biomasses planc-
                                                                                   toniques donc des proies pour
                                         D
                                          es progressions vers l’est liées
                                                                                   les juvéniles poissons dans cette
                                         aux CC sont attestées chez deux
                                                                                   partie de l’estuaire.
                                         espèces de crabe, le crabe marbré
                                         Pachygrapsus marmoratus (Pezy             Poissons :
                                         et Dauvin, 2015) et le crabe Asthe-       Le projet Eclipse (Ifremer) sur les
                                         nognathus atlanticus (Pezy et             effets de la pêche et du CC sur
                                         Dauvin, 2017).                            la structure des populations de
                                                                                   poissons a montré de fortes mo-
                                          ’huître japonaise Crassostrea
                                         L
                                                                                   difications au cours des années
Outre les pressions de pêche, les        gigas trouve, depuis une dizaine
                                                                                   1990 dans le bassin oriental de
efflorescences algales nuisibles         d’années, des conditions de tem-
                                                                                   la Manche. Les stocks de pois-
(HABs) affectent le fonctionne-          pérature favorables à sa reproduc-
                                                                                   sons pélagiques ont fortement
ment des écosystèmes côtiers. Il         tion aboutissant à la création de
                                                                                   diminué, parallèlement à leur
est donc important d’associer les        récifs sur les structures portuaires
                                                                                   augmentation en mer du Nord
changements des habitats dus au          et quelques zones des estrans
                                                                                   (Aubert et al., 2015) (cf. fiche
CC à ceux dus aux diverses activités     normands.
                                                                                   Pêche et conchyliculture).
humaines et aux risques toxiques
qui peuvent d’ailleurs augmenter
en relation avec les augmentations
de température.
Les premières observations de
conséquences avérées du change-
ment climatique s’observent sur des
espèces des groupes ci-dessous.
  Invertébrés benthiques :
  L’évolution des températures de        Organismes planctoniques :
  fond au cours des 30 dernières         Beaugrand et Goberville (2010)
  années montre un réchauffe-            ont montré des migrations très
  ment de 0,1 à 0,5°C par décen-         rapides du zooplancton le long
  nie d’ouest en est. Toutefois, ce      des côtes européennes entre les
  réchauffement ne s’est pas tra-        latitudes correspondant au sud
  duit par d’importants déplace-         du golfe de Gascogne à l’Islande.
  ments de l’aire de distribution des    Et d’importantes modifications
  espèces mais par une forte dimi-       de la phénologie des espèces,
  nution du nombre d’occurrences         c’est-à-dire des changements

                                            GIEC NORMAND   6   BIODIVERSITÉ I #3
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

COnséquences attendues du
                                                                                L’exemple des invertébrés conti-
                                                                                nentaux permet de souligner la
                                                                                crainte de voir les effets des CC,

changement climatique sur la
                                                                                cumulés aux autres causes d’éro-
                                                                                sion de la biodiversité, conduire à la
                                                                                réduction du domaine vital d’es-

biOdiversité de NOrmandie = LE FUTUR
                                                                                pèces aujourd’hui communes en
                                                                                Normandie, et à la régression pro-
                                                                                gressive des effectifs de leurs po-
                                                                                pulations, voire à des phénomènes
                                                                                de dérive génétique associés.
L es modifications du climat (sé-
  cheresses estivales, tempéra-
tures de plus en plus chaudes
                                         Milieux alluviaux :
                                         la diminution des précipitations
                                         entraînant un déficit hydrique sur
                                                                                Ces déclins sont particulièrement
                                                                                préoccupants du point de vue des
en été, hiver doux, baisse des           le bassin versant et donc une perte    services écosystémiques, notam-
nappes, etc.) qui s’enregistrent         d’alimentation en eau douce de         ment de la pollinisation et de son
de l’échelle mondiale à l’échelle        la vallée et de la nappe alluviale.    importance capitale. Ce déclin des
régionale (voir locale) vont en-         Ce déficit hydrique entraîne-          populations, notamment de rho-
traîner dans les prochaines années       rait de fait une modification des      palocères, et globalement des in-
des modifications de répartition         végétations     méso-hygrophiles       sectes, reste toutefois insuffisam-
géographique des espèces avec            vers des végétations plus méso-        ment quantifié.
dans le meilleur des cas une re-         philes ;
montée vers le nord des espèces                                                 Des conséquences sont également
                                         Milieux estuariens :                   prévisibles dans le domaine marin.
capables de coloniser de nouveaux
                                         augmentation du niveau de la           Lenoir (2011), à l’aide d’un modèle
territoires et dans le pire des cas
                                         mer entraînant une remontée            d’habitat appelé le Non-Parametric
une extinction de celles qui ne
                                         du front salin dans l’estuaire et      Probabilistic Ecological Niche Model
pourront trouver refuge dans des
                                         donc un impact sur la flore des        (NPPEN), a montré qu’une majori-
niches écologiques leur permettant
                                         milieux associés (roselières, prai-    té de la cinquantaine d’espèces de
de se maintenir. Des modifications
                                         ries sub-halophiles, prairies mé-      poissons, dont la répartition géo-
physiologiques et phénologiques
                                         so-hygrophiles). La flore pourrait     graphique a été modélisée, vont ef-
sont également à craindre pouvant
                                         ne pas supporter l’augmentation        fectuer un déplacement vers le nord
en retour modifier les interactions
                                         des teneurs en sels et se voir         pour rester dans un environnement
entre certains organismes. Des
                                         contrainte à la colonisation de        conforme à leur niche écologique.
modifications jusqu’à l’échelle gé-
                                         nouveaux milieux dans le meilleur      Ces changements altèrent le fonc-
nétique de certaines populations
                                         des cas ou bien à disparaître ;        tionnement du réseau trophique
peuvent à plus long terme s’en-
visager, comme évoqué dans la            Falaises :                             en modifiant la disponibilité et la
synthèse de Massu et Landmann            élévation du niveau de la mer et       qualité des ressources en poissons
(2011).                                  recul des falaises ;                   pour les consommateurs supérieurs
                                                                                comme les oiseaux marins.
Plusieurs types de milieux nor-          Milieux dunaires :
mands sont susceptibles de subir         élévation du niveau de la mer et       Des modèles de niche écologique
des modifications de leur fonc-          érosion des cordons dunaires si        (Ecological Niche Models) ont été
tionnement écologique en raison          la végétation n’est plus présente      utilisés pour déterminer la répar-
du changement climatique et de           pour jouer son rôle de fixateur du     tition potentielle d’espèces ben-
ses conséquences :                       substrat.                              thiques à l’horizon 2100 (modèle
                                                                                NPPEN, Rombouts et al., 2012). Les
    Coteaux calcaires :                 À titre d’exemple, au niveau des        répartitions probables en tenant
    élévation de la température,        havres de l’Ouest du Cotentin, les      compte d’un scénario de change-
    risque d’un déficit hydrique plus   ruptures de cordons dunaires lors       ment climatique intermédiaire du
    important et disparition de cer-    des tempêtes hivernales en lien aus-    GIEC pour deux périodes 2050-
    taines espèces ou bien une ac-      si avec l’élévation du niveau marin,    2059 et 2090-2099 montrent des
    climatation voire une adaptation    se traduisent par un ensablement        déplacements généraux des es-
    progressive (Dujardin, 2012) ;      des havres et pourrait réduire leur     pèces benthiques de la Manche
                                        forte productivité par une perte        (coquille Saint-Jacques et amande
  Milieux humides et tourbeux :
                                        conséquente des surfaces des            de mer par exemple) vers la
déficit hydrique, minéralisation
                                        prés salés et des vasières, zones       mer du Nord et la côte sud de la
de la matière organique, assè-
                                        les plus productives de ces milieux.    Norvège.
chement et affaissement des sols

                                         BIODIVERSITÉ I #3   7   GIEC NORMAND
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

                                                                                   PrOpOsitiOn
     CONCLUSION
     Bien que ciblée sur trois domaines de la biodiversité
     en Normandie (biodiversité floristique, biodiversité
                                                                                   en matière
     des invertébrés continentaux et biodiversité marine),
     cette synthèse permet de se faire une bonne idée                              de recherche
                                                                                   et d’actiOn
     des conséquences du changement climatique sur la
     biodiversité : la modification des aires de répartition
     des espèces, la disparition de certains milieux et
     espèces, la modification de cycles de vie d’espèces…
     l’ensemble pouvant induire des dérèglements dans
     le fonctionnement et les équilibres des écosystèmes
     (notamment par l’altération de la chaîne trophique),
                                                                                   À  l’heure actuelle, aucune étude
                                                                                      sur le lien CC et biodiversité flo-
                                                                                   ristique continentale n’est réalisée à
     démultipliant d’autant les impacts.
                                                                                   l’échelle régionale, mais les acteurs
     Ces atteintes aux milieux naturels et semi naturels                           locaux engagés dans la protection
     ainsi qu’à la biodiversité associée auront pour                               de notre patrimoine naturel esti-
     conséquence de dégrader les services rendus à l’espèce                        ment ce type d’action prioritaire.
     humaine (perte de ressources alimentaires, impacts                            Des initiatives sont menées pour
     sur la production primaire, réduction des capacités                           discuter et mettre en place des
     d’atténuation des risques…).                                                  suivis homogénéisés sur des sites
                                                                                   « sentinelles » basés sur des proto-
                                                                                   coles communs.
     Ces constats doivent nous inciter à agir rapidement et
     de concert :                                                                  En matière d’invertébrés continen-
                                                                                   taux, il reste encore beaucoup de
     •p
       our réduire fortement toutes les causes de l’érosion
      de la biodiversité (ce qui permettra à la fois de limiter                    travail à accomplir pour identifier
      l’effet cumulatif du CC et de renforcer la capacité de                       les stratégies de déplacement des
      résilience des écosystèmes)                                                  espèces et notamment l’existence
                                                                                   de corridors écologiques fonction-
     •p
       our mettre en œuvre des mesures d’atténuation du                           nels. Dynamiques d’atlas et mise en
      CC (réduction des émissions de GES).                                         œuvre de protocoles scientifiques
                                                                                   adaptés sont à déployer avec am-
                                                                                   pleur.
                                                                                   La complexité des mécanismes,
                                                                                   l’ampleur et la disparité des ré-
                                                                                   ponses au changement climatique
                                                                                   exigent le développement d’ob-
                                                                                   servatoires de la biodiversité. Il est

DOnnées à surveiller
                                                                                   capital de prendre en compte à la
                                                                                   fois les observations récentes et
                                                                                   actuelles, à l’échelle du siècle ou
                                                                                   moins, et les observations à l’échelle
 C
  artographies et suivis             coléoptères saproxylophages,                 du millénaire et au-delà.
 d’espèces floristiques ;             coléoptères aquatiques,
                                      coléoptères carabidae ;                      Les connaissances doivent encore
 O
  bservations d’espèces                                                           être développées pour apprécier et
 d’invertébrés continentaux           C
                                       olonisation de nouvelles                   suivre les conséquences du chan-
 dont espèces ayant valeur            espèces en Normandie ;                       gement climatique sur la biodiver-
 d’indicateurs écologiques :                                                       sité. Ces démarches doivent être
                                      O
                                       bservations de la
 «
  Classiques » = orthoptères,        biodiversité marine dans                     portées par des projets ambitieux.
 papillons de jours et                la zone du nord Cotentin                     Il importe de rassembler un panel
 odonates ;                           (pointe de la Hague ou pointe                complet d’acteurs du territoire et de
                                      de Barfleur), essentielles pour              sciences pour se projeter dans des
 A
  utres groupes très                 comprendre les migrations                    scénarios futurs de la biodiversité
 informatifs ou avec de fortes        vers l’est de bon nombre                     et de l’adaptation des socio-écosys-
 potentialités = gastéropodes,        d’espèces.                                   tèmes au changement climatique.

                                            GIEC NORMAND   8   BIODIVERSITÉ I #3
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

Annexe 1
Données et modèles utilisés dans le cadre de cette étude

         1    BIODIVERSITÉ FLORISTIQUE TERRESTRE DE NORMANDIE

    Données historiques :
    • Louis Alphonse de Brébisson : la première Flore régionale de Normandie - 1869
    • Louis Corbière : Nouvelle flore de Normandie - 1893
    Données contemporaines :
    • Flore Vasculaire de Basse-Normandie de Michel Provost
    • Atlas de la flore sauvage de Haute-Normandie (CBN Bailleul, 2015)
    • Guide des végétations des zones humides de Normandie Orientale (CBN Bailleul, 2019)
    • Flore rare et menacée de Basse-Normandie (Zambettakis et Provost, 2009)
    • État des lieux de la Normandie : nombre de données et nombre d’espèces de plantes
       vasculaires en Normandie, pour l’Observatoire de la Biodiversité de Normandie
       (Douville, C., Zambettakis C, 2019)
    Outils de recensement et de localisation des espèces végétales présentes dans la région :
    • Digitale 2 piloté par le conservatoire botanique national de Bailleul
       (antenne Haute-Normandie)
    • Calluna piloté par le conservatoire botanique national de Brest
       (antenne Basse-Normandie)

             2    BIODIVERSITÉ DES INVERTÉBRÉS CONTINENTAUX
                    TERRESTRES ET AQUATIQUES DE NORMANDIE
    Données historiques :
    issues des sociétés savantes, notamment les sociétés linnéennes.
    Données contemporaines :
    sous forme d’Atlas de répartition (orthoptères, bourdons, rhopalocères, noctuidae,
    pyralidae et crambidae, cerambycidae, scarbaeoidea).
    Outils de recensement et de localisation :
    • ODIN (SINP régional)
    • Base de données du GRETIA

                               3     BIODIVERSITÉ MARINE

    Données historiques :
    • de nombreux recensements ont été faits depuis le 18ème siècle par des naturalistes,
      enseignants et chercheurs des universités, et ingénieurs de bureaux d’étude.

    Données contemporaines :
    • Inventaires, catalogues, atlas, base de données permettent de dresser
       un inventaire assez exhaustif des espèces
    • Projets de recherches et travaux de modélisation (exemple : projet Eclipse (Ifremer)
       sur les effets de la pêche et du CC sur la structure des populations de poissons)

    Modèles :
    • Modèle d’habitat appelé le Non-Parametric Probabilistic Ecological Niche
       Model (NPPEN) (Lenoir, 2011)
    • Approche multi-modèles avec une sélection des modèles les plus efficaces
       (Araignous et al., 2019 ; Ben Rais Lasram et al., 2020)

                              BIODIVERSITÉ I #3   9   GIEC NORMAND
BIODIVERSITÉ Continentale et Marine

Annexe 2
La biodiversité en France
100 chiffres clés expliqués sur les espèces (source : INPN 2019)

             LES ESPÈCES INVENTORIÉES                                                                                              Bien que l’on estime que           de la biodiversité       80 %
             EN FRANCE                                                                                                                          française se trouve dans les outre-mer,
                                                                                                                                                      la connaissance des espèces y est
                                                                                                                                                             encore très incomplète
       95 582                                                                                                            France
                                                                                                                                                                                                                                           Gilles Boeuf
                                                                                                                                                                                                                      Président du conseil scientifique de
espèces en métropole                                                                                                  métropolitaine                                                                               l’Agence française pour la biodiversité
                                                                                                                         95 582                                                                                       et professeur à Sorbonne Université

& 85 238                                                                                        Saint-Pierre
                                                                                                et-Miquelon
                                                                                                   2 331
en outre-mer
                                                                                         Saint-Martin - 2 319
                                                                                           Saint-Barthélemy - 2 033
                                                              Clipperton                     Guadeloupe - 10 525
                                                                                              Martinique - 7 077
                                                                  885
                                                                                                  Guyane
                                                                                                  27 135
                      Polynésie française                                                                                                                                                                     Wallis-et-Futuna
                                                                                                                                              Mayotte
                            12 254                                                                                                                                                                                  2 822
                                                                                                                                               6 168

                                                                                                                                                                                                                                             Coraux
                                                                                                                              Îles Éparses                                                                                                    1 139
                                                                                                                                (TAAF)                  La Réunion                                                                        Métropole : 84
                                                                                                                                 2 020                    12 180                                                                         Outre-mer : 1 068
                                                                                                                                                                                                   Nouvelle-Calédonie
                                                                                                                                                          Îles                                          27 085
                                                                                                                                                    Subantarctiques
                                                                                                                                                     (TAAF) - 2 458   Saint-Paul et
                                                                                                                                                                    Nouvelle-Asterdam
                                                                                                                                       Crozet
                                                                                                                                                        Kerguelen

NOMBRE D’ESPÈCES                                                                                                                                                   Terre Adélie
                                                                                                                                                                      (TAAF)
ACTUELLEMENT RÉPERTORIÉES                                                                                                                                               982

                                                                                                                                                                                               Mammifères
                                                                                                                                                                                                  435
                                                                                                                                                                                               Métropole : 159                      Papillons
                                                                                                                                                                                               Outre-mer : 319                       13 779
                                                                                                                                                                                                                                 Métropole : 5 554
                                                                                                                                                                                                                                 Outre-mer : 8 373
                                                                                                                                                                   Sauterelles et grillons
   Poissons                                                                                                                                                                 883
    5 655
                                                                    Oiseaux                                                                                            Métropole : 236
 Métropole : 822
Outre-mer : 5 039                                                    1 763                                                                                             Outre-mer : 654
                                                                 Métropole : 599
                                                                                                                                                Crustacés
                                                                Outre-mer : 1 432                                                                 8 917
                                Plantes à fleurs
                                                                                                                                             Métropole : 3 913
                                    19 273
                                                                                                                                             Outre-mer : 5 234
                                Métropole : 7 746
                                Outre-mer : 12 290

                                                                                     Mollusques
                                                                                       11 350
                                                                                    Métropole : 1 985                                                                                                                              Champignons à chapeau
  Araignées           Reptiles              Amphibiens              Lichens                                                              Libellules et demoiselles            Mousses                Coléoptères
    2 722               417                    176                   4 398          Outre-mer : 9 527                                               478                        2 014                   22 439                             10 385
Métropole : 1 708                           Métropole : 43      Métropole : 3 157                                                                Métropole : 96             Métropole : 937        Métropole : 10 862                  Métropole : 9 519
                    Métropole : 46
Outre-mer : 1 036                           Outre-mer : 134     Outre-mer : 1 558                                                                Outre-mer : 394           Outre-mer : 1 285       Outre-mer : 11 844                  Outre-mer : 1 133
                    Outre-mer : 377

                                                        8                                                                                                                                      9

                                                                                                   GIEC NORMAND       10    BIODIVERSITÉ I #3
Abbaye-aux-Dames • Place Reine Mathilde
               CS 50 523 • 14035 Caen Cedex 1
        Tél. : 02 31 06 98 98 • Fax : 02 31 06 95 95

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